Comment les forces de la coalition mènent avec succès leur
campagne de contre-insurrection et de stabilisation en Irak
25 janvier 2004
es efforts considérables, les sacrifices douloureux et les
budgets galopants de la coalition ont porté leurs fruits : depuis
plusieurs mois, la stabilisation de l'Irak se poursuit à un rythme constant, et
les objectifs stratégiques de l'opération sont clairement en vue. La véritable
situation de l'Irak et les raisons de ce succès méritent une analyse détaillée.
Considérée à travers le prisme étonnant des médias européens, l'opération
Iraqi Freedom constitue un échec frisant en permanence le désastre : la
litanie sans fin des attaques, les bains de sang dus aux attentats, l'annonce
perpétuelle de détériorations imminentes ont composé l'essentiel de ce que l'on
a pu lire, voir ou entendre ces derniers mois au sujet de l'Irak. Je me
rappelle les portraits tirés pendant l'été des soldats américains, dont on nous
expliquait doctement la défaite avérée et la situation désespérée, les
reportages soulignant le rejet généralisé qu'ils suscitaient en Irak, et les
couplets de rigueur sur le renversement inévitable de l'opinion publique
américaine face à l'accumulation des pertes.
«... Force est d'admettre que ceux qui hurlent au bourbier depuis des mois en invoquant l'inénarrable spectre du Vietnam ont atteint le tréfonds de l'aveuglement. »
Aujourd'hui, il est évident que cette opération militaire a provoqué une
déroute médiatique dont les effets se feront sentir encore longtemps. Les
soldats américains sont toujours en Irak, n'ont pas déserté et accomplissent
leur mission au quotidien ; la population irakienne soutient toujours
majoritairement la présence de la coalition ; et le public américain reste
toujours derrière l'administration Bush, et notamment derrière sa décision de
renverser le régime de Saddam Hussein. Les mêmes commentateurs qui se sont
trompés sur la guerre en Irak se sont également trompés sur l'après-guerre, et
continuent souvent à le faire. La réalité finit tôt ou tard par supplanter les
perceptions biaisées.
Comment les forces coalisées ont-elles pu déjouer des pronostics parfois
unanimes et réussir une campagne de contre-insurrection et de stabilisation
sans précédent ? Tel est l'objet de cette longue analyse présentée ci-dessous,
après celle réalisée au mois d'août et qui concluait déjà aux perspectives positives
s'offrant à la coalition. Décrire les dispositifs et les activités en Irak
durant les 4 derniers mois de l'année 2003, et donc l'évolution survenue sur le
plan militaire, économique, sociétal et politique, offre le recul nécessaire
pour cerner les causes de la situation actuelle. Une démarche indispensable
pour replacer dans leur contexte les aspérités de l'actualité.
Le dispositif de la coalition
A la mi-décembre se
trouvaient en Irak quelque 145'000 militaires étrangers, dont 123'000 Américains ;
au total, les forces non américaines déployées pour l'opération Iraqi Freedom
sur territoire irakien et à proximité dépassaient les 26'000 hommes. Regroupés
au sein du groupe de forces interarmées multinational 7 (Combined Joint Task
Force 7, CJTF-7), ces contingents étaient répartis en 6 divisions et
encadrés par les éléments d'un corps d'armée. A l'exception des 2 formations sous
commandement multinational, la composition de ces divisions est cependant
difficile à décrypter précisément : au panachage caractérisant les groupes
de forces s'ajoutent en effet les redéploiements opérés par certains bataillons
en fonction de la menace, ainsi que le flou entre subordinations effectives et
attributions ponctuelles.
En limitant essentiellement
aux brigades de manœuvre le niveau de détail, l'articulation des forces
coalisées devait néanmoins être la suivante :
- Un
corps d'armée multinational basé sur le Ve Corps US (cdt : lt-gén
Ricardo S. Sanchez, QG à Bagdad) et engageant à son niveau environ 1
brigade de forces spéciales, 1 brigade d'artillerie, 1 brigade du génie,
au moins 2 brigades de police militaire, 1 brigade d'aviation légère, 2 à
3 brigades de transmissions et 3 à 4 brigades logistiques ;
- Dans
la capitale, un groupe de forces divisionnaire basé sur la 1ère division
blindée US (cdt : br-gén Martin E. Dempsey, QG à l'aéroport
international) complète avec ses 3 brigades de manœuvre, et renforcé par la
2e brigade de la 82e division aéroportée et par le 2e régiment de
cavalerie blindée - au total environ 30'000 soldats ;
- A
l'ouest, le groupe de forces divisionnaire All American basé sur la
82e division aéroportée US (cdt : maj-gén Charles H. Swannack Jr., QG
à Ramadi) sans ses 1ère et 2e brigades, mais avec la 1ère brigade de la
1ère division d'infanterie et le 3e régiment de cavalerie blindée - au
total environ 18'000 soldats ;
- Au
nord, un groupe de forces divisionnaire basé sur la 101e division
aéromobile US (cdt : maj-gén David H. Petraeus, QG à Mossoul) complète
avec ses 3 brigades de manœuvre - au total environ 21'000 soldats ;
- Au
centre nord, le groupe de forces divisionnaire Iron Horse basé sur
la 4e division d'infanterie US (cdt : maj-gén Raymond T. Odierno, QG
à Tikrit) complète avec ses 3 brigades de manœuvre, et renforcé par la 3e
brigade de la 2e division d'infanterie et par la 173e brigade aéroportée -
au total environ 32'000 soldats ;
- Au
centre sud, un groupe de forces divisionnaire multinational sous
commandement polonais (cdt : lt-gén Andrzej Tyszkiewicz, QG à Babylone), avec 1
brigade polonaise, 1 brigade espagnole et 1 brigade ukrainienne - au total
environ 9200 soldats (plusieurs éléments US appuient cette division, dont
1 brigade de police militaire de 2200 soldats) ;
- Au sud-est, un groupe de forces
divisionnaire multinational sous commandement britannique (cdt :
maj-gén Graham Lamb, QG à Bassora), avec 1 brigade britannique, 1 brigade
italienne et 1 bataillon renforcé hollandais - au total environ 13'000
soldats.
Le fait que nombre
d'unités spécialisées proviennent de la Garde nationale et de la réserve et
n'ont été que partiellement mobilisées complique encore les choses. Début
novembre, plus de 21% des militaires américains présents en Irak
n'appartenaient pas aux unités d'active ; le pourcentage de réservistes
atteignait ainsi 97% dans les unités d'affaires civiles, 82% dans les affaires
publiques, et plus de 85% dans le renseignement et la police militaires. C'est
dire à quel point l'importance de ces spécialistes dépasse la simple proportion
numérique que fournissent les effectifs. Mais comme leur mise sur pied se fait
souvent sur une base individuelle, l'ordre de bataille précis de la coalition
est purement et simplement impossible à établir sur la base des informations
disponibles.
Il n'en va pas de
même pour l'infrastructure logistique déployée. A l'exception de la division
multinationale sud-est qui s'appuie sur le port en eaux profondes d'Umm Qasr et
qui affecte une brigade logistique britannique à cette fonction, toutes les
autres formations dépendent largement - comme en mars 2003 - des lignes de
communication partant du Koweït. L'approvisionnement en carburant se fait avant tout par un
pipeline reliant directement les raffineries koweïtiennes à la base aérienne de
Tallil, près de Nasiriyah ; quelque 5 millions de litres de carburant sont
pompés et distribués chaque jour. De plus, 750 camions citernes transportant du
carburant et de l'eau
sont disponibles entre le Koweït et l'Irak, ainsi que 29 camions équipés d'installations
capables chacune de purifier plus de 11'000 litres d'eau par heure. Chaque jour, ce
sont ainsi 300 convois totalisant 800 camions militaires escortés qui relient
le Koweït à Bagdad pour assurer la livraison des biens de ravitaillement
nécessaires à plus de 130'000 soldats.
Les deux principales
bases logistiques en Irak sont Camp Victory sur l'aéroport international de Bagdad,
et Camp Anaconda, à 70 km au nord de Bagdad ; le carburant, la subsistance
et l'eau sont les produits les plus importés. Ces biens sont ensuite réceptionnés
et distribués par l'échelon logistique de la CJTF-7 ; un seul bataillon de
transport envoie ainsi chaque jour jusqu'à 250 camions - dont 50 armés - livrer
aux divisions une moyenne de 475'000 repas prêts à la consommation, 3,4
millions de litres d'eau et autant de carburant, sur des distances totales de
1300 km. Les divisions répartissent alors ces biens de ravitaillements à leurs
unités, et ainsi de suite ; à mi-octobre, le 2e régiment de cavalerie
blindée faisait par exemple circuler chaque jour entre 60 et 70 convois pour
ses besoins internes en carburant, en eau, en nourriture et en équipements
divers. Par extrapolation, on peut ainsi estimer que les troupes américaines
nécessitent quotidiennement entre 1500 et 2000 convois pour leur seule
logistique.
Les unités déployées
en Irak et parvenues au terme de leur engagement transitent majoritairement par
le Koweït. Les bases de Camp Arifjan, Doha et Udairi près de la capitale
constituent la principale aire de rassemblement pour les interminables convois
de véhicules de combat et d'appui de l'US Army ; à partir de là, le
matériel est chargé sur les navires de l'US Navy ou les cargos qu'elle a
affrétés, alors que le personnel s'envole de l'aéroport koweïtien sur les
avions de transport de l'US Air Force ou, comme c'est le plus fréquent, sur des
avions de ligne privés loués avec leur équipage à cette fin. Une partie du
personnel utilise cependant l'aéroport international de Bagdad, malgré les
attaques qui jusqu'ici ont frappé quelques avions militaires et un porteur
civil : les pistes de la capitale connaissent en moyenne 120 atterrissages
par jour, dont 50 pour le trafic civil. Enfin, près de 250 hélicoptères de
transport sillonnent quotidiennement le ciel irakien.
La majorité des contingents militaires
- et parfois policiers - engagés par les 34 nations présentes en Irak en plus
des Etats-Unis s'appuient sur l'infrastructure de ceux-ci ; les Britanniques
constituent ici aussi une exception de taille, puisqu'ils utilisent l'aéroport
international de Bassorah. Le déploiement de la division sud-est entre juin et
juillet 2003 et celui de la division centre-sud entre septembre et octobre ont
donc suivi la même voie que les renforts envoyés les mois suivants - comme les
1200 fantassins britanniques déployés début septembre, ou les 70 commandos
hollandais fin novembre. Il en ira probablement de même pour les nouveaux
contingents prévus en 2004, dont en particulier 3000 Sud-coréens, 1000 Japonais
et 500 Géorgiens qui feront passer le total des troupes internationales à quelque
30'000 soldats.
La relève de ces derniers a d'ailleurs
commencé, mais elle ne saurait être comparée à la gigantesque rotation engagée
au sein des formations US. Les planifications du Pentagone annoncées en juillet
dernier, qui tablaient sur la présence de 90'000 militaires américains au
printemps 2004, ont en effet été revues à la hausse le 5 novembre pour passer à
107'000 soldats, puis 110'000 le 26 du même mois. Entre janvier et avril 2004,
les 4 divisions et les 3 brigades indépendantes de l'US Army seront remplacées
par 2 divisions d'active également de l'Army (la 1ère de cavalerie et la 1ère
d'infanterie), 1 division d'active des Marines et 2 brigades de la Garde
nationale ; les réservistes constitueront à cette date 40% des effectifs
américains de l'opération Iraqi Freedom. Cependant, la réduction de ces troupes
se fera presque exclusivement dans la logistique et dans les transmissions
stratégiques et tactiques. Autrement dit, le nombre de troupes de combat
effectivement engagées va rester identique, et il y aura même davantage
d'infanterie - grâce à l'envoi des Marines.
Que représente l'opération irakienne
pour les Forces armées américaines ? Une étude du Congressional Budget
Office - qui fait autorité quant au coût des déploiements - rendue publique
le 2 septembre a montré qu'elles étaient en mesure de maintenir une présence
indéfinie de 100'000 hommes en Irak pour un coût annuel de 19 milliards de
dollars, à condition de faire largement appel aux réserves et à la Garde
nationale - ce qui est précisément le choix fait par le Pentagone, bien que la
proportion des réservistes actuellement mobilisés ne dépasse guère 24% du total
disponible. Par ailleurs, avec les seules forces d'active, une présence indéfinie de
40'000 à 65'000 hommes pourrait être assurée à un coût de 8 à 12 milliards par
an. Autrement dit, cette mission inscrite à moyen terme - l'US Army ayant passé
en novembre des contrats d'infrastructure en Irak jusqu'en 2006 au moins - ne
pose pas de difficulté insurmontable. A condition que la situation ne provoque
pas une attrition accélérée des forces déployées.
