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Les contes du tyran: un portrait de Saddam Hussein (3ème partie)

3 avril 2003

Saddam HusseinP

our essayer de comprendre les actions et réactions irakiennes durant le conflit actuel, il est indispensable de s'intéresser à l'homme qui dirige le pays d'une main de fer depuis 24 ans. Le journaliste et écrivain Mark Bowden a établi l'an dernier une description remarquable de Saddam Hussein, dont voici la troisième partie - Hadafuh (Son But).

"Tu es la fontaine de volonté, et le printemps de la vie, l'essence de la terre, le sabre de la destinée, la pupille de l'œil et le clignement de la paupière. Quelqu'un comme toi ne peut qu'être, avec l'aide de Dieu. Aussi sois ce que tu es et comme nous sommes déterminés à être. Laisse tous les lâches, les malpropres, les traîtres, et les délateurs s'avilir."

-- Saddam Hussein, s'adressant au peuple irakien, le 17 juillet 2001


«... Les murs définissent le monde du tyran. Ils maintiennent les ennemis à l'extérieur, mais ils l'isolent aussi des gens sur lesquels il règne. »


L'Irak est un pays de l'Antiquité. Il est appelé le Pays des Deux Fleuves (Le Tigre et l'Euphrate); le pays des rois de Sumer, la Mésopotamie et Babylone; l'un des berceaux de la civilisation. Marcher dans les rues de Bagdad donne un sentiment de continuité avec le passé lointain, d'unité avec le grand courant de l'histoire. Rénover et entretenir les vieux palais est un projet perpétuel dans cette ville. Par décret, une brique sur dix posées en rénovation d'un palais ancien est maintenant estampillée soit du nom de Saddam Hussein, soit d'une étoile à huit branches (une branche par lettre de son nom en Arabe).



La peur comme incitation

En 1987 Entifadh Qanbar fut affecté au travail de restauration du Palais de Bagdad, appelé autrefois al-Zuhoor, ou le Palais des Fleurs. Construit dans les années 1930 pour le roi Ghazi, il est relativement petit et très joli; de style anglais, il comportait un complexe labyrinthe de verdure. Qanbar a une formation d'ingénieur, c'est un homme petit, en pleine forme, aux cheveux noirs et à la peau olivâtre. Après avoir obtenu son diplôme il fit son service militaire obligatoire, qui dura 5 ans, et survécut à son passage obligé sur le front dans la guerre contre l'Iran.

Le travail sur ce palais avait été abandonné depuis quelques années, quand le consultant britannique sur le projet avait refusé de venir à Bagdad à cause de la guerre. L'une des premières tâches de Qanbar fut de superviser la construction d'un haut mur de brique très décoré entourant le terrain du palais. Qanbar est un perfectionniste, et comme le mur devait être aussi décoratif que fonctionnel, il prit soin du placement de chaque brique. Un portail élaboré avait déjà été construit face à la route principale, mais Qanbar n'avait pas encore construit les portions du mur de chaque côté de celui-ci, car la rénovation du palais lui-même n'était pas terminée et de cette manière les équipements lourds qui devaient entrer et sortir de la propriété pouvaient passer sans danger pour le portail.

Une après-midi vers 5 heures, alors qu'il se préparait à fermer le chantier pour la journée, Qanbar vit une Mercedes noire aux vitres voilées de rideaux et aux pneus fabriqués spécialement s'arrêter sur le site. Il sut immédiatement qui c'était. Les Irakiens ordinaires n'ont pas le droit de conduire de telles voitures. Des voitures de ce type étaient conduites exclusivement par al Himaya, les gardes du corps de Saddam. La porte s'ouvrit et plusieurs gardes s'approchèrent. Ils portaient tous des uniformes vert foncé, des bérets noirs et des bottes à fermeture éclair de cuir rouge brun. Ils avaient de grosses moustaches comme Saddam et portaient des Kalashnikovs. À Qanbar apeuré, ils semblaient être des robots dépourvus de sentiments humains.

Les gardes du corps venaient souvent en visite sur le chantier, pour observer ou causer des ennuis. Une fois, après une coulée de béton et son lissage, certains sautèrent sur la structure avec leurs bottes rouges pour s'assurer qu'aucune bombe, aucun appareil d'écoute n'y était caché. Une autre fois, un ouvrier ouvrit un paquet de cigarettes et l'enveloppe en papier métallisé tomba sur le béton qui venait juste d'être coulé. Un garde aperçut l'éclat métallique du papier et réagit comme si quelqu'un venait de lancer une grenade. Plusieurs gardes sautèrent sur la coulée de béton et ramassèrent le bout de papier. Furieux de voir de quoi il s'agissait, et de s'être rendus ridicules, ils entraînèrent l'ouvrier et le battirent avec leurs armes. "J'ai travaillé toute ma vie" cria-t-il. Ils l'emmenèrent et il ne revint pas. Aussi, l'arrivée soudaine de la Mercedes noire était effrayante.

