Le radar aéroporté Horizon de l'Armée de Terre française, un système précieux et performant
21 septembre 2003
e système radar Horizon développé en France est unique au
monde. Bien qu'ayant fait ses preuves durant la guerre du Kosovo, le nombre
restreint des plate-formes pose cependant la question de son rôle exact dans un
théâtre d'opérations.
Le système Horizon - pour Hélicoptère d'Observation et Radar
d'Investigation de Zone - a été développé pendant la guerre froide comme
senseur pour assister l'artillerie dans l'identification de véhicules mobiles à
combattre. La plate-forme utilisée est l'hélicoptère AS-532UL Cougar
d'Eurocopter. Trois de ces appareils et deux stations terrestres sont
organisées sous la forme de l'escadron Horizon, qui est incorporé au 1er
régiment d'hélicoptères de combat basé à Phalsbourg, en Lorraine.
«... L'escadron Horizon a démontré qu'il est capable de s'intégrer
utilement dans des exercices et des opérations de combat dans des zones
éloignées. »
Le senseur actif est le radar Target de Thales, multimode à
bande J, avec pour mode principal l'indication de cible mobile (ICM). Sa portée
est estimée à environ 160 kilomètres avec une résolution de 10 mètres et une
vitesse de la cible oscillant entre 8 et 280 km/h. Une combinaison de scanning
mécanique et électronique lui permet de couvrir 3000 km2 en 10 secondes. Les
officiers de l'armée française et les spécialistes de l'escadron Horizon le
décrivent avec fierté comme le «meilleur radar [ICM] de l'OTAN» en
raison de sa résolution et de sa fiabilité.
La fonction du radar consiste à détecter les véhicules en
mouvement, et il peut aisément classer les cibles entre véhicules chenillés,
véhicules à roues, hélicoptères à basse altitude ou bateaux. L'hélicoptère vole
à une altitude de 2400 à 4500 m en accomplissant sa mission. L'équipage de
quatre hommes comprend deux pilotes, un ingénieur de vol et un opérateur de
radar. Le système a un bus de données à micro-ondes Agatha de Thales, qui le
relie à une station terrestre dédiée et montée sur un camion. La station
terrestre, à son tour, est en communication avec l'échelon de commandement
approprié.
Le rôle opératif de l'Horizon
Dans sa configuration actuelle, la station communique avec le
Centre d'Opérations Interarmées du théâtre, mais elle pourrait être déléguée à
un quartier-général subordonné en cas de besoin. Les Français décrivent leur
cycle de décision comme senseur-commandant-tireur, disant qu'ils sont prêts à
tolérer un délai afin de vérifier les cibles. «Un officier expérimenté à la
station terrestre transmet les informations avec ses commentaires au COI»,
affirme un officier de l'escadron Horizon.
Ce processus n'est pas nécessairement encombrant. Pendant
l'opération «Strong Resolve», un exercice de l'OTAN mené en Norvège dans les
deux premières semaines de mars 2002, l'escadron Horizon a déployé deux
hélicoptères et deux stations terrestres dans le but d'appuyer la destruction
d'une force ennemie. Cette force a été considérée comme détruite dans les trois
minutes suivant sa détection.
Ce qui nous amène à la nature de ce système. Avec le temps,
les limites budgétaires et les demandes de l'Armée de Terre française ont contribué
à faire de l'Horizon un élément de niveau opératif. Mais cela traduit davantage
la rareté du système que son impact sur un théâtre d'opérations. En raison du
poids du radar, le Cougar n'est pas capable de décoller avec son plein de
carburant, de sorte que son autonomie est limitée à trois heures - y compris le
transit.
Concrètement, un hélicoptère donné recevrait la mission de
surveiller une zone précisément définie - un croisement, une vallée ou une
plage de débarquement - où une activité ennemie est attendue. Les appareils de
l'escadron fourniraient en se relayant une couverture du secteur. Un seul
escadron Horizon - et il n'y en a effectivement qu'un - n'est pas capable de
couvrir un théâtre tout entier, comme le font les avions américains E-8C JSTARS.
Alors que l'Horizon pourrait avoir un radar ICM plus précis, le JSTARS peut
surveiller une zone plus large. Est-ce qu'il est possible de les faire
travailler ensemble ?
En fait, les officiers de l'Horizon considèrent comme
essentiel que le radar de leur hélicoptère soit combiné avec d'autres senseurs,
y compris le JSTARS. Ce dernier détecte à longue distance un possible convoi
ennemi, et il peut charger l'Horizon de se déplacer pour voir de plus près.
L'Horizon, à son tour, pourrait signaler d'autres éléments d'information,
surveillance et reconnaissance (ISR), comme des avions sans pilote. Ce type
d'approche multisenseur pour l'ISR incarne certainement le futur de l'espace de
bataille électronique. Lorsque l'escadron Horizon a été déployé à Skopje en Macédoine,
pour appuyer les opérations de l'OTAN au Kosovo, il a agi de concert avec
d'autres éléments de reconnaissance.
Mais en réalité, trois hélicoptères et deux stations
terrestres ne sont pas suffisants pour s'embarquer dans une campagne prolongée.
