Combattre en digital ou en analogique
21 mars 2001 (traduit de l'anglais)
Texte original: Lieutenant-colonel James E. Harris III, US Army, paru dans Military Review, novembre-décembre 1999
J'ai eu la chance de commander un bataillon d'infanterie légère dans deux Centres d'entraînement de combat (Combat Training Center, CTC), le Joint Readiness Training Center (JRTC), de Fort Polk en Louisiane, et le National Training Center (NTC), de Fort Irwin en Californie. Toutefois, chaque rotation ou "combat" n'était pas seulement différent par rapport à l'ennemi affronté, mais aussi selon la composition de la force amenée à combattre. Au NTC, le bataillon combattait comme une force digitale participant aux Army Warfighting Experiment (AWE) avec de nombreuses innovations high-tech, en tant qu'élément de la Task Force FORCE XXI de la 1ère Brigade, 4e division d'infanterie. Six mois plus tard, le bataillon combattait au JRTC comme une force strictement analogique en abandonnant tout l'équipement high-tech à la fin du AWE au NTC.
Les deux différentes forces réussirent dans les deux exercices face à des ennemis différents; toutefois, la force digitale qui combattit au NTC fut davantage meurtrière et dominante, grâce aux initiatives et aux idées contenues dans le concept FORCE XXI. Plusieurs fois au JRTC, les jeunes soldats, les sous-officiers et les officiers qui avait pris part au AWE disaient : "Mon Colonel, si seulement nous avions eu … comme nous avions au NTC". Après avoir combattu en digital et en analogique, je crois que l'armée se tourne dans la bonne direction avec ses innovations technologiques destinées à acquérir un avantage appréciable sur les ennemis futurs.
Garder notre avantage
Trois domaines significatifs auxquels nous aurons tous à faire face ont été révélés par les innovations AWE et FORCE XXI : l'impact de la domination de information et de l'espace de bataille avec ses effets sur le commandement et le contrôle (C2), la nouvelle appréciation de la compréhension de la situation, et la force de frappe de la troupe – en accroissement permanent grâce à la technologie –, qui seront un challenge pour tous nos futurs chefs. Dans les lignes qui suivent sont soulignés les gains et les défis que cette nouvelle technologie et ce nouveau concept auront dans l'armée, en s'adjugeant un avantage unique sur n'importe quel adversaire.
L'information est vitale pour n'importe quel chef militaire, afin de commander et de contrôler efficacement une formation. L'information au bon moment est encore plus importante. Les innovations FORCE XXI apportèrent au commandant une quantité extraordinaire d'informations qui renforcèrent la troupe. Pour assister cette gestion de l'information, la formation fut intégrée dans le Système de Commandement et de Contrôle de l'Armée (Army Command and Control Systems, ATCCS), qui donne un appui C2 automatique au commandant et à son état-major, tout en fournissant une vue commune du champ de bataille.
Le poste de commandement (tactical operations center, TOC) du bataillon était équipé du Système de Contrôle des Manœuvres (Maneuver Control System/PHOENIX, MCS/P) sous la houlette du S3. Le Système d'Analyse de Toutes les Sources (AllSource Analysis System, ASAS) était lui sous le contrôle du S2, qui exploitait aussi le Système Global de Radiodiffusion de Distribution de Donnée sur la Connaissance du Champ de Bataille (Global Broadcast System-Battlefield Awareness Data Distribution System, GBSBADD), fournissant un lien vidéo automatique et digital avec des drones, des avions de surveillance radar JSTARS et des d'autres sources supplémentaires de renseignements.
L'officier d'appui de feu s'occupait du Système de Données Tactiques pour l'Artillerie en Terrain Avancé (Advanced Field Artillery Tactical Data System, AFATDS), le reliant avec le réseau de feu de la brigade composé d'obusiers Paladin 155mm, d'une batterie légère de 105 mm et du Système de Contrôle de Feu des Lance-mines (Mortar Fire Control System, MFCS) avec ses lance-mines organiques de 120 mm. Tous les éléments de l'état-major étaient reliés ensemble avec les subordonnés et les supérieurs à travers l'Internet Tactique (Tactical Internet, TI) en utilisant un logiciel commun appelé Applique. Du côté récepteur à l'intérieur du bataillon, des soldats et cadres au niveau bataillon, compagnie, section, groupe et équipe recevaient cette information grâce à des équipements informatiques montés sur des véhicules ou débarqués au moyen du Système du Soldat Débarqué (Dismounted Soldier System, DSS), le précurseur du projet Land Warrior en cours de développement.