"Qui est l'ingénieur responsable?" demanda le chef des gardes. Il parlait avec l'accent rauque de Tikrit qui était aussi celui de son chef. Qanbar se leva et s'identifia. L'un des gardes écrivit son nom. C'était quelque chose de terrifiant d'avoir son nom enregistré par al Himaya. Dans un pays dirigé par la peur, le meilleur moyen de survivre est de se faire remarquer le moins possible. Être invisible. Même le succès peut être dangereux, parce que cela attire l'attention sur vous. Cela rend les gens jaloux et suspicieux. Cela vous crée des ennemis qui, si l'opportunité se présente, porteront l'attention de la police sur votre nom. Avoir son nom sur une liste d'État autre que parfaitement conventionnelle, école, permis de conduire, service militaire, est dangereux. Les actions de l'État sont totalement imprévisibles et elles peuvent briser votre carrière, votre liberté, votre vie. Le coeur de Qanbar se serra et sa bouche devint sèche.

"Le grand Oncle passait juste par là" dit le chef des gardes. "Et il a demandé pourquoi le portail est installé alors que les murs de chaque côté ne sont pas encore construits?" Qanbar expliqua nerveusement que les murs étaient spéciaux, ornementaux, et que son équipe les réservait pour la fin à cause des équipements lourds qui allaient et venaient. "Nous voulons une construction propre" ajouta-t-il. "Le grand Oncle repassera par là ce soir" dit le garde. "Quand il repassera, il veut que tout soit terminé"!

Qanbar fut abasourdi. "Comment faire cela?" protesta-t-il. "Je ne sais pas" dit le garde. "Mais si ce n'est pas fait vous aurez des ennuis." Puis il ajouta quelque chose qui révéla combien grave était le danger. "Et si ce n'est pas fait nous aurons des ennuis. Comment pouvons-nous vous aider?".

Il n'y avait rien d'autre à faire que d'essayer. Qanbar envoya les hommes de Saddam pour ramener tous les membres de son équipe aussi vite que possible, tous ceux qui étaient de repos ou étaient déjà rentré chez eux. Deux cents ouvriers furent rapidement rassemblés. Ils installèrent des projecteurs. Certains gardes revinrent avec des camions sur lesquels des mitrailleuses étaient montées. Ils se garèrent près du chantier, installèrent des chaises et surveillèrent le chantier, exigeant une plus grande rapidité des ouvriers mixant le mortier ou alignant les murs de briques.

L'équipe termina le travail à 21h30. Ils avaient réalisé en 4 heures un travail qui aurait demandé en temps normal une semaine. La peur les avait amenés à travailler plus dur et plus vite qu'ils le croyaient possible. Qanbar et ses hommes étaient épuisés. Une heure plus tard ils étaient encore en train de nettoyer le site quand ma Mercedes noire arriva à nouveau. Le chef des gardes sortit. "L'oncle vient juste de passer et il vous remercie" dit-il.



Une culture arabe supérieure

Les murs définissent le monde du tyran. Ils maintiennent les ennemis à l'extérieur, mais ils l'isolent aussi des gens sur lesquels il règne. Avec le temps, il ne peut même plus voir au delà. Il perd le contact avec la réalité et ce qui est irréel, avec ce qui est possible et ce qui est impossible, ou, comme dans le cas de Qanbar et du mur, ce qui est à peine possible. Ce qu'il pense de ce que son pouvoir peut accomplir ou de sa propre importance, se tourne en fantasme.

Chaque fois que Saddam a échappé à la mort, quand il a survécu avec une simple blessure à la jambe une tentative d'assassinat en 1959 du Président irakien Abd al-Karim Qasim; quand il a évité la peine de mort en 1964 pour sa participation à la révolte ratée du parti Baas; quand il survécut à son encerclement derrière les lignes iraniennes dans la guerre Iran-Irak; quand il survécut plusieurs tentatives de coups d'état; quand il survécut à la campagne américaine de bombardement de Bagdad par des bombes intelligentes en 1991; quand il survécut à la révolte nationale après la guerre du Golfe, tout cela a renforcé sa conviction que son chemin est divinement inspiré et que la grandeur est sa destinée. Parce que sa vision est essentiellement tribale et patriarcale, la destinée signifie hérédité. Aussi il a ordonné à des généalogistes de lui bâtir un arbre généalogique plausible qui le ferait descendre de Fatima, la fille du prophète Mahomet.

Saddam voit moins le prophète comme le porteur de la révélation divine que comme un précurseur politique, un grand leader qui unifia les peuples arabes et inspira un pouvoir et une culture arabes florissants. Le lien du sang inventé remontant à Mahomet est symbolisé par un exemplaire manuscrit du Coran de 600 pages, écrit avec le sang même de Saddam, qui a donné pour cela de son sang pendant trois ans. Il est maintenant exposé au Musée de Bagdad.

Si Saddam a une religion, c'est la croyance en la supériorité de l'histoire et de la culture arabe, une tradition dont il est convaincu qu'elle grandira à nouveau et secouera le monde. Sa vue impériale de la grandeur de l'Arabie antique est romantique, pleine de visions fantaisistes de grands palais et de sultans et califes sages et puissants. Sa conception de l'histoire n'a rien à voir avec le progrès, avec le développement du savoir, avec l'évolution des droits et libertés de l'individu, avec une quelconque des choses qui comptent le plus pour la civilisation occidentale. Elle n'a à voir qu'avec le pouvoir tout simplement. Pour Saddam, la domination globale actuelle de l'Occident, en particulier celle des Etats-Unis, n'est qu'une phase passagère. L'Amérique est infidèle et inférieure. Elle n'a pas le riche et ancien héritage de l'Irak et des autres pays arabes. Sa place au sommet des puissances mondiales n'est qu'une bizarrerie de l'histoire, une aberration, une conséquence de l'avancée technologique qu'elle a acquise. Cela ne durera pas.

