L'administration américaine se donne les moyens de mener une nouvelle guerre dans l'espace
13 octobre 2002
n parallèle à sa nouvelle doctrine stratégique, l'administration américaine mène un vaste effort technologique destiné à multiplier ses capacités opérationnelles dans l'espace. De la défense antimissile aux communications à large bande en passant par le positionnement, l'observation et l'armement spatial, c'est toute une gamme de moyens nouveaux qui seront en orbite d'ici 10 à 15 ans. Analyse détaillée.
Grâce à plus de cent satellites militaires en orbite, l'espace est devenu pour la première fois un élément principal de la machine de guerre à l'occasion de la campagne en Afghanistan. Voici une scène typique de ce conflit : un soldat au sol localise une cible taliban ; avec un petit récepteur Global Positioning System (GPS) connu sous le nom de "plugger", il utilise la constellation de satellites GPS pour calculer la longitude et la latitude de sa cible, et transmet les coordonnées par satellite à une base aérienne en Floride. De là, une alerte est envoyée aux commandants en Arabie Saoudite, qui dirigent un drone Predator afin de survoler le site taliban et de retransmettre une vidéo en temps réel de la scène – toujours par satellite.
«... Les stratèges de la défense ne s'efforcent pas seulement de corriger des déficiences ; ils veulent prendre l'avantage dans l'espace. »
«... Les stratèges de la défense ne s'efforcent pas seulement de corriger des déficiences ; ils veulent prendre l'avantage dans l'espace. »
Le bombardement de la cible est accepté, et un pilote de B-52, croisant quelque 6000 mètres plus haut, hors de portée des missiles sol-air, introduit les coordonnées GPS dans l'ordinateur d'une bombe Joint Direct Attack Munitions (JDAM) avant de la larguer. La bombe utilise son propre récepteur GPS pour plonger sur la cible et explose à proximité de celle-ci. L'ensemble du processus n'a pris que quelques minutes, et non des jours comme dans les guerres précédentes. Et la bombe JDAM à 20'000 dollars est une affaire en comparaison des bombes guidées par laser à 100'000 dollars, déjà dépassées, qui ont des difficultés à trouver leurs cibles à travers la poussière, les nuages et la fumée.
Mais de regrettables incidents se sont également produits. En décembre, un observateur de l'Air Force avait ainsi calculé la position d'une cible taliban avec son plugger juste avant que la batterie de l'appareil ne tombe en panne ; il changea la batterie et retransmit les coordonnées GPS à un B-52 approchant l'objectif, sans réaliser que le plugger était programmé pour afficher les coordonnées de son propre emplacement après sa réinitialisation. Une bombe JDAM de 900 kg s'écrasa avec une précision dévastatrice, tuant trois soldats des forces spéciales et cinq alliés afghans.
Même sans erreur humaine, la technologie militaire spatiale n'est pas infaillible. Les signaux GPS peuvent être facilement brouillés, les satellites espions à la plus fine résolution peinent à voir à travers les nuages, alors que les communications parmi la myriade de forces et de systèmes militaires surchargent fréquemment les ondes. Parallèlement, les satellites militaires sont sans défense et vulnérables aux attaques.
La solution, si l'espace va jouer un rôle croissant dans la guerre future, d'après le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et d'autres dans l'administration, est le "contrôle de l'espace". Les stratèges de la défense ne s'efforcent pas seulement de corriger des déficiences ; ils considèrent l'espace comme une frontière nouvelle et largement inexploitée. En d'autres termes, ils veulent prendre l'avantage dans l'espace – non seulement observer les activités ennemies autour du globe ou déclencher des frappes en orbite, mais également interdire aux adversaires d'utiliser l'espace à leur détriment. C'est une approche risquée, avec son lot de critiques, parce qu'elle invite adversaires et terroristes aux contre-mesures – et peut-être à une guerre totale dans l'espace.
