Entre homme et robot, le combattant du XXIème siècle sera le fer de lance des armées
25 janvier 2003
es progrès en matière de biotechnologie, de médecine et de génie génétique permettent d'imaginer un combattant intégrant jusqu'à la fusion l'homme à la machine. Mais est-ce que les solutions technologiques extrêmes seront-elles adaptées aux exigences opérationnelles et aux contextes stratégiques ?
Les forces aériennes peuvent effectuer un grand nombre de missions, mais elles ne sauraient en aucune manière occuper le terrain, ce qui reste indispensable dans les missions de maintien ou de rétablissement de la paix et a fortiori de contre-terrorisme. La place de l'homme reste d'autant plus centrale qu'il est aussi le senseur le plus perfectionné à la disposition des forces, la base même du système d'information. Aussi est-il d'abord protégé en fonction de ses missions : les soldats occidentaux bénéficient systématiquement de gilets pare-balles mais aussi de tenues plus seyantes, laissant respirer la peau et ayant de bonnes propriétés thermiques.
«... La place de l'homme reste d'autant plus centrale qu'il est aussi le senseur le plus perfectionné à la disposition des forces, la base même du système d'information. »
Depuis les années 80, le casque "Fritz" fait sa réapparition, protégeant la nuque et les oreilles des ondes de choc sonores, mais il est cette fois en Kevlar. Les brêlages, porte-chargeurs et autres petits équipements sont conçus de façon ergonomique, comme son arme, qui tend à devenir ambidextre et qui, pour certaines, laissent voir ce qu'il reste de munitions au travers d'un chargeur transparent. Les lunettes de protection font leur apparition, avant qu'elles ne soient dotées d'une protection contre les lasers : les yeux sont le premier senseur du combattant.
Devant la menace biologique, les cocktails de vaccins se raffinent, non sans qu'ils soient remis en cause. Devant le chimique, le soldat emporte des seringues d'atropine et des comprimés de pyridostigmine devant protéger un tiers de ses centres nerveux en cas d'absorption de gaz neurotoxiques. Les rations de combat ont fait l'objet d'études les optimisant diététiquement. Chaque domaine de son environnement au combat aura été amélioré. Mais en contre-partie, il s'alourdit dangereusement : le soldat américain moyen prend 63 kilogrammes avec lui pour partir au combat. Et comme la condition physique moyenne aux Etats-Unis comme en Europe est inférieure a ce qu'elle a pu être, la résistance à l'effort est moindre, de sorte que les standards de formation ne peuvent pas être augmentés aussi rapidement que n'augmente le poids des équipements.
Pourtant, celui-ci devra tout aussi logiquement augmenter : la domination informationnelle implique de dépasser l'interconnexion des véhicules pour atteindre les hommes. Global Positioning System (GPS), radios individuelles, lunettes de vision nocturne, ordinateurs portables voire caméras et leurs batteries s'ajouteront vraisemblablement au paquetage des unités combattantes. La limite du physiquement supportable sur des durées respectables sera donc assez rapidement atteinte, et deux catégories de modèles – non-exclusifs – pourraient se dessiner: l'un que l'on peut appeler néo-conventionnel, et l'autre qui mène directement au cyborg.
Le modèle néo-conventionnel
Ce modèle vise l'utilisation de techniques éprouvées ou en cours de développement et leur intégration à l'équipement d'un soldat lié aux systèmes d'armes dont il se sert, reproduisant conceptuellement l'approche de l'Human Ressources Research Office (HUMRRO) de l'US Army. L'utilisation des nanotechnologies permettra assez rapidement de minimiser le poids des équipements emportés, un objectif poursuivi par l'Institut des nanotechnologies pour le soldat, créé en mars 2002 au MIT. Recevant 50 millions de dollars sur cinq ans, cet institut va aussi travailler sur certains polymères qui, une fois électriquement stimulés, réfractent la lumière différemment, rendant le soldat presque invisible.
