Comment Israël a forgé la défaite des Palestiniens en brisant l'asymétrie du conflit
Version imprimable
26 septembre 2004
rès de quatre ans après son déclenchement, la phase actuelle du conflit israélo-palestinien – aussi appelée Intifada d’Al Aqsa – témoigne de l’échec retentissant des méthodes terroristes. Elle montre également qu’un État et ses forces armées peuvent gagner un conflit asymétrique.
Le 31 août dernier, 2 membres du groupe terroriste Hamas ont perpétré un double attentat-suicide dans la ville israélienne de Beersheba, le premier par voie terrestre depuis presque 6 mois, qui a fait 16 morts et 100 blessés parmi les passagers de deux bus ; les terroristes ont emprunté un itinéraire évitant la barrière de sécurité en cours de construction. Le lendemain, les autorités israéliennes ont annoncé la reprise des assassinats ciblés sur les groupes terroristes palestiniens, alors que les forces de défense israéliennes (FDI) ont effectué un raid à Hébron afin de détruire les maisons où vivaient les terroristes.
«... Le rôle de l'armée israélienne n'est plus en premier lieu de vaincre les armées arabes, mais de protéger la population israélienne et de convaincre celle-ci qu'elle est raisonnablement protégée. »
Une semaine plus tard, les forces aériennes israéliennes ont attaqué un groupe de terroristes s’entraînant à l’air libre, dans la bande de Gaza, et leurs missiles ont tué 15 d’entre eux. Les 13, 19 et 20 septembre, des frappes aériennes ciblées ont également abouti à la mort de 6 responsables des organisations terroristes palestiniennes. Celles-ci ont proférées des menaces enflammées qui n’ont cependant pas été concrétisées, alors que les tirs de roquettes Qassam ont commencé à être déjouées dans la ville de Sderot par l’installation d’un système d’alerte.
Le mercredi 15 septembre, une unité clandestine de la police frontalière israélienne a surpris des membres recherchés du Fatah dans un café de Jénine, abattant 4 d’entre eux et en capturant 4 autres ; le même jour, des commandos de la marine avaient tué 5 membres d’une organisation terroriste palestinienne à Naplouse, alors que la veille des soldats de l’unité de reconnaissance de la brigade Golani avaient abattu un responsable du Jihad islamique dans un camp de réfugiés de Tulkarem, après avoir cerné sa maison et tenté de le capturer.
Ce récit lacunaire ne vise pas à résumer les actions des belligérants respectifs dans le conflit israélo-palestinien. Il indique simplement qu’après 4 ans d’efforts, de sacrifices, de pertes et de blâmes, Israël est parvenu à prendre un avantage décisif, à rompre la logique paradoxale du processus action/réaction en développant des méthodes contre lesquelles les Palestiniens sont démunis. Comprendre pourquoi ceux-ci ont perdu une guerre qu’ils ont déclenchée dans l’espoir d’une victoire rapide revient à se plonger au cœur des méthodes asymétriques et de leurs effets.
Le choc de deux sociétés antagonistes
Lorsque l’Intifada d’Al-Aqsa a éclaté, le 29 septembre 2000, la population palestinienne a massivement suivi ses dirigeants dans leur ardeur combattante. Conditionnés par tout un système éducatif et médiatique visant à diaboliser les Juifs et nier le droit à l’existence d’Israël, les Palestiniens ont été chauffés à blanc par l’exploitation cynique d’événements biaisés, comme la visite d’Ariel Sharon au Mont du Temple / Esplanade des Mosquées ou la mort filmée du petit Mohammed Al-Doura et faussement attribuée aux FDI. L’expression populaire et frénétique de leur haine témoignait de leur détermination, en particulier celle des nombreux jeunes en quête d’un statut que le développement économique dû aux Accords d’Oslo ne pouvait assurer.
A la même époque, la population israélienne était au contraire divisée et découragée par l’éloignement flagrant d’une paix tant espérée, malgré le retrait précipité du Sud Liban, et par l’incapacité croissante du Gouvernement Barak à fournir des réponses efficaces aux attaques palestiniennes. Encore sensibles à l’opinion internationale, les Israéliens ont en outre été touchés par les accusations proférées à leur encontre, et en particulier celle consistant à expliquer les violences qu’ils subissaient par leur occupation pourtant bien amenuisée des territoires palestiniens. La formation d’un Gouvernement Sharon d’union nationale témoignera d’ailleurs de ces divisions en soulignant la nécessité de les surmonter.
