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Les Etats-Unis à l'offensive dans la guerre contre le terrorisme fondamentaliste musulman

29 juin 2003

Portrait d'Oussama ben LadenP

iratages, arrestations, subventions et assassinats: la guerre que les Américains mènent contre le terrorisme fondamentaliste prend des formes extraordinairement diverses dans le plus grand secret. Le voile commence cependant à se soulever sur les succès rencontrés et les progrès effectués depuis le 11 septembre 2001.

Les agents américains sur le front de la guerre ont piraté des banques étrangères, utilisé des prisons secrètes à l'étranger, et dépensé plus de 20 millions de dollars pour rétribuer des services de renseignements islamiques amis. Ils ont assassiné des chefs d'Al-Qaïda, transféré des prisonniers à des pays peu respectueux des droits de l'homme, et amassé des fichiers aussi épais que mille encyclopédies.


«... Une manne de renseignements a permis une compréhension nouvelle et plus profonde du réseau secret de ben Laden. Et sa fortune personnelle a pratiquement disparu. »


Mais la guerre est loin d'être finie. La semaine dernière [c'est-à-dire la dernière semaine de mai, note du traducteur], le premier adjoint d'Oussama ben Laden a exhorté les fidèles à frapper les ambassades et les entreprises occidentales. L'injonction d'Ayman al-Zawahiri est venue quelques jours après les attentats au Maroc et en Arabie Saoudite, et ont amené les Etats-Unis à fermer des représentations diplomatiques et augmenter le niveau d'alerte de jaune à orange sur leur territoire. Al-Qaïda, explique un vétéran du FBI, "a plus d'un 9/11 en réserve."



Al-Qaïda sur la corde raide

Avec tous les grands titres sur les dernières attaques et alertes, cependant, il est facile d'oublier l'ampleur des pertes que les chasseurs de terroristes américains ont infligé à l'armée de fortune de ben Laden. US News a retracé la guerre contre le terrorisme, depuis les premières semaines après le 11 septembre, pour examiner en détail comment Washington et ses alliés ont lancé un effort sans précédent, conduit par la CIA, pour perturber et détruire les opérations de ben Laden. Des interviews ont été menés avec plus de trente agents antiterroristes actifs ou en retraite dans une demi-douzaine de pays ; le magazine a également examiné des milliers de pages de minutes de procès et de rapports analytiques.

Mi récit de détective, mi roman d'espionnage, cette histoire est celle de héros méconnus. C'est l'histoire d'analystes anonymes de la CIA qui comparent des noms arabes brouillés avec des numéros de téléphones portables autour du monde, de soldats pakistanais tués en forçant les redoutes d'Al-Qaïda, d'interrogateurs jordaniens qui usent la résistance des plus rusés assassins de ben Laden. La plupart de tout cela n'a pas encore été révélé.

Une manne de renseignements a permis une compréhension nouvelle et plus profonde du réseau secret de ben Laden, affirment des responsables du renseignement. Ils ont accumulé les dossiers sur ses disciples, passant de quelques maigres centaines avant le 11 septembre à plus de 3000 aujourd'hui. Ils ont identifié le nombre d'adhérents formant du noyau dur, maintenant estimé à seulement 180 fidèles. Et la fortune personnelle de ben Laden, d'après les investigateurs, a pratiquement disparu.

Il y a plus. Les enquêteurs ont déterré une histoire secrète d'Al-Qaïda, découvrant des documents écrits de la main de ben Laden, de même que des comptes identifiant les donateurs du groupe terroriste. Ils ont contraint des membres capturés à faciliter l'identification de leurs camarades – et même à écouter lorsqu'un terroriste a lancé un appel téléphonique qui a mené à l'assassinat d'un chef supérieurs d'Al-Qaïda.

Les blessures du réseau sont profondes. Plus de la moitié de ses principaux chefs opérationnels sont hors combat, d'après des sources officielles. Ses leaders suprêmes sont de plus en plus isolés et traqués. Son sanctuaire afghan a largement disparu. Ses commandants militaires sont morts. Son responsable des opérations croupit en prison, comme quelque 3000 de ses membres de par le monde. Dans le terrain, chaque tentative de communication met les agents en danger. Les finances jadis abondantes de l'organisation sont entre-temps devenues précaires. Une interception sonore récente a révélé qu'un terroriste suppliait de recevoir 80 dollars, selon les mêmes sources.



La Matrice d'Attaque Globale

Si la guerre globale contre le terrorisme a un centre nerveux, ce dernier est sans doute le centre contre-terroriste (Counterterrorism Center, CTC) de la CIA. Au premier abord, le CTC a l'air commun, bourré des cabines, des bureaux gris et des ordinateurs qui emplissent n'importe quel service gouvernemental à Washington. Un indice que son activité pourrait sortir de l'ordinaire est offert par les écriteaux qui jalonnent les corridors. Une intersection bien fréquentée se trouve au croisement de l'avenue ben Laden et de la rue Saddam.

Les attaques du 11 septembre ont sévèrement secoué le CTC – qui comptait à l'époque environ 600 officiers, analystes et auxiliaires. "Il y a eu un vrai choc", se souvient l'un des responsables. "Notre unique travail consistait à stopper des choses de ce type." Cofer Black avait pris la tête du CTC deux ans auparavant. Figure quasi-légendaire au sein de la CIA, il avait passé 26 ans dans la division des opérations clandestines de l'agence. Mais lorsqu'il découvrit les expressions sur les visages de son état-major, il fut frappé par des regards qu'il n'avait vus qu'à l'étranger. Ils lui rappelaient les yeux des responsables du renseignement israélien. "Vous appréciez la gravité de votre situation lorsque votre propre population est dans la ligne de mire", dit-il.

