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Comment la stratégie subtile et les tactiques mortelles de l’US Army ont contraint Al-Sadr à négocier

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31 mai 2004

Char Abrams à Najaf, 21.5.04C

ontrairement aux prévisions les plus alarmistes, les forces armées américaines sont parvenues à contrôler l'éruption de violences consécutive à l'insurrection déclenchée par l'extrémiste religieux Moqtada Al-Sadr et sa milice chiite. En combinant des attaques à la fois puissantes et précises à une stratégie axée sur l'influence des perceptions, la 1ère division blindée US a démontré une compréhension détaillée du conflit.

Lorsqu’il s’est préparé le mois dernier à déployer dans une région volatile de l’Irak pour combattre une milice rebelle menaçant de provoquer un soulèvement des musulmans chiites, le major-général Martin Dempsey [commandant de la 1ère division blindée, alors censée prendre le chemin du retour, note du traducteur] a donné des directives mortelles. « Au niveau tactique, nous avons dit à nos soldats que ‘si vous êtes attaqués, répliquez et menez le combat jusqu’à son terme », se souvient Dempsey. « Ne permettez pas aux miliciens de survivre et recommencer un autre jour. »


«... Il était très important pour nous de répandre le message selon lequel les motivations de Moqtada Al-Sadr n'étaient pas le bien du peuple irakien, la protection de l'islam ou la défense des lieux saints. »


Ces ordres clairs, appuyés par une stratégie subtile, ont exercé une pression croissante sur Moqtada Al-Sadr et sa milice nommée Armée du Mahdi, pour finalement les mettre dans une situation presque sans issue. Sept semaines après les accrochages les plus sanglants depuis le Président Bush a annoncé la fin des opérations de combat majeures, en mai 2003, une sorte de cessez-le-feu a été instauré la semaine dernière dans les derniers bastions d’Al-Sadr à Najaf et Koufa lorsque le religieux rebelle a cherché par la négociation à mettre un terme à son combat sans espoir contre les Américains.



Un message martelé en permanence

Il reste à démontrer que ce cessez-le-feu se maintienne. Samedi, la base US à Najaf a été touchée par plusieurs obus de mortier, et à Koufa les soldats US ont été engagés dans une fusillade de 2 heures, tuant 4 insurgents d’après les militaires. Mais ces incidents sont apparus moins intenses que vendredi, lorsque les insurgents ont tiré 60 obus de mortier sur la base de Najaf et déclenché ensuite une fusillade de 4 heures à Koufa. [En revanche, des combats plus intenses ont eu lieu dimanche soir, coûtant la vie à 2 soldats américains et à au moins 20 miliciens chiites, NDT]

Que cet accord représente un succès total pour les forces américaines est un point ouvert au débat. Les combattants de Sadr, proclamant leur victoire, ont défilé dans les rues de Najaf après l’annonce de l’accord jeudi. Mais celui-ci ne répond pas à deux demandes essentielles que les responsables US ont faites depuis que Sadr a déclenché son soulèvement – la dissolution de sa milice et sa reddition pour faire face à une accusation de meurtre d’un religieux rival.

A la place, selon l’arrangement trouvé entre Sadr et des responsables irakiens, les miliciens non issus de Najaf ou de Koufa doivent rentrer chez eux, et ceux qui restent ne peuvent pas porter des armes dans la rue. De plus, les forces de sécurité irakiennes auront l’autorisation de revenir dans les deux villes. Le statut légal de Sadr reste obscur. « Je n’obéis pas aux occupants. Jamais », a déclaré Sadr vendredi lors d’une interview diffusée par la chaîne TV Al-Jazeera.

Pour sa milice, composée principalement d’hommes jeunes et pauvres provenant des couches inférieures de la société, le coût des combats a été dévastateur. Les responsables militaires américains estiment qu’ils sont morts par centaines durant les semaines d’affrontements, depuis le taudis bagdadi de Sadr City aux villes saintes de Najaf et Karbala. D’autres semblent avoir simplement déserté. Les commandants US estimaient les combattants du Mahdi à 2500 dans tout le pays au début de leur soulèvement. A la fin de la semaine dernière, ils en dénombraient moins de 500. « Nous avons atteint ce résultat, que ce soit une victoire ou un progrès, grâce à quelques jeunes soldats courageux et disciplinés », a déclaré Dempsey la semaine dernière à Camp Baker, la principale base américaine à Najaf.

Ce qui est clair, c’est que les forces US ont repoussé les combattants de Sadr dans deux ultimes bastions à Koufa et à Najaf, et fourni les Etats-Unis les moyens de résoudre l’un des problèmes les plus épineux avant la transmission de souveraineté au peuple irakien le 30 juin prochain. Que le cessez-le-feu soit respecté ou non, les commandants américains affirment avoir infligé des destructions maximales à l’organisation de Sadr tout en limitant les dommages et les pertes en non combattants dans les environnements urbains. Il n’existe aucun chiffre précis des pertes civiles résultant des combats, mais il apparaît que les combattants de Sadr ont le plus souffert.

