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L'attentat-suicide palestinien est une arme simple et meutrière, mais surtout à double tranchant

29 septembre 2002


Cérémonie du HamasD

epuis la nouvelle phase du conflit israélo-palestinien, entamée voici 2 ans, l'attentat-suicide s'est révélé une arme meurtrière et peu coûteuse. Toutefois, son efficacité destructrice n'implique pas un succès stratégique. Analyse.

Surnommée "Intifada d'Al-Aqsa", cette phase a commencé à la fin de septembre 2000: le 27, deux bombes explosent sur le passage d'un convoi militaire israélien, tuant un soldat par une attaque d'une violence sans précédent depuis deux ans; le 28, Ariel Sharon visite l'Esplanade des mosquées et suscite l'ire des Palestiniens, qui le lendemain affrontent au même endroit la police israélienne, dont les tirs à balles réelles font 7 victimes. Lorsque l'Autorité palestinienne déclenche une grève générale, le 30, c'est bien une stratégie basée sur la confrontation et l'usure qui est lancée de part et d'autre. Avec pour différence principale que les armes favorites des Palestiniens ne sont plus les frondes et les cailloux, mais les fusils d'assaut, les mortiers et surtout les ceintures d'explosifs.

«... Avec 257 morts dont 233 civils, la bombe humaine est l'arme palestinienne à la fois la plus meurtrière et la plus aveugle de cette sixième guerre israélo-arabe. »
«... Avec 257 morts dont 233 civils, la bombe humaine est l'arme palestinienne à la fois la plus meurtrière et la plus aveugle de cette sixième guerre israélo-arabe. »

Le visage du conflit a ainsi irrémédiablement changé. Entre le 9 décembre 1987 et le 13 septembre 1993, soit entre le déclenchement de la première intifada et la signature des accords d'Oslo, 142 Israéliens ont été tués et 6899 blessés par les activistes palestiniens, principalement au cours d'actes terroristes, et environ 73% des pertes avaient été subies par les Forces de sécurité israéliennes. En revanche, depuis 2 ans, les Israéliens dénombrent 622 tués et 4584 blessés suite aux activités palestiniennes, et 70% d'entre eux étaient des non-combattants civils, alors même que l'organisation pro-palestinienne Miftah accuse Israël d'avoir tué 65% de civils parmi les 1741 victimes palestiniennes qu'elle a recensées début septembre. Cette spectaculaire inversion de tendance s'explique principalement par la généralisation d'une arme alors peu courante dans la région: l'attentat-suicide.


Une arme en développement

Avec 257 morts dont 233 civils, la bombe humaine est l'arme palestinienne à la fois la plus meurtrière et la plus aveugle de cette sixième guerre israélo-arabe. Elle a certes été utilisée à 61 reprises durant le "processus de paix" avec des effets terribles; le 25 février 1996, un membre du mouvement Hamas s'est par exemple fait exploser à bord d'un bus à Jérusalem, tuant 26 personnes et en blessant 80. Mais depuis deux ans, ce sont 90 terroristes suicidaires qui ont mis feu à leur charge à proximité de cibles israéliennes, avec 55 tentatives ratées ou contrecarrées par les forces de sécurité. Le premier "islamikaze" a ainsi tenté sans succès de tuer des soldats de Tsahal près de la colonie de Kissufim, le 26 octobre 2000, et il faudra attendre le 3 mars 2001 pour qu'un premier attentat suicidaire fasse 3 morts et 50 blessés.

Durant les premiers mois de la guerre, les explosifs confectionnés par les artificiers palestiniens restaient assez rudimentaires. Ils étaient initialement composés de péroxyde d'acétone, une substance possédant 80% de la puissance destructrice du TNT et pouvant être facilement préparée avec des produits disponibles dans le commerce, à savoir l'acétone, le péroxyde d'hydrogène et l'acide chlorhydrique; en outre, ils ne pesaient en moyenne que 2 kg, possédaient parfois un allumage à mèche et ne devaient leur létalité qu'aux nombreux clous et boulons fixés sur l'explosif. Les manipulations nécessaires et l'instabilité du péroxyde d'acétone ont néanmoins entraîné plusieurs détonations prématurées, par le fait de la chaleur ou des balles israéliennes.

Tout au long de l'année 2001, les organisations terroristes ont cependant reçu des quantités croissantes d'explosifs militaires comme l'hexogène ou le plastic, qui ont l'avantage d'être à la fois plus puissants – 118% par rapport au TNT – et bien plus stables. Les artificiers ont pu dès lors préparer des charges d'une efficacité nettement supérieure, et dont le poids atteint désormais 10, 15 et même 30 kg pour une utilisation individuelle ou en binôme. A la fin de mars 2002, des soldats israéliens ont ainsi intercepté une ambulance palestinienne contenant 16 charges de 10 kg dissimulées dans un brancard. Par ailleurs, les explosifs ont reçu des détonateurs électriques, et il suffit de joindre deux fils ou d'enclencher un levier pour les mettre à feu.