Ayant néanmoins adopté cette doctrine, les planificateurs militaires américains mènent des dizaines de recherches en technologie spatiale. Les nouveaux moyens à l'étude comprennent des satellites pouvant voir à travers le camouflage, un radar en orbite surveillant les mouvements de troupes et de véhicules, des satellites de communication plus puissants donnant aux soldats des liaisons analogues aux portables, et des senseurs en orbite pouvant traquer les missiles balistiques. Les équipements figurant sur la liste de vœux du Pentagone ont un potentiel aussi bien offensif que défensif – comme un avion spatial militaire, un laser basé dans l'espace et un véhicule de rentrée pouvant larguer des bombes de n'importe quelle taille. Voici un aperçu de ce qui pourrait être en orbite ces prochaines années.
Satellites espions
Pendant la décennie en cours, le National Reconnaissance Office et le Pentagone comptent remplacer virtuellement tout leur inventaire de satellites d'observation pour un coût dépassant 60 milliards de dollars. Le plan consiste à acquérir une flotte d'appareils aux yeux plus perçants que les satellites à imagerie optique aujourd'hui disponibles, et d'acheter enfin des équipements pouvant, au contraire des modèles actuels, fournir en permanence les données visuelles d'une cible.
L'une des technologies évaluées est celle des satellites hyperspectraux, capables de prendre des images dans des centaines de longueurs d'ondes visibles et infrarouges. De tels satellites pourraient par exemple permettre de dévoiler un char caché par un filet de camouflage, parce que l'imagerie infrarouge détecterait la chaleur émise par le moteur.
Une autre technologie envisagée consiste en un réseau de radars orbitaux qui émettraient continuellement des signaux rebondissant sur la surface de la terre et qui détecteraient des objectifs mobiles comme des camions ou des lance-missiles dans toutes les conditions – nuageuses, orageuses ou nocturnes. "Si vous êtes un sale type et que vous bougez, nous vous verrons bouger", résume Robert Dickman, adjoint pour l'espace militaire au bureau du sous-secrétaire de l'Air Force.
Les militaires utilisent déjà des avions-radars pour repérer des objectifs terrestres en mouvement – comme durant la surveillance de "l'autoroute de la mort", la principale route entre le Koweït et l'Irak durant la Guerre du Golfe. De plus, en 1994 et en 2000, la National Administration and Space Agency (NASA) a réussi à mettre en orbite des radars embarqués dans la navette spatiale. Mais pour obtenir la couverture radar globale et constante que veut le Pentagone – un système qui ne risquerait pas la vie de pilotes, ni n'utiliserait l'espace aérien étranger – une constellation d'au moins deux douzaines de satellites à haute énergie, en orbite basse, serait nécessaire. "Nous aimerions être capable de décoller à la fin de la décennie", précise Dickman, "mais le radar spatial est un grand défi, à la fois technologique et financier."
Les principaux obstacles sont nombreux. Non seulement le système doit-il fournir une vue pénétrante d'un territoire "interdit" à grande distance, loin au-dessus de l'altitude d'un avion, mais il doit également être intégré aux équipements de communication existants, afin que l'information puisse être instantanément transmise aux forces au sol ou en vol. Et même si ces problèmes sont surmontés, il pourrait se révéler impossible, en utilisant la technologie satellitaire existante, de mettre en orbite suffisamment d'appareils pour assurer une couverture complète, en raison des milliards de dollars que coûteraient leur construction et leur lancement. Le Congrès a déjà annulé un réseau de satellites radars proposé, Discoverer II, parce qu'il ne respectait pas l'enveloppe budgétaire, et l'Air Force ainsi que le laboratoire Lincoln du MIT procèdent actuellement à une analyse des alternatives devant être achevée en novembre 2003.
