La logistique britannique aux Malouines : des erreurs qui ont mis en péril les opérations
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6 septembre 2004
'équilibre entre les besoins découlant des opérations et les possibilités offertes par la logistique constitue l'une des clefs des actions militaires. L'exemple des Britanniques aux Malouines montre les risques qu'impliquent un intérêt insuffisant pour les facteurs logistiques.
Pour le monde entier, la guerre des îles Malouines apparut comme une folie se développant de manière lente. Une armée moderne s’est efforcée de se déplacer sur 12 000 kilomètres à bord de luxueux bateaux de croisière afin d’engager un ennemi du Tiers-Monde décrit comme désintéressé, stupide et somnolent. L'étincelle improbable qui déclencha les hostilités fut l'arrivée d'une équipe de sauvetage argentine à bord d'un tas de ferraille dans une station de pêche désertée depuis longtemps, sur une île près de l'Antarctique sous souveraineté britannique. Mais quand Anglais et Argentins se rencontrèrent finalement, la lutte fut féroce et l'issue du combat souvent douteuse.
«... Les soldats portaient plus de 50 kilos durant leur avance. Avec chaque étape, la croûte des marécages s'était creusée, les forçant à marcher péniblement à travers un mélange de glace et de boue. »
La bataille pour les Malouines en 1982 fut un terrain d'essai pour les technologies avancées et une étude classique sur la projection de forces sur des lignes de communication étendues. La guerre des Malouines fournissait aux commandants un bon nombre d'aperçus sur les opérations combinées interarmées modernes aux niveaux tactique et opératif. Les opérations logistiques ténues de la Grande-Bretagne étaient particulièrement révélatrices, dans le contexte d'une opération rapide de déploiement dans une zone non-développée. Dans ce cadre, le lien entre la logistique et les opérations étaient proches et vitaux. Quand commandants et planificateurs ont ignoré les concepts logistiques pour une planification opérationnelle plus rapide, le prix a été payé en hommes et la marge de victoire est devenue plus que fine.
Le prix de l’insuffisance logistique
Dès le départ, les considérations politiques ont influencé la planification militaire. Quand l’armée argentine s’empara des îles Malouines le 2 avril 1982, les politiciens britanniques demandèrent immédiatement le déploiement de leurs forces et une victoire sans appel. Cependant, aucun plan pour cette éventualité n’existait, et la Royal Navy et l’Air Force n’avaient virtuellement aucune capacité stratégique logistique. Néanmoins, en l’espace d’une semaine, les planificateurs militaires ont réquisitionné 50 navires marchands ainsi que 500 000 tonnes d’approvisionnement de l’OTAN, et ont développé une zone-étape avancée.
Des décisions furent prises dans les premiers jours de la crise des Malouines qui eurent des répercussions sur la logistique durant toute la guerre, en commençant peut-être par les procédures de mise en alerte britanniques. Peu après l’invasion argentine, le brigadier Julian Thompson, commandant la 3e brigade de commandos des Royal Marines, fut averti que son unité serait déployée. On lui interdit cependant de divulguer cette information ou même de faire des préparatifs. Cette préoccupation du secret créa un retard dans le déplacement de réserves critiques vers les ports d’embarcation, ce qui laissa à l’unité seulement trois jours pour se déplacer.
De plus, les Britanniques étaient si pressés qu’il n’eurent pas le temps de s’occuper du chargement des bateaux de combat. Initialement, un plan est basé sur une analyse de mission, le plan de manœuvre, et l’organisation pour le combat. Les bateaux peuvent ainsi être chargés de manière à ce que les unités combattantes, leur équipement et leurs réserves touchent la plage ensemble et de manière séquencée. Un chargement de combat judicieux répartit aussi les hommes et le matériel parmi les vaisseaux du convoi afin d’amoindrir l’impact causé par la perte d’un navire. Logisticiens et commandants embarquant pour les Malouines échouèrent face à ces différentes demandes.