La situation
des forces
De manière somme toute stupéfiante, les
décès des soldats américains en Irak font l'objet d'informations quotidiennes
devenues rituelles, à la différence de tous les autres conflits de basse
intensité que connaît la planète. L'agence de presse AP diffuse ainsi chaque
jour l'état des pertes subies par la coalition, avec les informations relatives
aux individus concernés ; lorsque aucun GI ne meurt durant les dernières
24 heures, la dépêche passe quand même et récapitule le nombre de morts et de
blessés depuis le début de l'opération ! Et ce qui est encore plus
étonnant, c'est que les autres variables relatives aux combattants - comme le
nombre d'adversaires tués ou capturés par la coalition - ne font l'objet
d'aucune attention. De toute évidence, certains choix éditoriaux peinent à
traduire une authentique objectivité.
Au 25 janvier, les pertes subies par la
coalition étaient donc les suivantes : 513 soldats américains tués
dont 357 au combat, soit respectivement 373 et 240 depuis le 1er mai 2003, date
choisie par la Maison Blanche pour annoncer la fin des opérations de combat
majeures ; 57 Britanniques, 17 Italiens, 10 Espagnols, 5 Bulgares, 3
Ukrainiens, 2 Thaïs, 2 Polonais et 1 Danois sont également morts. Cependant, la
plupart des décès au sein des divisions multinationales après le 1er mai ont
été provoqués par des attaques à la fois ponctuelles et très meurtrières, alors
que l'attrition des formations US reste quotidienne. Au 23 janvier, le nombre
de blessés suite à des actes hostiles s'élevait ainsi à 2519 soldats. Mais au-delà
de ces chiffres somme toute difficiles à appréhender, c'est l'évolution des
pertes - et donc des attaques - qui permet de cerner au mieux la situation
actuelle.
A la fin du printemps, les formations
américaines subissaient ainsi une moyenne de 20 à 25 attaques quotidiennes,
menées par des adversaires peu expérimentés et mal organisés, qui blessaient
moins de 5 soldats par jour et en tuaient 2 à 3 par semaine. Les attaques ont
ensuite diminué, mais leur efficacité a augmenté : en août, chaque journée
voyait en moyenne 12 attaques faire 10 blessés, et 1 soldat était tué tous les
deux jours. Après un net accroissement du nombre de blessés en septembre, le
mois d'octobre a connu une vive augmentation des attaques - 20, 25 puis 33 par
jour - qui s'est poursuivie jusqu'à la mi-novembre en multipliant les pertes
américaines, essentiellement lorsque plusieurs hélicoptères ont été abattus. A
cet instant, un sommet a été atteint avec 45 attaques quotidiennes faisant en
moyenne 18 blessés et 3 morts.
Durant la dernière semaine de novembre,
les attaques sont retombées à 22 par jour et ce niveau s'est maintenu jusqu'à
la mi-décembre, avec 9 blessés quotidiens et 4 morts par semaine. La décrue
s'est poursuivie après la capture de Saddam Hussein : 20 attaques et 9
blessés par jour fin décembre, 17 attaques et 8 blessés quotidiens dans la
première moitié de janvier avec une moyenne d'un mort par jour, principalement
en raison d'un nouvel hélicoptère abattu, puis moins de 5 blessés quotidiens
fin janvier. Mais ces chiffres ne sont pas suffisants pour traduire la réalité
des faits : le nombre de blessés, par exemple, ne dit rien de la gravité
des blessures, ne traite guère les autres facteurs d'attrition et n'aborde pas la
situation psychologique des troupes, certes plus délicate à mesurer.
Un certain nombre de soldats sont ainsi
rapatriés pour des raisons étrangères aux actions de leurs adversaires. A la
date du 15 novembre, on comptait 6861 soldats évacués pour raisons médicales
hors combat contre 1967 blessés suite à des actes hostiles ; sur ces 6861 soldats,
2464 ont subi des blessures lors d'accidents et 4397 étaient malades à des
degrés divers - avec 504 cas psychologiques, 378 cas neurologiques et 150 cas
de neurochirurgie - ou rappelés pour des causes dites gynécologiques,
c'est-à-dire des grossesses. Une augmentation notable des accidents et des
maladies d'origine locale a été enregistrée à l'automne, ce qui est la
conséquence directe d'un déploiement prolongé - avec le risque engendré par la
routine et l'exposition aux facteurs infectieux dans des conditions de vie
rudimentaires.
Le nombre restreint de cas
psychologiques, comme le fait qu'ils concernent avant tout des troupes non
combattantes, est un indicateur important au sujet du moral au sein des
formations. Ce dernier, il est vrai, constitue l'un des mythes les plus curieux
propagés par les médias, tant l'image de GIs démoralisés et désespérés est
devenue un lieu commun. On a même parlé de suicides et de désertions traduisant
une situation dramatique. Mais les faits démentent de telles allégations. D'une
part, avec 13,5 suicides pour 100'000 hommes en 2003, les forces de l'US Army
en Irak ont un taux comparable à celui des troupes maintenues dans leurs bases
(10,9 pour l'Army en 2002, mais 15,5 en 1999 ; 12,6 pour les Marines en
2002, mais jusqu'à 20,6 en 1993). D'autre part, sur les quelque 40'000 soldats
US rentrés à leur domicile en 2003 pour un congé de 2 semaines, seuls 16 ne se sont
pas présentés à l'heure pour reprendre le chemin de l'Irak - la plupart pour
des cas de force majeure qui ne les ont pas empêchés de regagner par la suite leur
unité.
En fait, le moral des troupes US a subi
une chute à l'été, pour remonter par la suite et atteindre aujourd'hui un
niveau semble-t-il élevé. L'annonce du prolongement de 6 à 12 mois des
déploiements, la surprise d'être confronté à une menace non conventionnelle, le
caractère spartiate du logement dans une chaleur étouffante ainsi que le retard
dans la livraison du courrier et l'installation de connexions Internet ont été
les principaux facteurs négatifs. Les pertes ont été bien trop faibles pour
avoir eu une influence majeure. En revanche, une disparité claire est apparue
entre les militaires d'active constituant la majorité des troupes, déployés par
unités et globalement très jeunes, et les membres de la Garde nationale ou de
la réserve, parfois mutés sur une base individuelle, souvent moins bien équipés
que les premiers et ayant au pays des responsabilités familiales et
professionnelles plus importantes. Une différence significative est également
apparue entre les formations de combat et les unités d'appui et de logistique.
En septembre, plusieurs reporters de
Stars & Stripes ont visité 50 camps et bases militaires US en Irak, accompagné
les troupes dans leurs activités quotidiennes, et fait remplir aux soldats 1939
questionnaires concernant leur moral et leurs conditions de vie. Les résultats
ont été les suivants : 67% des soldats estimaient que la guerre en Irak valait
la peine, contre 31% ; 34% avaient un moral bas ou très bas, 27% haut ou très
haut, et presque tout le reste moyen - avec les réservistes au plus bas,
les Marines et les aviateurs au plus haut, et l'Army répartie de l'un à l'autre ; 72% des soldats
estimaient que leurs conditions de vie étaient moyennes, bonnes ou très bonnes ;
63% estimaient leur mission clairement définie ; 60% jugeaient la
logistique moyenne, bonne ou très bonne ; et 49% estimaient peu ou pas
probable de se réengager contre 49% très probable, probable ou possible.
Ces résultats globalement satisfaisants
ont été confirmés par plusieurs variables significatives, dont en premier lieu
le taux de réengagement. Entre octobre 2002 et septembre 2003, l'Army avait pour objectif de
convaincre 51'000 soldats de rester, mais 54151 l'ont fait, et les formations de l'US Army déployées en Irak ont
toutes dépassé leurs objectifs de rétention de 20% au 30 septembre 2003, soit
au terme de l'année de recrutement. Le Ve Corps, qui commande les opérations
terrestres en Irak, a ainsi eu le taux de rétention le plus élevé de tous les
corps d'armée
US. En octobre, la 3e brigade de la 101e division aéromobile venait de passer son
16e mois de déploiement durant les deux dernières années, avec l'Irak après le Kosovo et l'Afghanistan, et elle a eu presque
deux fois plus réengagements que par rapport aux trimestres des 5 dernières
années. Les unités de la Garde nationale ont également enregistré un taux de
non réengagement au retour de missions à l'étranger de 10% fin septembre et 12,5%
fin décembre, contre 17% en temps normal.
Pour le premier trimestre de l'année de
recrutement 2004, l'Army a en revanche manqué de 12% - soit environ 2000
personnes - ses objectifs de réengagement. Mais cela s'explique avant tout
parce que le bonus nominal de 5000 $ accordé pour tout réengagement avait été
suspendu après le 30 septembre, faute de fonds votés à temps par le Congrès
américain ; l'application rétroactive - et augmentée jusqu'à 10'000 $ - de ce
bonus va certainement corriger le tir, car l'Army estime à 3000 le nombre de
soldats qui ne se sont pas tout de suite réengagés afin d'être sûrs que le
bonus leur sera versé. En fait, ce sont les formations de réserve qui ont un problème
de rétention : leur objectif pour l'année 2003 n'a pas été atteint de 6,7%, et
seul le succès du recrutement a permis de le compenser ; mais l'arrivée de
nouveaux membres ne peut entièrement remplacer le savoir-faire engrangé au
cours des déploiements.
L'une des raisons pour lesquelles
les soldats américains sont généralement satisfaits de leur sort réside dans
les avantages qui leurs sont dévolus : pas d'impôt sur le revenu pour leur
salaire ; un bonus de 250 $ par mois pour séparation familiale (Family
Separation Allowance), après une augmentation de 150 $ votée en avril
dernier par le Congrès ; un bonus pour danger (Imminent Danger Pay)
de 225 $ par mois valable pour tout le personnel, également augmenté de 75 $
par le Congrès ; un bonus de devoir difficile (Hardship Duty Pay)
de 100 $ par mois pour tout le personnel, et un bonus de danger particulier (Hazardous
Duty Incentive Pay) de 150 $ par mois. Quant aux bonus de réengagement, ils
sont échelonnés en fonction du grade et de l'expérience, et peuvent par exemple
atteindre 11'000 $ pour un chef d'équipage d'hélicoptère. Un sergent US déployé en Irak peut ainsi gagner
3900 $ par mois, bonus compris, ce qui est évidemment un salaire élevé.
Le succès du recrutement est un autre
indicateur valable de l'attrait caractérisant les fonctions militaires. Au 30
septembre, l'Army
a ainsi recruté 74'132 hommes et femmes pour un objectif fixé à 73'800 dans les
unités d'active, et la réserve a même recruté 27'365 militaires pour un
objectif de 26'400 ;
en revanche, la Garde nationale a manqué de 13% son objectif de 62'000 soldats.
La situation des Forces armées doit donc être qualifiée de relativement bonne,
surtout si l'on considère que les autres services ont tous dépassé leurs
objectifs en ce domaine : avec les taux actuels de recrutement et de
rétention, l'alimentation des formations menant l'essentiel des opérations est
assurée, en Irak comme dans d'autres points chauds du globe. A condition bien
entendu que ces taux se maintiennent, ce à quoi l'US Army s'emploie activement.
L'une des mesures destinées à préserver
le moral des troupes est par exemple celle des congés. Au mois d'août, des
congés de 2 jours au Koweït et au Qatar étaient quotidiennement offerts à 150
soldats, ce qui ne suscitait qu'un intérêt mitigé. Mais depuis la fin septembre,
les soldats américains en Irak bénéficient de congés de 15 jours à domicile qui
sont très appréciés par eux-mêmes et par leurs familles ; après un volume
initial de 270 départs quotidiens, le programme est passé à 470 début novembre.
Pour d'autres soldats ne bénéficiant pas de ces vols, les congés au Qatar ont
été prolongés à 4 jours, alors que des palaces en Irak ont été transformés en
centres de loisirs équipés de piscines, saunas et autres commodités ; à
Bagdad, un palace de la 1ère division blindée a ainsi reçu 1800 soldats entre
la mi-octobre et début janvier. Les congés sont également pratiqués au sein des
divisions multinationales, les Britanniques bénéficiant par exemple d'une
semaine de répit après 4 mois de déploiement.
Les conditions de vie ont également été
améliorées par la construction d'installations en dur, et notamment de vraies
cantines évitant la cure de rations prêtes à la consommation, ainsi que par la
mise en service de nombreux appareils à air conditionné, achetés sur place ou
livrés à travers l'Atlantique. La livraison du courrier - plus d'une tonne par
jour - a largement réussi à rattraper son retard, et l'installation progressive de près
de 150 cafés Internet, soit 20 ordinateurs par bataillon, ainsi que la
généralisation de liaisons téléphoniques à bas prix ont également eu un effet
très positif. Le fait de pouvoir utiliser Internet pour commander des produits - CD, DVD, jeux vidéo et livres
surtout - est un bienfait pour de nombreux soldats, qui y recourent très fréquemment. La
chaîne de supermarchés Wal Mart a même établi un dépôt sur la base de Mossoul,
et elle peut par exemple livrer des réfrigérateurs ou des fours à micro-ondes
qui seront branchés sur les générateurs des bases.