Black connaissait bien Al-Qaïda. Il avait traqué Oussama ben Laden depuis que ce dernier avait tenté de le tuer au Soudan dix ans plus tôt. Black lui avait retourné la faveur, en élaborant à la CIA des plans pour assassiner l'exilé saoudien bien avant le 11 septembre – des plans qui, sur ordres des supérieurs, étaient restés sur l'étagère.

Tout cela changea avec cette journée. En quelques jours, l'équipe de Black a proposé une réponse à Al-Qaïda. Ils l'ont appelée la Matrice d'Attaque Mondiale. C'était un plan de guerre opérationnel, un retour sans réserve à l'âge d'or de l'action clandestine. Comme l'explique Bob Woodward dans son livre Bush s'en va-t-en guerre, la Matrice implique une campagne planétaire pour extirper les cellules d'Al-Qaïda dans 80 pays. Les responsables du renseignement ont confirmé à US News l'envergure énorme de la Matrice et des propositions afférentes.

Les nouveaux plans ont autorisé l'usage de la force létale, de l'effraction et de la guerre psychologique. Ils ont autorisé la CIA à déverser des millions de dollars au sein de services de renseignements arabes amis et permis à l'agence précédemment timorée de travailler avec n'importe quel gouvernement, quel que soit ses tares, aussi longtemps que cela amène des résultats. Le 17 septembre, six jours après les attaques, le Président Bush a signé un ordre exécutif qui approuvait presque tout ce que la CIA avait demandé.



La moisson de l'Afghanistan

La première tâche consistait à détruire le sanctuaire afghan des terroristes. "Rien n'enhardissait Al-Qaïda davantage que notre réticence à les poursuivre", souligne Michael Rolince, qui dirigeait la section du terrorisme international au FBI durant le 11 septembre. "J'avais assisté à des centaines de rapports durant lesquels le Département de la Défense ne faisait qu'écouter. Les gens qui ont mené des guerres n'avaient aucun rôle dans la guerre contre le terrorisme." Ce qui était sur le point de changer.

La guerre en Afghanistan a surpris les chefs d'Al-Qaïda. Les aides principaux de ben Laden étaient convaincus que les Etats-Unis répondraient à ces attaques par une simple salve de missiles de croisière, comme l'ont indiqué plus tard des interrogatoires. A la fin de 2001, l'attaque conduite par les USA avait capturé les camps et le quartier-général d'Al-Qaïda, tués des centaines de ses fidèles et mis un terme au pouvoir des Taliban. L'avance a été si rapide que les agents de ben Laden ont laissé derrière eux une montagne de renseignements – carnets d'adresse, bandes vidéos, ordinateurs et davantage.

Près de 100 emplacements ont fourni des informations valables, allant des caves aux centres d'entraînement. Parmi les découvertes essentielles figuraient les listes des stagiaires de toutes les installations d'Al-Qaïda, qui ont donné à la CIA un levier sur les dizaines de milliers de djihadistes qui ont passé par quelque 50 camps à travers l'Afghanistan. "Ils étaient comme les nazis", affirme un expert en terrorisme du FBI. "Ils tenaient leurs comptes méticuleusement."  

L'une des plus grandes découvertes vint en novembre, après qu'un drone Predator de la CIA a repéré une dizaine d'ennemis dans un hôtel près de Kaboul. Une frappe aérienne américaine a déchiqueté le bâtiment en tuant près de 100 personnes, dont Mohammed Atef, commandant militaire d'Al-Qaïda de longue date et planificateur-clef des attaques du 11 septembre et sur les ambassades américaines en Afrique. Les enquêteurs ont également trouvé dans les décombres des tas de documents et de bandes vidéos qui ont déclenché des alertes dans une demi-douzaines de pays.

Les vidéos mettaient en scène 5 candidats au martyre se moquant des "infidèles" et souhaitant mourir dans des attaques-suicides. Les analystes ont rapidement reconnu l'un d'entre eux : Ramzi Binalshibh, un Yéménite loquace de 30 ans dont les espoirs de joindre les pirates du 11 septembre ont été déjoués par des problèmes de visa. Binalshibh fut interpellé au Pakistan des mois plus tard. Mais un autre – Khaled Jehani – n'a fait surface que le mois passé en Arabie Saoudite, en tant que cerveau des attentats à la voiture piégée de Riyadh.

Des ruines émergea une autre vidéo, révélant des projets d'assassinats contre des leaders devant participer à un prochain sommet dans le Golfe. Les responsables américains ont extrait des bandes les visages de 45 agents d'Al-Qaïda. Dans les décombres se trouvait également un passeport allemand au nom d'un certain Mohammed Haydar Zammar, un fugitif considéré comme le recruteur de la cellule de Hambourg, en Allemagne, responsable du 11 septembre. Les enquêteurs ont rapidement rattrapé Zammar au Maroc.

Mais la plus grande découverte fut peut-être une autre vidéo – une bande de surveillance amateur de 20 minutes tournée à Singapour. Elle a aidé les responsables locaux à déjouer une série extraordinaire de complots de la Jamaat Islamiya – un allié essentiel d'Al-Qaïda en Asie du Sud-Est. Les militants espéraient déclencher une guerre sainte en attaquant des installations militaires et des entreprises américaines, des représentations diplomatiques, de même que le métro et l'approvisionnement en eau de la ville.