Les deux sociétés qui s’affrontent ouvertement depuis 4 ans se trouvaient donc à cet instant dans une situation bien différente. Les Palestiniens voyaient dans le conflit un enjeu existentiel, à la fois important et urgent, qui leur conférait une supériorité psychologique et morale évidente ; leur volonté confinant parfois au fanatisme et leur croyance en la valeur morale de leur cause aboutiront à l’usage des méthodes les plus radicales. Les Israéliens, dans leur majorité, pensaient au contraire que les territoires et le sort des colonies constituaient l’enjeu du conflit, dont le caractère sectoriel et distant explique leur non mobilisation. Malgré cela, Israël pouvait s’appuyer sur une supériorité physique et cognitive écrasante, grâce aux capacités militaires de son armée et au savoir fourni par ses services de renseignements.
Les Palestiniens ont tenté d’emblée d’exploiter les faiblesses de leurs adversaires en cherchant à affecter leur volonté et leur légitimité : leurs attaques directes de la population israélienne, par des tirs de mortiers, des mitraillages et des attentats à l’explosif, visaient à la décourager quant à toute issue positive au conflit ; leurs attaques directes du Gouvernement israélien et de ses forces de sécurité, par des accusations outrageuses relayées par les médias, visaient à susciter des condamnations morales les empêchant d’utiliser la force de manière décisive. Les premiers mois du conflit ont démontré l’efficacité de ces méthodes, sur le plan national par la place accordée aux activistes gauchistes et pacifistes, avocats d’un renoncement unilatéral à toute résistance, et plus encore sur le plan international par la perception majoritaire des médias, contempteurs systématiques d’Israël.
Le recours généralisé à l’attentat-suicide, démonstration ultime de la volonté palestinienne, a cependant modifié la dynamique du conflit. L’application de cette arme employée régulièrement durant le processus d’Oslo s’est produite le 26 octobre 2000 déjà, sans faire d’ailleurs faire de victime ; il faudra attendre le 3 mars 2001 pour assister au premier attentat-suicide meurtrier de cette phase du conflit. Pourtant, l’augmentation drastique du nombre d’attentats et le fait que ceux-ci seront dès 2002 responsables de la majorité des pertes en civils israéliens illustrent la conviction majoritaire des Palestiniens, selon laquelle les bombes humaines avaient un effet décisif et représentaient la meilleure chance de vaincre – ou de combattre, tant il est vrai que l’adoration du martyre et le culte du suicide frisaient le lavage de cerveau.
A la fin 2001, et malgré l’impact planétaire des attentats du 11 septembre, l’Etat israélien semblait dans l’impasse, son Gouvernement emprunté, sa population toujours divisée. Quelques centaines de militaires refusant de servir dans les territoires ont ainsi obtenu une publicité disproportionnée, qui paraissait confirmer un refus d’affronter les Palestiniens et de mener la guerre que ceux-ci avaient déclenchée. Dans les faits, la poursuite des attentats-suicides a lentement modifié la perception des Israéliens quant aux enjeux du conflit et augmenté leur soutien pour l’usage de la force armée. Le Gouvernement Sharon a progressivement mis en place des mesures sans cesse plus coercitives, comme le retour durable de Tsahal dans les territoires, et surtout déclenché des actions toujours aussi controversées : l’assassinat ciblé des chefs terroristes et la destruction des maisons où vivaient les auteurs d’attaques terroristes.
Le tournant du conflit se produira au début du printemps 2002 : un attentat-suicide lors de la Pâque juive dans un restaurant de Netanya, qui fera 28 morts dont plusieurs rescapés des camps de concentration nazis, provoquera un basculement décisif au sein de la société israélienne en l’obligeant à reconnaître que son existence même est menacée, en tout temps et partout. Cette élévation brutale des enjeux, rarement identifiée par les commentateurs internationaux, autorisera Ariel Sharon à déclencher pendant 24 jours la plus grande offensive militaire israélienne depuis 1982, l’opération « Bouclier Défensif » ; celle-ci aura pour effet de ravager les infrastructures des groupes terroristes palestiniens, de capturer ou d’éliminer la majorité de leurs cadres, de prouver l’implication de l’Autorité palestinienne dans les attaques, de saisir une quantité énorme de renseignements, mais aussi de ternir encore davantage l’image d’Israël dans le monde entier.