«... Les chercheurs sont convaincus que la production massive de microsatellites, travaillant en groupe, vont rendre obsolètes les coûteux appareils actuels. »
«... Les chercheurs sont convaincus que la production massive de microsatellites, travaillant en groupe, vont rendre obsolètes les coûteux appareils actuels. »
L'une des possibilités est représentée par Technology Satellite of the 21st Century, ou TechSat 21, un concept étudié par l'Air Force Research Laboratory. Au lieu de vastes satellites ayant la taille et le poids de voitures, TechSat 21 utiliserait des "satellites virtuels" – des groupes de microsatellites pesant 136 kg la pièce. Chaque microsatellite aurait un récepteur bistatique qui non seulement détecterait ses propres signaux radars renvoyés par la surface de la terre, mais aussi les signaux de ses voisins, améliorant la résolution des images collectées.
Les chercheurs sont convaincus que la production massive de microsatellites, travaillant en groupe, vont rendre obsolètes les coûteux appareils actuels. Parmi les avantages figure le fait que lorsqu'un microsatellite tombe en panne, le système tout entier ne doit pas être remplacé. De plus, la flexibilité sera plus grande, parce que les opérateurs seront capables de conduire des missions différentes par la simple reconfiguration des groupes. Par exemple, le même groupe de microsatellites pourrait être initialement dispersé pour fournir une couverture radar planétaire, puis en quelques heures se rapprocher pour mener une recherche approfondie de petits secteurs.
Un vaste travail reste à faire avant que TechSat 21 soit prêt. Ainsi, les chercheurs doivent comprendre comment garder les microsatellites dans leurs schémas d'orbites légèrement différentes sans consommer trop de carburant. La première vraie démonstration du concept TechSat 21 aura lieu en 2005, lorsque l'Air Force lancera un groupe de trois microsatellites identiques pour voir s'ils peuvent voler dans une formation précise.
Système de positionnement global
La principale différence entre la prochaine génération de satellites de positionnement GPS – nommés GPS III – et les modèles actuels réside dans le fait qu'ils auront des signaux séparés pour l'utilisation civile et militaire. Ceci rendra plus difficile le brouillage des signaux militaires. L'importance d'une telle capacité a été mise en évidence voici 2 ans, lorsque des ingénieurs de l'Air Force Research Laboratory ont utilisé des instructions téléchargées sur Internet pour construire un appareil d'amateur, au prix de 7500 dollars, pouvant facilement noyer les signaux GPS sous un déluge électronique.
Cette démonstration a confirmé la crainte que n'importe quel ennemi, disposant d'à peine plus d'un accès au Web, puisse contrecarrer l'attaque d'une bombe intelligente. Prévu pour être prêt à la fin de la décennie, le GPS III évitera cela en émettant un signal plus puissant et plus concentré que celui fourni par les équipements existants. De tels rayons ponctuels seront virtuellement impossibles à brouiller sans des appareils coûteux et sophistiqués.
Les satellites GPS III auront également des horloges améliorées. Plus l'information temporelle envoyée par les satellites est précise, plus les récepteurs peuvent calculer exactement la distance parcourue par les signaux, puis obtenir une position par triangulation en utilisant les mesures d'au moins trois satellites. Avec de meilleures données de positionnement GPS, les armes à guidage satellitaire pourront frapper plus précisément leurs cibles – à moins d'un mètre, contre 6 mètres en moyenne aujourd'hui.
Bande passante élastique
Approximativement la moitié des quelques 700 satellites actuellement opérationnels sont américains ; parmi ceux-ci, 110 sont des satellites militaires utilisés pour la navigation, les communications, les prévisions météorologiques, l'imagerie, la surveillance et l'alerte avancée de lancements de missiles. Le problème, c'est que chacune des différentes branches des agences de renseignements et des armées est reliée à ces satellites par un système propriétaire, que les experts nomment "tuyau de poêle", car tous envoient des informations entre une station terrestre et l'espace mais sont mal équipés pour diffuser des données à travers un vaste réseau.
"Ce que nous ne voulons pas, c'est ce que nous avons aujourd'hui : des bases de données indépendantes et éparpillées", déclare Hugo Poza, premier vice-président de la sécurité intérieure à Raytheon. "La rétention d'information a permis le 11 septembre. Ce n'était pas un échec de la technologie ; c'était un échec du fonctionnement en réseau."