Ensemble, ces systèmes apportèrent au commandant une plus grande capacité à effectuer le processus de prise de décision et préparer les ordres d'engagement au bon moment et de manière efficace. Les systèmes apportèrent à l'état-major d'excellent outils dans l'analyse de la mission et la préparation d'ordres d'engagement, d'ordres partiels et d'orientations pouvant être transmis instantanément à tous les éléments de la formation, ou à des unités sélectionnées, par la pression d'un bouton. La capacité à recevoir et à transmettre des informations vers le haut ou vers le bas a été considérablement accrue, rendant la dissémination d'information opportune, simple et efficace. La formation n'était pas totalement dépendante de la communication vocale par radio. Idéalement, la communication vocale a pu être minimisée de manière significative.
Au NTC, ces systèmes fournirent l'accès à de vastes quantités d'informations et facilitèrent largement le C2. Les cadres et les soldats furent mieux informés sur les positions amies et ennemies qu'au JRTC. La possibilité pour tous de partager la même image fut grandement améliorée à tous les niveaux. La vitesse à laquelle les ordres purent être transmis et visualisés avec des graphiques nous donna un avantage significatif sur l'ennemi par rapport aux opérations passées et au JRTC. Ceci augmenta nos capacités à mettre en mouvement plus rapidement les unités sur leurs objectifs ainsi que sur leurs sites défensifs, donnant plus de temps pour planifier et préparer les missions. La capacité des états-majors à tous les niveaux, y compris les commandants de compagnie de fusiliers, à planifier parallèlement au déroulement des ordres a été renforcée par ces outils.
A la fin, les traditionnels rapports de données d'ordres au NTC devinrent plus routiniers et pas aussi critiques qu'ils ne l'avaient été au JRTC pour finaliser les opérations, grâce aux possibilités de planification parallèle fournies par la digitalisation. Le vieux fax tactique et la dépendance de la communication radio par le Système de Radio Terrien et Aérien à Canal Unique (Single Channel Ground and Airborne Radio System, SINCGARS), l'équipement de téléphonie mobile ou les officiers de liaison au JRTC ralentissaient notre capacité à planifier et à exécuter, comparés aux opérations au NTC.
La capacité de voir physiquement l'itinéraire prévu pour une opération ou pour atteindre un objectif potentiel à travers l'imagerie du monde réel, via les drones et le GBSBADD, augmenta notre capacité à vaincre l'ennemi. Apercevoir une progression vers nos flancs par Applique, TI et MCS/P et être capable de repositionner les troupes pour contribuer à vaincre un ennemi arrivant d'une direction inattendue nous donna un avantage que nous n'avions jamais eu auparavant. Grâce aux systèmes disponibles durant les AWE, une section antichar dans la Vallée Echo au NTC se repositionna et détruisit de manière importante une unité mécanisée adverse (Opposing Force, OPFOR).
Un tel degré de visibilité et d'information n'était pas disponible au JRTC. Au NTC, chaque unité dans le bataillon pouvait voir la situation depuis ses écrans digitaux et prendre l'initiative de contribuer à vaincre l'ennemi où c'était possible. De plus, les informations sur l'ennemi étaient beaucoup plus actuelles et l'ennemi était toujours détecté à une plus grande distance au NTC qu'au JRTC. La transmission de cette information aidait les unités à mieux se positionner, afin d'engager l'ennemi et de le détruire à une plus grande distance au NTC qu'au JRTC.
La gestion de l'information
La domination de l'information a contribué au succès durant le NTC en battant l'ennemi dans une plus large mesure qu'au JRTC. Toutefois, plusieurs défis accompagnèrent cette domination et son impact sur le C2. Combien d'information est en surplus, à quel niveau et à qui cette information doit être disponible sont des considérations-clés. Plus d'informations n'est pas toujours mieux. Ce sont les mêmes interrogations que plusieurs d'entre nous sont en train d'expérimenter dans l'âge de l'information : la possibilité pour tous d'avoir accès à, de transmettre et de recevoir une énorme quantité d'informations sur un sujet d'actualité particulier en provenance et à destination d'une multitude de sources. L'information mal gérée peut être dysfonctionnelle et envahissante.
