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Après 4 jours d'offensive en Irak, la prise de risque apparaît aussi grande que calculée

23 mars 2003

Général Tommy Franks, 22.3.03E

n tirant un premier bilan de l'offensive en Irak, on constate que les forces alliées appliquent avec détermination une ligne directe et risquée. Dans un environnement incertain, face à des adversaires inégaux et sous l'œil de médias excessifs et impatients, la flexibilité et la créativité seront indispensables.

Il est bien entendu très ambitieux de tenter un bilan d'une opération à peine commencée, sans avoir accès à suffisamment d'informations et en devant composer avec la confusion et les contradictions de celles disponibles. Pourtant, comme notre analyse mise en ligne juste avant le début de l'opération correspond plutôt bien à leur déroulement effectif, se risquer à une première évaluation reste instructif.


«... Les Alliés sont parvenus d'emblée à éviter des désastres qui auraient compromis toute l'opération, quels que soient les succès suivants. »


Dans un premier temps, il s'agit d'apprécier l'opération "Iraqi Freedom" dans son contexte stratégique, en décrivant également les actions principales et les tactiques adoptées à ce jour. Ensuite, il convient d'aborder l'efficacité des formations et des armes respectives ainsi que la couverture médiatique du conflit, qui se distingue notablement de son précédent.



Objectif principal : Bagdad

S'il est une remarque qui s'impose, c'est que les Alliés sont parvenus d'emblée à éviter des désastres qui auraient compromis toute l'opération, quels que soient les succès rencontrés par la suite. Les installations pétrolières n'ont pas été mises hors service, et seuls 9 puits sur 1685 semblent aujourd'hui en flammes. Les pays voisins n'ont pas été frappés significativement par le régime de Saddam Hussein, puisque les quelques missiles tirés sur le Koweït ont été interceptés ou ont manqué leur cible. La configuration stratégique du conflit n'a pas changé, car la Turquie semble renoncer à capturer le secteur Mossoul, alors que l'Iran et les pays arabes ne réagissent pas. Les pertes infligées à la population civile irakienne sont très faibles, et la nuit de "choc et stupeur" n'a fait que 3 morts même selon Bagdad. Les opinions publiques des deux principaux alliés ont bien accueilli le déclenchement de l'opération, et le soutien pour celle-ci est en hausse. En d'autres termes, la plupart des risques ont été pour l'heure adéquatement gérés.

Bagdad, 22.3.03

Ceci est la résultante de plusieurs actions menées en parallèle, en fonction du déclenchement successif des opérations spéciales (S-Day selon le Central Command), terrestres (G-Day) et aériennes (A-Day) :

  • Une attaque stratégique directe des échelons supérieurs du régime irakien, y compris Saddam Hussein et ses fils, par des missiles de croisières et des bombes guidées, sur la base de renseignements périssables ;


  • Une offensive aérienne majeure sur les postes de commandement, les installations de la DCA, les systèmes de communication, les positions des troupes et les dépôts logistiques par l'aviation basée au sol et embarquée, sans coordination avec les forces terrestres ;



  • «... Bagdad a été frappée par 320 missiles de croisière et une quantité importante de bombes exclusivement guidées, au prix de 3 morts et 207 blessés »


  • Une offensive aéromobile et amphibie appuyée par des forces spéciales pour s'emparer des installations pétrolifères au sud du pays, y compris le seul port en eau profonde de l'Irak, ainsi qu'au nord même si peu d'informations sont disponibles à ce sujet ;


  • Une poussée aéromécanisée de part et d'autre de l'Euphrate avec deux divisions renforcées côte à côte, fixant les forces adverses dans les localités majeures afin de permettre leur contournement et la poursuite de l'avance en direction de Bagdad.

D'autres actions sont naturellement menées, même si leur discrétion suscite une attention inversément proportionnelle à leur importance. Des forces spéciales ont été insérées dans tout le pays, avant même le déclenchement de l'opération, pour récolter des renseignements, traquer des armes de destruction massive et déclencher des frappes air-sol. Des aérodromes à l'ouest du pays ont été capturés par d'autres forces spéciales, probablement pour y installer une base opérationnelle avancée permettant d'interdire les mouvements adverses, et des informations insistantes font état de forces américaines importantes en Jordanie. Les formations aéroportées de la coalition n'ont pas encore été engagées au combat, et le fait que la 101e division aéromobile ait pris une base opérationnelle avancée au sud de l'Irak rend probable son engagement prochain. D'autres forces légères commencent à être transportées par air dans le Kurdistan irakien. De toute évidence, la campagne n'a donc pas encore pris toute son ampleur.

