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L'US Army crée des brigades de combat capables d'être engagées en 96 heures dans tous les types de missions militaires

9 avril 2000


Le LAV III de l'Armée canadienne a été testé pour les BCT

Il aura fallu 10 ans à l'armée de terre américaine pour tirer les conséquences de la fin de la guerre froide dans l'organisation de ses forces: entre des divisions lourdes nécessitant un incroyable échelon de transport et un long délai d'engagement, et des divisions légères manquant à la fois de puissance de feu et de mobilité pour intervenir même dans des conflits de basse intensité, une solution intermédiaire devait être trouvée.

Cela semble aujourd'hui être le cas avec la création de brigades complètement nouvelles, dont les structures et matériels ne sont pas hérités des unités actuelles, mais directement et sans compromis déduits des exigences opérationnelles. Les Brigade Combat Teams (BCT), dont la première aura achevé sa transformation au 1er octobre 2000, jetteront ainsi les bases concrètes de la Force XXI.

 

Une nouvelle vision pour l'Army

Peu après sa nomination, le nouveau Chef de l'Etat-major de l'US Army, le général Eric K. Shinseki, a jeté le pavé dans la mare le 23 juin 1999, en dévoilant sa vision pour l'armée de terre: "Les forces lourdes doivent avoir une plus grande déployabilité stratégique et une agilité supérieure avec des exigences logistiques moindres, alors que les forces légères doivent avoir plus de létalité, de survivabilité et de mobilité tactique. Atteindre ce paradigme va nécessiter une réflexion innovatrice sur la structure, les efforts de modernisation et les dépenses."

Cette vision s'explique bien entendu par les difficultés que les militaires américains ont rencontrées durant les années 90: les mois nécessaires au déploiement des forces ayant mené l'opération Desert Storm, la puissance de feu insuffisante et le manque de véhicules blindés des Rangers à Mogadiscio en 1993, dans le cadre de l'UNOSOM II, ou encore les difficultés de déploiement pour les Task Forces US en Bosnie en 1995 ou au Kosovo en 1999. De fait, alors que les Etats-Unis disposent d'une aviation et d'une marine capables d'intervenir en quelques heures, et de fusiliers marins pouvant être prépositionnés, son armée de terre oscille entre trop peu et trop tard. Une carence incompatible avec la multiplication des déploiements qu'entraînent les conflits de basse intensité.

 

Le M8 AGS Ridgway, refusé voici 2 ans, pourrait ressurgir à la faveur des BCT

Une brigade déployable en 96 heures

L'US Army distingue ainsi trois contextes généraux dans lesquels ses forces peuvent être engagées: les opérations de soutien et de stabilisation (SASO), les conflits de basse intensité (SSC) et les théâtres majeurs de guerre (MTW). Comme ces contextes ne sont pas mutuellement exclusifs et que l'engagement rapide de forces crédibles peut avoir un effet préventif majeur, il s'agit donc de disposer d'un groupement de forces flexible et pouvant être rapidement déployé.

L'objectif que s'est fixé l'armée de terre américaine en matière de délai est le suivant: la capacité de déployer, depuis le continent américain à n'importe quelle région du monde, et quel que soit le type de mission, une brigade en 96 heures, une division en 120 heures et cinq divisions en 30 jours. Un objectif impossible à atteindre avec les moyens hérités de la guerre froide, les flottes de M1 Abrams, M2 Bradley, M109 et autres MLRS, malgré l'échelon de transport aérien stratégique unique que fournissent les avions C-5 et C-17.

 

Besoins opérationnels et organisationnels

La création ex nihilo d'une formation complètement adaptée à ces exigences relevant de l'impossible, l'US Army a lancé le concept des Interim Brigade Combat Team, c'est-à-dire de brigades construites avec des moyens actuellement disponibles, afin aussi bien de remplir les missions d'aujourd'hui que de fournir les bases pour les unités de demain. Selon ce concept, présenté le 16 octobre 1999, les besoins opérationnels et organisationnels des BCT sont les suivants:

  • Aptitude à l'engagement dans tout le spectre de missions; comme élément de protection des forces alliées et interarmées de maintien et d'imposition de la paix (SASO); comme élément rapidement déployable et décisif pour prévenir, contenir, stabiliser ou régler la crise (SSC); et comme brigade de combat dans une division menant des opérations de guerres (MTW), avec l'appui de moyens de l'échelon supérieur;


  • Rapidité de déploiement et capacité opérationnelle totale à l'atterrissage, dès l'abaissement de la rampe de l'avion de transport, sans étape intermédiaire de réception, échelonnement, intégration et mouvement (RSIO);


  • Maintien de la liberté de manoeuvre par une haute mobilité tactique et par une compréhension maximale de la situation;


  • Capacité de décision par des assauts d'infanterie débarquée avec un important appui de feu direct et indirect;


  • Mobilité opérative par avion de transport C-130 pour tous les éléments de la brigade;


  • Utilisation de plateformes existantes ("off-the-shelf") et compensation de leurs limites dans le combat par la combinaison des armes;


  • Efficacité maximale en milieu urbain et complexe, en minimisant les dommages collatéraux;


  • Déployabilité accrue et besoins logistiques réduits par l'adoption d'une plateforme unique;


  • Capacité de communication pour un engagement interarmées avec C4ISR;


  • Capacité d'opérer comme brigade de combat sous un état-major de division, de corps ou d'armée.