Des téraoctets d'informations

La prise de renseignements de l'hôtel de Kaboul et d'autres sites a été rapidement paquetée et envoyée au CTC pour un examen approfondi. Jadis considéré un lieu annexe à la CIA, le CTC se trouvait alors au cœur de la plus grande vague d'actions clandestines depuis la Guerre froide. Cofer Black dut lui-même superviser des opérations secrètes, des unités paramilitaires, des efforts propagande, et davantage encore. Dans les semaines qui ont suivi le 11 septembre, le CTC a presque doublé de taille pour atteindre plus de 1100 personnes, dont des agents du FBI, des officiers militaires et des opérateurs de la CIA.

Avant les attaques, le CTC s'était focalisé sur une dizaine de groupes terroristes différents ; il s'est alors restructuré pour agir exclusivement contre Al-Qaïda. De nouvelles équipes se sont concentrées sur les finances, le commandement, la collecte de renseignements et le travail avec les gouvernements étrangers. Des analystes ont trié des pages et des pages de rapports, de photos satellites et d'interceptions électroniques. Des impressions d'analyses de liens, certaines longues comme des draps, tapissaient les murs des cabines, alors que des chercheurs retraçaient les contacts tentaculaires d'Al-Qaïda. "Il y a des sous-réseaux de sous-réseaux", précise un responsable principal du renseignement. "Dieu merci, nous avons des imprimantes géantes."

A la fin novembre, la quantité de renseignement qui arrivaient était écrasante, et les employés du CTC savaient pourquoi. Pendant des années, leurs efforts pour combattre le terrorisme avaient rivalisé avec une dizaine d'autres priorités de la politique étrangère américaine. Mais le message de Washington à présent était clair. "Aucune nation ne peut être neutre dans ce conflit", a déclaré le Président Bush. "Vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous." Les résultats ont été immédiats. "Avant le 11 septembre, la coopération se faisait à contrecœur", se souvient Richard Clarke, le responsable supérieur du contre-terrorisme au Conseil de Sécurité Nationale à l'époque des attaques. "Mais à présent chacun savait que le Président avait un blanc-seing pour faire ce qu'il voulait."

Du gouvernement indien arrivèrent des interceptions de militants liés à Al-Qaïda situés au Cachemire ; d'Italie, des conversations enregistrées de radicaux islamistes au Milan ; du Soudan, des fichiers longtemps attendus sur les agents de ben Laden jadis concentrés à Khartoum. Au grand plaisir des vétérans de la CIA, des renseignements venaient même d'anciens ennemis, parmi lesquels la Libye et la Syrie. 

Chaque jour, le CTC engrangeait quelque 2500 messages des stations étrangères de la CIA ; chaque semaine, environ 17'000 nouveaux fragments de renseignements arrivaient. Et cela n'inclut pas les énormes prises d'Afghanistan. Un officier expérimenté a dit que les quantités étaient mesurées "littéralement en téraoctets" - un téraoctet est à peu près équivalent à 1000 éditions reliées de l'Encyclopedia Britannica. Le CTC était devenu le plus grand collectionneur et coordinateur au monde de renseignements sur le terrorisme. Le volume des matériaux collectés était si grand, ont affirmé plusieurs sources à US News, que même aujourd'hui des parties importantes n'ont pas été examinées.



La nature duale d'Al-Qaïda

En mars 2002, la manne de renseignements a révélé à quel point les SR américains avaient mal compris Al-Qaïda. "Il y avait des trous gigantesques dans notre compréhension de la structure d'Al-Qaïda, de sa chaîne de commandement, de son réseau opérationnel", affirme Roger Cressey, directeur des menaces transnationales au Conseil de Sécurité Nationale à l'époque du 11 septembre. "Pensez à cela comme un puzzle de 1000 pièces dont nous n'avions peut-être que 200 pièces. Après le 11 septembre, les pièces arrivèrent à la pelle." 

Les meilleurs analystes de l'Amérique ont été troublés lorsqu'ils ont passé en revue les nouveaux renseignements. "C'était même pire que ce que nous pensions", affirme Black, qui fut frappé par des rapports venant d'Afghanistan et décrivant des combattants d'Al-Qaïda portant cheveux blonds et yeux bleus – des Tchétchènes – de même que des Ouzbeks, des Indonésiens et des Chinois. "Ils s'étaient internationalisés à un degré bien plus grand", dit-il, "et s'étaient bien mis en réseau."

Les cadavres, les ordinateurs et la correspondance découverts, combinés avec les interrogatoires de prisonniers et d'autres renseignements, ont brossé un portrait assez complet de l'organisation secrète de ben Laden. Les analystes ont commencé à comprendre comment fonctionnait Al-Qaïda, de ses finances à ses membres-clés. Avant le 11 septembre, le renseignement US n'avait des fichiers que sur quelques centaines d'islamistes entraînés. Mais en mars, ce nombre avait grimpé jusqu'à 3000 et enflait chaque jour.

