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L’armée suisse a besoin de perspectives plus claires
au niveau stratégique

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3 avril 2005

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’échec du programme d’armement 2004 doit amener un changement dans la manière avec laquelle la classe politique traite la défense nationale. C’est l’analyse du journaliste et commentateur suisse Bruno Lezzi, qui propose une importante réorientation.

Depuis quelques temps, les discussions politico-militaires tournent à nouveau autour de thèmes d’importance réduite. La Suisse a bel et bien fait des avancées considérables avec la participation au Partenariat pour la Paix, avec l’entrée dans l’ONU ainsi qu’avec les engagements de maintien de la paix en Bosnie, au Kosovo et en Afghanistan. Cependant, les derniers débats au Parlement sur le programme d’armement 2004 ont montré à quel point le réalignement de la Suisse en matière de politique de sécurité est faiblement ancré dans la population et dans la classe politique.


«... Il est logique d'élargir le cercle de la défense et d'intégrer à une conception défensive moderne les engagements à l'étranger en vue de stabiliser des régions en crise, en tant que mesures de protection préventives. »


Les idéologues partisans situés aux deux extrémités du spectre politique, les traditionalistes et les adversaires de l’armée, ont fait échouer l’achat projeté d’avions de transport. Le même Parlement qui a approuvé la prolongation de l’engagement au Kosovo de la compagnie suisse et la participation à l’EUFOR en Bosnie n’a pas pu se résoudre à fournir aux soldats déployés leurs propres moyens de transport.



Revenir au niveau stratégique

Le Conseil fédéral porte toutefois une partie de la responsabilité. Les conceptions pour le développement de l’armée présentées à l’automne dernier, après une réunion de clôture, étaient formulées de manière trop vague pour qu’elles puissent être partout comprises et servir de lignes directrices. Ce vide pose le risque que la politique de sécurité et de défense, à l’avenir, soit uniquement définie par des exigences financières ou par des décisions ponctuelles et partisanes. Sans un ensemble de points de repères intellectuels, comme le principe de « la sécurité par la coopération » qui doit être appliqué dans les conditions stratégiques actuelles, on continuera à se chicaner longuement sur des détails matériels et organisationnels qui ne fournissent aucune solution aux exigences véritables. La commission de sécurité du Conseil national a senti que la politique militaire actuelle mène à une impasse ; elle demande par conséquent que l’armée ne soit pas touchée par le deuxième programme d’allègements. La décision n’a cependant pu être prise qu’à la plus faible majorité, et l’on ne peut donc guère parler de consensus.

Le Conseil fédéral ne pourra pas éviter d’expliquer différemment ses conceptions et sa manière de comprendre l’emploi de moyens militaires pour prendre des précautions en matière de sécurité. Il répondra à ce genre de questions encore d’ici la pause estivale, et devra ensuite déclarer de quelle manière il souhaite appliquer concrètement les étapes de la réorganisation annoncée l’automne dernier. Il s’agit en premier lieu d’une réduction des capacités de défense et d’une spécialisation des rôles, c’est-à-dire d’un partage des tâches entre les formations destinées à maintenir et développer la compétence de défense, et celles qui devront avant tout être engagées dans la sûreté sectorielle et les missions subsidiaires.

Si l’on veut éviter que ce travail conceptuel ne s’épuise pas à nouveau dans la fine mécanique organisationnelle, il est nécessaire d’en élargir le cadre. Les citoyens suisses veulent aujourd’hui savoir où tout cela nous mènera. On attend des déclarations substantielles sur les nouvelles formes de guerres et le profil de performances de l’armée, sur les modifications du droit des gens en temps de guerre et leurs effets sur le principe de la neutralité. Le Conseil fédéral doit également déclarer comment la défense en Europe doit être interprétée. Qu’est-ce que cela signifie pour la Suisse lorsque des Etats comme l’Allemagne orientent leur politique de défense en premier lieu vers les engagements dans des régions en crise ? Quand l’Autriche réduit ses forces armées à un volume de 50'000 à 55'000 soldats, ou quand les Etats-Unis retirent dans quelques années leurs formations mécanisées lourdes d’Europe pour les remplacer par trois « Brigades Combat Teams » structurées de façon moderne et faciles à transporter ?

