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En testant sa première division digitalisée, l'US Army jette les bases concrètes du combat moderne

15 juin 2001


M1A2 Abrams SEPD

eux semaines d'entraînement au National Training Center (NTC) de Fort Irwin ont permis à la 4e division d'infanterie américaine de démontrer aussi bien les brillantes qualités que les risques potentiels des systèmes numériques de commandement.

Mais en prouvant que les innovations lancées dans les années 90 à l'enseigne de la "Force XXI" augmentent de manière drastique les capacités sur le champ de bataille, l'US Army confirme la rupture doctrinale liée aux technologies de l'information et jette les bases concrètes du combat symétrique moderne.

«... Même au bénéfice d'une parfaite connaissance du terrain, l'OpFor a subi des pertes inédites et constaté tous les avantages de la digitalisation. »
«... Même au bénéfice d'une parfaite connaissance du terrain, l'OpFor a subi des pertes inédites et constaté tous les avantages de la digitalisation. »

L'exercice "Division Capstone" – DCX – s'est déroulé du 1er au 14 avril dernier, sur les 174'000 hectares utilisables du NTC dans le désert de Mojave. Il a mis aux prises deux brigades de combat (Brigade Combat Team) de la 4e division d'infanterie mécanisée, formées à partir de la 2e brigade d'infanterie et de la 4e brigade d'aviation, et le 11e régiment de cavalerie blindée en guise d'adversaire (OpFor), sous la dénomination factice de 60e division motorisée de la Garde. Quatre jours ont été consacrés à des attaques de l'OpFor sur la troupe exercée en défense, cinq jours à des attaques successives des brigades digitales, alors que les cinq jours restants ont permis de réaliser des tirs avec munitions réelles.

Equipées des mêmes systèmes de simulation à base de rayons laser, les forces bleues et rouges avaient toutefois un équipement bien différent: avec ses unités blindées et mécanisées traditionnelles, l'OpFor devait affronter pour la première fois des formations de combat complètement digitalisées, dotées de matériel dernier cri et de systèmes venant d'être introduits. Du coup, même au bénéfice d'une parfaite connaissance du terrain puisque s'y exerçant toute l'année, l'OpFor a subi des pertes inédites et constaté tous les avantages de la digitalisation – témoignant ainsi d'un nouvel âge dans l'art de la guerre.



De AirLand Battle au Future Combat System


La doctrine opérative et tactique actuelle de l'OTAN, dans son articulation spatiale (deep/close/rear operations) et temporelle (planifications séquentielles), découle largement du concept AirLand Battle introduit par les Forces armées américaines en 1982 et conçu dans la perspective d'une guerre conventionnelle en Europe. La principale innovation de ce concept résidait dans la collaboration permanente entre Forces terrestres et aériennes sur le champ de bataille, pour des actions menées simultanément dans la profondeur, au contact de l'adversaire et dans la zone arrière. Même si – et c'est heureux – aucun affrontement direct avec le Pacte de Varsovie n'a permis de pleinement vérifier cette doctrine, la guerre du Golfe en a en vu une application partielle.

Applique

Mais le spectaculaire développement des technologies de l'âge de l'information et son application logique à la chose militaire ne pouvaient se satisfaire d'une doctrine élaborée pour contrer un adversaire symétrique voué à l'attrition, dans un monde confronté aux défis nuancés de l'après-guerre froide. En 1994, la publication par le TRADOC américain de la brochure 525-5 "Force XXI Operations" témoignait du renouveau doctrinal en cours dans les Forces armées occidentales, en mettant l'accent à la fois sur le spectre élargi des missions pour les formations terrestres et sur les conséquences de la numérisation pour leur engagement. Premier pas vers une doctrine d'engagement pour le nouveau siècle, le 525-5 a concrétisé le lancement du projet Force XXI, visant rien de moins que la digitalisation complète des formations lourdes de l'US Army.