La mécanique alliée est bien entendu très risquée. La priorité absolue donnée à la poussée sur Bagdad maintient toutes les zones dépassées dans une insécurité constante, comme l'a démontré l'embuscade dont a été victime aujourd'hui un petit détachement logistique américain, alors que le verrouillage des villes prive provisoirement les Alliés du succès objectif que représenterait leur capture. Par ailleurs, le fait que l'effort principal soit mené en direction de la capitale empêche les troupes tenant les passages obligés ou fixant les forces adverses de disposer d'une supériorité écrasante, ce qui ralentit le nettoyage des zones défendues par des éléments déterminés ou permet à ces derniers de se replier. Enfin, l'étirement accéléré des lignes de communication et la diminution progressive des troupes disponibles pour poursuivre l'avance nécessite assez rapidement l'envoi de renforts dans la région – ceux qui auraient dû intervenir à partir de la Turquie, et peut-être davantage.

Pour leur part, les Irakiens font de leur mieux pour s'opposer à la poussée alliée. Des petits détachements d'hommes déterminés appartenant à la Garde républicaine ou aux milices du parti Ba'as ont été apparemment dispersés au sein des unités régulières, pour les raffermir ou les surveiller ; ces hommes se battent avec acharnement, ce qui est efficace en localité, comme le montre le difficile nettoyage d'Umm Qasr, mais totalement inutile en terrain ouvert, comme l'a appris à ses dépens aujourd'hui une colonne de 30 véhicules non blindés irakiens au sud d'An Najaf. Cependant, contrairement aux affirmations des médias, l'armée régulière irakienne refuse pour l'essentiel le combat : à Bassorah avec la 51e division d'infanterie comme à An Nasiriyah avec la 11e division d'infanterie, ce ne sont que quelques centaines d'hommes qui se battent, sur une force qui en compte 10 à 15 fois plus.



Des performances sans précédent

Dans l'ensemble, le général Franks et ses principaux subordonnés ont tout lieu d'être satisfaits du déroulement des 4 premiers jours d'opération. Dans les 24 heures qui ont suivi le A-Day, ce sont près de 1000 missiles de croisière et 1000 missions d'attaque qui ont été menées – la plus forte offensive aérienne depuis l'époque du Vietnam ; et si Bagdad a par exemple été frappée par 320 missiles de croisière et une quantité importante de bombes exclusivement guidées, même un régime irakien coutumier des manipulations n'a reconnu que 3 morts et 207 blessés, ce qui est incroyablement faible compte tenu du tonnage engagé. Il reste naturellement à démontrer l'efficacité matérielle et immatérielle de cette opération "choc et stupeur", et on mesure toute la difficulté à effectuer une évaluation à distance des effets psychologiques. Malgré l'annonce de pertes plus importantes dans la population civile, notamment à Bassorah, la précision sans cesse accrue des armements intelligents est démontrée.

Au niveau des forces terrestres, la chevauchée de la 3e division d'infanterie mécanisée est également remarquable : partie du Koweït le jeudi 20 mars au soir, cette division lourde a franchi en 3 jours plus de 400 km et se trouve à présent entre Al Najah et Karbala, à moins de 150 km de Bagdad. Confrontée régulièrement à des forces adverses vite submergées, la 3e division est parvenue à maintenir un élan constant en faisant des rotations successives entre ses 3 brigades de combat et en assurant une logistique mobile surmontant toutes les frictions. De même, les Royal Marines de la 3e brigade commando britannique et les Marines de la 1ère force expéditionnaire ont été suffisamment rapides pour prendre presque intacte l'infrastructure pétrolière et portuaire au sud de l'Irak, en préservant des éléments vitaux sur la plan économique. Le déroulement sans faille de pareilles actions interarmées doit à lui seul être mis en évidence.