Sur la base de ces tendances, il serait logique d’élargir davantage le cercle de la défense et d’intégrer à une conception défensive moderne les engagements à l’étranger en vue de stabiliser des régions en crise – qui restent encore des parents pauvres – en tant que mesures de protection préventives. Trop nombreux sont ceux qui s’accrochent à l’image traditionnelle de la défense du territoire, notamment ceux pour lesquels la stratégie de dissuasion de 1973 était pendant des décennies (à juste titre) digne de foi. De temps à autre, la mission constitutionnelle correspondante est confondue avec les comportements de combats fixés dans les règlements, alors qu’elle autorise une absolue liberté d’organisation. De ce point de vue, il serait juste de parler de compétence militaire à conserver au lieu de compétence de défense.

Le Conseil fédéral devrait également tomber d’accord et expliquer que la coopération, toujours dans le cadre limité des possibilités actuelles, ne doit pas être assimilée à l’abandon des propres intérêts nationaux. L’inspecteur général de la Bundeswehr, le général Schneiderhan, a récemment précisé cela dans un entretien accordé à un journal : « Naturellement, nous sommes intégrés sur le plan multinational, mais l’identité reste nationale », a-t-il répondu à la question de savoir si les Forces armées allemandes présentaient encore des caractéristiques nationales. La Finlande, qui va participer avec l’Allemagne et les Pays-Bas à un groupement de combat (Battle Group) de l’Union européenne, et la Suède, qui de temps en temps commande le groupe d’état-major européen au Supreme Headquarters Allied Powers Europe de l’OTAN, se considèrent également comme des nations à part entière. Enfin, l’Autriche a aussi avantage à pratiquer la coopération militaire internationale, et selon le Ministre de la défense Platter, elle n’entend lutter contre les nouveaux risques et dangers que dans le cadre européen.

Que la Suisse puisse également tirer de nombreux bénéfices d’une coopération intensive en matière de sécurité devrait être clair aux yeux des cercles conservateurs qui défendent une armée crédible. Et ce d’autant plus que la défense territoriale classique, en l’absence de menace correspondante et d’engagements de sûreté subsidiaires, et au sujet de laquelle même le Conseiller fédéral Christoph Blocher a brièvement esquissé à Zurich un point d’interrogation, forme une base de légitimation trop étroite pour maintenir une armée dans son volume actuel. Si la Suisse pouvait décider dans les trois à quatre prochaines années, non seulement de mettre sur pied la capacité d’un bataillon pour les missions à l’étranger, mais également d’adopter des structures permettant d’assumer des fonctions de commandement, plusieurs problèmes en matière de doctrine, d’équipement et d’instruction seraient bien plus simples à résoudre qu’aujourd’hui.

Un rôle déterminant incombe au Parlement dans l'effort visant à redonner à l'armée une vision claire de ses perspectives. Les Chambres fédérales doivent dépasser le stade des combats de tranchées autour de projets d'armement spécifiques pour s'attaquer aux problèmes organisationnels de fond et porter le débat sur l'armée au niveau stratégique, c'est-à-dire prenant en compte les interdépendances entre la conception, la doctrine, l'organisation, l'équipement, le système de milice et les finances. Les bases nécessaires peuvent par exemple prendre la forme d’un cadre d’investissement durant une législature, qui donnerait au Département de la défense davantage de sûreté dans la planification. Conformément à l’article sur le controlling de la loi militaire, le Ministre de la défense devrait régulièrement fournir des renseignements sur l’application matérielle et structurelle de ce cadre.

Le fait qu’une pareille concrétisation des débats sur l’armée soit vraiment atteinte dépend de la volonté des parlementaires. Une telle culture du dialogue serait importante, notamment pour montrer aux militaires – de carrière comme de milice – que l’armée n’est pas le jouet d’intérêts politiques particuliers.




Texte original: Bruno Lezzi, "Die Armee braucht klarere Perspektiven", Neue Zürcher Zeitung, 2.4.05  
Traduction et réécriture: Lt col EMG Ludovic Monnerat
  








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