Dans un discours prononcé le 17 janvier dernier, jour du 11e anniversaire du début de la Guerre du Golfe, Saddam a expliqué "Les Américains n'ont pas encore établi une civilisation, au sens complet et profond que nous donnons à ce mot. Ce qu'ils ont créé c'est une métropole de la force… Certaines personnes, incluant peut-être des Arabes, plus de musulmans et de nombreux autres de par le monde, … considèrent l'ascension des USA au sommet comme la dernière scène de l'image du monde, après quoi il n'y aura plus de sommet et personne ne cherchera à l'occuper. Ils considèrent cela comme la fin du monde tel qu'ils l'espéraient ou comme les âmes effrayées le leur suggéraient."

L'Arabie, que Saddam voit comme la source même de la civilisation, reconquerra un jour le sommet. Quand ce jour viendra, que ce soit de son vivant ou dans un siècle ou même dans 500 ans, son nom sera au même niveau que ceux des grands hommes de l'histoire. Saddam se voit comme un membre éminent du panthéon des grands hommes, conquérants, prophètes, rois et présidents, savants, poètes, scientifiques. Sa non-compréhension de leurs apports ni leurs idées n'a aucune importance. Seul importe qu'ils soient ceux que l'histoire a retenus et honorés pour leurs réalisations.



L'incarnation de la mentalité tribale

Dans un livre intitulé Le faiseur de bombe de Saddam (publié en 2000), Khidir Hamza, le savant nucléaire se rappelle sa première rencontre avec Saddam, alors que le futur dictateur n'était nominalement que vice-président. Un nouveau gros ordinateur venait juste d'être installé dans le laboratoire de Hamza et Saddam est arrivé en trombe pour le voir. Il ne fut guère intéressé par l'ordinateur, mais son attention fut attirée par une série d'images que Hamza avait punaisées au mur, chacune représentant un savant célèbre, de Copernic à Einstein. Les images avaient été découpées dans des magazines.

"Qui sont-ils?" demanda Saddam. "Les grands savants de l'histoire, Monsieur le Président" lui dit Hamza. Alors, comme s'en souvient Hamza, Saddam se mit en colère. "Ceci est une insulte! Tous ces grands hommes, ces grands savants! Vous n'avez même pas assez de respect pour eux pour encadrer leurs portraits? Ne pouvez-vous les honorer mieux que cela?"

Pour Hamza cette explosion était irrationnelle, sa colère était totalement hors de proportion. Hamza interpréta cela comme un test que lui faisait subir Saddam, pour le remettre à sa place. Mais Saddam semblait personnellement offensé. Pour comprendre sa scène on doit comprendre la relation qu'il ressent envers mes grands hommes de l'histoire, avec l'histoire elle-même. Le manque de respect pour l'image de Copernic pouvait suggérer un manque de respect envers Saddam lui-même.

En quoi Saddam se considère-t-il comme un grand homme? Saad al-Bazzaz, qui se réfugia en Occident en 1992, a longuement réfléchi à cela alors qu'il était rédacteur en chef d'un journal et producteur de télévision à Bagdad, et dans les années depuis son exil, comme rédacteur d'un journal arabe à Londres.

"Il me faut un papier et un crayon" me dit-il récemment dans le hall de l'hôtel Claridge. Il lissa la feuille de papier sur la table du café et testa le crayon. Puis il traça un trait vertical au milieu de la page. "Vous devez comprendre, le comportement quotidien n'est que le résultat de la mentalité " expliqua-t-il. "La plupart des gens diront que le principal conflit en Irak est celui entre Sunnites et Chiites. Mais le vrai fossé n'a rien à voir avec la religion. Il se trouve entre la mentalité des villageois et celle des villes".

"Voilà un village". Sur le côté droit de la page al-Bazzaz écrivit un V et traça en dessous une série de petits carrés séparés. "Voilà les maisons ou les tentes", dit-il. "Notez qu'il y a des espaces entre elles. C'est parce que dans les villages chaque famille a sa propre maison, et chaque maison est séparée, parfois par des kilomètres, de ses voisines. Il n'y a pas de forces de l'ordre ni de société civile. Chaque famille a peur des autres et toutes ont peur des étrangers. C'est cela la mentalité tribale. La seule loyauté qu'ils connaissent est celle envers leur famille, leur village. Chaque famille est dirigée par un patriarche et les villages sont dirigés par le plus fort d'entre eux. La loyauté envers la tribu vient en premier. Il n'y a pas de valeur au-delà du pouvoir. Il est permis de mentir, tricher, même tuer, et c'est OK tant que vous êtes le fils loyal du village ou de la tribu. La politique pour ces gens-là est un jeu sanglant, et elle n'est concernée que par la prise du pouvoir ou son maintien."