A cette époque, l’Intifada d’Al-Aqsa était clairement devenue une nouvelle guerre israélo-arabe, un choc entre deux sociétés totalement antagonistes et résolues à employer la force pour résoudre leur différend originel. L’efficacité réelle de l’opération « Bouclier Défensif » était alors sous-estimée par la majorité des commentateurs, enclins à déplorer le fameux « cycle de la violence » et à gloser sur le « massacre » prétendu de Jénine ; en ce qui me concerne, malgré un jugement correct de cette opération et du sursaut de la société israélienne, je n’avais pas saisi à quel point les forces de sécurité israéliennes allaient exploiter les résultats obtenus et poursuivre sans relâche leurs efforts. La stratégie qui était alors développée et appliquée, sous les ordres d’un Ariel Sharon lucide et inflexible, finira pourtant par forger la défaite des Palestiniens et briser l’asymétrie meurtrière de leurs actions.
La fin de l’asymétrie palestinienne
Le premier volet de cette stratégie a consisté à préserver la légitimité des actions ordonnées par le Gouvernementales et exécutées par ses forces de sécurité, une condition essentielle dans toute démocratie sous peine de perdre le soutien de l’électorat, et alors même que cette légitimité était précisément combattue par des organisations non gouvernementales influentes dans les cercles médiatiques et académiques. Les autorités politiques et militaires israéliennes ont reconnu que la communauté internationale avait depuis trop longtemps adopté une position pro-palestinienne pour être touchée de manière significative, mais qu’en parallèle son opinion n’avait qu’une importance marginale sur celle de la société israélienne. Les beaux discours émis à Genève ou New York n’ont guère de valeur dans les rues ensanglantées de Jérusalem ou Tel Aviv.
C’est l’usage ciblé de la force et le souci de la légalité qui ont préservé et renforcé cette légitimité aux yeux des Israéliens. Les opérations militaires ont ainsi recherché à minimiser les dommages collatéraux, malgré les accusations d’abus systématiques émises par les porte-parole palestiniens et malgré l’usage systématique de boucliers humains par les combattants palestiniens. Les actions entraînant la mort d’un nombre disproportionné de non combattants par rapport à la nécessité militaire, comme l’exécution de Salah Shehadeh en juillet 2002 par une bombe d’une tonne qui fit 15 morts, ont ainsi fait l’objet d’enquêtes judiciaires ; dans la mesure où les abus moindres sont également rapportés à la justice militaire, ce sont plus de 500 enquêtes qui ont été menées en 4 ans. Le respect du droit national, illustré par les décrets de la Cour suprême israélienne, a également joué un rôle majeur.
Le deuxième volet de la stratégie israélienne a consisté à contrer l’offensive palestinienne dans le domaine psychologique et à saper la volonté des combattants comme de la population. La liquidation des responsables terroristes est ainsi devenue une pratique régulière : du 9 novembre 2000 à nos jours, mais surtout depuis l’automne 2001, au moins 160 cadres des organisations terroristes palestiniennes ont été tués par des frappes aériennes ou des raids terrestres. Cette attrition ravageuse a été rendue possible par la précision de leur exécution, reposant essentiellement sur des missiles air-sol à guidage laser ainsi que sur des forces spéciales de première qualité, mais aussi par l’excellence du renseignement israélien, capable de traquer des individus précis et d’annoncer les rares instants où ils quittent la protection de la foule. Cette omniscience meurtrière a largement contribué à paralyser le Hamas, le Djihad islamique et les Brigades d’Al Aqsa.
Les Israéliens ont également décidé d’affecter la volonté des plus bas échelons en détruisant les maisons habitées par les auteurs d’attentats terroristes ou abritant un trafic lié à ceux-ci : selon l’ONG pacifiste israélienne B’Tselem, 612 maisons ont été complètement détruites entre octobre 2001 et mi-septembre 2004. Tout aussi controversée que les assassinats ciblés, mais possédant un caractère punitif jetant le doute sur sa légalité, cette mesure a néanmoins eu pour effet de déprécier la valeur du martyre au sein des familles palestiniennes et de décourager nombre de candidats potentiels à l’attentat-suicide. Conjuguée à la suppression des primes versées par le régime de Saddam Hussein aux familles des « islamikazes », elle a forcé les bombes humaines à se soucier des conséquences de leurs actes – provoquant ainsi une multiplication des redditions.