La clé consiste à assurer que l'essentiel de l'information est fournie au commandant et à son état-major pour prendre à temps les bonnes décisions. Bien que l'ATCCS fournit des informations de qualité supérieure, ce fut une tâche en elle-même que de filtrer le montant énorme de données et obtenir l'information essentielle. Toute l'information essentielle peut être là, mais elle est entourée par une montagne de données non essentielles. Au NTC, nous avions quelquefois une parfaite connaissance de l'ennemi, mais nous ne l'avions pas reconnue à cause du grand volume d'information et de systèmes disponibles pour le commandant. Les systèmes eux-mêmes ont des possibilités de filtrage, mais ceci doit être géré et contrôlé de manière constante. La disponibilité des systèmes selon le niveau doit également être étudiée. Un commandant de bataillon devrait-il avoir la possibilité de voir une vidéo JSTAR ? Combien devons-nous ajouter au " kit tactique " du commandant ?
Les systèmes ATCCS ont par ailleurs des outils remarquables pour effectuer une analyse de la mission et d'autre aspects du processus de prise de décision, y compris la préparation des ordres d'engagement et des plans ; mais cela en soi prend du temps pour aller dans le système et extraire le matériel dans une forme utilisable et présentable. Le logiciel tournant sur ces systèmes doit être convivial, utile et flexible. C'est aussi valable pour les logiciels dans l'IT et Applique. En bref, tous les logiciels doivent être simples, appropriés et similaires au système e-mail, auquel la plupart des soldats sont habitués sur leur ordinateur personnel.
Nous devons aussi aborder la composition de l'état-major et potentiellement la restructurer pour gérer tous les systèmes et informations supplémentaires. La section S2 normale dans une table d'organisation et d'équipement d'infanterie légère compte 5 personnes. Dans le passé, ces soldats exploitaient deux réseaux radios 24 heures sur 24. Maintenant, les ATCCS gérés par les S2 ont gonflé de manière importante et créent un problème d'effectif. De même, le déluge d'informations et l'effectif limité ont un impact sur l'aspect le plus important de l'analyse des renseignements. Plus d'informations nécessite plus de temps de traitement. Plus le temps de traitement est réduit, plus l'information sera efficace et opportune pour le commandant. Augmenter la taille de l'état-major n'est probablement pas la bonne réponse dans une armée aux effectifs s'amaigrissant. Un état-major mieux instruit aux possibilités de l'informatique sera un must, mais son habileté au combat ne doit pas disparaître. L'entraînement dans ces deux domaines est un must.
Domination de l'information
Un autre défi réside dans le niveau auquel la domination de l'information devrait être étendue. En particulier, chaque soldat débarqué doit-il avoir le DSS ou l'éventuel Land Warrior? Le logiciel peut être adapté pour donner accès à des fonctions sélectives et à des niveaux spécifiques au personnel ou aux cadres-clés, afin d'empêcher un soldat de communiquer directement avec le commandant de division sur l'IT. Il n'y a pas un besoin pour n'importe quel soldat d'avoir toutes les possibilités du DSS, auxquelles on avait accès au NTC. Notre expérience montra que le chef de section devrait être le niveau le plus bas où le système devait être employé, car il recevait un ordre partiel avec des graphiques du commandant de compagnie pour exécuter une mission à travers l'IT grâce à Applique. Le soldat débarqué devrait seulement avoir un équipement de communication vocale et un appareil de positionnement, grâce auquel le chef de section pourrait voir physiquement l'emplacement de ses soldats sur son affichage Applique, ou au minimum la position du chef de groupe. De plus, les contraintes de poids, de génération d'énergie (batteries) et la gamme données/voix pour les systèmes devinrent des facteurs importants dans cette considération. Tous ces 3 facteurs représentaient des contraintes et des limitations significatives sur la troupe au NTC.
Finalement, le C2 de la troupe par la présence physique du commandant pourrait devoir changer radicalement par rapport à ce qu'il est aujourd'hui. Dans le passé, la présence physique du commandant aux points et aux moments décisifs était essentielle pour la réussite de la mission. Ceci a été mis dans nos esprits pendant des années. La meilleure place pour le futur commandant pourrait être dans une position où il peut avoir la vision et les informations en temps réel les plus claires pour influencer ou alimenter le combat. Cette position pourrait être assis derrière une console ou un écran dans le poste de commandement au lieu des positions avancées. Aux deux CEC, je m'étais placé moi-même dans les positions avancées, soit en véhicule, soit à pied, mon remplaçant (executive officier, XO) restant à une console au PC. Souvent, au NTC, avec l'ATCCS, mon remplaçant avait une meilleure image du combat que moi (particulièrement quand j'étais en situation débarquée) et pouvait influencer le combat à un plus grand degré, notamment avec les bandes vidéos des drones, JSTARS et d'autres moyens de renseignements. Mais il ne pouvait pas évaluer les marches toute la nuit dans les montagnes et la condition physique des soldats, comme je le pouvais, dans la préparation pour la prochaine mission et le plan horaire correspondant à l'engagement ultérieur.