  

La mobilité opérative de la brigade BCT est assurée par les C-130

Ordre de bataille initial: brigade

Comme conséquence de ces besoins opérationnels et organisationnels, et à l'issue de nombreuses analyses et simulations, le concept de BCT a pris forme. Un ordre de bataille initial, pour une brigade essentiellement indépendante, a ainsi été défini. Il s'articule de la manière suivante:

  • 1 compagnie d'état-major, 1 compagnie de renseignements et 1 compagnie de transmissions comme éléments de conduite;


  • 3+ bataillons d'infanterie mécanisée/motorisée (le nombre d'exact doit encore être défini) comme éléments de manoeuvre;


  • 1 bataillon de reconnaissance, surveillance et acquisition des buts (RSTA) comme élément de recherche d'information;


  • 1 groupe d'artillerie autopropulsée, 1 compagnie antichar et 1 compagnie du génie comme éléments d'appui;


  • 1 bataillon de soutien comme élément logistique.

Selon cet ordre de bataille, la brigade compterait 3700 hommes et environ 400 véhicules blindés. A moyen terme, tous ces véhicules devraient correspondre à une plateforme unique devant être développée; dans l'immédiat, à l'exception du lance-roquettes multiples sur roues HIMARS qui équipera le groupe d'artillerie, tous les autres véhicules blindés seront d'un modèle nouveau pour l'US Army, mais existant actuellement sur le marché.

 

Ordre de bataille initial: bataillon d'infanterie

Les bataillons d'infanterie, qui comptent 750 hommes, doivent conjuguer flexibilité, mobilité et puissance de feu. L'organisation suivante est prévue:

  • 1 compagnie d'état-major, avec une section commandement, une section reconnaissance, une section lance-mines, une section sanitaire, un groupe transmissions et un groupe sniper;


  • 3 compagnies d'infanterie, avec un groupe commandement, trois sections d'infanterie, une section de canons d'appui, un groupe lance-mines et une équipe sniper.

L'un des éléments novateurs est la section de canons d'appui, qui tranche sans appel avec le dogmatisme du canon de 25 ou 30 mm: il s'agit d'une variante du véhicule blindé destinée principalement à l'appui rapproché de l'infanterie débarquée, portant un canon de 105 mm, capable de tirer jusqu'à 2000 m, mais également équipée d'un téléphone externe et de lance-pots nébulogènes. Ce qui correspond précisément aux nécessités du combat en milieu urbain, puisque seul un tel calibre peut transpercer la plupart des murs.

Les lance-mines, de 120 mm, sont bien entendu montés sur véhicule blindé. La section de reconnaissance sera également équipée d'un véhicule blindé, mais devra rester capable d'être engagée à pied. Enfin, la présence de 6 équipes snipers au sein du bataillon témoigne de l'optimisation du concept pour les conflits de basse intensité.

 

Ordre de bataille initial: bataillon de reconnaissance

Le bataillon de reconnaissance, surveillance et acquisition des buts doit fournir à la brigade une connaissance exhaustive de la situation. Comptant 500 hommes, il s'articule comme suit:

  • 1 compagnie d'état-major;


  • 3 compagnies de reconnaissance, avec une section commandement, trois sections reconnaissance et un groupe lance-mines;


  • 1 compagnie de surveillance, avec une section commandement, une section drones, une section radar, une section ABC et un groupe transmissions.

Avec ce bataillon, la brigade bénéficie donc d'une grande indépendance dans l'acquisition du renseignement et peut exploiter un vaste secteur d'intérêt, grâce à ses drones et à ses radars terrestres. Elle dispose également d'un élément capable de se défendre, puisque chaque section de reconnaissance est équipée de véhicules blindés et de missiles antichar Javelin, alors que le groupe lance-mines aligne deux pièces de 120 mm.

 

Le Piranha III de Mowag a participé à la démonstration

Véhicule blindé - chenillé ou à roues

Pour l'US Army, il reste cependant au moins un noeud gordien à trancher: le choix du véhicule blindé, désigné par l'appellation Interim Armored Vehicle (IAV). La définition des besoins ne tranche pas entre roues et chenilles; chaque variante devra simplement pouvoir suivre le rythme des autres éléments. Ces besoins comprennent: une autonomie de 460 km, une vitesse standard sur terrain plat d'au moins 64 km/h et un poids en ordre de combat maximal de 19 tonnes, afin de permettre à un C-130 de transporter le véhicule sur 1600 km sans ravitaillement en vol.

S'il s'agit d'un véhicule à roues, il doit être capable de rouler avec ses pneus crevés et être équipé d'un système de gonflage/dégonflage des pneus central. Un véhicule chenillé doit pour sa part être capable de franchir une courte distance avec une roue en acier hors service de chaque côté.