Comment dès lors appréhender la
question du moral des troupes ? D'une manière générale, l'Irak permet de séparer les
combattants des suppléants, les militaires dans l'âme des civils venus trouver dans
l'armée un bénéfice avant
tout matériel. La discipline exigée en permanence de tous les soldats, l'absence d'alcool et de drogue, la
limitation des contacts avec les personnes de sexe opposé dans la population
civile, forment une sorte d'abstinence qui, à terme, renforce nettement l'esprit de corps et la camaraderie
au sein des unités. En outre, l'absence d'un front établi, la dissimulation des
menaces et l'alternance entre coercition et coopération, caractéristiques des
conflits de notre époque, exigent de chaque soldat une mentalité de combattant et
une empathie de diplomate - quelle que soit sa spécialité. C'est avant tout le
constat de cette réalité qui a permis à l'US Army de contrer efficacement
l'insurrection vécue sur le territoire irakien.
La situation
de la guérilla
L'opposition armée à la présence de la
coalition et à ses activités pose en premier lieu un problème de terminologie.
La presque totalité des médias la désignent sous le terme de résistance, mais
celui-ci ne s'applique pas à un mouvement privé de soutien populaire à
l'échelon national ; l'allusion à la France sous l'occupation nazie et la
mention de prétendus « collabos » relèvent en outre d'une analogie
nauséabonde et honteuse. Parler de rebelles ne correspond non plus pas à la
situation, puisque la plupart des attaques sont commises ou commanditées par
des membres de l'appareil répressif de l'ancien régime. Utiliser le mot
insurrection semble déjà mieux adapté, tout comme celui de guérilla, puisque
les deux comportent une dimension clandestine et asymétrique. En tout état de
cause, il reste cependant difficile de qualifier précisément un adversaire
composite et intermittent comme celui qui se manifeste quotidiennement en Irak.
La structure de cette guérilla n'en est
pas moins apparue au fil des mois. Les attaques sont commises par des cellules
comptant 5 à 25 hommes, voire quelquefois 50, et dont les membres appartiennent
à trois types bien distincts :
- Des jeunes hommes désoeuvrés
ou révoltés, le plus souvent payés pour leurs actes, bénéficiant d'une
formation militaire rudimentaire, et commandés par des cadres subalternes de
l'ancien régime ;
- Des criminels de
droit commun appartenant à des bandes organisées, agissant contre paiement ou
pour préserver leurs intérêts, et commandées par les chefs d'organisations
pratiquant une large gamme d'activités illicites ;
- Des combattants
islamistes étrangers, inscrits dans la mouvance Al-Qaïda et agissant selon leur
idéologie, gravitant autour de mosquées tenues par des imams ouverts ou
favorables à leur tendance.
Les différences d'objectifs, de
méthodes et de recrutement, au moins autant que les activités de la coalition,
excluent tout commandement centralisé au sens strict. Il n'en demeure pas moins
que les cadres principaux du régime de Saddam Hussein, anciens membres du parti
Ba'as, de l'armée ou des services secrets, et provenant essentiellement de 5
familles étroitement liées entre elles et avec le dictateur déchu, font office
de commandements régionaux diffus - et rendaient d'ailleurs compte de leurs
activités à ce dernier. Cet échelon n'autorise qu'une coordination limitée, et
ses ordres écrits se contentent de spécifier des cibles à combattre et des tactiques
à utiliser. Toutefois, son appui financier aux cellules combattantes lui
confère une importance décisive. En l'absence de tout attrait idéologique,
l'argent est le nerf de la guérilla.
Ainsi, des recruteurs appartenant surtout
au parti Ba'as
sillonnent le triangle sunnite et proposent des primes en vue d'actions allant
de la récolte de renseignements à l'attaque des forces coalisées. Pour des jeunes hommes au
chômage et désargentés, habitués à tirer de leur appartenance familiale ou
tribale des revenus garantis, la proposition est évidemment alléchante. Le tir
d'une roquette antichar
- quel que soit l'effet - est payé 25 $, le lancement d'une grenade sur une voiture
rapporte 100 $, un explosif déclenché à distance vaut 200 $. Une attaque sur un
Humvee vaut 200 à 300 $, sur un tank 700 $, sur un hélicoptère 1000 $. Le
paiement moyen des attaques est même passé de 150 à 500 $ entre septembre et
décembre, en fonction du danger accru qu'elles impliquent. Un financier de la
guérilla arrêté le 8 décembre à Samarra avait par exemple 1,9 millions $ en
liquide sur lui.
Le résultat des attaques donne lieu à
une prime en fonction du nombre de morts, mais c'est surtout l'action qui importe : dans une
guerre de perceptions, le fait d'attaquer possède à court terme autant d'importance que le résultat de
cette attaque. Ce qui est intéressant, c'est que même les manifestants
apparemment réunis de manière spontanée font parfois l'objet d'un paiement : 5
$ pour hurler des slogans pro-Saddam et 10 $ pour porter un panneau pro-Saddam étaient
versés, du moins avant la capture du Raïs. L'intention du parti était donc
claire : donner l'impression que la coalition est réduite à l'impuissance, infliger
des pertes à terme insupportables, lasser les opinions publiques pour accélérer
le retrait des troupes, et regagner le pouvoir après une guerre civile. Un plan
bien entendu sérieusement compromis depuis la capture de Saddam Hussein.
Les restes de son régime ont cependant
constitué le plus grand avantage de la guérilla au début de l'été 2003, mis à
part l'impréparation manifeste de la plupart des formations américaines. Les
gigantesques stocks d'armes et de munitions abandonnés par l'armée irakienne
évanouie ont permis de constituer des réserves considérables et de les
décentraliser encore davantage. L'absence de véritables combats au sein du
triangle sunnite, lors de la chute du régime, a permis le maintien du service
de renseignement intérieur du parti Ba'as. Ces conditions expliquent la
formation relativement rapide de cellules combattantes et leur entrée en action
accélérée : il suffisait de puiser dans les arsenaux clandestins ou
abandonnés et de recruter dans les familles déchues pour se lancer à l'assaut
des Américains.
Mais la plupart des attaques étaient
initialement le fait d'individus peu doués et peu entraînés, formant des
cellules très segmentées. Elles mobilisaient essentiellement des petits groupes
d'hommes jeunes, formés
dans l'ancienne
armée irakienne, qui décampaient immédiatement après avoir un tiré une roquette
antichar ou une rafale de fusil d'assaut, et qui subissaient des pertes
dramatiquement élevées sans guère en infliger. Toutefois, certains groupes ont
rapidement appris, grâce à la présence d'anciens officiers et
sous-officiers de l'armée,
à monter des embuscades plus complexes impliquant l'utilisation de leurres, à
connaître les habitudes et les tactiques des unités américaines, et à
distinguer les formations de combat des troupes d'appui. Les survivants se sont
aguerris, et ont bénéficié de meilleurs renseignements pour accroître leur
efficacité.
A la fin de l'été, la plupart des
cellules maintenaient en effet des contacts permanents avec un réseau de
commandement régional qui comprenait un embryon de service de renseignement. Ce
dernier faisait par exemple parvenir aux cellules des informations concernant
les routes les plus empruntées ou les checkpoints les moins défendus ; en
retour, les effets des attaques étaient rapportés par les cellules, essentiellement
par courrier accompagné ou par messager. Les cellules elles-mêmes pouvaient
consacrer plusieurs semaines à la planification d'une attaque particulièrement
complexe, en observant la cible - des officiers supérieurs américains, des
hauts fonctionnaires irakiens, des dirigeants politiques et religieux - et en
notant leurs horaires standards. L'infiltration d'informateurs a grandement facilité
la tâche ; le 5 novembre, un raid de la 4e division d'infanterie a ainsi
permis de saisir les maquettes détaillées de deux bases opérationnelles avancées
utilisées par la coalition.
Les attaques des convois sont également
devenues plus ciblées. Initialement, les combattants s'en prenaient à n'importe quel convoi, souvent
d'ailleurs dans des secteurs identiques ; or, les convois des formations
de combat répliquent, s'arrêtent et débarquent des soldats qui poursuivent leurs
agresseurs, alors que ceux des formations d'appui ou de logistique se
contentent souvent d'accélérer
en ouvrant le feu - ce qui est bien moins dissuasif. Les marquages sur les véhicules - ou les différences de camouflage
- ont été étudiés par
les insurgents et leur ont permis d'identifier les véhicules les moins dangereux ; car si
le convoi rompt le contact, les attaquants peuvent prendre la fuite avant qu'une force de réaction rapide ne
puisse les intercepter. Malgré cela, les embuscades sont restées très risquées
pour les cellules, ne serait-ce qu'en raison des drones et des hélicoptères de
combat qui sillonnent fréquemment les axes principaux.
Les interviews généreusement accordées
par les guérilleros à la presse occidentale ont nécessairement abordé cette
question, et montré qu'aucun groupe armé ne restait indemne. Début décembre,
une interview du New York Times avec un combattant irakien a par exemple
amené celui-ci à reconnaître que 10 des 15 hommes formant sa cellule avaient
été tués. De manière à limiter ces pertes et augmenter celles infligées aux
Américains, la guérilla a constamment recherché à diversifier ses
tactiques :
- Les
embuscades avec des armes à feu légères, fusils d'assaut et
lance-roquettes, étaient majoritaires au début de l'été ; cependant,
même combinées à des charges explosives, elles se sont révélées trop
dangereuses, alors que leur efficacité n'a cessé de diminuer : aucun
tir de lance-roquette antichar n'a été mortel entre le 7 novembre et le 24 janvier. Au
total, les armes légères ont tué entre 27% et 32% des soldats US ;
- Les
explosifs improvisés mis à feu à distance ou de manière automatique se
sont multipliés au milieu de l'été, et ont rapidement infligé des pertes
sérieuses : représentant environ 20% des attaques, ils ont tué entre
36% et 40% des soldats US, et ce pourcentage a par exemple atteint 75% en
décembre. Mais les préparatifs qu'ils nécessitent sont plus importants, et
ils rendent vulnérables leurs auteurs ;
- Les
attentats suicides à la voiture piégée ont également commencé au milieu de
l'été, et ils ont frappé des cibles symboliques avec des effets
terriblement meurtriers. Mais s'ils ont fait plus de 320 morts, seuls 31
d'entre eux étaient des soldats de la coalition, dont 5 Américains. Contre
des cibles convenablement protégées, la voiture piégée reste souvent
impuissante, et elle exige des préparatifs encore plus lourds ;
- Les
tirs de mortiers se sont rapidement révélés la manière la plus sûre de
s'en prendre aux bases des GIs. Même si 3 ou 4 obus tirés à la suite sans
grande précision ne font que peu de victimes, soit 5% des soldats US tués,
la rapidité des radars de contrebatterie à localiser leur source ne suffit
que rarement à permettre aux éléments d'intervention d'établir le contact
avec les tireurs ;
- Les
tirs de missiles contre des hélicoptères ont finalement été les plus meurtriers.
Après plusieurs mois d'échecs, soit 29 missiles tirés sans succès entre
mai et septembre, la guérilla a réussi à abattre 8 hélicoptères depuis fin
octobre et ainsi tuer 51 soldats US, soit environ 22% du total. Une
méthode efficace, mais difficile à reproduire en nombre important.
Confrontée à la difficulté d'infliger
des pertes substantielles aux formations américaines, la guérilla n'a pas tardé
à s'en prendre à des cibles plus faciles pour essayer de donner l'apparence
d'un avantage. Mais les mitraillages en pleine foule, les explosifs placés sur
les routes les plus fréquentées et les attentats sur les bâtiments de la police
ont surtout eu pour effet de multiplier les victimes dans la population
irakienne, et de détériorer progressivement l'image des insurgents en son sein.
La stratégie du chaos, destinée à démontrer l'impuissance de la coalition et à
punir ceux qui l'appuient, a eu pour résultat de prouver aux yeux des Irakiens
que seule la présence militaire internationale pouvait garantir une évolution
favorable de leur situation.
Les attentats suicides menés contre le
siège de l'ONU, la grande mosquée de Najaf ou le bâtiment du CICR, trois cibles
qui avaient renoncé à la protection de la coalition, se sont également révélés
contre-productifs. L'attentat qui a coûté la vie à Sergio Vieira de Mello le 19
août a beau avoir déclenché un torrent de récriminations virulentes dans la
presse européenne, des accusations dont le rapport onusien sur la sécurité à
Bagdad montrera d'ailleurs le caractère infondé, la conséquence principale de
l'attaque a été de provoquer le retrait durable de l'ONU et de ridiculiser plus
durablement encore tous ceux qui revendiquaient un rôle dirigeant pour elle. Mener
une guerre de perception n'empêche pas que les effets des actes, et non leur
seule apparence, restent déterminants.