Toutefois, au JRTC, il y eut plusieurs exemples où j'étais devant et où j'avais significativement une meilleure image de la situation et de l'éventuel résultat que mon remplaçant au PC avait eu ou aurait pu avoir avec ou sans le ATCCS, IT et Applique. Ma situation, positionné en avant, suivant le char de tête, débarqué et guidant les chars désorientés sur les bonnes pistes dans la nuit et sous une pluie incessante, assura le succès à une mission qui aurait échoué si j'avais été à la console du PC et si le jeune conducteur de char avait choisi une mauvaise piste à suivre. Si le jeune conducteur de char avait eu un IT avec Applique comme au NTC, il aurait su qu'il se dirigeait dans la mauvaise piste sans l'aide ou la présence du commandant. La présence physique du commandant sera un point d'interrogation pour tous dans la considération du futur C2 de la troupe sur le champ de bataille automatisé et digitalisé.
Simulation du monde réel
La compréhension de la situation est étroitement liée à la domination de l'information. Durant toute la rotation au NTC, j'avais une meilleure visualisation du champ de bataille que je n'ai jamais eu dans mes 18 années de service dans l'infanterie légère. Cette visualisation représentait un monde réel en instantané comme résultat de l'IT et d'Applique sous le concept FORCE XXI. Je n'avais pas à visualiser les positions et l'activité de mes unités ou celles placées devant moi, sur les flancs et l'arrière. Je pouvais les voir physiquement représentées dans mon PC, sur un écran d'ordinateur monté sur mon véhicule lorsque je voyageais ou sur le DSS, lorsque je me déplaçais à pied. Quand ces unités faisaient mouvement, je pouvais voir leur déplacement ainsi que leur vitesse. Je pouvais toujours obtenir leur coordonnées sans même faire un appel radio à l'unité ou les demander à un sous-officier du PC. Une telle connaissance facilita le C2 et l'exécution d'opérations tactiques beaucoup plus que je ne l'avais expérimenté dans le passé ou dans le dernier JRTC.
Grâce à cette meilleure compréhension de la situation, la capacité à repositionner les troupes dans des espaces vides entre elles, en phase défensive, était renforcée. La navigation des unités fut considérablement améliorée. Les besoins en rapports de position des unités diminuèrent. Les incidents fratricides entre les unités à l'intérieur du bataillon ou avec celles sur les flancs ou au-devant de nos lignes furent moins nombreux. De nombreuses fois, au NTC, la compréhension de la situation fournie par l'Applique favorisa un passage sans friction des lignes ainsi que des opérations de liaison entre les troupes lourdes et légères, de jour comme de nuit.
Les feux d'artillerie furent réduits et accélérés, parce que nous pouvions voir nos propre unités et n'importe quelle autre troupe amie dans la zone cible particulière. La possibilité de marquer les obstacles ennemis connus ou les champs de mines, et de fournir une image commune pour tous, empêcha de nombreuses rentrées dans les mêmes obstacles. Ce qui était un événement fréquent au JRTC, peu importe à quelle fréquence l'information était disséminée. La synchronisation des opérations était étendue par la possibilité d'observer les mouvements de tous les éléments dans les positions le long du champ de bataille, pas seulement les unités organiques dans la zone d'attaque ou dans la zone défensive, mais aussi les unités adjacentes sur les flancs. Ceci était un élément-clé, en raison du nombre accru de troupes de reconnaissance au niveau brigade devant les unités organiques.
De plus, une compréhension de la situation fournie par les vidéos des drones et JSTARS au moyen du ATCCS aidèrent le commandant à voir le champ de bataille et à engager l'ennemi à une distance plus grande qu'auparavant au niveau bataillon. Un vol de drone avec vidéo ou une vidéo d'explorateurs débarqués avec le Système Léger de Reconnaissance Vidéo (Lightweight Video Recon System, LVRS), transmis au PC de bataillon, auraient contribué à déceler l'effort principal ennemi durant l'attaque mécanisée au JRTC. Une décision plus rapide sur le repositionnement des éléments blindés et l'engagement potentiel de l'ennemi avec des tirs de l'artillerie navale à une plus grande portée auraient pu avoir lieu avec une source vidéo plus rapide. Les troupes ennemies auraient été largement usées avant d'approcher les positions enterrées de l'infanterie, ce qui aurait augmenté les chances de survie de nos soldats en facilitant la concentration de moyens de combat à l'instant et à l'endroit décisifs.
