La Russie exporte de nombreux armements modernes que sa propre armée peine à acquérir
25 janvier 2004
e pays déchiré de l'après-communisme est devenu en
10 ans le premier exportateur d'armements, et ses produits militaires équipent
les armées des pays en développement. Mais la Russie elle-même n'a pas les
moyens d'équiper sa propre armée.
L'armée russe a besoin d'hélicoptères modernes, a déclaré
le colonel-général Vladimir Mikhailov Novosti, commandant en chef des forces
aériennes russes lors d'une interview avec le journal Novosti : « Le
nombre d'hélicoptères modernes des classes Ka-50 Black Shark ou MI-26 compose
environ 10% de toute la flotte d'hélicoptères des forces aériennes russes. »
La flotte d'hélicoptère se compose actuellement d'hélicoptères
pour la plupart périmés, de types Mi-8 et Mi-24, maintenus en état d'alerte par
des réparations et des renouvellements. La flotte est de temps en temps équipée
avec de nouvelles pièces de rechange, principalement des rotors.
«... La part du nouvel armement dans l'armée
russe est de 30 % au lieu des 60 % observés dans la pratique mondiale. La
détérioration de la flotte d'aviation s'élève à 80 %. »
Tout le monde connaît les ennuis de l'armée russe: manque
de moyens financiers, technologies périmées, basse efficacité au combat, etc...
Les officiers supérieurs parlent souvent de ces problèmes, mais jusqu'ici rien
n'a changé. Quelle est la ligne de conduite la plus efficace pour redonner à
l'armée russe sa force et son potentiel passés ?
L'armée a besoin d'argent
Le montant des dépenses pour les militaires et pour les
forces de sécurité s'élèvera en 2004 à 27% du budget fédéral. En comparaison,
les dépenses consacrées à la santé, l'éducation et la science en 2004
s'élèveront à 7,6%, ce qui est 3,5 fois inférieur. Or, le ministre russe de la
défense Sergeï Ivanov a déclaré que le budget du pays pour 2004 couvrira les
besoins minimaux de l'armée. Selon différentes évaluations, les revenus dans le
secteur de l'exportation d'armes atteignaient en 2002 entre 5 et 6 milliards de
dollars, alors que les revenus américains étaient inférieurs à 4 milliards de
dollars. Personne ne pouvait prévoir un tel succès de la part de la mourante
administration russe d'il y a 10 ans.
On pourrait s'attendre à ce que les sommes considérables
gagnées par l'administration de la défense en matière d'exportation d'armes rétablissent le système militaire. Dernièrement, le général
Andrey Nikolayev, président du comité de la défense à la Douma a déclaré :
"la crise et la faillite de la défense entravent le règlement des
problèmes dans le cadre d'une réforme de l'armée garantissant une capacité
défensive proportionnelle. L'état actuel des forces armées nous indique que
nous avons déjà perdu notre position de 2e meilleure armée. Il n'existe pas de
force armée sans une production industrielle moderne."
Le directeur général de la société d'aviation MIG, Nikolaï
Nikitin, a expliqué que le dixième de la somme gagnée lors des exportations est
utilisée pour les nouveaux développements. En mai 1996, le directeur général du
bureau de conception de Sukhoi, Mikhail Simonov, proposa au président de la Russie
d'utiliser 10 à 12 % de l'argent gagné pour les nouveaux développements. Lors
des six dernières années, le bureau de conception de Sukhoi a fourni plus de
160 nouveaux chasseurs de type Su aux marchés étrangers, Chine, Vietnam et
Inde. L'argent gagné lors de ces exportations s'élève à pas moins de 5
milliards de dollars.
Cependant, toutes les organisations de la défense
n'investissent pas dans les nouvelles technologies militaires destinées à
l'armée russe. L'argent est pour la plupart du temps dépensé en technologies
demandées sur le marché international. C'est pourquoi il n'y a presque aucune
production complète de nouvelles armes en Russie. Le Commandement du ministère
de la défense de la Fédération russe a plusieurs fois demandé un pourcentage
des revenus, environ 200 à 300 millions de dollars par année, pour les nouveaux
équipements destinés à l'armée. La clause 2 de la loi "sur l'ordre
militaire d'Etat" ne permet pas aux militaires de s'approprier de l'argent
directement à cette fin.
En conséquence, la part du nouvel armement dans l'armée
russe est de 30 % au lieu des 60 % observés dans la pratique mondiale. La
détérioration de la flotte d'aviation s'élève à 80 %. Il est paradoxal de
constater que du matériel provenant de Russie équipent
les armées d'autres pays. Selon le programme national sur les armes, les
troupes russes commenceront à recevoir du matériel militaire moderne en
2008-2010. On s'attend à ce que la majorité des avions de fabrication
soviétiques, chars d'assaut et navires, qui sont
actuellement modernisés soient éliminés pendant cette période.
Les armes intelligentes sont beaucoup plus onéreuses que
la technologie militaire employée par l'armée russe aujourd'hui. C'est la
raison pour laquelle le ministère de la défense de la fédération russe ne les
achète pas. Peu importe ce que le Commandant en chef de l'armée déclare, la
situation n'évolue pas. Les entretiens de la sorte sont juste de bonnes
occasions pour transmettre la responsabilité des problèmes militaires. En fait,
la plus importante partie des recettes dues aux exportations obtenues par
l'administration de la défense est utilisée pour rembourser la dette
extérieure. La Russie a promis de rembourser des dettes évaluées à plusieurs
milliards de dollars en avance sur la date précédemment fixée.
Texte original: Dmitry Chirkin, "Russia Has Lost its Army", Pravda, 21.10.2003
Traduction et réécriture: Vladimir Caillet