Le Pentagone espère surmonter ces lacunes avec ce qu'il appelle un système de communication transformationnel, une toile géante capable de gérer et de distribuer toutes les informations militaires. Avec ce réseau, si un drone de surveillance prend par exemple une image de membres d'Al-Qaïda en mouvement, la photo sera immédiatement transmise aux unités de forces spéciales au sol, à temps pour leur permettre d'intercepter l'ennemi.
L'une des déficiences majeures devant être corrigées par ce système n'est autre que le manque de bande passante existant dans les régions lointaines et sous-développées des nouveaux conflits. Les images détaillées prises par les avions sans pilote Predator et Global Hawk peuvent facilement surcharger les réseaux militaires, en particulier dans des endroits comme l'Afghanistan, où l'infrastructure des télécommunications est à peine existante.
En 2004, les militaires comptent lancer le premier de ses Wideband Gapfiller Satellites, qui auront des antennes "actives" avec de multiples flux de données pouvant être dirigés partout où un supplément de bande passante est nécessaire. Chacun de ces satellites sera capable de fournir plus de bande passante que 10 des appareils actuels.
«... à partir de 2005, les militaires espèrent remplacer les technologies de transmissions traditionnelles par des systèmes avancés à base de rayons lasers optiques. »
«... à partir de 2005, les militaires espèrent remplacer les technologies de transmissions traditionnelles par des systèmes avancés à base de rayons lasers optiques. »
Dans un effort prolongé pour accroître la bande passante à partir de 2005, les militaires espèrent commencer à remplacer les technologies de transmissions traditionnelles des signaux radios par des systèmes avancés à base de rayons lasers optiques. Le Pentagone a demandé 200 millions de dollars dans le prochain budget pour accélérer le lancement des communications lasers, qui selon l'agence pourront supporter même les plus lourds trafics tout en faisant circuler l'information plus vite autour du globe, en la transmettant instantanément d'un satellite à l'autre.
Des travaux sont également en cours sur de nouveaux systèmes à bande étroite, qui sont utilisés pour les communications vocales ou à bas taux de données entre des soldats ne pouvant porter qu'une charge limitée de matériel dans le terrain. Le Mobile User Objective System multisatellitaire, qui est prévu pour être lancé en 2008, fournira des services vocaux et de données analogues aux cellulaires avec des terminaux portables.
Redéfinir les satellites
Les satellites actuels sont grands et complexes, ce qui rend leur lancement coûteux. Une fois en orbite, il n'y a en outre aucun moyen simple et bon marché de les entretenir. C'est pourquoi l'idée de satellites améliorables séduit tant l'industrie de la défense, dont les ingénieurs empruntent les idées de la science informatique pour concevoir un satellite "plug-and-play", pouvant être reprogrammé avec un nouveau logiciel ou inspecté, ravitaillé et réparé en orbite.
Le premier pas est représenté par un effort conjoint entre la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), la NASA, Boeing et Ball Aerospace and Technologies Corp. pour construire en quelques années une maquette de satellite réparable du nom de NextSat. Ensuite, en 2006, cette équipe espère lancer un plus petit satellite, ASTRO (abréviation de Autonomous Space Transport Robotic Operations), pour procéder à un rendez-vous orbital avec NextSat et prouver que les deux satellites peuvent s'arrimer. Si cette démonstration est réussie, le développement complet d'une flotte de satellites modifiables suivra.
La NASA finance également le programme DART, pour Demonstration of Autonomous Rendezvous Technology. Le vaisseau spatial de ce test, construit par Orbital Science Corp., utilisera des senseurs vidéos comme des yeux lorsqu'il essaiera d'approcher un satellite de communication, se parquera à quelque 15 mètres, effectuera une série de manœuvres anti-collision, puis volera sur une nouvelle orbite – le tout sans intervention humaine.