Finalement, une fois que le combat se produisit, la capacité du S2 à diffuser la situation actuelle de l'ennemi sur l'IT et Applique apportèrent une image commune de toutes les positions et intentions possibles de l'ennemi. Une fois de plus, avec cette information, la capacité à engager et à détruire l'ennemi fut augmentée et l'opportunité de repositionner les troupes amies pour contrer l'ennemi fut accélérée. Même savoir où l'ennemi n'est pas aide à savoir où il est.
Il n'y a aucun doute, cette compréhension de la situation donna à la troupe la capacité de répondre aux questions : " Où suis-je ? ", " Où est l'ennemi ? " et " Où sont mes camarades ? ". En agissant de la sorte, la troupe était plus efficace dans le temps qui lui était donné, capable de répondre plus rapidement (réagir aux actions de l'ennemi) et finalement à même de mettre plus de puissance de feu sur l'ennemi, à une distance plus grande et pour une durée plus longue – et ainsi le détruire à une plus grande échelle.
Pouvoir destructeur augmenté
Les innovations AWE apportèrent à la troupe une plus grande létalité. La plupart de ces initiatives donnèrent à la troupe au NTC un plus grand pouvoir de destruction, à une plus grande distance, avec une plus grande précision et plus grande probabilité de toucher qu'au JRTC. Le lance-mines de 120 mm et le MFCS, le système antichar Javelin, l'imagerie thermique des armes ainsi que la dernière génération des appareils et lasers de vision nocturnes "own the night" ont eu une importance particulière pour les soldats d'infanterie légère. Toutes ces innovations augmentèrent leur efficacité au combat.
Le lance-mines de 120 mm était " l'artillerie de poche du commandant ". Les quatre systèmes représentaient l'appui de feu indirect le plus flexible pour les troupes d'infanterie au NTC. La portée et la puissance accrues des munitions furent largement supérieurs aux lance-mines de 81 mm utilisés au JRTC et même aux obusiers de 105 mm du groupe d'artillerie en appui direct. Les futures munitions de 120 mm lui donneront une portée supplémentaire et des capacités antichar à détection de chaleur qui augmenteront leur pouvoir destructeur. Le MFCS donna un avantage supplémentaire dans la vitesse d'utilisation et la précision, tout en permettant aux pièces d'être mis à terre sans le cercle de visée traditionnel et en fournissant des données digitales directement aux pièces depuis la PCT. Cette capacité est très similaire à celle des obusiers M-109A6 Paladin de 155 mm. La capacité de réaction du système fut massivement augmentée avec cette innovation. Les contraintes dues aux exigences accrues du transport de munitions, à l'espace additionnel de manœuvre à employer et aux opérations débarquées limitées valaient la peine d'être surmontées pour entretenir ce superbe multiplicateur de combat, spécialement lorsqu'il était couplé aux mortiers de 60 mm au niveau compagnie.
Pour le fusilier léger, le Javelin fut de loin le plus grand tueur de troupes blindées ou mécanisées sur le champ de bataille. La portée, la précision, la capacité " tire et oublie " et la probabilité de touché fournirent un avantage marqué sur l'OPFOR au NTC. Il n'y avait aucune comparaison en matière d'efficacité par rapport au Dragon qui avait été utilisé au JRTC. Au NTC, il arriva plusieurs fois que l'infanterie légère, dans un terrain restreint avec des feux et des obstacles intégrés, stoppe et détruise complètement les troupes ennemies grâce à la puissance et à l'efficacité du Javelin. Ce ne fut pas le cas au JRTC, où l'OPFOR ne fut pas stoppé avec la même efficacité qu'au NTC, mais eut l'opportunité de manœuvrer et de passer à côté par l'incapacité de l'infanterie à donner avec ses moyens organiques des coups comme avec le Javelin. Le mode de feu " top-attack " du Javelin aurait facilement annulé la végétation épaisse du terrain au JRTC, qui n'était pas fourni par l'environnement du NTC. Des expériences pareilles ont été faites dans des exercices d'entraînement précédents à Fort Lewis, Washington et Fort Hood, Texas contre des troupes blindées et mécanisées dans des terrains similaires au JRTC. Il y a eu plusieurs anciens tireurs et équipes Javelin frustrés au JRTC. De plus, les appareils de pointage des Javelin fournissaient de superbes vues thermiques dans des terrains aussi bien ouverts que couverts, dans des opérations de nuit et de jour.