«... Malgré plusieurs critiques concernant l'avalanche d'ordinateurs impliqués, le potentiel de la digitalisation en termes d'agilité et de létalité a pu être confirmé. »
«... Malgré plusieurs critiques concernant l'avalanche d'ordinateurs impliqués, le potentiel de la digitalisation en termes d'agilité et de létalité a pu être confirmé. »

Une étape cruciale a été franchie en mars 1997 lorsqu'ont été mené des essais dans le terrain (durant les Army Warfighting Experiment) avec les premières versions des systèmes de commandement et contrôle numériques. Désignée pour être transformée la première, la 4e division d'infanterie avait ainsi reçu un grand nombre d'appareils et d'équipements venant se greffer sur ses véhicules de combat traditionnels, afin de les tester dans un environnement aussi proche que possible du combat. Malgré plusieurs critiques acerbes – et largement justifiées – concernant l'avalanche d'ordinateurs impliqués dans les processus de commandement et les risques multiples ainsi entraînés, le potentiel naissant de la digitalisation en termes d'agilité et de létalité a pu être confirmé.

De mises au point en mises à jour, d'essais sectoriels en expériences pratiques, la numérisation de la 4e division d'infanterie a été poursuivie et le point d'orgue du processus a été constitué par l'exercice DCX de début avril, véritable consécration de Force XXI. Il est néanmoins ironique de relever que, entre temps, l'appréciation des nécessités stratégiques et le besoin accru de forces projetables dans le monde entier ont amené l'US Army à lancer une transformation d'une toute autre ampleur: les formations lourdes de Force XXI ne sont plus ainsi qu'une force d'héritage (Legacy Force) destinée à être améliorée jusqu'à son remplacement en 2020, alors que des forces intérimaires (Interim Force) plus légères à base de blindés à roues sont mises sur pied à grande vitesse, pendant que des efforts considérables sont déployés en vue de la création d'une force (Objective Force) ayant l'objectif de rassembler à partir de 2010 toutes les qualités des formations lourdes et légères, grâce à un système de combat futur (Future Combat System).

Toutefois, l'aspect central de Force XXI – la digitalisation – conserve toute son importance, puisque toutes les innovations développées dans ce cadre seront intégrées aux autres forces – et notamment dans les brigades intérimaires en cours de formation.



Les nouveaux concepts de Force XXI


L'exercice DCX a vu l'engagement au total de 7432 soldats et de moyens récemment améliorés ou introduits: chars de combat M1A2 SEP Abrams, véhicules de combat d'infanterie M2A3 SEP Bradley, véhicules de dépannage lourds M88A2 Hercules, chars poseurs de pont M104 Wolverine, radars anti-aériens AN-MPQ-64 Sentinel, systèmes anti-aériens Avenger et Linebacker ou encore hélicoptères d'attaque AH-64D Apache Longbow. D'autres systèmes également engagés devraient par ailleurs être remplacés dans les années à venir, comme les obusiers blindés M109A6 Paladin (par le Crusader, s'il survit à la réforme en cours au Pentagone) ou les drones Hunter (par les drones tactiques Shadow 200).

Mais l'essentiel des forces bleues résidait dans la cascade d'appareils de l'Army Battle Command System (ABCS): le système de commandement tactique Force XXI Battle Command Brigade and Below (FBCB2) et le système de positionnement Maneuver Control System (MCS), tous deux encore en développement, ainsi que d'autres dispositifs déjà au point et officiellement adoptés par l'US Army – pour la fusion des renseignements (All Source Analysis System, ASAS), pour la conduite du feu indirect (Advanced Field Artillery Tactical Data System, AFATDS), pour la logistique (Combat Service Support Control System, CSSCS) et pour la défense anti-aérienne (Air and Missile Defense Workstation, AMDW).

FBCB2

Elément central de la digitalisation, le FBCB2 était ainsi installé sur près de 1000 plates-formes, allant du char de combat Abrams au véhicule de commandement léger Humvee. Tournant sur des processeurs Pentium III et comptant plus d'un million de lignes, le logiciel du FBCB2 permet à chaque cadre de disposer en permanence d'une image de la situation fournissant trois informations essentielles: son propre emplacement, l'emplacement des forces amies, et l'emplacement des forces adverses reconnues. Mais il permet également de communiquer à l'ensemble des membres du réseau de nouvelles informations concernant l'adversaire, renforçant ainsi de manière drastique la performance de l'exploration, tout en donnant aux chefs la possibilité de donner de nouveaux ordres à la manière d'un courrier électronique, avec un élément graphique désignant les nouveaux objectifs.

