La recherche d’énergie que mène la Chine sur toute la planète augmente les tensions
28 novembre 2004
a demande insatiable en énergie de la Chine alimente les craintes de confrontations financières et diplomatiques autour du monde, alors qu’elle cherche des approvisionnements fiables en pétrole aussi loin qu’au Brésil ou au Soudan.
Une intrusion dans les eaux territoriales japonaises par un sous-marin nucléaire chinois et un accord commercial avec le Brésil sont les dernières conséquences, apparemment sans lien entre elles, de la croissance économique galopante de la Chine. Le lien, cependant, réside dans un ordre émis l’an passé par le Président Hu Jintao : rechercher des approvisionnements sûrs de pétrole à l’étranger, de préférence impossibles à interrompre par les Etats-Unis dans l’éventualité d’un conflit avec Taiwan.
«... La Chine possède ses propres réserves de pétrole et de gaz naturel, mais comme son économie s'est étendue en moyenne 9% par an ces deux dernières décennies, ses besoins en énergie ont pris l'ascenseur. »
L’incident du sous-marin a été mis sur le compte d’une erreur technique par le Gouvernement chinois, qui s’est excusé auprès du Japon. Mais avant l’incident, le Quotidien du Peuple – porte-parole du Gouvernement – avait noté que la compétition pour la Mer de Chine orientale entre les deux pays n’était « qu’un prélude au jeu entre la Chine et le Japon dans le domaine de l’énergie internationale. »
L’accord commercial avec le Brésil comprenait le financement d’un forage pétrolier commun et d’un programme de pipelines, à un prix que les experts estiment jusqu’à trois fois supérieur à celui de simplement acheter le pétrole sur le marché.
La menace du veto chinois
Toutefois, l’Occident n’a guère prêté d’attention à ces développements. Les Etats-Unis et l’Europe sont bien plus alarmés par les problèmes encore plus sensibles des relations entre la Chine et les « Etats parias. »
En septembre, la Chine a menace d’opposer son veto à toute initiative visant à imposer des sanctions au Soudan pour les atrocités commises au Darfour. Elle a investi 3 milliards de dollars dans l’industrie pétrolière de ce pays africain, qui lui fournit 7% du pétrole qu’elle consomme.
Ce mois-ci, elle a dit qu’elle s’opposait à toute pression pour amener le Conseil de sécurité des Nations Unies à se prononcer sur le face-à-face nucléaire entre l’Iran et l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique. Une semaine plus tôt, la deuxième plus grande société pétrolière de l’Etat chinois avait signé un accord valant 70 milliards pour le développement de champs pétrolifères et gaziers avec l’Iran, qui fournit déjà 13% des besoins chinois.
La Chine possède ses propres réserves de pétrole et de gaz naturel, et elle en exportait par le passé. Mais comme son économie s’est étendue en moyenne 9% par an ces deux dernières décennies, ses besoins en énergie ont également pris l’ascenseur. Cette année, elle a dépassé le Japon au deuxième rang des plus grands consommateurs mondiaux d’énergie, derrière les Etats-Unis.
Sa demande future, dopée par la multiplication des propriétaires de voitures ainsi que par le besoin de trouver des alternatives au charbon polluant pour produire de l’électricité, a contribué à l’augmentation des prix du brut cette année. Des pénuries entraînent déjà des coupures d’électricité dans les grandes villes.
Depuis que le Président Hu a ordonné aux sociétés pétrolières étatiques « d’aller à l’étranger » pour assurer l’approvisionnement, elles ont effectué des forages en Mer de Chine orientale pour trouver du gaz, juste à l’ouest de la ligne que le Japon considère comme sa frontière. Le Japon a protesté, en vain, pour que le projet soit mené en commun.
Tous deux sont également destinés à se disputer sur la richesse pétrolière de la Russie. La Chine est furieuse que le Japon ait réussi à surenchérir dans leur bataille pour déterminer la route du pipeline que la Russie entend construire jusqu’en Extrême-Orient. Le Japon favorisait une route longeant la mer, permettant au pétrole d’être envoyé à la fois au Japon et en Chine. Celle-ci voulait une route terrestre à travers son propre territoire, ce qui lui donnerait en définitive le contrôle si des hostilités venaient à éclater.
De plus en plus, les analystes affirment que les efforts chinois dépassent ce qui est raisonnable ou même conforme à ses intérêts. Claude Mandil, directeur général de l’Agence Internationale de l’Energie, affirme que les réserves en Mer de Chine orientale justifient tout juste ces efforts. « Personne ne pense qu’il y aura beaucoup de pétrole et de gaz dans cette partie du monde », dit-il. « Cela peut poser un problème politique délicat, mais je ne pense pas que l’énergie disponible en vaille la peine. »
Les experts en pétrole de l’Eurasia Group, une société d’analyse politique basée à New York, ont calculé que la Chine payait un prix tellement surévalué pour ses investissements au Brésil que le pétrole obtenu coûtera 3 fois le prix du marché.
« Si l’économie chinoise vacille, ce qui à mon sens apparaît de plus en plus probable, alors le prix des denrées va s’effondrer, et avec eux la valeur des actifs qui les ont produits », déclare Jason Kindopp, analyste en chef de la Chine pour Eurasia. « Pékin pourrait se trouver dans la situation du Japon au début des années 90, lorsqu’il a été contraint de vendre des actifs récemment acquis à l’étranger pour une fraction de ce qu’il avait payé. »
L’offensive plus large de la Chine pour s’assurer le pétrole et le gaz apparaît la plus grande menace pour son statut international dans la prochaine décennie. « Le Soudan est un exemple typique », affirme-t-il. « C’est la première fois ces dernières années que la Chine a promis d’user de son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU contre une résolution lancée par les Etats-Unis et soutenue par la France ainsi que la Grande-Bretagne. »
Texte original: Richard Spencer, "Tension rises as China scours the globe for energy", The Telegraph, 19.11.2004
Traduction et réécriture: Lt col EMG Ludovic Monnerat