Dans le même temps, le travail se poursuivra sur les tenues "caméléon" : utilisant les mêmes principes, leurs couleurs s'adaptent automatiquement au milieu ambiant. A plus long terme, le MIT développera aussi des muscles artificiels engrangeant l'énergie lorsque le soldat marche ou court et la restituant lors d'un saut, par exemple. Au-delà, les Army Science and Technology Master Plan de 1997 et 1998 proposaient la notion d'Human System Integration (HSI), incluant plusieurs champs de développement techniques : l'Information display and performance enhancement qui vise l'acquisition de la domination informationnelle au niveau du combattant et qui, pour ce faire, multiplie les senseurs à sa disposition ; et le Design integration and supportability qui permettra d'améliorer l'efficacité au combat des équipements et leur coût de revient, tout en intégrant de façon optimale l'ensemble des systèmes.
L'ensemble comporte des "a-côtés", comme l'intégration au réseau de simulation SIMNET et l'intégration des personnels dans les réseaux C4I2, qui sont déjà partiellement réalisées au travers du Land Warrior. Soldat aux aspects relativement futuristes, le Land Warrior vise d'abord la létalité, ensuite la survivabilité et enfin l'intégration aux réseaux C4I2. Il est lié à son arme dans la mesure où le viseur thermique et la caméra vidéo de cette dernière sont connectés au calculateur que le combattant porte dans le dos, les images recueillies étant projetées à l'intérieur de ses lunettes – ce qui lui permet de tirer sans être exposé. Au travers de son équipement de communication, des graphiques et des données peuvent aussi apparaître sur son Integrated Helmet Assembly Subsystem (IHAS). De plus, le combattant dispose d'une protection balistique renforcée et les inconvénients de poids ont été pris en compte dans la conception de l'équipement.
«... Soldat aux aspects relativement futuristes, le Land Warrior vise d'abord la létalité, ensuite la survivabilité et enfin l'intégration aux réseaux. »
Lancé en 1991, le programme a impliqué un investissement de deux milliards de dollars et 45000 exemplaires seront opérationnels jusqu'en 2014. Dans le même temps, la France mettra en service le Félin, suivant une approche comparable. Et tout comme son équivalent américain, ce système devrait bénéficier régulièrement d'améliorations, de sorte que vers 2020 de nouvelles options pourraient se dessiner, clôturant totalement l'espace sans pour autant robotiser complètement le combattant. Les essais menés à partir des années 90 sur "le fantassin du futur" montrent ainsi des hommes dotés de combinaisons intégrales et capables de livrer combat dans des environnements caractérisés par une très haute létalité.
Le démonstrateur technologique français ECAD ne voit le monde extérieur qu'à travers la caméra montée au sommet de son casque et dont les images sont projetées sur sa visière. Par ailleurs, ces mêmes images peuvent être transmises sur l'ordinateur portable du chef de groupe. Les bruits lui proviennent au travers d'un micro ostéophone et sa combinaison ventilée est parfaitement adaptée aux environnements Nucléaire, Biologique et Chimique. Bien entendu, son arme est équipée de senseurs équivalents à ceux du Land Warrior. Et si l'adoption des chaussures anti-mines a été un échec, il semble bien que le reste des sous-systèmes aient eu le comportement attendu et que l'ECAD restera sans doute le modèle du démonstrateur technologique d'infanterie.
Le modèle cyborg : l'ultime limite ?
Les progrès en matière de biotechnologie, de médecine et de génie génétique ont produit dans le civil ce que les militaires n'ont pas encore fait. Les prothèses remplaçant des membres ou le cœur se généralisent, on travaille sur le sang et l'œil artificiel. Les connaissances en virologie progressent, le code génétique est percé et la possibilité de "reprogrammer" un humain est discutée dans les parlements. L'éthique comme l'information sont centrales et tous les espoirs sont autorisés. A ce stade, nous n'en sommes plus à la connectique techno-humaine, nous en sommes à l'intégration bionique, ou selon Joël de Rosnay à une biotique hybridant l'homme et la machine.