En fait, le sabotage des infrastructures
est le seul succès stratégique dont peuvent se targuer les insurgents. La
production de pétrole est particulièrement visée : en septembre, il a
suffi de 4 attaques sur le pipeline reliant Kirkuk à Ceyhan en Turquie pour
empêcher la reprise de toute livraison ; entre fin août et fin décembre,
85 attaques ont été commises contre les infrastructures pétrolières irakiennes,
et le pipeline nord ne pourra pas être remis en route avant mars 2004. La
livraison de l'électricité est également affectée lourdement par les attaques,
et ce sont plusieurs centaines de kilomètres de câbles qui ont déjà été abattus.
Les conduits de distribution d'eau sont aussi des cibles prisées. Mais
l'impatience de la population en raison les privations qu'elle endure
n'améliore pas pour autant l'image de la guérilla.
Les tentatives pour détériorer celle de
la coalition, de même, ne sont pas toujours un succès. Début novembre, un indicateur
irakien a par exemple informé une compagnie stationnée au sud de Bagdad qu'une réunion allait avoir lieu
dans une mosquée avec 12 à 20 chefs de l'insurrection. La compagnie s'est préparée à mener un raid avec
110 soldats et 40 auxiliaires irakiens ; mais juste avant de le déclencher, un
autre informateur à l'intérieur de la mosquée a annoncé que celle-ci n'abritait que
des fidèles réunis pour le Ramadan, et qu'une équipe de télévision arabe était
prête à filmer devant le bâtiment. Si l'unité avait débarqué avec ses
chiens pour rechercher des explosifs, l'image aurait fait des vagues. Ce
type d'embuscade médiatique semble assez fréquent.
La profusion d'informateurs en tous
genres est d'ailleurs l'une des faiblesses de la guérilla. L'absence de soutien
véritable dans la population, même dans le triangle sunnite, et les primes
généreuses offertes par le renseignement militaire américain font que le doute
et la paranoïa forment le quotidien des insurgents. La peur d'être dénoncé et la volonté de
limiter les risques ont pour effet de réduire sévèrement le recrutement :
seuls des membres de la famille, des amis proches et des camarades de l'armée peuvent ainsi former des
cellules avec une confiance suffisante. Du coup, de tels liens sont aussi les
plus faciles à identifier et à retracer, de sorte que les captures permettent
souvent de récolter une moisson d'informations et de remonter progressivement
la piste des commanditaires. C'est d'ailleurs ainsi que Saddam Hussein finira
par être cerné.
Au terme de l'année 2003, l'échec de la
guérilla relève de l'évidence. Malgré de coûteux efforts de recrutement, ses
effectifs n'augmentent pas et restent aux alentours de 5000. Ses chefs les plus
compétents, les organisateurs régionaux bénéficiant des meilleurs appuis, sont
abattus, capturés ou trahis. Même dans ses bastions sunnites, la population
n'hésite plus à manifester son mépris pour les insurgents, les cheiks appellent
à collaborer avec la coalition et les imams prêchent la patience. De plus, les
fonds de la guérilla se sont réduits à vitesse accélérée, et ses armements sont
de plus en plus improvisés. Seuls les djihadistes étrangers qui s'infiltrent ne
perdent pas espoir, mais ils ne commettent pas plus de 20% des attaques et les
Irakiens les tolèrent difficilement. L'avenir de l'Irak ne dépend plus des
armes.
Les
activités de la coalition
Comment la coalition
réussit-elle sa campagne de contre-insurrection et de stabilisation ? En
premier lieu, il s'agit de relever que plus de 80% des pertes subies par les
formations américaines l'ont été dans le fameux triangle sunnite, la région
délimitée par Bagdad, Ramadi et Tikrit, où le régime de Saddam Hussein avait
ses plus forts appuis. Le contraste entre cette région rassemblant environ 30%
des Irakiens et le reste du pays est absolument frappant : en novembre,
alors que les soldats US subissaient jusqu'à 45 attaques par jour, la division
multinationale sud-est enregistrait une moyenne de 3 à 5 attaques par mois ;
à la mi-décembre, le contingent hollandais responsable depuis juillet de toute
la province d'Al Muthanna n'avais pas encore été attaqué une seule fois. Depuis
l'été, la majorité des Irakiens ont vécu dans des régions stabilisées par la
présence coalisée. C'est donc bien la capacité des forces américaines à
contenir l'insurrection et à la réduire dans ses bastions qui doit ici être
examinée.
Une telle mission
n'est pas allée sans une bonne dose de perplexité. Les troupes US n'étaient pas
préparées intellectuellement à mener une contre-guérilla : celles engagées
- ou censées l'être - dans les combats menant à la chute du régime baasiste se
sont préparées à une guerre conventionnelle, et celles qui sont venues après
s'attendaient à une mission classique de maintien de la paix. Elles n'étaient
pas non plus équipées en conséquence, et conservent encore une puissance de feu
aussi massive qu'inutile, avec quelque 600 chars de combat M1 Abrams, 250
obusiers blindés M109 Paladin ou 94 lance-fusées multiples M270. En fait, les
principaux responsables militaires ont même ouvertement débattu de la tactique
à adopter pour faire face à l'insurrection, n'hésitant pas à projeter au Pentagone le film La bataille
d'Alger pour en tirer les leçons nécessaires.
A la fin du mois d'août,
après avoir infligé des pertes sévères à la guérilla, les formations US se sont
essentiellement mises sur la défensive, occupant des positions fixes et ne lançant
plus d'opérations
massives contre les insurgents. La décision avait été prise par la CJTF-7 de
limiter les raids de peur de s'aliéner la population. De plus, les risques d'attentats
suicides à la voiture piégée et la volonté d'éviter un carnage comme celui du
Liban en octobre 1983 ont amené chaque formation à protéger solidement ses
bases ; à Tikrit, la 1ère brigade de la 4e division d'infanterie défendait
par exemple ses approches avec des véhicules de combat d'infanterie Bradley. La
priorité était clairement la protection des forces ; des formations de
combat étaient engagées de manière statique dans la protection des infrastructures et des artères
logistiques, et les troupes se sont souvent retirées des villes en cédant la
place aux unités policières ou paramilitaires irakiennes.
Le problème principal
des militaires américains consistait alors à comprendre leur environnement
opérationnel et à cerner la nature de leurs adversaires. Faute de
renseignements assez nombreux et précis, ils devaient souvent se contenter de
frapper à l'aveuglette ou de réagir aux actions d'une guérilla en pleine
évolution. Parallèlement, ils continuaient de multiplier les projets de
reconstruction et luttaient pour préserver les infrastructures vitales dans
leurs secteurs d'engagement, tout en recrutant à tour de bras de jeunes
irakiens dans les forces locales et en essayant d'affermir leurs relations avec
les dirigeants tribaux ou religieux. Une lutte à la fois surmédiatisée et
clandestine a eu lieu entre les formations US et les insurgents ; un
combat résolument asymétrique où l'intelligence, l'imagination et la faculté
d'adaptation se sont révélées les meilleures armes, et la force brute ou l'attentisme
les pires faiblesses.
A ce jeu mortel et
incertain, les Américains ont démontré des qualités parfois étonnantes. Avec en
premier lieu l'acquisition et l'exploitation du renseignement. L'engagement
massif des forces spéciales - au moins 2400 opérateurs durant l'été - a permis
d'infiltrer les couches de la société irakienne et de recruter de nombreux
informateurs ; la 1ère division blindée engagée à Bagdad a ainsi obtenu de
sources humaines le 95% de ses renseignements, et les raids déclenchés sur
cette base ont systématiquement permis d'obtenir d'autres renseignements, tout
en provoquant la saisie d'armes ou la capture de personnes recherchées dans 10%
des cas. La mise sur pied d'un système de primes versées en fonction des
résultats a également accru la qualité du renseignement : dans la 4e
division d'infanterie, leur précision est ainsi passée de 45% à 90% entre l'été
et début novembre.
La persuasion des
dirigeants locaux a également permis d'obtenir des informations et des
contacts, ou même des hommes en renfort. Présentes parfois depuis fin 2002, des
unités de forces spéciales ont ainsi longuement accompagné des chefs tribaux
sunnites et déployé des trésors de patience pour obtenir leur neutralité, puis
leur appui. Plus ouvertement, les officiers des affaires civiles - 1600
présents fin décembre - se sont immergés dans le milieu culturel et tribal
irakien, au besoin en s'appuyant sur la technologie informatique pour établir
leur carnet d'adresses ou maîtriser les sourates du Coran, et discutent autant
religion ou famille que sécurité, commerce et coopération. Les commandants de
bataillon, de brigade ou de division s'impliquent aussi personnellement et
établissent des contacts directs ; entre mi-avril et début novembre, le commandant
de la 4e DI a par exemple eu 728 rencontres formelles avec des dirigeants
irakiens. La confiance, et donc la confidence, sont à ce prix.
Mais les officiers du renseignement militaire
ont également su s'adapter à la nature diffuse et déroutante de leurs
adversaires en appliquant les méthodes développées par les polices américaines
pour lutter contre la criminalité organisée, et axées notamment sur les
relations entre individus, familles et clans. Des bases de données alimentées
par les renseignements obtenus leur ont permis de mettre en évidence des
schémas concernant les lieux, les méthodes et les auteurs ; grâce au
système ASAS (All Source Analysis System), pourtant conçu en vue du
combat, ils ont pu faire des recherches approfondies dans ces bases de données et
récupérer au choix des images satellitaires, des fichiers personnels, des
empreintes digitales ou des noms de famille. Des logiciels comme Analyst's
Notebook et CrimeLink ont également permis d'exploiter les
renseignements introduits lors de chaque attaque, de chaque raid et de chaque
arrestation, et d'effectuer des prévisions concernant de futures actions.
Au fil des semaines, un flux
grandissant de renseignements a fourni à la coalition une image plus claire de
ses adversaires. La traque des principaux cadres du régime - dont en premier
lieu Saddam Hussein - a été renforcée, mais les échelons intermédiaires
constitués de recruteurs et de financiers ont également été visés.
L'articulation des insurgents est apparue, et notamment les liens indéfectibles
entre familles et tribus ; le nombre et la composition des cellules
combattantes a été déterminé : 15 cellules ont été identifiées - avec les
noms et l'origine des membres - à l'ouest du pays, et 14 cellules d'environ 25
hommes dans la capitale. De nouvelles listes de personnes recherchées ont été
rédigées, venant s'ajouter aux 55 personnages figurant sur le fameux jeu de
cartes de la coalition, comme aux listes noires établies par la suite. Le degré
de précision et de connaissance à la fois des individus et de leur ancrage
sociétal n'a cessé d'augmenter.
La capacité d'apprentissage des
formations US au niveau tactique a aussi grandement bénéficié des technologies
modernes de l'information. Un logiciel est utilisé pour procéder à une enquête
détaillée de chaque attaque ; ces Crime Scene Investigation
décrivent les faits - images à l'appui
- et sont intégrés à
une base de données permettant d'établir des parallèles, de cerner des schémas et de mesurer
au plus près l'évolution
des tactiques utilisées par la guérilla. Et donc de mettre au point des
contre-mesures plus vite que les différentes cellules d'insurgents - mal coordonnées
entre elles, largement sédentaires et peu capables de transmettre leur
expérience - ne peuvent le faire. Cette rapidité d'adaptation fondée sur la
diffusion des connaissances permet à chaque formation d'anticiper la plupart
des innovations que la guérilla apporte à ses méthodes dans son secteur.
Les conséquences de cette supériorité
n'ont pas tardé à apparaître. Au sein de la 4e division d'infanterie, la
proportion des explosifs improvisés qui ont été repérés et neutralisés avant la
mise à feu est passée de 60% début novembre à 95% début décembre. Des unités
spécialisées ont par exemple été chargées de sillonner les routes principales
pour détecter des charges déposées ; les autoroutes autour de Bagdad sont
ainsi parcourues deux fois chaque jour par des éléments de ce type, qui début
novembre avaient en 2 mois détecté 38 explosifs, dont 34 ont pu être détruits
avant d'être
mis à feu. Parmi les différentes mesures prises pour contrer les embuscades
figure également l'emploi
de drones ou d'hélicoptères
en éclaireurs, à une distance ou une altitude suffisantes pour éviter la
détection, ou l'emploi
d'un véhicule-cible - bourré de sacs de sable et dont
le conducteur, bien protégé, a pour but de déclencher l'action adverse, afin que les véhicules
suivants puissent réagir et contre-attaquer.