«... Le logiciel du FBCB2 fournit trois informations essentielles: son propre emplacement, l'emplacement des forces amies, et l'emplacement des forces adverses reconnues. »
«... Le logiciel du FBCB2 fournit trois informations essentielles: son propre emplacement, l'emplacement des forces amies, et l'emplacement des forces adverses reconnues. »

Au total, l'ensemble de ces systèmes numériques vise à concrétiser les nouveaux concepts développés dans le cadre de Force XXI et donnant une image précise du champ de bataille moderne, parmi lesquels:

  • La supériorité informationnelle (information dominance) et la conscience de la situation (situational awareness), grâce à la circulation transversale de l'information et à la redondance des réseaux sur lesquels elle circule, ce qui permet d'accélérer ses propres cycles décisionnels (agilité);


  • L'extension du cadre des opérations en passant d'un champ de bataille segmenté (deep/close/rear) et symétrique à un espace de bataille plus vaste, non linéaire et asymétrique, dans toute la profondeur duquel des opérations décisives et ciblées doivent être menées (létalité);


  • Le passage d'une prédominance du feu direct à une addition efficace des feux directs et indirects, permettant de réduire le nombre de plates-formes tout en augmentant leur efficacité terminale commune, et ainsi de diminuer le poids des formations (déployabilité);


  • Le flux constant des informations dans le domaine de la logistique, autorisant une pratique du soutien axée sur la distribution ciblée directement dans le secteur d'engagement de services adaptés aux besoins (endurance).

 

Mais comment cet environnement de systèmes numériques peut-il affronter un adversaire bien décidé à tout faire pour l'emporter? C'est précisément la question à laquelle DCX avait pour but de répondre.



Le déroulement des combats


L'US Army a communiqué de manière intensive et triomphante, par le biais d'un site Web spécifique, les résultats positifs que l'exercice a permis d'enregistrer. Mais d'autres sources d'information en donnent une image bien plus nuancée et montrent clairement les faiblesses des systèmes engagés et les possibilités qu'ils offrent à un adversaire habile. En fait, le déroulement exact de DCX n'a pas – ou pas encore – été rendu public, ce qui est éminemment regrettable. Mais plusieurs témoignages et articles permettent d'en reconstituer l'essentiel.

M2A3 Bradley SEP

Durant les premières 24 heures, une énorme tempête de sable a soufflé sur le désert de Mojave; du coup, les hélicoptères tous temps de la troupe exercée – Apache Longbow et Kiowa Warrior – n'ont pas pris l'air pour raisons de sécurité, et les deux camps se sont retrouvés à égalité concernant leur capacité de détection à moyenne portée – les forces bleues disposant cependant des images transmises par les avions JSTARS. L'attaque nocturne menée par l'OpFor s'est néanmoins révélé un échec; grâce à ses équipements, un seul char de combat Abrams a par exemple pu détecter l'adversaire à 8 kilomètres de distance, l'engager et mettre hors de combat 15 cibles avant d'être touché. Dans un autre secteur, une compagnie de chars a détruit 30 véhicules adverses en subissant 8 pertes.

«... La colonne de ravitaillement destinée aux forces mécanisées bleues s'est égarée dans la nuit, et l'attaque reprise de jour a entraîné de lourdes pertes. »
«... La colonne de ravitaillement destinée aux forces mécanisées bleues s'est égarée dans la nuit, et l'attaque reprise de jour a entraîné de lourdes pertes. »

Au total, l'offensive initiale de l'OpFor a permis une progression de plus de 20 km, échouant à 2 km de son objectif final, au prix de 60% de pertes contre 40% pour la troupe exercée, et sans jamais pouvoir rompre la cohésion de celle-ci, tout au long des 60 km de front qu'elle contrôlait. Les jours suivants se réduiront à des raids limités, jusqu'à ce que la 4e division passe à l'offensive.

La première attaque des brigades digitales a permis de démontrer l'utilité indiscutable de l'Internet tactique dans la coordination des mouvements: au moins un cas de friendly fire impliquant troupes au sol et appui aérien – un chasseur-bombardier F-16 prêt à larguer des sous-munitions antichars sur une colonne – a pu être évité grâce à la connaissance commune de la situation bleue. Mais cette attaque nocturne n'a pas pour autant été couronnée de succès: parfaitement embusqué dans les collines du NTC, l'OpFor a réussi à camoufler le gros de ses troupes et à priver d'objectifs la force bleue. De plus, la colonne de ravitaillement destinée aux forces mécanisées bleues s'est égarée dans la nuit, faute des systèmes numériques équipant les formations de combat et d'appui au combat. De sorte que l'attaque reprise de jour a entraîné de lourdes pertes et s'est soldée par un échec.