Al-Bazzaz écrivit le mot "ville" sur la partie gauche de la page. En dessous il traça une ligne de carrés contigus. En dessous il en dessina une autre, puis une autre encore. "Dans la ville les vieux liens tribaux sont abandonnés. Tous vivent à proximité les uns des autres. L'état joue un grand rôle dans la vie de tous. Ils ont des emplois, achètent leur nourriture, leurs vêtements dans des magasins. Il y a des lois, la police, des tribunaux, des écoles. Les gens en ville perdent la peur de l'autre et s'intéressent à ce qui leur est étranger. La vie en ville dépend de la coopération, de réseaux sociaux sophistiqués. L'intérêt réciproque définit la politique publique. Rien ne peut être accompli sans la coopération avec d'autres, aussi la politique dans la ville devient l'art du compromis et le partenariat. Le but le plus élevé de la politique devient la coopération, la communauté, et le maintien de la paix. Par définition la politique en ville devient non-violente. Le fondement de la politique en ville n'est pas le sang, c'est la loi."

Selon al-Bazzaz, Saddam est l'incarnation de la mentalité tribale. "Il est le patriarche irakien le plus accompli, le chef de village qui s'est emparé d'une nation" explique-t-il. "D'être venu de si loin lui donne le sentiment d'avoir été sacré par la destinée. Tout ce qu'il fait est, par définition, la chose exacte à faire. Il a été choisi par le Ciel pour commander. Souvent dans sa vie, il a été sauvé par Dieu, et chaque sauvetage lui donne l'assurance de sa destinée. Ces dernières années, dans ses discours, il a commencé à utiliser des passages et des phrases sorties du Coran, et à s'en approprier les mots comme s'ils étaient les siens. Allah dit 'si vous me remerciez, je vous donnerai plus'. Au début des années 90, Saddam à la TV, en décernant des récompenses à des officiers, déclara 'si vous me remerciez, je vous donnerai plus'. Il ne pense plus qu'il est une personne normale. Le dialogue avec lui en devient impossible. Il ne peut comprendre pourquoi les journalistes pourraient se permettre de le critiquer. Critique-t-on le père de la tribu? Cest impossible à accepter dans son mode de pensée. Pour lui, la force est tout. Permettre les critiques ou les divergences d'opinion, négocier ou accepter les compromis, adhérer à la règle de la loi ou aux voies légales, ce sont des signes de faiblesse."



Une admiration pour Staline

Saddam n'est pas le seu à admirer la série de films sur "Le Parrain". Pour lui, ce sont des films à aimer d'évidence (ce furent aussi les films favoris du caïd colombien de la cocaïne Pablo Escobar). En surface c'est un conte classique sur le patriarcat. Don Vito Corleone construit son empire du crime à partir de rien, motivé avant tout par son amour pour sa famille. Il constate que le monde qui l'entoure est vicieux et corrompu, aussi il en surpasse la cruauté et il fait sa proie de ses vices, créant un refuge apparent de santé et de sécurité pour lui et ses proches. On est attiré par son implication obstinée, son intelligence subtile, sa loyauté sans bornes envers un code d'honneur ancien dans un monde changeant, même si ce code semble impitoyable selon les standards d'aujourd'hui. Le Parrain souffre beaucoup mais meurt heureux dans le jardin de son petit-fils, un homme dont on peut dire qu'il a réussi.

Le sens profond de ces films échappe à Saddam. La saga du Parrain est plus l'histoire de Michael Corleone que celle de son père, et la morale du film n'est pas heureuse. La loyauté obsessionnelle de Michael envers son père et sa famille, envers le code d'honneur ancien, conduit à la destruction des choses qu'elle est destinée à protéger. A la fin la famille de Michael est déchirée par la tragédie et la haine. Il ordonne l'assassinat de son frère, choisissant la loyauté envers le code plutôt que la loyauté envers la famille. Michel devient un personnage tragique, isolé et non aimé, piégé par son propre pouvoir. Il ressemble beaucoup à Saddam.

Dans l'autre film préféré de Saddam, Le vieil homme et la mer, le vieil homme, joué par Spencer Tracy, attrape un grand poisson et se bat seul dans son skiff pour le remarquer jusqu'au port. Il est facile de comprendre pourquoi Saddam est ému par l'image du pécheur solitaire, au milieu de l'océan, se battant pour ramener au port le poisson impossible. "Je lui montrerai ce qu'un homme peut faire, ce à quoi un homme résiste" dit le vieil homme. A la fin il réussit, mais le poisson est trop grand pour le petit bateau, et il est dévoré par les requins avant que le trophée ne puisse être exposé. Le vieil homme rentre dans sa hutte, les mains ailladées et ensanglantées, épuisé, mais heureux de savoir qu'il a été le plus fort. Il est facile à Saddam de s'identifier au vieil homme.

Ou est-ce au poisson? Dans le film il saute hors de l'eau comme dans un fantasme, une chose splendide, sauvage, magnifique par sa taille et sa force. Il est pris à l'hameçon mais refuse son sort. "Je n'ai jamais en un poisson aussi fort, qui se soit conduit de manière aussi bizarre" dit le vieil homme. Plus tard il dit "Il n'y a aucune panique dans son combat." Saddam croit qu'il est un grand leader naturel, du genre de ceux que son monde n'a pas vu en treize siècles. Peut-être qu'il échouera dans la lutte de son vivant, mais il est convaincu que son courage et sa vision allumeront une légende qui brûlera de façon éclatante dans le monde du futur qui sera centré sur l'Arabie.