Attentat-suicide, 27.1.02

Même si ce progrès matériel n'est pas une garantie absolue de succès, l'impact des attentats-suicides n'en a pas moins pris des proportions gigantesques: du 20 au 31 mars 2002, une série de 8 attaques a fait par exemple 79 morts et 358 blessés dans la population israélienne, et amené le gouvernement d'Ariel Sharon à déclencher une opération militaire d'une envergure jusqu'alors sans précédent ("Bouclier Défensif"). A elle seule, la puissance des charges a permis de surmonter les mesures de surveillance et de contrôle sans cesse accrues et de faire des ravages. Toutefois, l'inflation constante des explosifs a diminué la discrétion des opérations palestiniennes, comme l'a montré l'interception par la police, le 5 septembre dernier, d'un camion transportant une charge de 600 kg – de quoi dévaster un quartier entier.

«... Après deux ans d'améliorations constantes, la combinaison formée par le martyr fanatique et la ceinture d'explosifs reste ainsi la meilleure formule de l'attentat-suicide. »
«... Après deux ans d'améliorations constantes, la combinaison formée par le martyr fanatique et la ceinture d'explosifs reste ainsi la meilleure formule de l'attentat-suicide. »

Après deux ans d'améliorations constantes, la combinaison formée par le martyr fanatique et la ceinture d'explosifs reste ainsi la meilleure formule de l'attentat-suicide. Son principal avantage n'est autre que sa modicité: dans la mesure où les explosifs sont fournis gratuitement aux organisations palestiniennes par des pays voisins, de nombreux jeunes gens élevés dans l'idéologie du jihad et/ou dans la haine anti-israélienne n'ont besoin que d'un investissement oscillant entre 150 et 300 francs pour payer leur passage à travers les mailles de la sécurité israélienne. La nature même des explosifs facilite leur dissimulation dans maints objets domestiques, et toutes les mesures de filtrage, de contrôle et de profilage mises en place par Tel Aviv ne peuvent empêcher à coup sûr un terroriste astucieux ou chanceux de parvenir à ses fins.

Mais l'efficacité même de l'attentat-suicide constitue sa principale faiblesse stratégique. A peu près impuissants face à des objectifs militaires aux aguets – et les éléments de Tsahal le sont –, les terroristes suicidaires palestiniens ne parviennent qu'à additionner les tueries indiscriminées de non-combattants et à ruiner l'image ou le sens de leur combat. Malgré les souffrances sans équivalent de la population palestinienne, la communauté internationale a fini par banaliser les opérations des forces armées israéliennes à un point tel que leur présence permanente en "zone A" et leurs couvre-feux interminables ne suscitent plus guère de réprobation. De plus, la société israélienne a été soudée par ces attaques directes, alors même que la société palestinienne est de plus en plus fragilisée par la dissension.

Au niveau opératif, l'attentat-suicide n'est pas non plus infaillible. La fanatisation des candidats au martyre entraîne en effet une démoralisation si profonde, en cas d'échec et de capture, que le Shin Bet en tire une mine de renseignements permettant de connaître avec précision les filières de passage et les commanditaires des attaques. De plus, la décision controversée du gouvernement Sharon de détruire les maisons des auteurs d'attentats-suicides a eu pour conséquence non seulement de contrebalancer les primes reçues par leurs familles – jusqu'à 30'000 dollars – mais également d'inciter celles-ci à décourager leur progéniture. Dans certains cas, des parents impuissants ont même dénoncé leur enfant aux services israéliens pour que ces derniers l'interpellent avant son suicide.

Il n'en demeure pas moins que le terrorisme suicidaire continuera de frapper au Proche-Orient pour les années à venir, aussi longtemps qu'une organisation terroriste aura les moyens d'y recourir. Pour l'heure, une faible majorité de Palestiniens continuent de soutenir ces attaques que l'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International a qualifiées de crimes contre l'humanité. Les ceintures d'explosifs auront une place de choix dans l'arsenal asymétrique du siècle en cours.




Cap Ludovic Monnerat    



Sources

The International Policy Institute for Counter-Terrorism, Israeli Defense Forces, Solidarité Palestine, Miftah, B'T Selem, The Palestinian Human Rights Monitoring Group, StrategyPage.com.





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