Par la suite, la 4e division a mieux exploité l'avantage de ses systèmes d'exploration. Durant une autre offensive, l'OpFor a par exemple lancé une contre-attaque avec un bataillon renforcé de 50 véhicules blindés; détecté à 40 km des positions propres par un JSTARS, dont les écrans étaient retransmis immédiatement au PC tactique de la division, ce convoi a été formellement identifié 5 minutes plus tard par un drone Hunter lancé dès sa détection. Quelques secondes plus tard, le temps de transmettre les informations par le réseau, les salves – simulées – des lance-roquettes multiples partaient, aboutissant à la destruction de l'adversaire en moins d'une minute.

DCX - PC brigade

Le lendemain, un JSTARS a détecté une concentration suspecte de véhicules dans une vallée étroite, faisant face à la direction de l'attaque prévue, et qu'un drone a permis d'identifier comme un bataillon adverse prêt au combat, mais ayant omis de protéger ses arrières.

Immédiatement, le commandant d'une brigade a ordonné une manœuvre risquée: une attaque frontale limitée destinée à fixer l'adversaire, et une attaque principale de flanquement dans une zone montagneuse où toutes les formations exercées tendent à se perdre – même de jour.

Mais grâce au système de positionnement sur chaque véhicule et à sa retransmission automatique dans le réseau, la manœuvre s'est avérée un succès et l'adversaire a pu être anéanti.

«... Une section à pied de l'OpFor put attaquer le PC en bénéficiant d'une surprise totale et détruire tout le système de commandement numérique de la brigade. »
«... Une section à pied de l'OpFor put attaquer le PC en bénéficiant d'une surprise totale et détruire tout le système de commandement numérique de la brigade. »

Durant une autre attaque, la même brigade a toutefois fait une expérience nettement moins glorieuse. Le commandant était à la hauteur de ses formations de combat dans son char de commandement Bradley, mais son PC tactique restait 25 kilomètres en arrière, au lieu des 10 à15 km généralement pratiqués; il a donc décidé d'utiliser une pause de combat l'après-midi pour transférer son PC tactique plus près des unités de pointe, un processus prenant 3 heures sans le temps de déplacement. Avant même que commence le démontage, un bref feu adverse s'abattit toutefois sur le PC, faisant 5 blessés et des dégâts légers.

Malgré cela, le commandant de brigade décida soudain de retarder le mouvement de son PC, afin de maintenir le flux d'images en temps réel des drones Hunter affectés à l'opération. Du coup, vers minuit, une section à pied de l'OpFor put attaquer le PC tactique et parvint, en bénéficiant d'une surprise totale, à réduire virtuellement en miettes des millions de dollars de matériel – et à détruire tout le système de commandement numérique de la brigade.



Le potentiel de l'ère digitale


Le bilan de la première division digitalisée est donc mitigé. Mais le bilan de la digitalisation est lui nettement positif, puisqu'il démontre des capacités sans précédent, même si elles exigent une instruction adaptée pour être pleinement exploitées. Les principaux effets positifs de l'Internet tactique sont les suivants:

  • L'orientation permanente, de jour comme de nuit, grâce au systèmes de positionnement à base de GPS et aux cartes digitales des écrans. Même si le brouillage ponctuel des signaux GPS est possible sans grand investissement, la désorientation permanente est quasi impossible;


  • Le risque réduit de friendly fire par l'émission permanente de la position de chaque véhicule ami, permettant une remarquable connaissance de la situation bleue – même si seule l'installation de systèmes d'identification ami-ennemi diminuera ce risque de manière drastique;


  • La coordination des mouvements de toutes les formations grâce à cette connaissance de la situation bleue, permettant à chaque formation d'utiliser au maximum les axes et fuseaux attribués et d'envisager des manœuvres complexes avec fluidité;


  • La multiplication des effets interarmes par la transmission intégrale de l'information, et donc une meilleure unité d'action et une plus grande économie des forces, tout en créant des conditions plus favorables pour la manœuvre;


  • Le flux constant d'informations logistiques émis par chaque système d'armes, autorisant une logistique flexible et distribuée, livrant à proximité de la zone de contact le service nécessaire – pour autant que les véhicules de soutien soient reliés au réseau tactique;


  • La rapidité potentiellement accrue du cycle décisionnel grâce à la transmission par le réseau de données numériques, y compris des éléments graphiques en temps réel, traversant les niveaux hiérarchiques et permettant des données d'ordres à la fois plus rapides et plus claires.