Même si Saddam est lyrique sur l'histoire arabe, il reconnaît la supériorité évidente de l'Occident en deux domaines. Le premier est celui de la technologie militaire, d'où ses efforts incessants d'importer le matériel militaire le plus avancé et pour développer des armes de destruction massive. Le second est celui de l'art de la prise du pouvoir et de son maintien. Il s'est mis à étudier l'un des leaders parmi les plus tyranniques et les plus sanglants de l'histoire: Joseph Staline.

La biographie de Saddam Hussein écrite par Saïd Aburish, La Politique de Revanche (2000), raconte une réunion en 1979 entre Saddam et l'homme politique kurde Mahmoud Othman. Elle s'est tenue tôt le matin, et Saddam reçu Othman dans un petit bureau dans un de ses palais. Othman avait l'impression que Saddam avait dormi dans ce bureau la nuit précédente. Il y avait un lit pliant dans un coin et Saddam le reçut en peignoir. Othman se souvient que près du lit il y avait "plus de douze paires de chaussures chères. Et le reste du bureau n'était qu'une petite bibliothèque de livres sur un seul homme, Staline. On pouvait dire qu'il couchait avec le dictateur russe."



Une réunion pour tromper les Iraniens

Dans les villages irakiens le patriarche n'a qu'un but: défendre le pouvoir de sa famille. C'est la seule chose de valeur dans le vaste monde déloyal. Quand Saddam prit tout le pouvoir, quelques intellectuels irakiens ont espéré en lui. Ils ont d'abord accepté sa tyrannie comme inévitable, peut-être même comme un pont nécessaire vers un gouvernement plus consensuel, et crurent, comme beaucoup l'ont fait à l'Ouest, que son horizon était essentiellement moderne. En cela, ils furent graduellement déçus. En septembre 1979 Saddam prit part à la conférence des pays non-alignés à Cuba, où il se prit d'amitié pour Fidel Castro, qui l'alimente toujours en cigares. Saddam vint à la réunion avec Salah Omar al-Ali, qui était alors l'ambassadeur irakien aux Nations Unies, un poste qu'il avait accepté après une longue période de vie à l'étranger comme ambassadeur. Ensemble, Saddam et al-Ali rencontrèrent le nouveau ministre des affaires étrangères de l'Iran.

Quatre ans auparavant, Saddam avait fait une surprenante concession au Shah sur le point d'être déposé, signant un accord sur la navigation dans le Shatt-al-Arab, un détroit de 90 km formé par le confluent entre le Tigre et l'Euphrate à leur estuaire dans le Golfe Persique. Les deux pays clamaient leur souveraineté sur ce détroit. En 1979, le Shah parcourant le monde à la recherche d'un traitement contre son cancer, et le pouvoir aux mains de l'Ayatollah Khomeïni (que Saddam avait chassé sans cérémonie d'Irak l'année précédente), les relations entre les deux pays étaient de nouveau tendues, et les eaux du Shatt-al-Arab représentaient un point potentiel d'explosion. Les deux pays clamaient toujours la possession de deux petites îles dans le détroit alors contrôlées par l'Iran.

Al-Ali fut surpris par le ton des discussions à Cuba. Les représentants iraniens furent particulièrement plaisants, et Saddam semblait d'excellente humeur. Après la réunion, al-Ali se promenait avec Saddam dans un jardin hors des murs de la salle de conférence. Ils s'assirent sur un banc et Saddam alluma un gros cigare. "Eh bien! Salah, je vois que tu penses à quelque chose. Que penses-tu de cela?" demanda Saddam.

"Je pense à la réunion que nous venons d'avoir, Monsieur le Président, et j'en suis très heureux. Je suis très heureux que ces petits problèmes puissent être résolus. Je suis tellement heureux qu'ils aient saisi cette chance de vous rencontrer et pas un de vos ministres, parce qu'avec vous ici nous pouvons éviter un autre problème avec eux. Nous sommes voisins. Nous sommes des peuples pauvres. Nous n'avons pas besoin d'une autre guerre. Nous devons reconstruire nos pays, par les détruire."

Saddam resta silencieux pendant un moment, tirant sur son cigare de manière pensive. "Salah, depuis combien de temps as-tu été diplomate?" demanda-t-il.

"Environ dix ans".

"Réalises-tu, Salah, combien les choses ont changé?"

"Comment Monsieur le Président?"

"Comment devons-nous résoudre notre problème avec l'Iran? Ils ont pris notre terre. Ils contrôlent le Shatt-al-Arab, notre grande rivière. Comment des réunions et des discussions peuvent-elles résoudre un tel problème? Savez-vous pourquoi ils ont décidé de nous rencontrer ici, Salah? ils sont faibles, c'est pourquoi ils nous parlent. S'ils étaient forts ils n'auraient pas besoin de parler. Aussi cela nous donne une chance, une opportunité qui n'arrive qu'une fois par siècle. Nous avons l'opportunité de reprendre notre territoire et de regagner le contrôle de notre rivière."