Avec l'augmentation de leurs connaissances, les analystes ont appris à différencier les bandes de djihadistes. Comme l'a expliqué un vétéran du contre-terrorisme, il y a en fait deux Al-Qaïda. L'une d'entre elles est l'idéologie Al-Qaïda, qui alimente un réseau tentaculaire d'islamistes radicaux, inspirés par ben Laden sans être ses disciples directs. Au sein de ce réseau se trouvent ce que des analystes ont nommé les franchises d'Al-Qaïda – des groupes radicaux alliés, de l'Ouzbékistan à l'Indonésie, qui partagent le rêve décrit par ben Laden d'un monde pan-islamiste.

Mais il y a aussi l'organisation Al-Qaïda – un groupement limité, discipliné, comme mafieux, avec ses propres règles, ses finances et ses membres cooptés. Bien que des dizaines de milliers d'individus aient passé par ses camps d'entraînement, très peu ont en fait rejoint le groupe. "Al-Qaïda est une organisation élitiste qui n'admet que peu de membres", explique Rohan Gunaratna, auteur de Inside al Qaeda. Le renseignement US a rapidement conclu que quelques 180 fidèles ont juré le bayat, ou l'allégeance, à ben Laden.

Le groupe était également plus hiérarchisé que ne le pensait la CIA. Ben Laden, qui était considéré comme une figure de proue, s'est révélé un leader pratique qui a approuvé les plus ambitieuses attaques d'Al-Qaïda, y compris celles du 11 septembre. Les descriptions du fonctionnement intérieur du groupe, avec son dogme religieux et son obéissance aveugle, apparaissent presque comme un culte dont ben Laden est le gourou. Comme l'a dit l'un des principaux responsables américains, ben Laden ressemble "plus à Koresh qu'à Napoléon" - en référence à David Koresh de la branche des Davidiens, qui a péri avec ses fidèles d'une mort ardente à Waco, au Texas.



L'histoire retrouvée d'Al-Qaïda

Les finances d'Al-Qaïda ont également été examinées de plus près. Les estimations de la richesse de ben Laden après le 11 septembre – on a parlé d'une somme atteignant 300 millions de dollars – se sont avérées complètement exagérées. L'héritier saoudien avait dilapidé sa fortune des années plus tôt. Les ressources d'Al-Qaïda ont été à la place organisées à partir d'œuvres de charité, de mosquées, de collectes et d'entreprises qui avaient financé le mouvement du djihad depuis sa guerre formatrice contre les Soviets en Afghanistan. Les officiers de la CIA ont été renforcés par des agents du Trésor et du FBI pour retracer comment Al-Qaïda transfère son argent – par des banques internationales et l'achat de marchandises comme l'or et les pierres précieuses.

Pendant des années, les responsables US suspectaient que les appuis essentiels d'Al-Qaïda utilisaient un réseau d'œuvres de charité islamiques, la plupart d'entre elles basées en Arabie Saoudite et liées à des Saoudiens influents. La preuve de ce processus était alors accablante. Les interrogatoires menés par la CIA avec le responsable principal d'Al-Qaïda en Asie du Sud-Est ont révélé que le groupe utilisait des fonds de la fondation islamique saoudienne Al Haramain. Les bureaux afghans d'une autre équipe saoudienne, l'organisation humanitaire Al Wafa, fonctionnait prétendument comme une filiale d'Al-Qaïda – jusqu'à ce qu'elle soit bombardée par des avions de combat US.

Même après le 11 septembre, les Saoudiens ont été moins que coopératifs. Frustrée, la CIA a pris les choses en main, en piratant des comptes bancaires au Moyen-Orient pour retracer le flux d'argent des agents d'Al-Qaïda, ainsi que des sources du renseignement l'ont révélé à US News. D'autres fois, des officiers ont offerts des pots-de-vin et sont revenus avec des relevés bancaires et des numéros de comptes. Au début mars de l'an dernier, les responsables US ont gelé les avoirs d'une demi-douzaine de fondations et ont incité d'autres nations à faire de même. Le 19 mars, les autorités bosniaques ont effectué des raids en 8 endroits liés à la Fondation de Bienfaisance Internationale, un fonds islamique multimillionnaire doté de bureaux dans 9 pays. A l'intérieur, les responsables ont trouvé des armes et des explosifs, et ont chapardé des documents gouvernements sur le terrorisme, des vidéos et de la littérature appelant à la guerre sainte et au martyre.

Mais la vraie surprise se trouvait dans un ordinateur isolé dans les bureaux de Sarajevo. C'était un répertoire de fichiers comme celui de n'importe quel PC, à la différence que celui-là était nommé Tareekh Osama, ou "l'Histoire d'Oussama" en arabe. Lorsqu'ils ont scruté à l'intérieur, les enquêteurs ont été stupéfaits. Le contenu n'était autre que les documents fondateurs d'Al-Qaïda : des lettres scannées, des procès-verbaux de rencontres, des photographies et plus encore – une partie portant la propre écriture de ben Laden.

Le fichiers racontaient l'histoire d'Al-Qaïda dans ses propres mots – comment elle est passée d'un réseau soutenant les combattants anti-soviétiques, à la fini des années 80 en Afghanistan, à une croisade globale contre les infidèles où qu'ils soient. Il y avait une correspondance liée au transport d'armes, au transfert d'argent et au mouvement de personnes, un diagramme de l'organisation ainsi que des documents sur l'implication du groupe dans les guerres civiles de Bosnie et du Soudan au début des années 90, puis en Tchétchénie à partir de 1995. Dans un compte-rendu d'audience rendu public en avril de cette année, les procureurs US ont appelé ces fichiers "un trésor perdu."