Le troisième volet de la stratégie israélienne a consisté à exploiter la supériorité militaire et financière de l’Etat juif pour retirer aux terroristes palestiniens la possibilité matérielle de commettre des attentats. Le retour massif de Tsahal en Cisjordanie, ses incursions fréquentes sur l’ensemble des territoires palestiniens, ses nombreux checkpoints le long de la ligne verte et ses restrictions drastiques à la circulation des Palestiniens ont rendu bien plus difficile l’infiltration des terroristes jusqu’à leur objectif : alors qu’au premier semestre 2001 les deux tiers des tentatives d’attentats étaient couronnés de succès, cette proportion a rapidement chuté dès l’été 2002 pour s’établir à près de 11% pour le premier semestre 2004. La mobilisation progressive de la société israélienne et la multiplication des agents de sécurité privés a également contribué à cette évolution.
Cependant, l’outil décisif en ce domaine reste la barrière de séparation en cours d’achèvement. Impensable en 2000, cette barrière d’une longueur prévue de 720 km s’est peu à peu imposée dans les esprits israéliens au fil des attentats terroristes comme la meilleure solution pour y mettre un terme, ainsi qu’un dispositif similaire autour de la bande de Gaza l’a montré. Sa construction a débuté en mai 2002, et aujourd’hui plus d’un tiers du tracé a été construit, essentiellement le long de la Ligne verte ; contrairement à l’appellation de « mur » souvent lue ou entendue, moins de 5% de la barrière est constituée de béton. Il n’en demeure pas moins qu’elle vise à protéger plusieurs colonies établies sur les territoires palestiniens et que l’on peut douter de sa nature provisoire, ce qui préfigure une annexion future. Dans l’immédiat, la barrière remplit ses promesses et diminue drastiquement le nombre de candidats à l’attentat-suicide parvenant à s’infiltrer en Israël.
Ces trois volets sont peut-être complétés par un quatrième, difficile à prouver, et consistant à intoxiquer les organisations palestiniennes par des informations mettant en doute la loyauté des uns et des autres. L’éclatement au grand jour des luttes intestines en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza laissent penser que des manipulations subversives, à l’exemple de la fameuse « bleuite » employée par la France en Algérie, sont à l’œuvre aujourd’hui. La connaissance exhaustive que les Israéliens ont de leurs ennemis rend parfaitement possible l’usage systématique de taupes, d’agents doubles et de boucs émissaires dans le but de troubler, de diviser et d’affaiblir. Même si l’impéritie et la corruption de l’Autorité palestinienne jouent certainement un rôle majeur dans ce processus.
Ouverte ou clandestine, cette stratégie israélienne n’en a pas moins porté ses fruits : les Palestiniens connaissent aujourd’hui une infériorité physique, psychologique, éthique et cognitive qui est synonyme de défaite. Les défilés vindicatifs dans les rues palestiniennes, qui jadis formaient autant de démonstrations de force, sont désormais des aveux d’impuissance. Les chefs des organisations terroristes ne sont plus des figures populaires et se soucient avant tout de leur propre survie. L’union sacrée de la société palestinienne a fait place à un ressentiment nourri par la misère, les destructions et les faux espoirs. La solidarité militante internationale et les hordes d’activistes occidentaux portant le keffieh ne sont plus que les idiots inutiles d’une cause perdue, totalement étrangers aux préoccupations des Israéliens. Alors que la première Intifada avait été un succès en amenant Israël à considérer un accord de paix global, la deuxième est donc un échec consommé.
Comment expliquer l’issue d’une telle guerre asymétrique, alors même que les Etats peinent à mener ce type de conflit ? En fait, les Israéliens sont parvenus à « resymétriser » le conflit, d’une part en favorisant une élévation des enjeux perçus au sein de leur société, jusqu’à atteindre une importance et une urgence similaires à celles de leurs ennemis, et d’autre part en agissant de manière décisive dans les domaines d’action où les Palestiniens avaient initialement la supériorité. Fondée par la disparité des causes et le déséquilibre des effets, l’asymétrie subie au début du conflit s’est transformée en une dissymétrie ravageuse quand Israël est parvenu simultanément à combler ses faiblesses et à exploiter ses forces. Dès que lors les FDI ont adapté leurs modes opératoires en vue de déployer leurs effets dans le même registre psychologique et éthique que les organisations terroristes palestiniennes, celles-ci ont payé le prix de leurs lacunes et de leur ignorance.