Certains modèles conceptuels ont déjà embrayé et montrent un humain-système, conceptuellement découpé en wetware (sous-systèmes hormonaux, cardiaques, cognitifs) ; software (entraînement, réflexes acquis et innés) et hardware (sous-systèmes musculaires, osseux et intégration corporelle). Continuité logique de la vision de l'HUMRRO, elle est militairement intéressante en fondant le combattant dans un magma de disciplines devant optimiser chacune de ses fonctions. Ainsi, suivant une vision dépassant l'ECAD, les Américains travaillent à rendre les combinaisons d'infanterie non plus intelligentes (la régulation de la ventilation ou de sons extérieurs), mais "brillantes". Connecté à sa combinaison, le soldat se verra injecter des oligo-éléments ou des composés servant à son alimentation. Son rythme cardiaque sera évalué en permanence et il sera localisable du fait d'un GPS intégré.
La technologie civile, plus que son pendant militaire, a fait dans ce domaine des progrès étonnants. Les actuateurs utilisés en aviation – des petits moteurs électriques commandant les surfaces de contrôle – pourraient être facilement utilisés pour mouvoir des membres artificiels. A ce stade, la technologie clef sera invisible : le "nano", en permettant la miniaturisation, autorisera des combinaisons légères, peu encombrantes et renforçant la mobilité comme la maniabilité. Selon de Rosnay, les nanotechnologies biocompatibles permettront de mettre l'homme en réseau : avec l'extérieur, mais aussi avec lui-même. Des biopuces, une fois fondues dans les protéines corporelles, permettraient de communiquer avec elles et d'améliorer physiquement l'homme au niveau atomique, impliquant un réseau de transmetteurs, y compris hormonaux afin de modifier des fonctions métaboliques.
Ces mêmes biopuces pourraient ainsi produire des médicaments dont la dosimétrie serait pratiquée en temps réel. Il ne s'agit plus ici d'HSI, mais bien d'Human Performance Enhancement (HPE). Le programme PITMAN, mené à la fin des années 90, visait ainsi à mettre au point un exosquelette de 100 kilos capable de résister à des balles de 12,7 mm et d'utiliser les influx nerveux du soldat, avec des implants comme intermédiaires. Si des expériences impliquant de tels implants ont été menées à partir des années 70 sur des chiens et des rats à Stanford, il semble que ce soit l'US Army qui ait été la plus intéressée.
«... Les nanotechnologies sont considérées comme essentielles, et le combattant bionique pourrait devenir la clef des opérations de demain. »
Dans un contexte où la recherche est systématiquement planifiée et orientée pour atteindre ses objectifs, les nanotechnologies sont considérées comme étant aussi essentielles que les armes lasers, de sorte que le combattant bionique pourrait, bien plus que le char, devenir la clef des opérations de demain. Mais il ne constitue pas encore l'étape ultime de la technologisation de l'homme. Les percées en génie génétique laissent entrevoir leur militarisation car, comme l'écrit Laurent Murawiec, "on compte sur le génie génétique pour développer l'aptitude à l'apprentissage, et à l'acquisition de compétences, et améliorer les performances de l'appareil sensoriel, grâce au développement de stimulants". Effectivement, une généralisation des tests ADN laisse entrevoir la possibilité de sélectionner les meilleurs candidats à une fonction militaire précise, voire la manipulation d'embryons afin de leur faire acquérir ces capacités.
Mais s'il constitue le sommet de la technoscience appliquée au fantassin, un "eugénisme militarisant" ou même un "militaro-cyborgologisme" ne semblent toutefois pas assurés. Même les plus fervents partisans d'une technicisation à outrance des forces américaines tendent à le rejeter, autant pour des facteurs éthiques que par le manque d'emphase sur des concepts plus traditionnels comme le moral ou l'entraînement. Cependant, c'est justement parce que l'homme manipulé génétiquement n'est pas un fatras technologique sommant la nanotechnologie et l'humain que cette position pourrait changer.
Un cadre stratégique pour demain
Si le combattant robotisé pourrait raisonnablement devenir le fer de lance des armées post-modernes, il accentuera sans doute la différenciation des rôles, contribuant à la complexification et à l'émergence de cultures et de sous-cultures dans les organisations militaires. Au-delà, il sera sans doute l'expression quasi-triomphante et toujours remise en question de la notion de supériorité technologique avec ce qu'elle peut drainer politiquement. C'est ainsi que plusieurs auteurs avaient vu dans le différentiel technologique existant au XIXème siècle la principale raison de la colonisation ; le cyborg pérennisera-t-il cette vision ? Des Territoires occupés à la Sierra Léone, c'est la guérilla plutôt que la guerre classique qui triomphe. Et un combattant info-connecté, info-dominant y semble mieux adapté que le soldat américain de la guerre du Vietnam. En termes filmographiques, nous nous rapprocherions donc de l'Universal Soldier humain plutôt que d'un Terminator robotisé.