Une attention particulière a été portée à une liste manuscrite, surmontée d'un verset du Coran – "et dépense pour la cause de Dieu" – et comportant 20 généreux donateurs du réseau Al-Qaïda, datant apparemment de la fin des années 80. Connu sous le nom de Chaîne Dorée, le tableau comprenait certains des hommes les plus riches d'Arabie Saoudite : trois banquiers milliardaires, des industriels de premier plan et un ancien ministre du gouvernement. Après chaque homme apparaissait un deuxième nom, entre parenthèses, suggérant ainsi qui avait reçu l'argent du donneur. "Oussama" apparaissait à la suite de 7 inscriptions.

L'Amérique n'avait pris ben Laden au sérieux qu'en 1998, après la destruction de deux ambassades US en Afrique. Mais "l'Histoire d'Oussama" a indubitablement montré que le multimillionnaire saoudien avait déclaré la guerre aux Etats-Unis depuis 1991, et comment depuis une décennie il a désigné l'Amérique comme "la tête du serpent" et rationalisé l'assassinat de civils américains. Cependant, la découverte la plus frappante a peut-être été le procès-verbal manuscrit d'une rencontre tenue le 11 août 1988.

C'est là que ben Laden et d'autres ont approuvé "l'établissement d'un nouveau groupe militaire" comprenant trois unités, dont l'une devait être appelé en arabe Qaïda, ou Base. Une semaine plus tard dans la maison de ben Laden, ils ont tenu un deuxième conseil – pendant 3 jours – qui a mené à la fondation officielle de la nouvelle entité. "L'œuvre d'Al-Qaïda a commencé le 10 septembre 1988 avec un groupe de 15 frères…", conclut le rapport. "Avec la grâce de Dieu."



Le camp de Guantanamo

Au début de 2002, l'Amérique et ses alliés avaient bouclé presque 1000 membres et supporters d'Al-Qaïda. Des avions entiers de prisonniers venant d'Afghanistan ont rapidement rempli les enclos de Camp X-Ray, la prison construite à la hâte sur la base navale de Guantanamo Bay, à Cuba. Certains détenus ont laissé une impression durable sur leurs gardes, et parmi eux un homme émacié qu'ils ont nommé Bob le Mourant.

Ce combattant arabe était venu l'an dernier à Gitmo, comme la base est appelée, en ne pesant que 30 kg. Il avait des blessures par éclat, souffrait de tuberculose et avait perdu un poumon. Le major-général Michael Dunlavey se rappelle vivement sa première rencontre avec "Bob". Dunlavey menait les interrogatoires sur la base jusqu'en novembre dernier. Lorsqu'ils se sont rencontrés, Bob se rétablissait rapidement. Il avait repris 22 kg et, assis à la table de Dunlavey, il l'a remercié pour la nourriture et le traitement médical. "Général, vous êtes probablement un bon chrétien", a-t-il dit à Dunlavey. "Et vous êtes probablement un homme bon. Mais si jamais je suis libre, je vais vous tuer."

Réserviste de 57 ans et juge d'Etat à Erie, en Pennsylvanie, Dunlavey s'est rarement exprimé publiquement ; ses remarques proviennent d'un discours prononcé en mars lors d'une conférence à Washington. A l'instar de nombreux responsables à Gitmo, Dunlavey est revenu très inquiet de ces interrogatoires. Comme Bob le Mourant, la plupart sont apparus désireux de mourir en martyrs. "Ces gens se sont implacablement engagés dans le terrorisme apocalyptique", a conclu Dunlavey. "Leur but est la destruction absolue de l'Amérique comme nous la connaissons."

Au printemps de cette année, Gitmo s'est rempli de quelque 660 compagnons de voyage de Bob. Leur groupe reflétait l'allonge extraordinaire d'Al-Qaïda, en représentant pas moins de 42 pays – bien que presque un cinquième vienne d'Arabie Saoudite. Depuis le départ, la nouvelle prison a suscité la controverse, des groupes de défense des droits de l'homme contestant le statut légal et le traitement des détenus. Washington ne les considère pas comme des prisonniers de guerre mais des "combattants ennemis" sujets à la justice militaire.

Ainsi, ils ont été enchaînés, aveuglés et forcés de rester debout ou à genoux dans la même position pendant des heures. Ils n'ont aucun accès à un avocat. De plus, le groupe comprend des individus allant de l'adolescent à l'homme âgé, et la valeur de la plupart en matière de renseignements a été minime. Les critiques des alliés ont amené le Secrétaire d'Etat Colin Powell a écrire le 14 avril une lettre au Pentagone, demandant la libération de certains détenus.

Alors que certains d'entre eux se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment, les responsables proches des interrogatoires peuvent énumérer une série de cas graves dans lesquels les prisonniers se sont révélés utiles. Des détenus de Guantanamo ont aidé à faire entrer le "Taliban américain" John Walker Lindh dans un camp d'Al-Qaïda, par exemple, et ont donné des indices qui ont mené à la destruction de cellules suspectées d'Al-Qaïda au Maroc et à Lackawanna, dans l'Etat de New York.