 

Mais l'exercice DCX a également permis de rappeler, malgré les expériences effectuées depuis 1997 par l'US Army, les failles et faiblesses réelles ou potentielles dont souffrent actuellement les systèmes de commandement numériques. En particulier peut-on citer:

  • Le pouvoir presque hypnotique des écrans de contrôle et le risque que les cadres des formations de combat fondent toutes leurs réflexions sur les informations fournies par le système et omettent une immersion sensorielle – voir, écouter – dans leur secteur d'engagement;


  • L'abstraction des facteurs humains et immatériels au profit d'une concentration sur les facteurs immédiatement quantifiables, aboutissant à une perte possible de perception d'éléments essentiels du champ de bataille – comme l'état physique et psychologique des formations propres et adverses;


  • La possibilité accrue de micro-conduite (micromanagement) pour les officiers généraux et supérieurs, puisque le système leur permet non seulement de voir mais également d'ordonner jusqu'au niveau groupe et section, en passant par-dessus les cadres subalternes;


  • La fragilité excessive des systèmes informatiques aux dérangements, qu'ils soient dus à l'imperfection des logiciels (bugs), à l'interconnexion de systèmes hétérogènes, ou tout simplement à l'action de l'adversaire – amenant les officiers d'état-major à davantage se préoccuper du fonctionnement des systèmes que de la situation des combats;


  • La lenteur potentiellement accrue du cycle décisionnel en raison de la surcharge d'informations (information overload), qui nécessite une grande capacité de synthèse et d'abstraction, et de la possibilité d'acquérir des informations sans cesse plus précises – en retardant le déclenchement de l'action.

 

Dire de la digitalisation des forces armées qu'elle constitue un arme à double tranchant relève donc de l'évidence. Mais peut-on pour autant avancer que ces forces et faiblesses sont immuables? Ce serait méconnaître l'ampleur du changement qui se cache derrière l'intégration des technologies de l'information aux opérations militaires.



Vers une rupture doctrinale


La plupart des observateurs du commandement numérisé s'accordent en effet à dire que nous ne sommes qu'à l'aube d'une nouvelle ère dans l'art de la guerre, et qu'une rupture doctrinale s'annonce comme inéluctable. Sans aller jusqu'à comparer l'Internet tactique à l'invention des armes à feu, il est en effet possible aujourd'hui déjà de remettre en question plusieurs éléments-clés des forces armées actuelles – comme la structure hiérarchique et le nombre de niveaux de commandement, le processus de prise de décision et le fonctionnement des états-majors, l'instruction et la conduite des cadres, ou encore l'articulation spatiale et temporelle des engagements militaires.

La vague de fond technologique que l'on désigne sous le terme de Révolution dans les affaires militaires (RMA) trouve avec le commandement numérisé des forces terrestres une application particulièrement prometteuse. En nier le potentiel et gloser sur une contre-RMA victorieuse, à partir des expériences actuelles, témoignerait du même aveuglement qui a frappé nombre de militaires occidentaux pendant l'entre-deux guerres – refusant les possibilités des grandes unités mécanisées sur la base des chars Renault 1917, ou dénigrant le potentiel des porte-avions à partir des expériences mitigées de l'USS Langley.

Dans le cadre de sa transformation, l'US Army jette les bases doctrinales concrètes du combat moderne. L'exercice DCX a certes placé la première division digitalisée dans des conditions d'engagement idéales – un opposant symétrique dans un milieu sans relief, au lieu d'un adversaire asymétrique en ville ou en forêt; il a néanmoins permis de montrer que la digitalisation des formations militaires conditionne désormais leur crédibilité dans le vaste spectre de missions propre à notre époque.



Cap Ludovic Monnerat    





Sources

Otto Kreisher, "Army testing high-tech heavy combat force", SignoOn San Diego Military, 06.04.01; Lisa Burgess, "Computers dominate war games, but common sense can save the day ", European and Pacific Stars and Stripes, 12.04.01; David Wood, "In a High-tech Nighttime Attack, the Army Leaves the Past Behind", NewHouse News Service, 18.04.01; Peter Pae, "War Is Hand-Held on Battlefield of the Future", Los Angeles Times, 27.04.01; communiqués DefenseLink et ArmyLink.


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