Aucun commandant de théâtre ne va construire un plan sur la base de ressources
aussi limitées. Même s'il pouvait être en mesure d'incorporer l'escadron
Horizon à son plan, le risque d'une panne mécanique, d'une perte au combat ou
d'un autre événement mettant un hélicoptère hors service dégraderait
sérieusement les capacités opérationnelles de l'unité. En fonction du budget,
l'escadron veut passer à quatre hélicoptères. Il compte employer ses Cougars
jusqu'en 2020, lorsque des hélicoptères NH90 pourraient lui être fournis. «Les
Américains doivent gérer les ressources», a déclaré un observateur
français. «Les Français doivent gérer la rareté.»
Plusieurs évolutions prévues
Tacitement, les membres de l'escadron Horizon reconnaissent
que leur nombre restreint d'hélicoptères et de stations terrestres limite
sérieusement leurs capacités opérationnelles. Une partie de ces limites remonte
à la conception. L'Armée de Terre n'a pas retenu l'Horizon pour ses propres
forces, et son but original comme plate-forme de ciblage pour l'artillerie a
été totalement oublié. On le considère comme un élément qui remplit certains
besoins de l'OTAN, comme l'ont montré des exercices comme «Strong Resolve» et
même des missions telles que le Kosovo, et l'Armée de Terre semble satisfaite d'engager
l'Horizon dans le contexte de missions spécialisées pour des opérations
interarmées avec l'OTAN.
L'Horizon est le premier radar héliporté de l'Armée. Il
découle d'un programme nommé Orchidée, où pour l'essentiel le même radar ICM
était monté sur un hélicoptère Super Puma, mais qui avait en plus un bus de
données direct pour permettre l'interoperabilité avec le JSTARS. L'Armée de
Terre a évalué Orchidée à la fin des années 80, puis annulé le programme en
1990. Malgré cela, la Guerre du Golfe l'année suivante a amené la France à
envoyer le prototype en Arabie Saoudite.
Pendant la guerre, l'appareil a rempli un certain nombre de
missions d'observation ICM pour les hélicoptères AH-64 Apache de l'US Army
ainsi que pour les Jaguars et les Mirages de l'Armée de l'Air française.
L'expérience a été suffisamment positive pour que l'Armée de Terre commande
l'Horizon, qui représentait une configuration simplifiée avec des composants
terrestres et aucune interopérabilité JSTARS. Une demande initiale de six appareils
a finalement été ramenée à quatre, dont trois ont été livrés.
Bien que simplifié par rapport à son incarnation antérieure,
Horizon a bénéficié des développements en matière de technologie C4I et de
procédure durant les dernières années. En plus de son bus de données vers la
station terrestre, l'hélicoptère a une radio VHF cryptée pour les
communications orales et un système d'identification ami/ennemi pour lui
permettre d'opérer en toute sécurité, à des altitudes élevées et dans un espace
aérien chargé. Il possède à la fois un GPS et une navigation inertielle. Le
traitement de données permet à son récepteur radar de fonctionner comme système
de mesures d'appui électronique.
Certaines discussions sont en cours pour ajouter une capacité
de radar à ouverture synthétique à l'avenir, bien qu'il n'est pas clair que la
plate-forme puisse le supporter. Des problèmes de poids et d'interférence
d'antennes devraient être résolus. Plus immédiatement, toutefois, une
mise-à-jour est planifiée pour réduire le poids et ainsi permettre à l'horizon
de rester engager pendant trois heures, en plus du transit.
Chaque hélicoptère Horizon est entièrement équipé pour le
déploiement sur le champ de bataille. L'antenne du radar a des lobes latéraux
très bas et une agilité de fréquence pour résister aux contre-mesures
électroniques, y compris les missiles antiradars. L'équipement de guerre
électronique comprend un récepteur d'alerte radar Fruit et un système
avertisseur de missile en approche Damien de Thalès, ainsi qu'un épandeur de
contre-mesures Saphir de MBDA. De plus, Horizon a un dégivreur qui lui permet
de fonctionner dans les nuages, ce qui réduit sa signature.
Les limitations liées à l'utilisation d'un hélicoptère du
champ de bataille comme plate-forme de surveillance radar terrestre pourraient
amener à se poser la question suivante : pourquoi ne pas utiliser un
avion ? Les officiers de l'escadron Horizon affirment qu'un hélicoptère
offre l'avantage d'un déploiement discret sur le théâtre d'opérations. Par
ailleurs, une version navale de l'hélicoptère est actuellement examinée, de
même qu'une version embarquée de la station terrestre. Plus important encore,
une plate-forme héliportée fournit la possibililté de surveiller un secteur
donné avec une haute résolution. Et il vaut la peine de considérer que les
forces terrestres ont une grande expérience du travail avec les hélicoptères.
L'escadron Horizon a démontré qu'il est capable de s'intégrer
utilement dans des exercices et des opérations de combat dans des zones
éloignées. Par dessus tout, il a permis aux commandants français d'explorer le
développement d'opérations interarmées en impliquant des senseurs multiples et
superposés. L'expérience de l'escadron Horizon va probablement être précieuse
dans les batailles aéroterrestres de l'avenir.
Texte original: Michael Puttré, "France's Unique Horizon", Journal of Electronic Defense, August 2003
Traduction et réécriture: Maj EMG Ludovic Monnerat