Le rôle des services alliés

Gitmo, cependant, n'est qu'un seul nœud du réseau de centres de détention et de prisons que les Etats-Unis ont commencé à utiliser dans la guerre contre le terrorisme. Il y en a une demi-douzaine d'autres, tous à l'étranger et inaccessibles à la presse comme au public. En Jordanie, la CIA utilise un centre spécial dans la prison lointaine d'Al-Jafr, où elle a convoyé jusqu'à 100 suspects d'Al-Qaïda pour des interrogatoires initiaux. En Afghanistan, le Pentagone et la CIA disposent de centres de détention majeurs sur leurs bases de Bagram et de Kandahar, où l'on considère que quelque 70 prisonniers sont détenus. Une autre installation se trouve sur la base américano-britannique de Diego Garcia. Ce minuscule bout de territoire dans l'Océan Indien a été une fois nommé "Gilligan's Island avec des armes" par le journal militaire Stars and Stripes [du nom d'un sitcom américain des années 60, où un naufrage amène un groupe de personnes dépareillées à survivre sur une île désolée du Pacifique, NDT].

Les interrogatoires américains, qui emploient les techniques dites de stress et contrainte, ont également été critiqués par des groupes de défense des droits de l'homme. Les tactiques vont de la surcharge sensorielle – l'usage de lumières éclatantes, 24 heures sur 24, et la diffusion de musique très forte – à la privation de sommeil. Mais les questions les plus troublantes sont réservées aux prisons administrées par des gouvernements musulmans amis. La CIA a contribué à transporter des dizaines de détenus non seulement en Jordanie, mais aussi en Egypte, au Maroc et même en Syrie. Appelées "redditions", les transferts ont suscité des critiques en raison de la pratique de ces nations en matière de torture.

Les efforts des Jordaniens sont tout spécialement appréciés des responsables US. Leurs interrogatoires sont utilisés à Al-Jafr ainsi qu'à d'autres centres de détention américains. Lorsqu'on lui a demandé s'ils ont contribué aux interrogatoires de Guantanamo, un agent du renseignement jordanien a répondu : "Nous l'avons fait. Nous le faisons. Et nous le ferons." Et en effet, des responsables de la CIA affirment préférer les Jordaniens précisément parce qu'ils ne pratiquent pas la torture – bien que des rapports d'ONG soulignent leur mauvaise réputation pour la falaqa, à savoir battre les prisonniers sur la plante de leurs pieds. "Ce n'est pas que nous ayons de meilleurs interrogateurs", explique l'agent jordanien. "Mais quand vous voulez interroger un fondamentaliste, il n'est pas facile d'entrer dans son esprit lorsqu'il vous considère comme un infidèle."

Dans le jargon du monde du renseignement, de tels liens avec des services secrets amis sont appelés liaison relationships. "La chose que la CIA fait mieux que tout le monde est de gérer les liaison relationships", affirme Milt Bearden, l'ancien chef de station de l'agence au Pakistan. "Nous l'avons fait pendant 50 ans. Notre travail consiste à recruter les esprits et les sentiments en leur donnant des trucs – ce qui nous donne des trucs en retour."

"Leur donner des trucs", en fait, a été au centre de la guerre menée contre Al-Qaïda par la CIA. L'idée est simple : après le 11 septembre, les Etats-Unis se sont effet mis à sous-traiter certaines parties-clés de la guerre contre le terrorisme. Des millions de dollars provenant de fonds secrets ont commencé à être versés à des services de renseignement et à des agences de sécurité islamiques alliés. Les principaux bénéficiaires ont été l'Egypte, la Jordanie et le Pakistan. Sur la liste figurent également l'Algérie, le Maroc et le Yémen.

Les paiements accumulés ont dépassé les 20 millions de dollars, d'après des sources du renseignement, un montant qu'ils considèrent comme une affaire. Bien entendu, Washington a offert d'autres incitations à ses alliés : l'entraînement, l'équipement, l'effacement de dettes et l'assistance économique. L'aide américaine au Pakistan a enflé de 5 modestes millions de dollars en 2001 à plus de 1,1 milliards à 2002. L'année dernière, l'aide à la Jordanie a plus que quadruplé en dépassant les 1,6 milliards. "Il est impossible de surestimer l'importance qu'ont joué nos alliés arabes – les Jordaniens, les Egyptiens, les Africains du Nord", explique Roger Cressey, ancien expert du terrorisme au Conseil de la Sécurité Nationale. "Ils les comprennent mieux, ils ont pénétré les cellules – ce que nous n'avons certainement pas fait." 



La chasse aux chefs terroristes

Les Pakistanais ont cependant reçu le plus de louanges. Le Pakistan a servi de sage-femme pour les Taliban, en aidant leur régime radical à prendre le pouvoir dans l'Afghanistan voisin. Mais après le 11 septembre, le Président pakistanais Pervez Musharraf a faite volte-face et pourchassé les terroristes d'Al-Qaïda qui ont tenté de se réfugier dans son pays. Cette politique a pris au piège les plus gros poissons de la guerre contre le terrorisme.

Cela a commencé avec Riyadh le Facilitateur. On ne sait que peu de choses sur l'homme que les Pakistanais ont appréhendé à Karachi en janvier 2002. Chargé de gérer les affaires d'Al-Qaïda au Pakistan, c'est l'un des quelques agents importants au sujets desquels les responsables américains n'ont diffusé presque aucune information. Pendant la guerre, les troupes alliées en Afghanistan ont attrapé deux gestionnaires intermédiaires, mais Riyadh était le premier dirigeant local capturé après le 11 septembre. "Riyadh était un logisticien important", précise une source du renseignement. Il était également le premier maillon d'une chaîne qui mènerait d'un chef d'Al-Qaïda à l'autre.