Les tactiques de la coalition
s'affinent ainsi durant l'automne, au fur et à mesure que les initiatives
prises par les petites unités circulent entre les divisions par leurs réseaux
de commandement et contrôle - ou simplement par courrier électronique entre les
soldats eux-mêmes. L'une des méthodes les plus efficaces réside dans
l'utilisation de tireurs d'élite, à l'aise dans le milieu urbain ou désertique,
et capables de frapper de nuit avant même que leurs cibles ne puissent agir -
ce qui a un effet particulièrement démoralisant et dissuasif sur les insurgents.
Ils constituent d'ailleurs la réponse la plus efficace à l'utilisation de la
population irakienne comme bouclier humain, en permettant d'identifier les
agresseurs et de les neutraliser sans dommages collatéraux. La 101e division
aéromobile a même décidé début octobre d'embarquer des tireurs d'élite dans des
hélicoptères de transport, avec des fusils de calibre 12,7 mm ou 7,62 mm, pour
augmenter la protection des infrastructures pétrolières.
Malgré leurs effectifs très limités,
avec par exemple une brigade de 3500 hommes pour une ville de 200'000 habitants
comme Samarra, les formations américaines pèsent lourdement sur leur secteur
d'engagement. A l'automne, elles menaient chaque jour une moyenne de 1600
patrouilles, dont environ 10% en commun avec les forces irakiennes ; la
majorité de ces patrouilles se faisaient à pied, afin d'établir et de maintenir
le contact avec la population, mais aussi de débusquer des adversaires tentant
une attaque opportuniste. En raison de leur équipement insuffisant, certaines
unités de chars ou d'artillerie se sont même équipées d'AK-47 pour ces
patrouilles. Plusieurs dizaines de checkpoints étaient également établis quotidiennement
sur les principaux axes de communication, souvent avec des véhicules blindés
pour interrompre le trafic. Enfin, une vingtaine de raids étaient effectués
avant tout de nuit, afin de capturer des personnes recherchées et de saisir des
caches d'armes.
Ces raids ont eu des effets dramatiques
: à raison de 100 personnes interpellées en moyenne chaque jour, dont environ
40% ne sont pas relâchées, la guérilla a subi une attrition impitoyable. A la mi-septembre,
la coalition détenait 5300 criminels de droit commun et 4400 détenus dits de
sécurité, c'est-à-dire des insurgents ; début janvier, le nombre de
criminels n'était plus que de 2600, mais celui des insurgents avait grimpé à
6700. Les étrangers n'échappent pas à ces raids : fin novembre, le nombre
de djihadistes capturés s'élevait à 307, dont 140 Syriens et 70 Iraniens. Cependant,
les combattants tués dans des accrochages avec la coalition sont aussi
nombreux : au 17 novembre, la 4e division d'infanterie a par exemple
annoncé avoir tué 600 insurgents et capturé 2500 autres, au prix de 30 morts et
plus de 200 blessés. Par extrapolation, il est donc probable qu'au moins 2000
membres de la guérilla aient péri à la fin de 2003, et que celle-ci ait dû
perdre en moyenne près de 40 hommes pour tuer 1 seul soldat américain.
Ce prix exorbitant s'explique également
par le niveau d'instruction et par l'équipement high tech des formations US. Les
appareils de vision nocturne, le positionnement par GPS et les systèmes de
commandement numérisés autorisent des déploiements fluides et rapides dans
l'obscurité, qui renforcent la surprise lorsque les troupes se déplacent à pied
ou à bord de véhicules à roues. Les radios individuelles fréquemment portées
par les soldats et l'utilisation de drones - parfois miniatures - ainsi que
d'hélicoptères équipées de caméras infrarouges assurent une capacité de
détection optimale, et donc un bouclage efficace. La portée de tir maximale des
armes, de 1 à 2,5 km pour les tireurs d'élite mais davantage encore pour les
hélicoptères d'attaque, permet d'anéantir avec précision les cibles distantes identifiées.
Et les unités de combat, qui avant le déploiement ont suivi un entraînement
impliquant des exercices à double action réalistes, continuent à s'entraîner en
Irak dans des secteurs d'instruction improvisés et grâce à la délocalisation
d'écoles spécialisées.
Mais l'exceptionnelle létalité des GIs
est aussi une arme à double tranchant, qui devient clairement contre-productive
lorsqu'elle est conjuguée à la cécité culturelle dont font preuve une partie
des formations US. Un reporter du quotidien Asia Times a ainsi assisté à
une série de raids menés en pleine nuit par le 3e régiment de cavalerie blindée.
Le tableau qu'il en a donné est saisissant : des murs sont dévastés avec
des chars de combat - même s'ils entourent une maison qui n'est pas la bonne ; des prisonniers
sont emmenés sans ménagement sous le regard de leurs enfants ; des maisons
vides sont dévastées par les fouilles ; et histoire d'affermir le moral
des troupes, un véhicule équipé de grands haut-parleurs diffuse à fond des
morceaux d'AC/DC !
D'autres reportages ont certes montré des unités calmes, professionnelles,
accomplissant leur tâche sans bavure. Il n'en demeure pas moins que les
actions, offensives ou défensives, font partie d'un conflit de perceptions et
doivent contribuer au succès stratégique.
La réalité de ce conflit semble avoir
été cernée par les principaux responsables militaires. Le commandant du Commandement
Central, le général Abizaid, a ainsi déclaré le 9 novembre que la bataille en
cours ne sera pas gagnée sur le terrain militaire, faute d'adversaire, mais sur le terrain
politique, économique et informationnel. Ses priorités sont résumées en 5
i : irakisation, internationalisation, infrastructure, intelligence (c'est-à-dire
renseignement) et information. Il a aussi encouragé ses subordonnés à décrire
en permanence leurs activités, à transmettre la vérité de leur situation aux
médias, afin de contrebalancer la couverture négative que ceux-ci donnent à
partir des seuls incidents. La manière d'agir est donc aussi importante que
l'acte lui-même. Mais les effets de ces actes doivent être appréhendés selon la
mentalité de la population locale, et non en fonction de critères occidentaux.
La décision de relâcher l'étreinte
militaire et de réduire la présence en zone hostile à l'approche du Ramadan a
ainsi eu un effet contraire : ce retrait a été interprété comme un signe
de faiblesse et un encouragement par leurs adversaires, qui ont multiplié les
attaques et tenté de prendre l'initiative. La réaction de la CJTF-7 sera
immédiate : des opérations offensives prolongées sont à nouveau lancées, en
s'appuyant sur les progrès en matière de renseignements ; des couvre-feux
sont réinstallés dans les zones les plus hostiles, comme Tikrit ou Samarra ;
des villages entiers sont bouclés avec des rouleaux de fil de fer barbelé pour
réduire et identifier les mouvements des insurgents - une méthode déjà pratiquée
par les Français à Alger ; et des démonstrations de force impliquant
l'engagement de bombes guidées et de missiles sol-sol à longue portée sont
effectuées.
C'est également à cette époque que 4
hélicoptères de transports ont été abattus en l'espace de 2 semaines, tuant 39
soldats américains. En fait, les règles d'engagement imposaient aux pilotes
de voler à altitude moyenne et à basse vitesse afin de limiter les nuisances
sonores pour les habitants, ce qui faisait des hélicoptères des cibles très
faciles. Dès la mi-novembre, les hélicoptères de transport volent désormais à
basse altitude et à haute vitesse, rendant plus difficile leur ciblage, et les
récriminations des habitants survolés sont considérées comme moins importantes que
la sécurité des passagers. D'autres hélicoptères seront abattus par la suite, mais
aucune version de transport - à l'exception d'un modèle médicalisé arborant de
grandes croix rouges qui ne l'auront guère protégé.
A la fin du mois de novembre, l'impact
de ces mesures est nettement positif : le nombre d'attaques subies à Bagdad a
diminué de 70% et baisse dans tout le triangle sunnite ; sur les 88
quartiers de la capitale, la coalition estime que seuls 6 à 8 d'entre eux sont
insuffisamment sécurisés. Mieux, la multiplication des raids - 200 pour la
seule journée du 25 novembre - a permis d'appréhender un nombre croissant de
responsables en possession de sommes importantes, de listes et des faux
passeports, ce qui mènera finalement à la prise de Saddam Hussein le 13
décembre. Les forces US ont donc clairement démontré leur volonté et leur
capacité de conserver l'initiative et de poursuivre la stabilisation de
l'Irak ; à court terme, la dissuasion et le contrôle entraînent une
réduction drastique des attaques. Mais le succès de leur entreprise ne peut
qu'être préservé, et non construit, par des mesures sécuritaires. L'enjeu
décisif se situe ailleurs.
La construction du nouvel Irak
L'un des aspects les plus méconnus de
cette opération reste le fait que la coalition construit un nouvel Irak, et ne
reconstruit pas l'ancien. Il faut entendre cela au sens propre comme au
figuré : en matière d'infrastructure, les niveaux de production et de
fonctionnement du régime de Saddam Hussein ont été dépassés, et seules des
installations neuves peuvent répondre aux besoins croissants ; en matière
de personnel, c'est toute la conscience civique d'une société n'ayant jamais
connu un pouvoir autre qu'autocratique qui doit être développée. Les soldats de
la coalition participent à une plongée dans l'inconnu, et sont tout autant
privés de repères que les Irakiens. Mais l'importance manifeste qu'ils vouent à
l'amélioration des conditions de vie constitue une facette essentielle, et
souvent sous-estimée, de leur action. Quels que soient les griefs que suscite
leur présence, mal résumée par le terme péjoratif d'occupation, les bienfaits
qui en découlent ne sont pas ignorés de la population - sans doute mieux
informée à ce sujet que le public européen.
Dans ce conflit de basse intensité que
connaît l'Irak, l'argent
est donc la meilleure des munitions. Les forces coalisées ont déployé une énergie
considérable pour la reconstruction et l'amélioration des infrastructures
existantes dans leur secteur de responsabilité, avec ou sans l'appui
d'entreprises étrangères. Durant l'été, la plupart des unités ont en fait réinvesti
l'argent saisi lors de
leurs raids dans des projets de reconstruction locaux, destinés aussi à fournir
des emplois, sans s'embarrasser
d'une procédure
administrative nécessairement lente et complexe au cas où les fonds
proviendraient de leur Gouvernement. Ces fonds dits de reconstruction d'urgence
sont un outil en mains des commandants surtout de bataillon, qui règlent
directement les besoins dans leur secteur d'engagement pour appuyer les
activités industrielles, commerciales, civiques, éducatives et
spirituelles ; en favorisant des solutions rapides aux problèmes les plus
urgents soulevés lors de leurs réunions avec les dirigeants politiques ou
religieux, ces fonds contribuent de manière cruciale à leur crédibilité. A la
mi-janvier, ce sont ainsi 126 millions $ qui avaient été investis de la sorte
pour accomplir plus de 12'000 projets.
Répondre aux besoins de la population
constitue donc une priorité de la stratégie coalisée. Au quartier-général de la
101e division aéromobile, à Mossoul, deux grands écriteaux rappellent aux soldats
l'essentiel de leur mission : « nous sommes engagés dans une
course pour gagner l'appui des gens. Qu'est-ce que vous et votre élément avez
fait dernièrement pour contribuer à cet objectif ? » Dans la
région de Balad, totalement désertée par les ONG ou les agences de l'ONU, 120 militaires d'un groupe d'affaires civiles US sont par
exemple parvenus en 6 mois à rénover et à remettre en état 40 écoles, 250
puits, 8 installations de purification d'eau, un poste de police, une
salle municipale ainsi que des portions de route et de ponts. Du coup, dans les
villages et les petites villes de cette région, des nuées d'enfants accueillent les soldats
américains chaque fois qu'ils viennent - et certains leur offrent même
des fleurs.
Les enfants revêtent d'ailleurs une importance
particulière dans les actions de la coalition. D'une part, les fillettes et
garçonnets irakiens ignorent tout des inhibitions et dilemmes que subissent
leurs parents, et expriment spontanément leur stupéfaction ou leur intérêt face
à ces géants en tenue camouflée désertique, casqués et bardés d'armes ou
d'appareils high tech, qui sillonnent leur voisinage ; les soldats, à leur
tour, apprécient la présence des enfants, parce qu'elle leur facilite les
contacts avec les adultes - et parce qu'être entouré d'enfants indique souvent l'absence
de menace. D'autre part, les efforts déployés en faveur de la nouvelle
génération contribuent également à apaiser les tensions : il est difficile
de haïr quelqu'un qui aime vos enfants et qui le prouve en les aidant. Un seul officier
de la Garde nationale, en lançant une opération pour offrir des jouets aux
enfants irakiens par le biais d'un site Internet, est ainsi parvenu en quelques
semaines à faire transporter puis distribuer des centaines de cartons de jouets
divers - et s'attirer la sympathie d'au moins autant de familles.