Même en opérant dans des villes saintes et près de quelques uns des lieux de pèlerinage les plus sacrés de l’islam, les Etats-Unis et leur offensive contre Sadr n’ont pas enflammé la population chiite. Ils ont également réussi à isoler Sadr, dont le nom de famille est vénéré. « Il était assez clair qu’il essayait de partir d’un soulèvement restreint et de le transformer en révolte populaire », a souligné Dempsey. « L’objectif principal par conséquent consistait à ne pas permettre cette transformation en une révolte populaire, parce que s’il avait gagné un large soutien dans la population chiite, alors en vérité il n’y aurait plus rien eu à faire. »

La situation semblait bien différente le 4 avril, le jour où le soulèvement a été déclenché après que les autorités de la coalition ont fermé le journal de Sadr et arrêté l’un de ses lieutenants. Les soldats de Dempsey ont été pris dans de violents combats de rues à Bagdad. D’autres étaient déjà en train de rentrer à leurs bases en Allemagne et en Louisiane, après avoir achevé leur mission d’une année en Irak. Tous ces soldats ont reçu l’ordre de prolonger leur déploiement.

Avant d’élaborer le plan de bataille, Dempsey devait comprendre son ennemi et ses motivations. « Nous devions choisir une voie qui maintiendrait le soutien populaire local et général – au moins la neutralité », a précisé Dempsey. « Il était très important pour nous de répandre le message selon lequel les motivations de Moqtada Al-Sadr n’étaient pas le bien du peuple irakien, la protection de l’islam ou la défense des lieux saints. Il était vraiment motivé par la puissance, l’argent, l’influence et la compétition avec d’autres chiites pour le contrôle à long terme. Nous avons martelé ce thème partout où nous sommes allés. »

Dempsey a déclaré avoir transmis ce message lors de rencontres avec des responsables locaux et régionaux ainsi qu’avec des leaders tribaux. Il a également essayé de reconstruire les forces de sécurité locales. Durant le soulèvement, le corps de défense civil irakien et la police locale ont pris la fuite dans plusieurs villes majeures. « Nous devions restaurer un certain degré de confiance dans les forces de sécurité irakiennes », a-t-il souligné.

Les dernières pièces du plan étaient militaires. Au niveau opératif, où les batailles sont liées les unes aux autres, « nous devions être considérés à la fois très méthodiques, très patients, très précis et très disciplinés », a précisé Dempsey. Au niveau tactique, pour le combat effectif, « nous devions être vus comme rapides, décisifs, irrésistibles et puissants. »

Le résultat a été la destruction systématique de la milice chiite de Kut à Najaf en passant par Diwaniyah, Karbala et Koufa. Les forces de Dempsey n’ont pas essayé de nettoyer les quartiers : elles sont allées au cœur de l’organisation de Sadr, que ce soit à ses quartiers-généraux politiques ou dans ses redoutes et ses caches d’armes. « Nous savions où aller et nous y sommes allés directement pour mener le combat jusqu’à son terme et en repartir », a-t-il expliqué.

Dès que la milice a été battue au fil des accrochages, des projets humanitaires ont rapidement démarré et des stations radio ont été ouvertes pour en diffuser la nouvelle. Les anciens ennemis ont reçu du travail. « A Kut, nous combattions l’Armée du Mahdi un jour, et le lendemain nous les avons mis au travail pour réparer le parc de loisirs », a déclaré Dempsey. Les débris étaient également déblayés pendant que le combat se déplaçait dans la ville suivante.

Désireux de ne pas enflammer les passions religieuses ou politiques, les formations US ne pouvaient écarter par la force les miliciens sadristes des lieux saints de Karbala ou Najaf. « Dans les deux cas, la population locale a été tellement scandalisée par l’usage des lieux saints qu’ils ont été en mesure de faire pencher la balance en notre faveur », a souligné Dempsey.

Sadr s’est finalement laissé fléchir et a accepté de négocier après la capture par les forces américaines de son principal lieutenant et beau-frère, Riyadh Al-Nouri, tôt mercredi matin. Apparemment, Al-Nouri était soulagé. « Il a dit, ‘Premièrement, merci de me capturer et de ne pas me tuer’ », d’après Dempsey. « ‘Merci de me traiter aussi bien que vous, et troisièmement, je suis vraiment content que tout ceci soit terminé.’ »



Texte original: Bill Glauber, "Subtle strategy, lethal tactics pushed Iraqi cleric into deal", The Chicago Tribune, 30.5.2004  
Traduction et réécriture: Maj EMG Ludovic Monnerat
  








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