Quelle que soit l'intensité techno-biochimique du combattant, celle-ci se heurte à une série de problèmes récurrents dans l'histoire militaire. L'info-dépendance des organisations militaires occidentales nécessite des systèmes permettant de trier et de fusionner les informations, et donnant au combattant les plus importantes. L'automatisation constitue elle aussi une forme de réponse. Mais rien ne remplacera jamais le raisonnement humain dans ces évaluations. Les conflits ne se technologisent pas nécessairement; ils ont au contraire tendance à s'humaniser de plus en plus. Dans cette optique, le soldat de demain devra sans doute avoir une connaissance plus profonde que jamais de son environnement.
La connaissance des langues et des cultures locales, un sens aigu de la diplomatie et de la psychologie deviennent des atouts dans la conduite des opérations. C'est tout le sens donné aux bataillons de reconnaissance des nouvelles brigades américaines. Comptant les classiques éléments de reconnaissance offensive, ils disposeront aussi d'une capacité de retransmettre en temps réel des interviews, d'ordinateurs à synthèse vocale pouvant effectuer une traduction en temps réel et pourront être reliés par vidéo à des traducteurs. La domination informationnelle s'immisce ainsi dans des secteurs non-quantifiables du combat.
«... En termes filmographiques, nous nous rapprocherions donc de l'Universal Soldier humain plutôt que d'un Terminator robotisé. »
Au-delà, c'est à une réforme en profondeur du combattant que l'on arrive : mi-robotisé, il est connecté en permanence à toutes les sources d'informations qui peuvent lui être utiles sur le terrain. Les opérations israéliennes dans les villes palestiniennes nous en offrent un bon exemple : à l'optimisation des matériels pour ces opérations s'est ajoutée une systématisation de l'acquisition du renseignement par des moyens électroniques, visuels et humains. Les opérations dans les Territoires constituent sans doute une alternative aux visions traditionnelles du combat urbain (l'anéantissement russe de Grozny et la progression linéaire allemande de Stalingrad). L'affinement des stratégies montre qu'il existe une réelle problématique du combattant dans un environnement aussi hostile : il est balistiquement aussi vulnérable que ses approvisionnements. Le cyborg y serait aussi à son aise que dans des zones plus classiques du combat comme le désert ou le terrain ouvert.
Au surplus, les forces armées actuelles – en particulier israéliennes et américaines – sont structurellement toutes disposées à l'accueil de tels combattants. Le peloton de combat tendra à devenir l'unité référentielle de base, non plus dans les seules forces spéciales – qui sont aussi les plus susceptibles de compter un combattant cyborg – mais aussi dans l'ensemble des autres unités de combat, comme le montre l'ampleur du programme Land Warrior. Du point de vue des tactiques et des stratégies, rien ne tend à prouver que le cyborg serait antinomique des conceptions classiques ou actuelles, bien au contraire. L'accélération des rythmes de combat autant que sa létalité y pousseraient plutôt. En somme, le cadre d'accueil du cyborg est prêt.
L'éternelle recherche du soldat idéal
Au regard des technologies militaires utilisées, le combattant a formidablement évolué au travers des âges, contrairement toutefois à la fonction que devaient remplir ses équipements. Et si les historiens comme les amateurs trouvaient dans les uniformes et les cuirasses des champs d'intérêt démontrant la variété esthétique des équipements, assez peu se sont intéressés au devenir du combattant en tant que tel. Tout combattant, quelque soit son époque, doit en effet faire face aux trois mêmes impératifs qui se retrouvent dans la conception des chars : le feu et/ou le choc, la protection et la mobilité.