Fort logiquement, l'éducation a été une
priorité de la coalition et constitue à ce jour l'un de ses succès les plus
éclatants. Sur les quelque 12'000 écoles du pays, 1153 avaient été entièrement
rénovées et rééquipées au 1er octobre, début de l'année scolaire, et 2241 fin
décembre. A cette date, ce sont 51 millions de livres qui avaient été
distribués à près de 6 millions d'élèves, alors que les pièces d'équipements
divers fournies se comptaient par dizaines de milliers. Le salaire des
enseignants a été multiplié par 7, et des milliers de sets d'équipements leur
ont également été remis. De plus, 100'000 étudiants ont pu entrer à
l'Université contre 63'000 l'année précédente. Mais le plus important réside
dans le fait que la chape de plomb de l'ancien régime, avec son culte de la
personnalité et ses innombrables tabous, a totalement disparu de
l'enseignement. L'autorité provisoire de la coalition a même organisé des
forums où des étudiants pouvaient, en toute liberté, poser les questions les
plus critiques à des responsables politiques et militaires américains.
Cependant, l'éducation des nouvelles
générations ne peut avoir d'effet immédiat sur le fonctionnement du pays - ou
plutôt son dysfonctionnement. Les dirigeants coalisés ont totalement mésestimé
l'effet que 30 ans de dictature centralisatrice et collectiviste pouvaient
avoir sur la mentalité de la population, et à quel point cela serait un
obstacle vers la construction d'un nouveau pays. La plupart des fonctionnaires,
habitués à ne prendre aucun risque et aucune initiative, attendent par exemple
des ordres précis pour accomplir la moindre tâche. Par ailleurs, les
particularismes tribaux - déterminants en-dehors des villes - engendrent des
rivalités amères sur des thèmes aussi élémentaires que le creusement de puits
d'eau ou la construction d'une clinique. Les officiers américains doivent
souvent faire office d'intermédiaires et de médiateurs, ou fournir des ordres
écrits avec un sceau officiel pour faire avancer les choses. La transition d'un système totalitaire à une
forme de fonctionnement transparent et démocratique implique avant tout la génération
d'une véritable conscience civique et le sens de l'intérêt commun.
La vétusté, les pillages et les
sabotages ont ainsi eu un impact déterminant sur la remise en état des
infrastructures. Epargnées ou protégées par les armées de la coalition durant
la guerre, puis littéralement ravagées à la chute du régime de Saddam Hussein,
elles se révèlent aujourd'hui incapables de satisfaire les besoins sans cesse
croissants d'une population avide de consommer, de voyager, et donc de vivre. Mais
le démarrage économique ne peut reposer sur le seul commerce, car il dépend
largement de fournitures d'énergie ; et les carences de celles-ci
contribuent au maintien d'un taux de chômage extrêmement élevé, que les experts
estiment à 50% sur le plan national. Dans la mesure où il existe certainement
une corrélation entre le pourcentage de chômage et le risque d'attaques, dont
les infrastructures font également les frais, il est aisé de saisir la
complexité de l'entreprise dans laquelle se sont lancés les Américains et leurs
alliés.
L'approvisionnement en électricité est
l'un des meilleurs indicateurs de cette difficulté. Sous le régime de Saddam
Hussein, le réseau national produisait en moyenne quelque 4000 Mw, avec des
pics de 4400 Mw. D'une production nulle à sa chute, les autorités de la
coalition sont parvenues progressivement à remettre en état et à rénover le
réseau pour dépasser ponctuellement 4500 Mw en octobre. Mais la suppression des
taxes douanières début juin a provoqué une chute vertigineuse des prix, avec
une baisse de 41% sur l'électroménager ou de 38% sur l'électronique, et les Irakiens se
sont rués sur ces biens de consommation en une frénésie à la mesure de leurs
frustrations passées. Avec pour conséquence une augmentation vertigineuse de la
demande en électricité : 6500 Mw en octobre, 7000 Mw fin décembre, contre
6000 Mw avant la guerre. Dans ces conditions, les pénuries étaient et restent
encore inévitables. Seule leur répartition a changé du tout au tout.
Avant la guerre, Bagdad était
privilégiée au détriment des villes du sud, et jouissait de 18 à 24 heures de
courant par jour ; durant l'été et à l'automne, elle n'en a eu plus que
12, le plus souvent par tranches de 3 heures. En novembre, elle a même subi une
pénurie complète de 4 jours en raison de dégâts causés par les intempéries et
venus se superposer aux sabotages, et n'avait toujours que 8 heures quotidiennes
de courant début décembre. En revanche, si la ville de Bassorah n'avait que 2 à
4 heures d'électricité par jour avant la guerre, elle a bénéficié durant les
derniers mois de 2003 d'une alimentation presque continue, au point que le
surplus produit aux alentours a pu être réinjecté dans le réseau. La ville de Hilla
avait également un approvisionnement jamais vécu depuis plus d'une décennie. Au
nord, la ville de Kirkuk avait une moyenne de 18 heures d'électricité par jour.
La capitale continue donc de faire exception, mais à son détriment.
Fin décembre, la production
d'électricité est retombée à une moyenne de 3600 Mw, en raison
d'infrastructures arrêtées pour des révisions planifiées (1071 Mw) ou tout
bonnement tombées en panne (748 Mw). L'objectif du Ministère de l'Electricité
est d'atteindre une production de 6000 Mw à l'été 2004, et 9000 Mw une année
plus tard. Pour trouver une solution à moyen terme à cette pénurie d'électricité, et tenir compte de
la demande forcément plus élevée à l'été 2004, le Ministre a entrepris des visites à la
mi-novembre qui ont permis d'obtenir que la Jordanie fournisse 500 Mw dès que possible,
et la Turquie 1200 Mw, grâce à l'interconnexion des réseaux. Car les pays voisins ne
fournissent pour l'heure qu'une faible quantité de courant électrique : 40
Mw par la Syrie et 80 par la Turquie au 30 décembre. Du coup, les Irakiens
restent très nombreux à utiliser des générateurs pour leurs besoins
domestiques. Et donc à consommer un carburant qui, lui aussi, fait l'objet de
pénuries.
Si l'Irak dispose de réserves
pétrolières qui égalent celles de l'Arabie Saoudite, ses raffineries sont en
effet désuètes et poussives. Or la demande en carburant a également augmenté
brutalement : entre avril et décembre, le nombre de voitures circulant
dans le pays est passé de 500'000 à plus d'un million. En août, la pénurie
imposait à Bassora des files d'attente durant parfois une journée entière, ce qui a
provoqué plusieurs émeutes menaçant la stabilité de cette ville pourtant en
plein redémarrage ; la situation n'a pu être rétablie que par des
mesures de reconstruction et de livraison énergiques, et un investissement de
20 millions $ consenti par la Grande-Bretagne. La pénurie s'est en revanche
aggravée à Bagdad début décembre, avec la réduction des livraisons en raison de
sabotages. Un rationnement a été imposé et les stations services de Bagdad sont
ouvertes jour et nuit, alors que de l'essence a été importée de Turquie.
Les sabotages n'ont en revanche que
partiellement entravé la production pétrolière irakienne, qui a fait l'objet
d'efforts considérables. Sous le régime de Saddam Hussein, la production de
pétrole oscillait entre 2,1 et 2,5 millions de barils par jour, dont environ le
75% était exporté. De 300'000 barils quotidiens sans exportation en mai, la
coalition a atteint fin septembre 2 millions de barils dont la moitié était exportée,
puis respectivement 2,5 millions et 1,8 millions de barils début janvier.
Autrement dit, le volume de pétrole irakien produit et vendu égale aujourd'hui
les quantités obtenues avant la guerre, alors même que le pipeline nord est
toujours hors service et que le brut extrait dans cette région doit traverser
presque tout le pays pour être chargé à bord des pétroliers visitant les
terminaux irakiens. On ne doutera certes pas du savoir-faire des entreprises
privées mandatées à cet effet ; au 25 décembre, 130 attaques avaient
d'ailleurs été menées contre les employés et les équipements du géant
Halliburton.
La remise en service des aéroports
civils reste encore incomplète. A Bagdad, les premiers avions commerciaux ont
commencé à se poser vers juillet, mais le trafic de voyageurs a dû attendre le
mois d'octobre pour débuter avec des charters de compagnies du Golfe. La
rénovation des terminaux était achevée à la mi-novembre, les fonctionnaires des
douanes officiaient dès le mois précédent, mais l'insécurité empêche la reprise
de vols réguliers ; un avion cargo A300 de la société DHL et un avion de
transport militaire C-17 ont été touchés par des tirs de missiles. L'aéroport
de Bassorah, qui pour sa part ne connaît pas de problème de sécurité, aurait dû
être rouvert au trafic commercial à la fin de l'été, mais les travaux de
rénovation se sont prolongés jusqu'en 2004. Les travaux d'analyse pour la
réhabilitation de l'aéroport de Mossoul étaient achevés fin décembre. Par
ailleurs, le premier avion civil commercial atterrissait le 7 décembre sur
l'aéroport d'Arbil en provenance d'Abu Dhabi.
Les transports gagnent en importance
dans le nouvel Irak. Le 22 novembre, le premier train de passagers venant de
Syrie entrait en gare de Mossoul, sur une ligne désaffectée depuis plusieurs
années. Par ailleurs, la situation dans l'ensemble du pays a permis à de
nombreux Irakiens fortunés d'aller prendre quelques jours de vacances au Kurdistan, qui
bénéficie d'un
climat plus frais ; à la mi-octobre, le plus grand hôtel de la ville kurde
de Dahuk annonçait une augmentation de 70% des clients du reste de l'Irak par rapport à avril. Début
novembre, la ville de Bassora connaissait le début d'un véritable boom économique,
avec notamment la construction de nouveaux hôtels et la présence de nombreux
businessmen étrangers, intéressés de conclure des affaires rentables. Certains
commerçants ont observé un triplement de leurs ventes en 6 mois. On se marie au
moins deux fois plus dans l'Irak actuel que sous Saddam Hussein. Une vie
nouvelle est en train d'être découverte.
Le développement des télécommunications
participe largement à ce mouvement. Les cafés Internet se sont multipliés dans
les villes, alors qu'ils étaient interdits sous le régime de Saddam
Hussein ; grâce à Internet, des manifestations simultanées visant à lutter
contre le terrorisme et à soutenir la coalition se sont tenues le 10 décembre
dans tout le pays, y compris dans le triangle sunnite, avec par exemple entre
5000 et 10'000 personnes à Bagdad - sans que les médias européens ne s'y
intéressent. Les antennes satellites, également interdites, ont fleuri sur les
immeubles à un rythme encore plus élevé, au point qu'on estime que 30% des
familles irakiennes sont désormais équipées. A la fin décembre, le nombre de
lignes téléphoniques fixes en fonction avait presque retrouvé le niveau
d'avant-guerre, et des centraux étaient installés pour commencer à répondre à
la demande croissante de la population. Les trois opérateurs de téléphonie
mobile ayant remporté l'appel d'offres le 6 octobre ont également commencé leurs
activités à cette période ; les objectifs pour la fin janvier ont été fixés
à 50'000 nouveaux abonnés
Le prix de certaines denrées
alimentaires de base à Bagdad, comme le riz, le sucre et l'huile, n'ont pas
changé par rapport à l'avant-guerre. En revanche, les pommes-de-terre et la
viande ont un prix deux fois plus élevé, alors que le carburant est également
plus cher - le tout en raison de la hausse considérable de la demande. Le prix
de l'immobilier à Bagdad a même été multiplié par 4 dans certains quartiers,
dépassant 1000 $ le mètre carré. Mais le pouvoir d'achat de la population a
également évolué. Le taux de change du dinar irakien, qui avait flambé à 4000
pour 1 dollar au printemps, est progressivement revenu en été à son taux d'avant-guerre - 2000 pour 1. Et la mise en
circulation de la nouvelle monnaie nationale, le 15 octobre, a réduit ce taux à
près de 1600 pour 1. Cependant, à la mi-octobre, 60% de la population dépendait
encore des rations de nourriture fournies par les autorités, un programme lancé
dans les années 90 par l'ancien régime.
La santé a d'ailleurs été l'une des
priorités de la coalition. Malgré les cris d'alarmes de certaines ONG en mal de
visibilité médiatique, il n'y a jamais eu de crise humanitaire en Irak, et les
conditions de vie n'ont cessé de s'améliorer depuis l'été. En novembre, l'eau
potable disponible quotidiennement représentait par exemple 21,3 millions de
litres, contre 4 millions en mai, 13,4 en juin et 12,9 avant la guerre. Une
campagne de vaccination menée par la coalition en collaboration avec l'UNICEF a
permis d'administrer 30 millions de vaccins entre juillet et décembre, dont 3
millions d'enfants de moins de 5 ans et plusieurs centaines de milliers de
femmes enceintes ont notamment bénéficié ; 12'000 tonnes de médicaments
par mois étaient en outre distribuées à la fin de l'année contre 700 tonnes en
mai. Un effort a également été fait en faveur des villages excentrés, dont les
habitants vivent dans des conditions particulièrement primitives, par le
déploiement d'équipes sanitaires mobiles proposant consultations, vaccinations
et informations.