Les planificateurs britanniques n’ignoraient pas ces principes. La nécessité politique prévalut simplement sur les procédures militaires. Des tonnes de stock ont été chargés sur les bateaux avant même que le spectre total de la mission ne soit clair et les unités de combat au sol choisies. Des caisses non étiquetées et non classées de pièces de rechange et d’équipement furent entassées à bord des vaisseaux. De plus, même correctement marquées, ces pièces critiques furent placées au fond des navires, les rendant difficiles à retrouver avant que les soldats n’attaquent la plage.
Alors que la coopération interservices se passe en général plutôt bien, les problèmes surgirent. La marine chargea les navires avec les réserves nécessaires sans considération pour les besoins des forces au sol. Qui plus est, certains commandants de vaisseaux refusèrent de laisser des officiers de l’armée inspecter leur navire sinon pour pouvoir localiser des pièces-clés de leur équipement. Les logisticiens des forces terrestres ne gagnèrent que bien tardivement une autorité sur le chargement. Reconnaissant que ce fatras de chargements devait être réorganisé avant la bataille, les planificateurs stratégiques choisirent l’île de l’Ascension, située à mi-chemin entre l’Angleterre et les Malouines, comme étape de rangement et de mise en ordre.
La 3e brigade de commandos était le choix logique comme force d’attaque, puisqu’elle était structurée pour se déplacer par mer d’un moment à l’autre avec toutes ses réserves, stockées à bord de navires. En plus, ses 3 500 commandos s’étaient entraînés intensivement en Norvège, un avantage vu le dur hiver antarctique approchant. Malgré tout, comme davantage d’infanterie était requise pour monter une offensive, 2 bataillons de parachutistes de l’armée furent ajoutés à la brigade de marines. Une fois à terre, le commandement général serait établi sous le Major-Général Jeremy Moore des Royal Marines.
Le régiment logistique de la 3e brigade de commandos apporta ses services de soutien. Les cinq escadrons du régiment – médical, transport, atelier, munitions et quartier-général – étaient un mélange de marines, de soldats et de matelots, tous qualifiés dans leur spécialité mais aussi qualifiés commandos. A la différence des marines, relativement autarciques, la 5e brigade n’avait aucun régiment de soutien. En conséquence le régiment logistique de la brigade commando devait soutenir 9 000 soldats de troupes combattantes, trois fois la taille de son unité de base. Les planificateurs exacerbèrent encore les problèmes en ordonnant au régiment de laisser derrière lui la moitié de ses hommes et le tiers de ses équipements, afin de fournir plus de place sur les bateaux en vue du combat et pour les unités de soutien au combat. Quelques unités logistiques furent finalement envoyées en plus, mais seulement après qu’un officier munitions bluffa un chef de chargement d’un navire en lui faisant croire que son unité munitions était une compagnie d’infanterie provisoire requise pour la défense de la tête de plage.
Une planification perturbée et incomplète
Alors que la bizarre armada de vaisseaux, bateaux marchands, ferries et luxueux paquebots levait l'ancre, la planification de la guerre terrestre commença sérieusement. Les politiciens demandèrent une rapide victoire. La Royal Navy croyait également que la victoire devrait être rapide, car le vicieux temps de l’Atlantique Sud endommagerait tellement les navires que la marine serait dans l’impossibilité de soutenir des opérations pendant plus de quelques semaines. En outre, les logisticiens avaient embarqué suffisamment de réserves pour maintenir la task force en mer durant 3 mois, mais en avaient préparées seulement pour 30 jours pour soutenir les troupes au combat. Avec un pipeline logistique de 12 000 kilomètres et un temps se dégradant, très peu pourrait être fait pour les forces terrestres si elles venaient à s’enliser dans un combat prolongé.
Comme la 3e brigade de commandos étaient partie quelques jours avant la 5e brigade d’infanterie, les opérations terrestres initiales furent planifiées par Thompson et son équipe à bord du H.M.S. Fearless. Seule une poignée d’officiers avaient l’expertise pour planifier une opération amphibie, et peu en dehors de ce cercle d’officiers navals et marines comprenaient la complexité de cette tâche. Néanmoins, le manque d’expérience apparut dans la préparation et l’exécution logistique. Avec la brigade dispersée sur 11 navires et le silence radio en vigueur, une planification parallèle était impossible. L’équipe logistique du régiment, à bord du R.F.A. Sir Lancelot, écrivit son plan de service de soutien sans connaissance précise du concept opérationnel.