 

35 véhicules blindés en démonstration

Afin de rendre ce choix possible, l'US Army a organisé du 19 décembre 1999 au 20 janvier 2000, à l'Army Armor Center de Fort Knox, une gigantesque démonstration avec 35 véhicules blindés. Cette démonstration avait pour but de réunir des informations pratiques sur les IAV potentiels actuellement disponibles, de communiquer à l'industrie les exigences de l'armée mais aussi d'adapter celles-ci, tout en explorant les possibilités de développement des plateformes existantes.

Cette démonstration, effectuée par des soldats de l'armée instruits par les spécialistes des sociétés participantes, comprenait 6 domaines: déployabilité par C-130, mobilité tactique sur route et dans le terrain, tir jour/nuit contre des positions renforcées, agilité en terrain urbain et complexe, exigences logistiques et maintenance, ainsi que capacité amphibie.

Parmi les 35 modèles présents, on citera des candidats majeurs comme le M113A3 et M8 AGS Ridgway de United Defense, le Pandur 6x6 de Steyr, le Fuchs de Henschel, la gamme des LAV III utilisés par l'armée canadienne ainsi que le Piranha III de Mowag, sans oublier le VAB de Giat. Au total, 15 véhicules chenillés et 20 à roues, dans des versions reconnaissance, transport de troupe, canon d'appui, antichar, lance-mines, commandement, génie et même ambulance.

 

Les résultats de la démonstration

Même si cette démonstration ne constituait pas à proprement parler un test, puisque c'est bien la création des BCT qui permettra de tirer des conclusions définitives, ses résultats sont cependant dignes d'intérêt, ne serait-ce que par l'ampleur d'une telle procédure:

  • Déployabilité: tous les véhicules peuvent être déployés par C-130, même si leur chargement de combat a une influence sur l'autonomie de l'avion;


  • Mobilité: la plupart des véhicules ont fait preuve d'une grande mobilité, sur route, en terrain difficile ou dans l'eau, qu'ils soient chenillés ou à roues;


  • Létalité: tous les véhicules antichar ou canons d'appui ont démontré leur aptitude à engager des cibles blindées à 2000 m, les canons d'appui faisant également leurs preuves à courte distance;


  • Survivabilité: si tous les véhicules disposent d'une protection complète contre des munitions de calibre 7,62 mm, la pose de blindages supplémentaires excéderait probablement la limite du C-130; un système embarqué de détection des mines devrait par ailleurs être installé;


  • Logistique: la plupart des véhicules ont démontré une grande fiabilité, même si seule l'adoption d'une plateforme permettra de considérablement réduire l'échelon logistique.

 

En résumé, même si certaines faiblesses ont été relevées, les véhicules blindés actuellement sur le marché correspondent aux exigences définies. De sorte que la transformation des unités pourra être rapidement menée à bien.

 

Le VAB de Giat Industries a également pris part

Opérationnelle au 1er octobre 2000

L'US Army a en effet un objectif clair: le 1er octobre 2000, la première brigade BCT sera complètement opérationnelle, avec des moyens loués ou prêtés. L'appel d'offres pour l'acquisition des quelque 1740 IAV initialement prévus a été lancé le 7 avril; le choix devrait intervenir début juin, et la 3e brigade de la 2e division d'infanterie aura l'honneur d'être la première transformée, devant être suivie en 2001 par la 1ère brigade de la 25e division d'infanterie et par 3 autres brigades jusqu'en 2004.

Afin de financer ce programme estimé prioritaire, puisqu'il correspond aux missions et besoins actuels, l'armée de terre américaine a par ailleurs procédé, dans sa demande de budget pour 2001, à une restructuration et à un désinvestissement de certains programmes, parmi lesquels le Stinger Block II, la Small Tactical Rocket (MSTAR) pour les MLRS, ou encore l'obusier blindé Crusader.

 

Saisir le taureau par les cornes

Avec la création des Brigade Combat Team, l'US Army s'est donc décidée à saisir le taureau par les cornes et à s'attaquer, par le biais d'un processus logique et systématique, aux conséquences concrètes des objectifs stratégiques qu'elle doit atteindre dans le cadre des Forces armées. Les déclarations du général Shinseki n'ont d'ailleurs pas tardé à susciter de nombreux remous dans les rangs, la possibilité d'introduire une gamme complète de véhicules de combat et d'appui à roues étant considérée comme iconoclaste par certains thuriféraires de la chenille. Les moyens primeraient-ils la mission?

Dans le cadre de notre réforme Armée XXI, il est sans aucun doute regrettable qu'un tel processus intellectuel n'ait pas été mené à bien, puisque la définition par exemple du char de grenadiers 2000, dictée plus par l'héritage matériel que par les besoins réels, ne correspond pas à la polyvalence dont les Forces armées doivent de nos jours faire preuve.




Plt Ludovic Monnerat    








Sources

Training and Doctrine Command, Briefing on Status of Brigade Combat Team, 16.10.99; US Army Armor Center, Platform Performance Demonstration - Assessment & Findings, 20.2.00; communiqués US Army; Federation of American Scientists


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