Les efforts gigantesques déployés par
les Etats-Unis et leurs alliés pour construire un nouvel Irak sont néanmoins
limités par la double structure, militaire et civile, de la coalition. Quelle
que soit la coordination entre l'administrateur provisoire et le commandant des
forces, c'est-à-dire Paul Bremer et Ricardo Sanchez, le premier répond au
Département de la Défense et le second au Commandement Central. Les moyens
initialement limités de l'autorité provisoire et son absence de représentation
permanente dans tout le pays ont obligé les formations militaires à prendre en
main le devenir des secteurs dont ils avaient la responsabilité opérationnelle,
et donc à trouver des solutions rapides aux problèmes locaux sans pouvoir
influencer les décisions prises à Bagdad. En définitive, seule l'association
des Irakiens aux efforts de réhabilitation, de protection et d'administration a
permis à la coalition d'obtenir malgré tout un succès incontestable dans sa
campagne.
Le rôle décisif des Irakiens
La première
application de cette participation, et certainement la plus visible, reste bien
entendu la génération des forces de sécurité locales. Durant le mois d'octobre,
une étape déterminante a ainsi été franchie lorsque la majorité des hommes
effectivement engagés dans la protection du territoire, des populations et des
installations étaient des Irakiens, et non des membres de la CJTF-7.
L'irakisation préconisée par les autorités militaires américaines a été
concrétisée à une vitesse proportionnelle à l'augmentation des activités de la
guérilla durant l'automne : d'environ 45'000 en août, les forces locales
ont ainsi atteint le nombre de 80'000 courant octobre, 118'000 début novembre
et 160'000 mi-décembre, par rapport à un objectif final évalué à 226'700
hommes. Ces forces se composent principalement de 5 éléments distincts :
la police irakienne, la force de protection des installations, le corps de
défense civil irakien, les gardes-frontières et la nouvelle armée. De
nombreuses sociétés privées, locales ou internationales, sont également actives
en Irak.
Malgré ce volume de
forces impressionnant, un haut responsable de la coalition estimait en août que
500'000 hommes étaient nécessaires pour sécuriser tout le pays, et de
nombreuses voix se sont depuis élevées pour condamner la dissolution de l'armée
irakienne décidée le 23 mai. Si cette décision a effectivement libéré un grand
nombre de candidats à la guérilla, l'armée irakienne témoignait d'une telle
surreprésentation de la minorité sunnite au niveau des officiers que la
conserver aurait certainement abouti à créer une milice sunnite surpuissante.
De plus, les promotions attribuées en fonction de la loyauté à Saddam Hussein
et au parti Ba'as ont abouti à une armée complètement disproportionnée,
comptant 11'000 généraux et 14'000 colonels pour 500'000 hommes (contre 307
généraux et 3500 colonels dans les 498'000 membres de l'US Army), et dont
l'efficacité comme l'intégrité auraient été des plus douteuses. Enfin, la
plupart des nouveaux membres des forces de sécurité sont d'anciens militaires.
A commencer par les forces de police.
Le filtrage des agents corrompus ou inféodés à l'ancien régime a imposé une
attrition considérable dans les rangs de la police, et rendu nécessaire le
recrutement et la formation de nouveaux agents. Pour l'essentiel, l'instruction
de ceux-ci a été assurée pendant des cours longs de 3 semaines, mis sur pied et
conduits au sein de chaque division par la police militaire coalisée ; le
14 août, par exemple, 145 nouveaux agents ont terminé à Bagdad une formation de
3 semaines donnée par 32 officiers de 168e bataillon de police militaire US. Cependant,
une formation plus élaborée d'une durée portée à 8 semaines a été mise en place
début décembre en Jordanie, dans le désert près d'Amman, sous la houlette
d'experts internationaux ; 75 instructeurs étaient responsables de 500
stagiaires, alors que les effectifs devraient être portés dans les premiers
mois de 2004 à 350 instructeurs pour 3000 stagiaires.
Sous l'impulsion
énergique de la coalition, le nombre de policiers a donc augmenté
rapidement : 33'000 à la mi-août, dont 6500 à Bagdad, 40'000 début
septembre, 60'000 début novembre et 68'400 à la mi-décembre, dont 7000 à
Bagdad. Le recrutement n'a posé aucune difficulté, malgré les risques inhérents
à la fonction - plus de 280 membres des forces irakiennes étaient morts suite à
une attaque à la mi-janvier ; le chômage joue bien entendu un rôle
considérable, et le salaire mensuel fixé à 120 $ pour un jeune policier contre
4 $ sous l'ancien régime, ou entre 150 et 180 $ pour un officier, constitue un
attrait indéniable. Mais le fait que des policiers soient recrutés dans les
endroits les plus difficiles - 6400 au 18 novembre dans la province d'Anbar, où
se trouve la ville de Fallujah, ou encore 1500 à Tikrit au 14 septembre -
souligne également l'envie et la fierté de servir le nouvel État irakien. Un
état d'esprit que l'on retrouve également chez les gardes-frontières, qui
étaient 4700 au 1er septembre et 12'900 fin décembre, et dont les conditions
d'emploi sont similaires à celles des policiers.
D'autres Irakiens ont été engagés en
masse dans les contingents de la force de protection des installations (Iraqi Facility Force Protection Service, FPS) à partir de
l'été. Recrutés par les divisions de la CJTF-7, ces hommes n'ont cependant reçu
qu'une instruction sommaire de 3 jours, et leur mission consiste à garder de
manière statique les bâtiments administratifs, les infrastructures et d'autres
cibles potentielles d'actes terroristes ou de délits. Leur effectif est passé
de 11'000 hommes en août à 35'000 début novembre pour s'établir à 65'300 à la
mi-décembre ; c'est d'ailleurs grâce à cette inflation rapide que
l'objectif initial de 85'000 Irakiens recrutés dans les forces de sécurité fin
2003 a été si largement dépassé. En fait, le rôle des FPS consiste surtout à décharger
la coalition de missions de protection statiques à la fois dangereuses et peu
exigeantes, et donc de libérer les formations militaires pour des missions de
patrouille tournées vers l'offensive. Mais ils ne s'occupent pas de la
protection des bases américaines, pour laquelle 1500 agents de sécurités civils
américains étaient notamment employés à la mi-janvier, là encore afin de
décharger la police militaire.
Formé au mois d'août, le corps de
défense civil irakien (Iraqi Civil Defense Corps, ICDC) joue un rôle
plus important. Il a ceci de particulier que ses membres sont désignés par les
chefs tribaux pour cette fonction, et qu'ils suivent une formation de 3
semaines au sein des bataillons de combat avec lesquels ils seront ensuite
engagés ; une formule qui contribue grandement à augmenter l'efficacité de
ces bataillons, puisque des hommes connaissant la langue, le milieu et la
population participent à leurs actions. Le recrutement, encore une fois, n'a
posé aucun problème : à Tikrit, le groupe de forces d'infanterie 1-22
avait par exemple 75 candidats pour chaque tranche de 60 places. Payés 60 $ par
mois comme les FPS, les membres de l'ICDC ont cependant bénéficié de
l'augmentation de 20 $ au salaire mensuel décidée le 25 décembre pour toutes
les forces de sécurité. Fin octobre, on comptait 4700 hommes de l'ICDC dans
tout le pays, 7000 à mi-novembre et 13'200 à mi-décembre.
L'arrivée de ces nouveaux policiers et
des gardes civils a eu un effet considérable sur la criminalité, qui a diminué
de manière évidente. Le 23 octobre, la coalition annonçait par exemple sur les
2 dernières semaines une chute de 50% des vols de voiture, de 65% des homicides
et de 30% des attaques à main armée. A Bagdad, une ville qui figurait parmi les
plus dangereuse du monde au début de l'été, les chiffres avancés sont
impressionnants : de 92 meurtres en juillet, la ville est passée à 75 en
août, 54 en septembre et 24 en octobre - en excluant naturellement les attaques
visant la coalition. Cependant, même si l'Irak est aujourd'hui un pays plus sûr
que la Colombie ou l'Afrique du Sud, il n'en demeure pas moins que plusieurs
centaines d'agents de sécurité occidentaux, dont 100 anciens SAS, sont employés
par des entreprises internationales venues s'établir ces derniers mois. Les
sociétés de sécurité locales se sont également multipliées dans tout le pays.
La formation de la nouvelle armée s'est
en revanche révélée plus difficile que la coalition le prévoyait, et l'objectif
initial de 12'000 hommes fin 2003 fixé au début de l'été a été manqué de plus
de 90%. D'une part, les infrastructures et les instructeurs nécessaires
dépassaient nettement les disponibilités, et la société privée mandatée pour la
formation - la firme américaine Vinnell, déjà présente en Arabie Saoudite - a
mis un temps considérable avant de débuter la formation de 9 semaines, sur la
base militaire de Kirkoush. D'autre part, un tiers des membres du premier
bataillon ont démissionné en invoquant des disparités de salaire par rapport
aux autres forces irakiennes, la majorité d'entre eux - 150 sur 239 - étant des
hommes mariés ; il est vrai que les salaires mensuels de 70 $ par mois
pour les soldats et 100 $ pour les candidats officiers étaient clairement
inférieurs à ceux de la police, pour une formation et des risques supérieurs. La
coalition a donc augmenté de 60 $ le salaire des soldats à la mi-décembre tout
en augmentant celui des officiers à un maximum de 240 $, ce qui amènera une
partie des démissionnaires à réintégrer leur unité.
Le mouvement est aujourd'hui bien engagé
pour le Coalition Military Assistance Training Team (CMATT), commandé
par le major-général américain Paul Eaton : avec la promotion des trois
premiers bataillons le 4 octobre ainsi que les 6 et 24 janvier, et le suivant en
cours de formation, la première brigade d'infanterie irakienne prend forme avec
plus de 2000 hommes disponibles et 1700 autres à l'instruction ; le
premier bataillon d'environ 500 hommes est basé à Kirkuk et subordonné à la 4e
division d'infanterie US, alors que le deuxième de quelque 750 hommes est basé
à Taji, près de Bagdad, et est subordonné à la 1ère division blindée US. Après
sa promotion le 24 janvier, le troisième bataillon sera basé à Mossoul, et 27
en tout seront formés par la coalition. Comme 60% des hommes recrutés avaient
déjà une formation militaire, ces bataillons d'infanterie légère sont
utilisables pour des tâches de surveillance, de contrôle et de
protection ; des unités de combat plus lourdes et des formations
spécialisées dans l'appui et la logistique sont donc prévues, et une force de
défense côtière ainsi qu'une force d'aviation légère sont également en cours de
formation.
La diversité ethnique et culturelle de
l'Irak complique bien entendu celle-ci. Recrutés à Bassora, Bagdad et Mossoul,
les nouveaux soldats irakiens sont incorporés de manière à respecter la
proportion de la population entre Kurdes, Arabes sunnites et Arabes chiites.
Cependant, les instructeurs américains ont rapidement constaté que les Kurdes
tendaient à parler kurde entre eux, et que les sunnites ou les chiites
évitaient de se mêler les uns aux autres ; l'instruction a dû être
orientée de manière à développer un esprit de corps commun. De plus, les
anciennes habitudes des officiers n'ont pas entièrement disparu, et certains
d'entre eux tendent à conserver le comportement violent et insultant à
l'endroit des soldats qui était la règle sous le régime de Saddam Hussein -
comme d'ailleurs dans de nombreuses armées arabes. Tout un travail d'éducation
et d'intégration doit être fait en parallèle au développement du savoir-faire
technique et tactique.
Cependant, un processus analogue doit
également être suivi au niveau politique, et un aspect méconnu de l'action
militaire coalisée réside ainsi dans l'enseignement local des valeurs et des
principes caractérisant la démocratie. La 2e brigade de la 1ère division
blindée l'a par exemple fait dans 2 districts de Bagdad en apprenant aux édiles
locaux comment mener une séance, avoir un ordre du jour, lever la main pour
prendre la parole, écouter tous les intervenants et tolérer les avis divergents.
Le tout se fait avec une lenteur considérable, provoquée par l'inexpérience et les luttes
personnelles ou tribales, mais le message passe peu à peu. Le 15 septembre a
ainsi eu lieu la première élection dans la province de Sallahudin, où se trouve
la ville de Tikrit : 120 délégués des 8 régions de la province ont élu un
concile provisoire de 30 notables, alors que 4 dirigeants supplémentaires
étaient désignés par les représentants américains. Au total, ce sont d'ailleurs
255 conciles qui administrent aujourd'hui le pays sur le plan local, et plus de
70 partis politiques ainsi que des dizaines d'associations ont été créées.