Marines près de Nasiriyah, 23.3.03

Dans ce contexte, les revers subis par les Alliés sont d'une importance mineure. Pour dramatiques qu'ils soient, les accidents des hélicoptères CH-46 et Sea King, l'attaque furieuse d'un sergent de la 101e contre son unité ou le tir fratricide d'un Tornado britannique par un Patriot américain sont des épisodes à la fois inévitables et insignifiants. L'insécurité des lignes de communication, la capture de soldats américains et la mort d'une vingtaine de militaires alliés au combat sont en revanche plus importants, et ils montrent que la stratégie adoptée par le Pentagone l'amènera à tolérer des pertes militaires non négligeables pour minimiser les pertes civiles. De plus, la résistance solide dans les villes – même si elle est le fait d'un faible nombre de soldats – rappelle que c'est dans les rues irakiennes que tombera la décision. Enfin, la coalition n'a pas encore mis au jour des armes de destruction massive, même si la portée supérieure à 150 km de plusieurs missiles irakiens tirés sur le Koweït suscite également un certain embarras chez ses opposants.


«... L'étirement accéléré des lignes de communication et la diminution des troupes disponibles pour poursuivre l'avance nécessite rapidement l'envoi de renforts. »


Le comportement de la population irakienne, pour sa part, est avant tout marqué par la prudence et par l'incertitude. L'accueil triomphal ou à tout le moins positif espéré par le Pentagone s'est produit à réitérées reprises, mais même les citoyens aspirant à se libérer du tyran de Bagdad ne dissimulent pas leurs griefs à l'endroit des Alliés. Le principal reste celui d'avoir attendu 12 ans pour tenter de les libérer, et d'avoir laissé sans grande réaction se dérouler la terrible répression du printemps 1991. Par ailleurs, la population irakienne attend légitimement des forces alliées qu'elles leur fournissent un appui en fournitures humanitaires – nourriture, eau, habits, médicaments – qui n'arrivera que dans quelques jours. Enfin, la minimisation des dommages collatéraux surtout par voie aérienne sera déterminante dans leur esprit. Quoi qu'il en soit, il est illusoire d'espérer des soulèvements sans que l'autorité de Saddam Hussein ne soit clairement qu'un souvenir – auquel cas il s'agira encore d'éviter le chaos.

Il est regrettable que la réalité de cette situation soit inégalement décrite par les médias. Pourtant, les outils modernes offrent un accès plus large et direct que jamais à l'information : par rapport à 1991, le réseau Internet, l'imagerie numérique, les vidéophones et l'intégration des journalistes aux formations alliées ont abouti à multiplier les informations écrites et visuelles au sujet des opérations en cours. Dans certains cas, les faits sont non seulement relatés en temps réel, mais également prévisibles avec un haut degré de certitude – comme lorsque des mouvements de colonnes mécanisées sont annoncés, ou lorsque des bombardiers lourds B-52 sont montrés au décollage à Fairford. Mais l'augmentation du nombre de sources et l'existence de bases de données en ligne ne sont guère utiles si les journalistes n'ont pas les connaissances de base nécessaires pour discerner les enjeux et le déroulement des opérations.

A ce sujet, si les chaînes d'information en continu ont suffisamment de correspondants incorporés aux unités alliées pour traiter l'essentiel, les présentateurs ont de manière générale l'habitude détestable de tirer des conclusions définitives à partir de faits ponctuels, et de fonder sur l'ignorance un esprit critique virant à la défiance. Suite aux annonces successives concernant la ville d'Umm Qasr, qui était par exemple considérée comme prise avant que des combats intenses éclatant dans certains quartiers, plusieurs commentateurs n'ont ainsi pas manqué de railler le Pentagone et de l'accuser de tromperie – au lieu de comprendre que de telles annonces indiquent au contraire le déroulement classique d'une embuscade menée par des forces isolées. A l'époque d'Internet, le téléspectateur excédé peut au moins consulter les dépêches des agences et les reportages des médias dont les journalistes sont sur place.

En guise de conclusion, si l'opération "Iraqi Freedom" a commencé de manière satisfaisante pour les Alliés, rien ne permet de préjuger d'une décision qui ne consiste pas seulement à déboulonner Saddam Hussein, mais à le faire avec l'adhésion d'une population calme et unie. Autant dire que pour gagner le pari de la Maison Blanche, il faudra être suffisamment flexible pour éviter le désastre et créatif pour atteindre le succès.



Maj EMG Ludovic Monnerat    









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