De la victoire militaire à la protection collective
Est-il pour autant possible d’affirmer qu’Israël a remporté la victoire ? Infliger une défaite n’est pas automatiquement synonyme de succès, ainsi que l’illustre la théorie de la destruction mutuelle assurée. Le prix payé par Israël en terme d’image et de réputation sur le plan international, quelle que soit l’exagération ou la désinformation couramment pratiquées par les médias, ne saurait être négligé. Le coût humain du conflit vient également à l’esprit, avec 989 tués et 6709 blessés du côté israélien à la date du 13 septembre selon les FDI, dont une majorité de non combattants, contre 2990 tués du côté palestinien selon les chiffres de B’Tselem. Les pertes subies par l’économie israélienne ont été massives, notamment avec l’effondrement du tourisme et les restrictions à certaines exportations, mettant un terme à une croissante rapide (+6,4% de produit intérieur brut en 2000) et provoquant une récession douloureuse (-0,5% en 2001, -1% en 2002).
Les quatre dernières années ont sans aucun doute transformé les Israéliens, puisque l’offensive palestinienne les a menacés – directement ou non – dans leur existence quotidienne. Elles ont placé la sécurité individuelle et collective au centre des préoccupations et vu l’avènement d’une génération de jeunes adultes dépourvus de toute illusion quant à une paix avec les Palestiniens, et désireux d’assumer leur devoir envers la patrie comme l’ont fait leurs parents et leurs grands-parents. Pourtant, les Israéliens n’ont pas changé leur mode de vie, et la stratégie du Gouvernement Sharon a permis à l’économie de reprendre sa croissance : le PIB a augmenté de 1,3% en 2003 et devrait croître de 4% cette année, les dizaines de milliers de travailleurs palestiniens exclus du territoire israélien ont été remplacés par une main d’œuvre venu d’Asie, le tourisme a retrouvé le niveau de 2001, alors que les exportations sont de nouveau à la hausse.
La poursuite inéluctable des violences, au moins sous la forme de roquettes ou d’obus de mortier impossibles à intercepter, montre cependant que la victoire claire et définitive est aussi inaccessible que la perfection ou l’immortalité. Le rôle de l’armée israélienne n’est plus en premier lieu de vaincre les armées arabes sur le champ de bataille, mais de protéger la population israélienne et de convaincre celle-ci qu’elle est raisonnablement protégée. Cependant, cette mutation de la fonction militaire – due avant tout à la transformation de la guerre – est aujourd’hui une constante tout autour du globe : les capacités de destruction propres aux armées servent essentiellement à préserver la normalité, la stabilité et la liberté des zones démocratiques subissant les assauts du chaos, de l’anarchie et du fondamentalisme. Le soldat moderne n’est plus appelé à conquérir la terre ou la défendre, mais doit au contraire faciliter ou entraver la conquête des esprits.
S’il est une victoire à distinguer dans le camp israélien, c’est bien sur ce plan qu’elle se situe : la menace existentielle du terrorisme palestinien, que le chef de l’état-major général Moshe Yaalon évaluait à l’été 2002 aussi grave et insidieuse qu’un cancer, a été jugulée sans que les Israéliens ne perdent leur identité et ne bafouent leurs valeurs, c’est-à-dire sans qu’ils ne commencent à ressembler à leurs ennemis. Malgré les cris d’orfraie émis par les moralistes émotifs dont regorge l’Occident, la construction de la barrière de séparation, la destruction des maisons utilisées par les terroristes et les détentions prolongées dans les prisons du Néguev ne peuvent en aucun cas être comparées aux massacres et aux perfidies dont se sont rendus coupables les Palestiniens. L’usage mesuré de la force au service d’une politique clairement définie a fait la preuve de son efficacité, alors que le terrorisme aveugle s’est une fois de plus révélé contre-productif. Une réalité que les pacifistes peineront naturellement à admettre.
Il va de soi que le conflit israélo-palestinien n’est pas achevé. Bien du sang sera encore versé avant que l’existence même d’Israël, à l’intérieur de frontières justes et défendables, ne soit acceptée au Moyen-Orient. Pour l’heure, la faculté des Israéliens à imposer la paix aux Palestiniens en leur retirant la possibilité de faire la guerre produit des conditions favorables pour un cessez-le-feu durable. Espérer davantage serait certainement d’un optimisme déraisonnable.
Lt col EMG Ludovic Monnerat