La construction politique sur le plan
national rencontre des obstacles autrement plus grands, et la forme politique
exacte du nouvel État irakien reste toujours indéterminée. Le conseil
gouvernemental provisoire avait nommé le 11 août un comité technique pour la
rédaction d'une constitution, qui deux semaines plus tard avait annoncé qu'une
décision sur le mode de désignation d'une assemblée constituante serait prise dans les 6 semaines
suivantes. Mais les discussions sont restées bloquées en septembre et octobre,
faute de consensus entre les différents protagonistes sur l'articulation du
processus, et les Américains laissaient paraître début novembre leur impatience
quant à l'inefficacité
supposée du conseil gouvernemental, et l'avancée très lente des travaux
nécessaires à la formation du nouveau Gouvernement. Le 11 novembre, Paul Bremer
est ainsi retourné une fois de plus à Washington pour mettre au point un
nouveau plan et renoncer à la vision du Département d'Etat, qui jugeait
nécessaire la rédaction d'une constitution avant toute votation populaire.
Le plan qui sera adopté le 15 novembre
par le conseil gouvernemental provisoire correspond ainsi davantage aux vues du
Département de la Défense et prévoit trois étapes : la désignation d'une assemblée
nationale provisoire de 250 représentants en mai 2004, par un système de
caucus ; l'élection par cette assemblée d'une administration transitoire
souveraine en juin 2004, en mettant un terme à l'occupation légitimée par la
résolution 1511 de Conseil de Sécurité de l'ONU ; et l'élection d'un
Gouvernement avant la fin 2005. Une loi fixant ce mécanisme politique doit d'ailleurs
être élaborée en février. Mais les jeux de pouvoir entre dirigeants kurdes,
chiites et sunnites ont ralenti ce processus, les chiites revendiquant
notamment la tenue immédiate d'élections populaires contre l'avis des deux
autres parties. Cependant, les perspectives catastrophistes fréquemment
brossées par les médias européens ne tiennent pas compte du fait que le
principe d'un État fédéral, garant d'un partage du pouvoir et d'une
représentation politique équitable des minorités, a été accepté par la majorité
des dirigeants de tous bords.
Ces derniers ne suscitent d'ailleurs
bien souvent qu'une méfiance ouvertement déclarée auprès de la population
irakienne, qui sent une vraie démocratie à portée de main pour la première fois
de son histoire, et qui ne renoncera pas aisément à l'espoir de l'atteindre. La
construction politique de l'Irak nouveau devra tenir compte de son avis, et ce
dernier ne saurait être confondu - comme c'est hélas souvent le cas - avec les
milliers d'inconditionnels que l'un ou l'autre des dirigeants politiques ou
religieux parvient à jeter dans les rues. Certes, une partie de la population s'est imaginé que la présence des
Américains résoudrait tous les problèmes sans qu'il soit nécessaire de lever le
petit doigt, et une attente irrationnelle explique largement son
ressentiment ; de plus, le contrecoup de l'omniprésence du régime de Saddam,
de ses espions et de ses délateurs fait qu'un changement si radical provoque logiquement
un sentiment d'insécurité
et d'incertitude.
Mais la majorité des Irakiens veulent le maintien de la coalition et la
création d'un État démocratique.
Les différents sondages menés depuis
l'été l'ont systématiquement confirmé. La première enquête d'opinion scientifique, menée en
août par Zogby International à Bassora, Kirkuk, Mossoul et Ramadi, et dont les
résultats ont été rendus public le 10 septembre, a ainsi montré les résultats
suivants : 70% des sondés pensent que leur vie sera meilleure dans 5 ans, et
32% bien meilleure ; 50% pensent que la démocratie ne fonctionnera pas en
Irak, contre 40% qui pensent qu'elle fonctionnera ; 60% refusent un Gouvernement
islamique contre 33% qui l'acceptent -
respectivement 66% et 27% pour les chiites ; 43% n'ont pas assisté à la prière du
vendredi durant le dernier mois ; 50% pensent que les Américains seront
plus nuisibles qu'utiles
dans les 5 prochaines années contre 36% ; 66% pensent néanmoins que la coalition
devrait rester encore une année.
Un sondage Gallup effectué à Bagdad du
28 août au 4 septembre auprès de 1178 personnes a fourni les résultats
suivants : 67% des sondés pensent que leur situation sera meilleure dans 5
ans, contre 8% moins bonne ; 47% pensent que le pays est dans un pire état
qu'avant la guerre,
contre 33% meilleur état ; 62% pensent néanmoins que la guerre et ses
conséquences en valaient la peine ; 60% ont une opinion favorable du conseil
de gouvernement ; 50% pensent que la coalition fait un meilleur travail
que 2 mois plus tôt, contre 14% un pire travail ; 71% pensent que la
coalition doit rester les prochains mois, contre 26% qu'elle doit partir ;
19% pensent que les attaques visant la coalition peuvent être justifiées, 17%
qu'elles peuvent l'être selon les circonstances, contre une majorité les
estimant injustifiées ; 58% pensent que les troupes US se sont plutôt bien ou
très comportées, contre 20% plutôt mal et 9% très mal.
Le 21 novembre, une enquête du centre
de recherches psychologiques de Bagdad a montré que 71,5% des Irakiens sondés
estimaient nécessaire le maintien de la coalition au moins
temporairement ; une enquête du même type menée en juin avait trouvé 42%
de gens ayant une opinion similaire. Le 28 novembre, la première manifestation
pour la coalition et contre le terrorisme a mobilisé plusieurs centaines de
personnes à Bagdad. Le 5 décembre, ce sont quelque 1000 personnes qui ont
manifesté à Bagdad, toujours contre le terrorisme. Quatre jours plus tôt, les
résultats préliminaires d'un sondage effectué à mi-octobre dans tout le pays
par Oxford Research International ont montré les éléments suivants : 42% des
sondés estiment que la chute de Saddam Hussein était la meilleure chose qui se
soit produite depuis 12 mois, et 35% la guerre la pire chose ; 79% n'ont pas
confiance dans les forces américaines, et 73% n'ont pas confiance dans le conseil
gouvernemental provisoire, mais seul 1% a regretté la chute du régime de Saddam
; 54% s'opposent à un gouvernement transitoire sous autorité onusienne, mais 90%
sont favorables à l'avènement d'une démocratie en Irak.
Ces différentes
enquêtes soulignent le succès indéniable de la coalition. Si les Irakiens se
méfient des motifs ayant poussé les Etats-Unis et leurs alliés à intervenir
militairement dans leur pays, ils n'en approuvent pas moins la présence de
leurs soldats et le projet politique que ceux-ci contribuent à concrétiser.
Contrairement aux propos de nombreux commentateurs prenant leurs désirs pour
des réalités, les Irakiens ont bel et bien le sentiment d'avoir été libérés par
l'opération Iraqi Freedom - dont le nom reste donc pleinement justifié. Le
renversement puis la capture de Saddam Hussein, conjugués à la liberté
d'expression et de mouvement, font plus que contrebalancer les avanies et les
frictions liées à une occupation militaire dont le terme a été fixé. Et être
parvenu à ne pas s'aliéner la population n'est pas la moindre des prouesses
accomplies par les forces armées de la coalition.
Le bilan de l'Irak
Quel bilan global tirer des nombreux
paragraphes qui précèdent ? Force est d'admettre que ceux qui hurlent au
bourbier depuis des mois en invoquant l'inénarrable spectre du Vietnam ont
atteint le tréfonds de l'aveuglement. Les militaires américains et leurs alliés
ont d'ores et déjà remporté un succès militaire de grande envergure en
maîtrisant une insurrection virulente et diffuse dans un contexte médiatique
délétère : les insurgents et terroristes qui s'opposent à leurs actions
n'ont jamais réussi à prendre l'initiative et à empêcher la construction d'un
Irak nouveau. De plus, la coalition a également obtenu un succès humanitaire
considérable en prévenant toute catastrophe sanitaire et en améliorant de
manière sensible la qualité de vie de la majorité des Irakiens, et ceci malgré
la fuite peu glorieuse de la plupart des ONG ainsi que de l'ONU. La plus grande
entreprise de construction de nation depuis la fin de la Seconde guerre
mondiale se déroule aujourd'hui en l'absence des principaux avocats de telles
actions, et sous la conduite d'une administration qui comptait s'en détourner.
Cherchez l'erreur !
La prestation des divisions américaines,
dans ce conflit de basse intensité, a été d'une qualité surprenante, et rares
sont les armées au monde pouvant raisonnablement prétendre les égaler sur ce
plan. Les efforts constants investis par l'US Army dans la formation des cadres
depuis les années 70 et la vie intellectuelle très riche du milieu stratégique
américain ont produit une génération d'officiers capables de s'adapter,
d'improviser, de renoncer spontanément aux schémas conventionnels pour
atteindre leurs objectifs par des voies inusitées. L'expérience irakienne est
d'ailleurs déjà utilisée par l'US Army pour adapter de manière radicale les
structures de ses Grandes unités et leur alimentation en personnel en vue des
conflits à venir, ce qui n'avait pas été fait pendant la dernière décennie. L'outil
militaire américain sort de l'Irak plus moderne, expérimenté et rôdé que
jamais. Si les élections présidentielles américaines reconduisent l'équipe
actuelle, il apparaît probable que son emploi demeure aussi intensif.
Le bilan est plus mitigé sur le plan
politique et économique, et l'autorité provisoire de la coalition porte ici une
responsabilité égale à celle des Départements d'Etat et de la Défense, qui ont
été incapables de procéder à une planification réaliste de l'après-guerre, et
dont les vues discordantes continuent de péjorer les activités respectives. L'économie
irakienne connaît une croissance spectaculaire dans plusieurs domaines précis,
mais les carences en matière d'infrastructures imposent des ralentissements
gigantesques, ainsi que l'inactivité de toute une frange de la population. De
plus, les nombreux blocages politiques et l'incertitude planant toujours sur la
forme constitutionnelle du nouvel Irak nécessiteront encore des efforts
considérables. Jusqu'ici, le pragmatisme des Américains est parvenu à compenser
leur impréparation dans tous les domaines, et leur diplomatie musclée a
contribué à minimiser les influences extérieures sur la situation irakienne,
mais il leur faudra faire mieux pour trouver la formule gouvernementale et le
partage du pouvoir assurant la représentativité et la légitimité des futures
autorités.
Cependant, ces complications restent mineures
à l'aune du succès stratégique que représente toute l'opération dans le cadre
de la guerre que les Etats-Unis mènent contre le fondamentalisme islamique. L'invasion
de l'Irak, le déboulonnage de la dictature baasiste et la capture de Saddam
Hussein ont déjà constitué une démonstration de force impressionnante, car ils
ont démontré la volonté du gouvernement comme du peuple américain d'accepter
les pertes humaines pour atteindre des objectifs ambitieux. Mais l'inoculation
des valeurs et principes démocratiques en Irak, au cœur historique des nations
arabes, aura à long terme des effets plus importants encore. Confrontés à la double
menace des revendications démocratiques et de la coercition militaire, les
Gouvernements du Moyen-Orient s'alignent progressivement sur Washington et
renforcent leur collaboration antiterroriste, tout en s'ouvrant aux réformes
politiques. Nous sommes très loin du cataclysme généralisé annoncé voici près
d'une année.
L'Irak exigera encore de longs efforts
pour devenir un pays stable et prospère. Au-delà de la pleine souveraineté du
pays, fixée au 1er juillet prochain, les Etats-Unis maintiendront une forte
présence militaire et consolideront leurs acquis ; les déploiements de
troupes annoncés s'étendent jusqu'au printemps 2005, mais les installations en
cours de construction pour loger ces troupes ont une durée de vie minimale de 5
à 10 ans. De plus, les projets de l'autorité provisoire de la coalition dans
des domaines tels que l'éducation, la santé et l'économie vont clairement
au-delà de 2005. L'Irak restera donc un pays violent, sujet au terrorisme comme
aux luttes internes, et des soldats américains continueront de mourir car sa
position géopolitique, son importance économique et sa dimension culturelle
cristallisent une grande partie des enjeux stratégiques de la planète. La
démocratie et la modernité triompheront à Bagdad, ou l'Occident paiera le prix
du pari américain - en plus de l'inertie européenne.
Maj EMG Ludovic Monnerat
Articles connexes
Sources
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Note : d'autres articles ont
été consultés pour la préparation de cette analyse, mais seuls ceux ayant
fourni des informations concrètes sont cités. De plus, d'autres sources ont
naturellement été utilisées en janvier, mais uniquement pour mettre à jour les
données et les faits recensés entre août et décembre 2003.