C'est alors qu'al-Ali réalisa que Saddam avait juste joué avec les Iraniens, et que l'Irak allait faire la guerre. Saddam n'avait aucun intérêt pour la diplomatie. Pour lui, être un homme d'Etat n'était qu'un jeu dont l'objectif était de tromper ses ennemis. Quelqu'un comme al-Ali n'était là que pour sauver les apparences, pour évaluer la situation, pour trouver des ouvertures et pour endormir les adversaires dans un sentiment de sécurité erroné. Moins d'un an plus tard, la guerre Iran-Irak commença. Elle se termina dans l'horreur, huit ans plus tard, après des centaines de milliers d'Iraniens et d'Irakiens tués. Chaque visiteur à Bagdad dans l'année qui suivit la fin de la guerre avait l'impression qu'un homme sur deux dans la rue avait perdu un membre. Le pays était dévasté. La guerre avait coûté à l'Irak des milliards de dollars. Saddam proclamait qu'il avait regagné le contrôle du Shatt-al-Arab. Malgré des pertes énormes, il était presque saoul de sa victoire. En 1987 son armée, grossie par le service militaire obligatoire et les armes occidentales modernes, était devenue la quatrième armée au monde. Il avait un arsenal de missiles SCUD, un programme sophistiqué d'armement nucléaire était en cours et des armes chimiques et biologiques de destruction massive étaient en cours de développement. Il planifia immédiatement la conquête.



Koweït, une erreur militaire monumentale

L'invasion du Koweït par Saddam, en août 1990, fut l'une des plus grandes erreurs militaires de l'histoire moderne. Ce fut le résultat de la grandiloquence. Enhardi par sa "victoire" sur l'Iran, Saddam avait commencé à planifier une autre entreprise improbable. Il annonça qu'il allait construire un métro de classe mondiale pour Bagdad, un projet devant coûter des milliards de dollars, puis il proclama qu'il allait construire aussi un système de transport par rail pour l'ensemble du pays selon l'état de l'art. Il n'y eut même pas pose de la première pierre pour l'une ou l'autre de ces aventures. Saddam n'avait pas l'argent. Ce qu'il avait, cependant, était une armée de plus d'un million de soldats inoccupés, assez d'hommes pour facilement submerger l'Etat voisin du Koweït, avec ses riches gisements de pétrole. Il joua que le monde resterait indifférent, il perdit. Trois jours après l'invasion par Saddam du petit royaume, le Président George Bush annonça "Ceci ne sera pas" et il commença immédiatement à assembler l'une des plus importante force militaire qu'on vit jamais dans cette région.

Durant la fin de 1990 et le début de 1991, Ismail Hussain attendit dans le désert du Koweït que les forces américaines contre-attaquent. C'est un homme petit et râblé, un chanteur, musicien qui écrit ses chansons. Pendant tout le temps où il dut porter un uniforme il sentit qu'il n'appartenait pas à cela. Bien que plusieurs hommes dans son unité aient été de bons soldats, aucun ne pensait qu'ils devaient être au Koweït. Ils espéraient qu'ils n'auraient pas à combattre. Chacun savait que les Etats-Unis avaient plus de soldats, plus d'approvisionnements, de meilleures armes. Il était sûr que Saddam allait arriver à un accord pour sauver la face, et ses troupes pourraient se retirer en pacifiquement. Ils attendaient et espéraient que cela se produirait, et quand ils apprirent qu'ils auraient à combattre, Hussain décida qu'il était déjà mort Il n'y avait pas d'espoir: il prévoyait la mort partout.

Si vous alliez vers les lignes américaines, ils tireraient sur vous. Si vous restiez à découvert, ils vous feraient sauter. Si vous creusiez un trou et vous y enterriez, les bombes à haute pénétration des Américains mélangeraient vos restes au sable. Si vous fuyiez vos propres officiers vous tueraient, parce qu'ils seraient eux-mêmes tués si leurs hommes s'enfuyaient. Si un homme était tué alors qu'il s'enfuyait, son cercueil serait marqué du mot "jaban,", ou couard. Sa mémoire serait salie et sa famille deviendrait des pariahs. Il n'y aurait pas de pension versée à sa famille par l'Eat, pas d'école secondaire pour ses enfants. "Jaban" était la marque de la honte pour sa famille pour des générations. On ne pouvait y échapper. Il y a des choses pires que rester avec ses amis et attendre la mort. L'unité de Hussain servait un canon anti-aérien. Il ne vit jamais le chasseur américain qui prit sa jambe.

Il était évident pour tout le monde dans l'armée irakienne, du simple conscrit comme Hussain au plus grand général de Saddam, qu'ils ne pourraient tenir contre une telle force. Cependant, Saddam ne voyait pas les choses ainsi. Al-Bazzaz se souvient en avoir été choqué. "Nous avons eu une réunion particulièrement horrible le 14 janvier 1991, exactement deux jours avant l'offensive alliée", me dit-il. "Saddam venait de rencontrer le secrétaire général des Nations Unies qui était venu au dernier moment pour essayer de négocier une solution pacifique. Ils discutèrent pendant plus de deux heures et demi, si bien que le bruit courait qu'ils avaient trouvé une solution. Au contraire, Saddam sortit précipitamment pour s'adresser à nous, et il nous apparut clairement qu'il venait de perdre cette dernière opportunité. Il nous dit. "Ne soyez pas effrayés. J'ai vu les portes de Jérusalem ouvertes devant moi." J'ai pensé, qu'est-ce que cette merde? Bagdad est sur le point d'être frappée par un terrible ouragan de feu et il nous parle de ses visions de libération de la Palestine?"