En conjonction avec l'appareil de pointage du Javelin, les appareils à imagerie thermique était portés par les chefs de groupes. Monté sur le M16/A2 ou porté à la main, l'appareil fournissait une grande capacité pour les jeunes chefs à identifier les cibles de nuit, sur de grandes distances et dans tous les terrains. Ces cibles étaient alors combattues avec du feu direct ou indirect selon la situation. Des exercices précédents à Fort Lewis et Fort Hood, avec un terrain similaire au JRTC, démontrèrent la capacité des appareils à imagerie thermique à cerner les sources de chaleur à travers une végétation très épaisse, apportant un avantage significatif perdu au JRTC.
Posséder la nuit
La dernière innovation portait sur le nombre imposant d'équipements de vision nocturne que la troupe avait au NTC. Chaque soldat était équipé avec le AN/PVS7B ou 7A avec montages Ripup sur la tête, PAC4 pour les M16/A2. Des soldats sélectionnés avaient des désignateurs, des agrandisseurs de puissance 3x et des boussoles de navigation montées. Les armes collectives étaient équipées du laser AIM1 et l'unité avait un large éventail d'appareils thermiques et infrarouges, ainsi que des munitions à infrarouge choisies en complément des appareils. Ce solide étalage d'appareils de vision nocturne (AVN) augmenta la capacité de l'unité à se mouvoir rapidement et à combattre la nuit. De nombreux exercices avec munitions de combat démontrèrent qu'une unité pouvait combattre de manière sûre et efficace dans les plus sombres conditions.
L'expérience du JRTC ne fournissait qu'un nombre limité de cet équipement. La situation créa un mélange de soldats avec et sans AVN, faisant des mouvements plus lents et moins contrôlés, avec une détection des troupes ennemies plus restreinte et réduite. Seul un minimum de la troupe pouvait engager des cibles à une portée plus grande que les appareils le permettaient. Cette réduction donna à l'ennemi la possibilité de s'approcher durant la nuit, diminuant le grand avantage que nous avions au NTC. L'équipement " own the night " fut un superbe multiplicateur de combat, particulièrement en combat rapproché entre soldats. Au NTC, les soldats avaient l'impression de " posséder la nuit ", mais l'expérience du JRTC leur donna seulement l'impression qu'ils l'avaient " louée " de temps en temps.
Le digital – ça marche
Ayant combattu en digital et en analogique, je crois que l'armée se tourne dans la bonne direction avec son emphase sur les nouvelles technologies, pour acquérir la supériorité de l'information sur le champ de bataille, une meilleure compréhension de la situation et un pouvoir destructeur accru. L'ancien Secrétaire d'Etat à la Défense William Perry avait déclaré, alors qu'il visitait l'AWE, " Pendant ma visite à la FORCE XXI, j'ai vu le futur – et ça marche ". Le plus important, c'est que les innovations donnèrent aux cadres et aux soldats au sol un avantage marqué sur l'ennemi auquel ils faisaient face.
Toutes les innovations n'étaient pas parfaites. Il reste beaucoup de travail à accomplir, mais à long terme, les soldats ont senti qu'ils auraient un avantage sur leur futur adversaire et ont compris qu'il y aurait plus de modifications et de tests pour améliorer ces innovations. Ils ont aussi reconnu, comme le fit le chef de l'Etat-major de l'armée, le général Gordon R. Sullivan, que " FORCE XXI n'est pas une destination, mais un voyage ". Certains ont eu la chance de faire un saut " dans le passé " et combattre au JRTC. Ils ont tous vu une différence, une limitation sur les armes plus destructrices et la supériorité que les innovations AWE et FORCE XXI leur fournissaient face à l'OPFOR. La plupart sentirent qu'ils avaient été désavantagés sans la digitalisation et l'automatisation et sans les nouvelles armes. Plusieurs continuèrent de me rappeler, " Mon Colonel, si seulement nous avions eu ... comme nous avions au NTC. "
Traduction: Cap Ludovic Monnerat
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