Ces nouvelles technologies ont toutefois une facette dangereuse. Un vaisseau spatial capable d'examiner, de ravitailler ou de reprogrammer un satellite pourrait aussi le mettre hors service, le détruire ou le déprogrammer. Un microsatellite ennemi serait difficile à détecter, et pourrait même être contenu à l'intérieur d'un satellite plus grand et d'aspect inoffensif. Indice inquiétant d'une telle possibilité, un journal de Hong Kong a cité en 2000 des sources chinoises déclarant que la Chine avait déjà effectué un essai au sol d'un satellite "parasite", qui pourrait s'attacher à un satellite ennemi et le détruire plus tard si nécessaire. Ce rapport n'a toutefois pas été confirmé.
Parmi les objets les plus convoités sur la liste des militaires figure un avion spatial – un véhicule sans pilote réutilisable pouvant être lancé à bref délai. Il pourrait larguer ou ravitailler des satellites, les placer sur de nouvelles orbites ou remplacer leurs équipements et leurs logiciels. Il pourrait également agir lui-même comme un satellite temporaire pour des missions de surveillance ou de communication.
Et comme le relève le général Ed Eberhart, commandant en chef du NORAD (North American Aerospace Defense Command) et du Commandement spatial américain, un tel avion pourrait aussi être utile pour "mettre de l'acier sur une cible".
«... Parmi les objets les plus convoités sur la liste des militaires figure un avion spatial – un véhicule sans pilote réutilisable pouvant être lancé à bref délai. »
«... Parmi les objets les plus convoités sur la liste des militaires figure un avion spatial – un véhicule sans pilote réutilisable pouvant être lancé à bref délai. »
L'idée d'un avion spatial est dans l'air depuis 40 ans. Le programme National Aerospace Plane, créé pour concevoir un jet supersonique pouvant transporter des charges dans l'espace ou bombarder en quelques heures des cibles tout autour du globe, a été abandonné en 1994. Les ingénieurs avaient réalisé que l'avion ne serait jamais capable d'atteindre la vitesse orbitale par lui-même. Plus récemment, la NASA a abandonné tout espoir pour le X-33, un remplacement de la navette spatiale qui était supposé voler du sol en orbite en un seul étage plutôt qu'utiliser des fusées additionnelles, parce que la technologie n'a jamais vraiment émergé.
A présent, la NASA a prévu 4,8 milliards de dollars pour une Space Launch Initiative devant développer un remplaçant à la navette, sous la forme d'un autre véhicule réutilisable à deux étages, bien moins coûteux à entretenir et à faire voler. Le Département de la Défense s'est joint en route à ce programme. La première démonstration de cet avion spatial dans sa version militaire devrait avoir lieu vers de la fin de la décennie, et le Pentagone espère avoir un véhicule sans pilote opérationnel en 2014.
Cet avion spatial, connu sous le nom de Space Operations Vehicle (SOV), sera un transporteur pouvant emmener un éventail de charges diverses et ne sera probablement pas plus grand que la navette spatiale. Dans un programme séparé, le Pentagone développe un avion spatial sans pilote plus petit, appelé le Space Maneuver Vehicle (SMV), qui pourrait être lancé par le SOV, une fusée ou même un avion volant à haute altitude. Boeing a déjà construit un modèle réduit et l'a lâché d'un hélicoptère pour démontrer ses capacités d'atterrissage. Parmi les charges que le SMV pourrait transporter figure le Common Aero Vehicle, un véhicule de rentrée susceptible d'engager des armes à partir de l'espace.
Défense antimissile
La défense antimissile est la plus grande catégorie de recherche et développement dans le budget du Département de la Défense. L'administration Bush a demandé plus de 7 milliards de dollars en 2003 pour construire un système capable d'abattre des missiles balistiques. Mais avant que cela ne se produise, le Pentagone devra concevoir de meilleurs satellites infrarouges que ceux du Defense Support Program (DSP). Les satellites DSP existants peuvent annoncer si un missile a été tiré sur les Etats-Unis, mais l'intercepter implique de distinguer entre les vraies ogives et les leurres, de suivre les multiples objets largués par un seul missile, et de transmettre les informations de trajectoire à un véhicule intercepteur – ce qu'aucun DSP ne peut faire.
