Le programme d'armement 2002 développe avant tout les transmissions
30 juin 2002
e Conseil fédéral a approuvé la semaine dernière le programme d'armement 2002, après avoir abandonné l'achat d'une seconde tranche de chars de grenadiers et repoussé celui d'avions de transports. Le DDPS a par ailleurs opté pour un programme allégé en 2003, avant la mise en place de l'Armée XXI.
Devisé à 674 millions, ce programme est cette année encore le plus restreint depuis longtemps et accélère la baisse des crédits en matière d'investissement. Il est surtout axé sur les transmissions et l'augmentation des capacités des Forces aériennes.
«... l'équilibre entre dépenses d'investissements et de fonctionnement
ne cesse de se détériorer. »
«... l'équilibre entre dépenses d'investissements et de fonctionnement
ne cesse de se détériorer. »
Alors que l'armée consacrait 1844 millions de francs à l'acquisition de nouveaux équipements en 1989, au terme de la guerre froide, cette somme s'établit donc cette année à 674 millions, soit une diminution atteignant 64% sans même tenir compte de l'inflation. Pareil effondrement des crédits est d'autant plus spectaculaire que, parallèlement, le budget total de l'armée a diminué d'environ un tiers – de sorte que l'équilibre entre dépenses d'investissements et de fonctionnement ne cesse de se détériorer.
Pour l'année 2003, le Conseil de Direction du DDPS a par ailleurs décidé cette semaine que le prochain programme d'armement sera également allégé et occasionnera une dépense de l'ordre de 400 à 500 millions de francs, avec notamment pour objet une amélioration des capacités des F/A-18. Il a toutefois rappelé que la mise en place de l'Armée XXI exigera une nette augmentation des crédits pour l'équipement, afin de s'adapter à l'évolution technologique des moyens militaires et de disposer des capacités nécessaires en termes de mobilité et de polyvalence.
Sans chars de grenadiers
Le fait que le programme d'armement 2002 soit aussi maigre ne constitue pas pour autant une surprise. Comme l'année précédente, où l'achat de 2 avions de transports Casa C-295 a été annulé, cette somme réduite s'explique avant tout par l'abandon de la seconde tranche de chars de grenadiers 2000, et qui devait coûter au moins 500 millions de francs. Et cette décision constitue une rupture sans précédent: pour la première fois, l'armée suisse affichera un ordre de bataille dont les formations ne disposeront pas de tout l'équipement nécessaire à leur engagement.
Bien entendu, l'annulation de ce crédit n'est pas seulement dû à des raisons politiques, même si les discussions n'auraient pas manqué d'être animées au Parlement. Tôt ou tard, il fallait admettre que les planifications établies au début des années 90 concernant le développement de l'arme blindée suisse ne correspondent plus aux nécessités de notre époque – et de l'avenir. Largement bâtie autour des brigades blindées, l'Armée 95 se transformera dans 18 mois en une Armée XXI construite en accordant la priorité aux formations appelées à être engagées en premier lieu – soit l'infanterie, le génie/sauvetage, la logistique et les Forces aériennes. La marginalisation de fait des troupes mécanisées et légères est simplement retranscrite au niveau des investissements.
Dans ces conditions, la relative modestie des programmes d'armement 2002 et 2003 est liée à l'inertie dont souffre l'armée dans sa transformation. D'une part, malgré le soutien du Conseil national au Plan directeur de l'armée et aux lois afférentes, le processus politique de la réforme n'est pas achevé et constitue encore une hypothèque. D'autre part, les nouveaux besoins liés aux prestations de l'Armée XXI nécessitent souvent le lancement de projets dont le développement n'est pas achevé. Ainsi, la complète mécanisation des 14 bataillons d'infanterie actifs avec de nouveaux blindés à roues est soumise à la disponibilité des chars Piranha IV actuellement mis au point par Mowag.
Par conséquent, le programme d'armement 2002 comporte avant tout des équipements nécessaires à l'Armée XXI quelles que soient les éventuelles décisions politiques à venir. Avec 370 millions de francs, les transmissions font l'objet d'un effort principal comprenant la deuxième tranche des radios à cryptage numérique et à évasion de fréquence SE-235 et SE-135 (et SE-035 pour les hélicoptères), l'extension du réseau intégré de transmissions militaires (RITM) aux Forces aériennes, le réseau Tranet Mobil qui le complète en permettant l'envoi de paquets de données de manière analogue à l'Internet civil, ainsi que des installations de communication mobiles, montées sur chars à roues Piranha III et destinées à la conduite des brigades. Le tout permettant de s'affranchir encore davantage des liaisons par fil et d'accroître la mobilité et les effets interforces.
Les Forces aériennes bénéficieront par ailleurs également d'une augmentation de leurs capacités. Les systèmes d'autoprotection pour les hélicoptères de transport Super Puma acquis en 1998 permettront à ces derniers de projeter des leurres destinés à tromper les missiles à guidage radar ou infrarouge, le système d'alerte pour Stinger à base de radar donnera la possibilité d'engager les unités de feu de manière modulaire et flexible, alors que le renouvellement des véhicules de ravitaillement et d'extinction renforceront le niveau opérationnel de notre flotte et sa latitude à opérer en-dehors des structures permanentes.
Enfin, si l'acquisition de nouveaux camions de transport affermira l'utilisation des conteneurs interchangeables et la décentralisation de la logistique, l'instruction des formations sera optimisée par l'acquisition d'un simulateur pour la mitrailleuse de bord au calibre 12,7 mm des chars de grenadiers à roues 93, qui pour l'heure faisait cruellement défaut lors des exercices de combat, ainsi que d'un second simulateur pour obusiers blindés revalorisés destiné à la place de Frauenfeld – après celui construit à Bière.
Au total, le programme d'armement 2002 apparaît donc comme parfaitement équilibré et ne comporte que des objets dont le besoin est indiscutable. On notera que la sécurité des transports aériens, des zones de vol en basse altitude et des télécommunications sera accrue de manière substantielle, ce qui correspond étroitement aux menaces asymétriques propres à notre époque. Tout au plus peut-on regretter que la question des avions de transport, nécessaires à nos capacités de projection en logistique et en personnel, n'ait pu être traitée cette année.
Le détail des acquisitions
L'économie suisse bénéficiera de 70% des commandes figurant dans cette demande de crédit de 674 millions de francs, ce qui correspond à l'emploi de 500 personnes pendant 5 ans. Voici donc le détail des acquisitions prévues :
- Système d'autoprotection pour l'hélicoptère de transport TH 98, 50 millions;
- Système d'alerte pour Stinger, 70 millions;
- Appareils radio SE-235/135/035, 2e tranche, 147 millions;
- Réseau intégré de télécommunications militaires RITM pour les Forces aériennes, 75 millions;
- Réseau de transmission de données Tranet Mobil, 28 millions;
- Installations de communication pour la conduite mobile, 120 millions;
- Nouveaux camions, 38 millions;
- Moyens de ravitaillement en carburant et véhicules d'extinction pour les Forces aériennes, 50 millions;
- Simulateur de tir laser pour le char de grenadiers à roues 93, 65 millions;
- Installation d'instruction au tir pour obusiers blindés revalorisés, 32 millions.
Cap Ludovic Monnerat
Sources
Message du Conseil fédéral concernant l’acquisition de matériel d’armement (Programme d’armement 2002), documentation en ligne du Groupement de l'armement
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