Wafic Samarai était dans une situation particulièrement difficile. Comment le chef de la sûreté d'un tyran qui ne veut pas entendre la vérité peut-il s'acquitter de sa fonction? D'un côté, s'il lui dit la vérité et que cela contrevient à son sens de l'infaillibilité, il aura des ennuis. Mais d'un autre côté, s'il ne lui dit que ce qu'il a envie d'entendre, le temps viendra inévitablement où ses mensonges apparaîtront et il aura des ennuis. Samarai était officier de carrière. Il avait conseillé Saddam pendant la longue guerre avec l'Iran, et il l'avait vu développer une compréhension sophistiquée de la terminologie militaire, la stratégie, la tactique. Mais la vision de Saddam était embrumée par sa forte propension à croire en ce qu'il souhaitait, la perte de plus d'un général amateur. Si Saddam voulait que quelque chose se produise, il croyait que sa volonté pouvait le faire se produire. Si Saddam voulait que quelque chose arrive, il croyait qu'il pouvait vouloir qu'elle arrive.

Samarai produisit un flux continu de rapports d'information alors que les Etats-Unis et ses alliés assemblaient une armée de près d'un million de soldats près du Koweït, avec une puissance aérienne bien au-delà de tout ce que les Irakiens pouvaient mobiliser, avec de l'artillerie, des tanks et autres véhicules blindés en avance de plusieurs décennies sur l'arsenal de l'Irak. Les Américains ne cachaient pas ces armes. Ils voulaient que Saddam comprenne exactement ce à quoi il allait être confronté.

Mais Saddam refusa d'être intimidé. Il avait un plan, qu'il décrivit à Samarai et ses autres généraux lors d'un meeting à Bassorah des semaines avant que l'offensive américaine ne démarre. Il proposa de capturer des soldats américains, les attacher sur les tanks irakiens en les utilisant comme boucliers humains. "Les Américains ne tireront jamais sur leurs propres soldats" dit-il triomphalement, comme si de tels scrupules étaient une tare fatale. Il était clair qu'il n'aurait lui pas de scrupules. Durant les combats promit-il, des milliers de prisonniers ennemis seraient ainsi capturés dans ce but. Puis ses troupes déferleraient sur l'Arabie Saoudite orientale sans opposition, forçant les alliés à renoncer. C'était son plan en tout cas.



Les programmes d'armes secrets

Samarai savait que ce n'était rien de plus qu'une hallucination. Comment les Irakiens étaient-ils supposés capturer des milliers de soldats américains? Personne ne pourrait s'approcher des positions américaines, surtout pas en force, sans être découvert et tué. Même si cela pouvait être fait, l'idée même d'utiliser des soldats comme boucliers humains était répugnante, contre toutes les lois et les accords internationaux. Qui savait comment les Américains réagiraient à un tel acte? Ils pourraient peut-être bombarder Bagdad avec une arme nucléaire? Le plan de Saddam était stupide. Mais aucun des généraux, y compris Samarai, ne dit un mot. Ils hochèrent tous de la tête de manière obéissante et prirent des notes. Mettre en question la grande stratégie du Grand Oncle aurait été admettre avoir des doutes, de la crainte, de la lâcheté. Cela pouvait aussi signifier la dégradation ou la mort.

Néanmoins, comme chef des renseignements, Samarai se senti obligé de dire à Saddam la vérité. Tard dans l'après-midi du 14 janvier, le général se rendit à un meeting dans le bureau de Saddam au Palais de la République. Habillé d'un costume noir bien coupé, le Président était assis derrière son bureau. Samarai avala sa salive avec difficulté et donna son évaluation très négative. Il serait très difficile de résister à l'assaut qui se préparait. Aucun soldat ennemi n'avait été capturé, et il était peu probable qu'aucun ne le serait. Il n'y avait aucune défense contre le nombre et la variété des armes rassemblées contre les troupes irakiennes. Saddam avait refusé tout conseil militaire auparavant lui recommandant de retirer le gros de ses troupes du Koweït et de les masser derrière la frontière irakienne où elles pourraient être plus efficaces. Elles étaient trop étalées dans le désert qu point que rien ne pourrait empêcher les Américains d'avancer directement jusqu'à Bagdad. Samarai avait exposé en détail les preuves soutenant sa position, photographies, rapports d'information, nombres. Les Irakiens ne pouvaient espérer mieux qu'une défaite rapide, et la menace que l'Iran ne prenne avantage de sa faiblesse pour envahir par le nord.

Saddam écouta patiemment cette litanie de désastres annoncés. "S'agit-il là de vos opinions personnelles ou de faits?" demanda-t-il. Samarai avait présenté de nombreux faits dans son rapport, mais il dut concéder que certaines des choses qu'il avait dites étaient des conjectures basées sur ses connaissances.