Les tactiques employées étaient très simples. Par des publicités publiées dans les journaux, l'armée pakistanaise offrait de grosses récompenses pour des indices sur des étrangers bizarres. Les voisins de Riyadh avaient remarqué les allées et venues suspectes de personnes qui entraient dans sa petite maison. Une fois emprisonné, il s'est mis à parler. Les enquêteurs se mirent rapidement à pister les traces de la présence croissante d'Al-Qaïda au Pakistan.

Le prochain domino djihadiste à tomber était bien plus grand. Abu Zubaydah était une étoile montante au sein d'Al-Qaïda. Agé d'à peine 31 ans, ce Palestinien né en Arabie Saoudite avait fonctionné comme recruteur en chef dans les camps d'entraînements du groupe en Afghanistan. Après la mort de son chef militaire, Mohammed Atef, lors d'une frappe aérienne US en Afghanistan, Zubaydah a été désigné pour le remplacer. Il n'était pas très doué pour cela, affirment des enquêteurs. Il a monté un commerce dans la troisième plus grande ville du Pakistan, Faisalabad, mais n'est resté qu'un mois. Le déclic est une fois encore venu d'un indice d'origine locale.

L'arrestation de Zubaydah a eu lieu alors que les analystes américains digéraient la manne de renseignements du monde entier. Les interrogateurs savaient quelles questions lui poser. Mieux, ils connaissaient certaines des réponses. "Il a commencé par nous donner un tas de conneries périmées", souligne un responsable. Mais il a finalement commis une erreur. Il a fait référence à un Américain membre d'Al-Qaïda, un indice qui a mené des semaines plus tard à l'arrestation à Chicago de José Padilla, un ancien délinquant qui a trouvé sa voie dans l'islam radical et que l'on soupçonne d'avoir préparé un attentat à la bombe sale. Zubaydah a également identifié une photo d'Omar al Farouq, le chef du groupe pour l'Asie du Sud-Est, que les autorités indonésiennes ont interpellé deux semaines plus tard.

Les Pakistanais ont également récupéré un trésor de matériaux dans la redoute de Zubaydah – des CDs, des carnets d'adresses, des documents comptables et un téléphone satellitaire. "Cela ressemblait aux documents de travail d'une organisation", précise une source haut placée du renseignement. "La capture de Zubaydah s'est révélée être un tournant." A la fin de l'été 2002, plus de 100 officiers de la CIA et agents du FBI étaient arrivés au Pakistan, afin de monter des unités pour exploiter les renseignements locaux. La CIA a amené des appareils d'écoute électronique ; le FBI, des équipements médico-légaux. La chasse était ouverte.



Arrestations à la chaîne

Le prochain à tomber a été Ramzi Binalshibh, l'intendant des pirates de l'air du 11 septembre. Au cours de raids menés en septembre 2002, les équipes américano-pakistanaises ont arrêté Binalshibh et d'autres à Karachi. En même temps que leur proie, ils ont trouvé 3 téléphones satellitaires, 5 ordinateurs portables, des tonnes de cash et un petit arsenal.

Plusieurs semaines plus tard, les prisonniers marocains à Guantanamo ont initié une réaction en chaîne qui a frappé un autre coup contre Al-Qaïda. Les détenus ont fourni des détails sur une cellule active au Maroc ; en l'espace de quelques semaines, les autorités locales ont appréhendé le groupe, et ainsi déjoué ses plans d'attaques des navires de guerre américains et britanniques dans le Détroit de Gibraltar. La cellule marocaine, à son tour, a mené les enquêteurs à Abd al-Rahim al Nashiri, un agent supérieur qui conduisait toutes les opérations d'Al-Qaïda sur la péninsule arabique.

En octobre, ils ont retrouvé Nashiri, le cerveau de l'attentat contre l'USS Cole, qui se cachait aux Emirats Arabes Unis et planifiait une série d'attaques navales. Nashiri s'est rapidement effondré ; il a même laissé des responsables écouter alors qu'il appelait ses associés. En conséquence, un drone Predator de la CIA a retrouvé le chef de sa cellule au Yémen en train de rouler sur une route isolée. Un missile Hellfire a déchiqueté leur voiture en les tuant tous.

Al-Qaïda et ses alliés ont répliqué à l'automne 2002. Il y a eu en premier l'attaque en octobre sur un pétrolier français au large du Yémen. Une semaine plus tard, les attentats de Bali ont été le pire acte de terrorisme depuis le 11 septembre en tuant plus de 200 personnes. Puis le 28 novembre, des terroristes suicidaires ont frappé un hôtel possédé par un Israélien à Mombasa, au Kenya, en tuant 16 personnes, alors qu'un avion de ligne israélien a failli être abattu par des missiles sol-air portables.

Mais la pression sur Al-Qaïda ne s'est pas relâchée. "Près de la moitié de nos succès contre les membres principaux d'Al-Qaïda est survenue ces derniers mois", a déclaré le directeur de la CIA, George Tenet, en décembre. Et en mars de cette année, une équipe américano-pakistanaise ont ferré le plus gros poisson à ce jour. Lorsqu'ils ont retrouvé la piste de Khalid Shaikh Mohammed ce printemps, les enquêteurs ont pensé qu'ils avaient trouvé la trace de ben Laden lui-même. KSM, ainsi qu'il est nommé, avait été promu chef des opérations d'Al-Qaïda. Doté d'une intelligence diabolique, il était connu au sein du groupe comme "le Cerveau" et on lui attribue la planification des attaques du 11 septembre et d'une demi-douzaine d'autres opérations.