La capacité de létalité permise à chaque homme, puis à chaque groupe de combat, augmente assez régulièrement et atteint aujourd'hui des sommets. Le découplage entre létalité et capacité de feu à distance permet ainsi une netwar et fait émerger le concept de swarming développé par la RAND Corporation, une guérilla très ponctuelle mais ultra-active. Toutefois, si le blindé est caractérisé non par sa mission mais bien par son mode de protection, il en est de même du combattant jusqu'à une certaine époque : le cuirassier représente le fer de lance des armées modernes comme le chevalier – en armure ou en cote de maille – représentait le défenseur ultime de la féodalité. Mais ce combattant ne sera pas protégé que physiquement. Dans des environnements aussi non-conventionnels que ceux que nous connaissons, sa psychologie sera un élément-clef de son efficacité.
Par ailleurs, la mobilité du combattant autant que celle du char est souvent présentée comme une des clefs de sa survie. Et si le débat entre chenille et roue continue d'agiter le monde industriel, il ne fait finalement que déplacer la problématique du remplacement du cheval. Permettant au cavalier de disposer d'un blindage, lui assurant une maniabilité que peu de véhicules peuvent lui prodiguer, le cheval avait l'inconvénient de ne pas être inépuisable et d'avoir une vitesse limitée. Organisme vivant, le cheval ne pouvait subir ce que le blindé subit.
Or, si le second a pris le pas sur le premier, la tendance pourrait s'inverser et le principe même d'une mobilité absolue associée au blindage et à la puissance de feu pourrait réémerger. Sacré roi du second conflit mondial, étalon de mesure de la puissance conventionnelle durant la guerre froide, le char ne semble plus adapté aux défis contemporains. Lourd, il ne peut être facilement aéroporté ou participer massivement à des opérations amphibies. Relativement peu maniable, gourmand en carburant, il semble mal adapté aux conditions de combat urbain vers lesquelles nous nous dirigeons.
Irait-on donc vers une sorte de retour au chevalier, par l'intermédiaire du cyborg et de son extension génétiquement modifiée ? Quels que puissent être les futurs, il apparaît donc assez clairement que la connectique et la bionique ne représentent plus des avatars de la science-fiction, mais bien des options de recherche scientifiquement explorées et politiquement encouragées au travers des différents documents de planification américains.
«... Les mutations actuelles ne cesseront sans doute jamais de nous interpeller sur les véritables finalités d'une intégration si poussée du vivant à la machine. »
Si le combattant robotisé ne contrevient pas en soi à ces conflits, il pourrait toutefois le faire d'un point de vue conceptuel. D'une part, il dépend encore largement de percées techniques qui restent soit à accomplir, soit à militariser. D'autre part, sa dépendance technologique est une faiblesse en soi. Pour mener des opérations audacieuses, il a besoin d'informations qui peuvent êtres faussées, brouillées ou absentes. Il a aussi besoin de ressources énergétiques qui ne seront pas systématiquement disponibles sur un terrain qu'il devra pourtant continuer à occuper. De plus, son intensité technologique ne le dispensera pas d'apprendre les bases millénaires d'un art de la survie et du combat qui pourrait bien lui sauver la vie en cas de faille de son équipement. De ce point de vue, quelles que puissent être les avancées de la technologie, celle-ci ne saurait être que la prolongation de l'esprit humain.
Par-dessus tout, les mutations actuelles en matière de connectique comme de bionique ne cesseront sans doute jamais de nous interpeller sur les véritables finalités, philosophiques et politiques, d'une intégration si poussée du vivant à la machine. La clôture du monde, son paramétrage absolu, systématique, et la recherche de la performance ne semblent pas jusqu'ici être antagonistes d'une efflorescence de la conceptualisation philosophique. Mais l'histoire nous apprend que les extrêmes conceptuels conduisent aux catastrophes, parce qu'ils nous empêchent de réellement optimiser les réponses aux situations, pour ne nous faire voir que les solutions extrêmes. Comme le cyborg et ses avatars.
Joseph Henrotin
Ce texte est un extrait d'une étude intitulée "L'homme, le char et le robot. Clôture de l'espace, connectique et bionique du soldat", que M. Henrotin à rédigée dans le cadre de l'Université Libre de Bruxelles. Titulaire d'une licence et d'un DEA en sciences politiques, il écrit actuellement une thèse, dont le titre est "Génétique stratégique et effectivité de la Révolution dans les Affaires Militaires".