"Voilà mon opinion", dit Saddam calmement, avec confiance. "L'Iran n'interviendra jamais. Nos forces combattront mieux que vous ne le pensez. Ils peuvent creuser des bunkers et soutenir les attaques aériennes américaines. Ils lutteront longtemps, et il y aura beaucoup de morts et de blessés de part et d'autre. Nous seuls sommes disposés à accepter les victimes; les Américains ne le sont pas. Le peuple américain est faible. Il n'acceptera pas la perte d'un nombre important de leurs soldats."

Samarai était effondré. Il sentait qu'il avait rempli son devoir. Saddam ne pourrait se plaindre plus tard que l'officier en charge du renseignement l'avait trompé. Les deux hommes restèrent assis en silence quelques instants. Samarai pouvait sentir la menace américaine qui pesait sur eux comme un grand poids sur ses épaules. Il n'y avait rien à faire.

À la surprise de Samarai, Saddam ne semblait pas en colère après lui alors qu'il venait de lui annoncer ces mauvaises nouvelles. En fait, il appréciait que Samarai les lui ait données avec honnêteté. "J'ai confiance en toi, et c'est ton opinion", dit-il. "Tu es une personne de confiance, une personne honorable."

Les intenses attaques aériennes démarrèrent trois jours plus tard. Cinq semaines après cela, le 24 février, l'offensive terrestre commença et les troupes de Saddam se rendirent en masse ou fuirent. Des milliers furent abattus en un lieu appelé le massif de Mutla alors qu'ils essayaient de revenir en Irak; la plupart furent calcinés dans leurs véhicules. L'Iran ne pénétra pas en Irak, mais à part cela la guerre se déroula exactement comme Samarai l'avait prédit.

Dans les jours qui suivirent la débâcle Samarai fut convoqué pour une rencontre avec Saddam. Le Président travaillait dans un bureau secret. Il se déplaçait de maison en maison dans les faubourgs de Bagdad, réquisitionnant des maisons au hasard de manière à éviter de dormir là où les bombes intelligentes américaines pourraient le frapper. Néanmoins, Samarai le trouva n'ayant l'air aucunement troublé, mais curieusement très renforcé par toute cette excitation.

"Quelle est votre évaluation, Général?" demanda Saddam.

"Je pense que c'est la plus grande défaite de l'histoire militaire" répondit Samarai.

"Comment pouvez-vous dire cela?"

"C'est une plus grande défaite qu'à Khorramshahr (l'une des pires défaites lors de la guerre avec l'Iran, avec des dizaines de milliers de pertes irakiennes)."

Saddam d'abord ne dit rien. Samarai savait que le Président n'était pas stupide. Il avait certainement vu comme tout le monde ses troupes se rendre en masse, le massacre au massif de Mutla, la dévastation par mise en miettes causée par la campagne de bombardement américaine. Mais même si Saddam était d'accord avec l'évaluation du général, il ne pouvait se résoudre à l'admettre. Dans le passé, comme à Khorramshahr, les généraux pouvaient toujours être rendus responsables de la défaite. Les militaires seraient accusés de sabotage, trahison, incompétence ou lâcheté. Certains seraient arrêtés et il y aurait des exécutions, après quoi Saddam pourrait confortablement continuer à entretenir l'illusion qu'il avait déraciné la cause de l'échec. Mais cette fois les raisons de la défaite se trouvaient clairement en lui, et cela, bien sûr, il ne l'admettrait jamais. "C'est votre opinion" dit-il brièvement et il s'en alla.

Défait militairement, Saddam il y a bien des années réagit par des machinations et des rêves encore plus sauvages, exprimés dans son jargon typique, lourd, confus, dont la rhétorique est quasi messianique. "Sur ces bases, et en suivant le même concept central et ses constantes authentiques, lié à la compatibilité révolutionnaire requise et au renouvellement ininterrompu des styles, pensées, concepts, potentiels et méthodes de traitement et de comportement, le fier et loyal peuple irakien et ses vaillantes forces armées vaincront comme résultat final de l'immortelle Mère de toutes les Batailles", déclara-t-il. "Avec eux et à travers eux, les bons Arabes vaincront. Leur victoire sera splendide, immortelle, immaculée, et elle brillera sans qu'aucune interférence ne puisse lui faire ombrage. Dans nos coeurs et nos âmes comme dans les coeurs et les âmes des intelligentes et glorieuses femmes irakiennes et dans la haute spiritualité des hommes irakiens, la victoire est une conviction absolue, selon la volonté d'Allah. La cueillette de son fruit final, en accord avec sa description que le monde entier désignera, est une affaire de temps dont les manières et la dernière et finale heure sera déterminée par le Miséricordieux Allah. Et Allah est le plus grand!"

Pour aider Allah, Saddam avait déjà lancé ses programmes secrets de développement d'armes nucléaires, chimiques et biologiques.



Texte original: Mark Bowden, "Tales of the Tyrant", The Atlantic Online, May 2002    
Traduction: Norbert Lipszyc pour Reponses-Israel et reinfo-israel.com
    






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