Mohammed, un Pakistanais de 38 ans, a été arrêté le 1er mars. "Avoir KSM", a observé Cofer Black, "revient à avoir leur chef d'état-major." La prise a été encore complétée par le compagnon de KSM, Mustapha Ahmed al-Hawsawi, un coursier d'Al-Qaïda qui avait versé de l'argent aux pirates du 11 septembre. Avec Hawsawi, les agents ont trouvé des livres de comptes, des noms de courriers et de financiers, d'autres numéros de téléphone et des adresses de redoutes. Les enquêteurs ont obtenu un éventail de nouveaux suspects à pourchasser, y compris plus d'une dizaines de sympathisants aux Etats-Unis, en Espagne et en Suisse.

Au printemps de cette année, les Pakistanais ont arrêté presque chaque semaine des membres présumés d'Al-Qaïda. Mais le combat a été coûteux : 10 soldats pakistanais ont perdu la vie lors d'un raid sur une redoute, et au moins 10 autres ont été blessés dans la campagne. "Nous disons toujours que nous avons capturé ces gens, mais ce n'est pas entièrement juste", relève un responsable américain. "Le premier gars à franchir la porte est un Pakistanais."



Vers Al-Qaïda version 2.0 ?

L'équipement high tech américain d'écoute électronique a donné aux chasseurs un avantage crucial. "Nous avons utilisé de nombreux outils qui nous étaient inutiles lorsque Al-Qaïda se cachait dans les montagnes", explique l'ancien fonctionnaire de la National Security Agency (NSA) Matthew Aid, un expert des écoutes électroniques. L'équipement de détection ne peut qu'en de rares occasions donner l'emplacement exact d'une téléphone cellulaire ou satellitaire, affirme Aid. Ce qu'il peut faire, en revanche, c'est désigner le voisinage du récepteur, en donnant ainsi aux forces au sol un secteur sur lequel se concentrer. Et les membres d'Al-Qaïda ont bêtement coopéré. Trois de ses principaux responsables – KSM, Zubaydah et Binalshibh – ont tous été arrêtés avec des téléphones satellitaires.

Avant le 11 septembre, les écoutes d'Al-Qaïda étaient pour l'Amérique l'unique source de renseignements valable sur le groupe. Mais la CIA n'avait que peu de sources humaines pour aller de l'avant. "Nous ne pouvions pas les recouper ; nous ne pouvions pas les utiliser", dit un responsable du renseignement. Cela a changé. De plus, les agents d'Al-Qaïda ne sont pas les terroristes high tech que certains imaginent. Leurs fichiers informatiques sont rarement cryptés, et lorsqu'ils le sont, les enquêteurs américains ont facilement brisé les codes. Ils n'utilisent pas non plus de téléphones cryptés. Les "codes" d'Al-Qaïda consistent à utiliser de simples mots de substitution et des phrases fleuries en arabe. "Ils continuent à faire des erreurs basiques", déclare Aid, "et l'une d'entre elles est de parler au téléphone." Ce message a atteint le sommet : ben Laden n'utilise plus son téléphone.

Oussama ben Laden reste l'homme le plus recherché au monde. On considère qu'il se cache dans la zone tribale située le long de la frontière nord-ouest du Pakistan. Les responsables du contre-terrorisme US restent confiants et pensent qu'ils vont finalement le trouver. "96% de ce dont nous avons besoin sur le terrain est en place", affirme Black. "On attend juste le déclic."

Black a quitté la CIA à la fin 2002. Il dirige maintenant le Bureau de Contre-terrorisme au Département d'Etat. Comme ses anciens collègues de l'agence, il reste prudent, dégrisé par les récentes attaques en Arabie Saoudite et au Maroc. Al-Qaïda, à son avis, reste une menace létale inquiétante, avec des centaines d'agents et de candidats au martyre dispersés autour du globe.

Empruntant un terme à la théorie de la gestion, un vétéran du contre-terrorisme qualifie Al-Qaïda d'"organisation apprenante". Elle accumule la connaissance, développe de nouvelles compétences et s'adapte continuellement à son environnement. Ce ne sont bien entendu pas de bonnes nouvelles. Peter Bergen, auteur de Holy War Inc., appelle sa dernière incarnation Al-Qaïda 2.0, un réseau terroriste plus décentralisé et plus organique. La Base du 11 septembre – avec ses camps d'entraînement militaires et ses millions de dollars – pourrait en fait ne plus exister, mais avoir été remplacée par des cellules locales qui mènent leurs propres activités. Au lieu d'essayer de provoquer des dégâts catastrophiques, ils pourraient se concentrer sur des cibles "faciles" comme les rues de Casablanca et les résidences de Riyadh. Mais la création originale de ben Laden pourrait néanmoins survivre. De jeunes djihadistes pourraient accéder à des positions dirigeantes avant que l'Amérique et ses alliés ne les dépistent.

Il est clair que l'Amérique a attendu trop longtemps pour s'engager, et la bataille doit encore gagnée. "Je n'ai jamais eu une mission où l'on peut célébrer le succès, et on est toujours autant paranoïaque à la fin d'une journée", explique un responsable principal du renseignement. "Je ne sais pas si nous pourrons un jour déclarer la victoire."



Texte original: David E. Kaplan, "Playing Offense in the War on Terror", USNews.com, 2.6.2003    
Traduction et réécriture: Maj EMG Ludovic Monnerat
    






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