Le Pentagone développe actuellement une technologie de remplacement en deux parties, les Space-Based Infrared System (SBIRS) High et Low. Les satellites "Hauts", qui opèreront sur des orbites géosynchrones et très elliptiques, vont supplanter les DSP d'alerte avancée et donner une image plus claire de la direction prise par un missile après son lancement. Les satellites en orbite terrestre basse donneront une vue rapprochée pour le suivi précis de têtes individuelles.
SBIRS High devait être lancé dans les prochaines années, mais il dépasse son budget de 2,2 milliards de dollars pourrait n'être jamais achevé. "Nous avons revu les coûts et le plan horaire", a déclaré le sous-secrétaire à la Défense Edward Aldrige lors d'une conférence de presse le 2 mai, "et le message aux principaux entrepreneurs, Lockheed Martin et Northrop Grumman, est qu'ils sont sous la loupe. Si nous constatons dans 6 mois que le programme dérive, je n'hésiterai pas à tirer la prise". Le programme SBIRS Low a également été restructuré, et le premier de ses satellites ne sera pas lancé avant 2006 au plus tôt.
Pendant ce temps, le Pentagone étudie deux types d'armes pouvant un jour intercepter des missiles ennemis : des armes à énergie cinétique, y compris des "véhicules tueurs" qui détruisent les missiles en entrant en collision avec eux, et des armes à énergie dirigée, comme des lasers spatiaux pouvant également attaquer des cibles terrestres. Ces activités de recherche hérissent des critiques qui les considèrent comme un comportement agressif allant se retourner contre les Etats-Unis. "Placer des armes dans l'espace va ouvrir la porte à d'autres nations pour faire de même", avertit le colonel en retraite Daniel Smith, directeur de recherches au Center for Defense Information, une organisation de recherche en politique militaire basée à Washington.
«... L'administration Bush a demandé plus de 7 milliards de dollars en 2003 pour construire un système capable d'abattre des missiles balistiques. »
«... L'administration Bush a demandé plus de 7 milliards de dollars en 2003 pour construire un système capable d'abattre des missiles balistiques. »
C'est une possibilité à laquelle les militaires se préparent. En janvier 2001, sur la base aérienne de Schriever dans le Colorado, l'US Air Force a mis sur pied le premier wargame spatial. Fixé en 2017, le conflit simulé a opposé une grande nation spatiale presque équivalente, Rouge, contre Brun, un petit pays voisin. Bleu, une superpuissance, s'est jointe au combat pour Brun et une bataille spatiale s'est ensuivi – menée par des avions spatiaux, des défenses antimissiles, des lasers antisatellites, des microsatellites, des lasers terrestres et des satellites de surveillance et de communication avancés.
Comme on pouvait le prévoir, les chefs militaires ont en conclu que les Etats-Unis devraient dépenser bien plus d'argent dans l'armement spatial pour défaire Rouge. "Cela a ouvert les yeux à bien des gens sur l'importance de l'espace", déclare le major John Wagner, chef adjoint du Space Warfare Center's Wargaming and Simulation Branch à Schriever.
Dans une simulation élargie prévue pour février 2003, les joueurs se battront avec des équipements encore plus ambitieux, qui ne seront pas disponibles avant 15 à 18 ans – comme des radars spatiaux, des intercepteurs de missiles, et des systèmes de lancement réutilisables devant encore être conçus. L'un des objectifs de ce jeu long d'une semaine est de mieux savoir comment les services peuvent intégrer les systèmes spatiaux dans leurs plans de bataille. "Nos forces de la guerre froide évoluent vers des forces plus petites, plus rapides et plus létales", déclare Wagner. "L'espace fait partie intégrante de tout cela."
Texte original: Dawn Stover, "New War in Space", Popular Science, 18.8.02
Traduction & rewriting: Cap Ludovic Monnerat
© 1998-2002 CheckPoint Reproduction d'extraits avec mention de la provenance et de l'auteur
|