Cette équipe réalisa clairement que Stanley, le seul port de l’île, ne serait pas attaqué immédiatement. Ainsi, l’effort de soutien pour le combat terrestre serait une opération logistique-sur-les-plages (LSLP) ; les navires devraient ancrer au large et décharger leur cargaison sur un nombre limité de petites barges logistiques et d’hélicoptères qui l’amèneraient sur les plages. Une fois à terre, la cargaison devrait alors être déchargée à la main vu le manque de grue et d’équipement lourd. Durant l’opération LSLP, la supériorité aérienne était cruciale car autant les navires que les barges de déchargement sur la plage étaient extrêmement vulnérables à une attaque.
Le transport terrestre consistait en des soldats portant des charges à même de rompre le dos. Comme la circulation terrestre aux Malouines était abominable et qu’il n’y avait que 18 kilomètres de route, les planificateurs militaires pensèrent que les véhicules seraient inutilisables. En conséquence, seuls quelques véhicules furent emmenés d’Angleterre et peu étaient tous-terrains. Heureusement, les marines apportèrent des véhicules tractés Volvo BV202 qu’ils avaient utilisés en Norvège. Bien que construits pour être utilisés dans la neige, ceux-ci devinrent les bêtes de somme logistiques qui traînaient réserves et artillerie à travers les marécages et tourbières des Malouines.
Alors que les Britanniques se reposaient essentiellement sur les navires pour les transports stratégiques, les hélicoptères devinrent le cœur de la logistique tactique. Le temps, des équipages non entraînés, des systèmes de communications incompatibles et un manque d’expérience dans le réapprovisionnement des hélicoptères firent que la guerre, selon les mots du brigadier Julian Thompson, n’était pas « un pique-nique ».
Les bateaux s’arrêtèrent à l’île de l’Ascension (à 6 000 kilomètres de la Grande-Bretagne), donnant une chance aux logisticiens de rectifier certaines des erreurs commises dans la frénésie du chargement initial de provisions et d’équipement. Après le départ de l’armada, les logisticiens inventorièrent chaque navire et mirent au point un plan de rechargement pour remplir du mieux possible chaque navire. Même s’il était important de maintenir l’intégrité des unités, certaines furent dispersées car tous les hommes ne tiendraient pas sur le même bateau à partir duquel ils lanceraient leur assaut amphibie. En outre, un plan séparé pour amener hommes et provisions vers leur unité juste quelques heures avant le lancement du Jour J fut développé. Compliqué par le manque de facilités portuaires, le procédé de rechargement prit 12 jours. En plus, tout le travail cessait durant la nuit car les bateaux sortaient du port d’Ascension pour éviter d’être coulés par des sous-marins ou des hommes-grenouilles argentins.
D’autres problèmes firent de l’opération logistique d’Ascension un cauchemar. Par exemple, des tonnes de réserves nécessaires aux forces d’invasion s’empilèrent sur l’île. Les logisticiens de la Royal Navy refusèrent aux troupes de soutien de l’armée de les assister en mettant en commun hommes et matériel. De ce fait, quand des réserves étaient adressées à une unité, l’équipe logistique navale n’avait aucune idée sur quel navire l’unité se trouvait. Qui plus est, de nombreuses caisses arrivèrent à l’île d’Ascension portant seulement un numéro de stock, rendant impossible pour les gens du soutien de la Navy à déterminer qui de la marine ou de l’armée aurait besoin du matériel. De cette manière, des objets-clés furent perdus, y compris de la munition spéciale et des armes envoyées pour une unité des forces spéciales.
Des conditions logistiques extrêmes
L’utilisation d’hélicoptères et de barges dans le processus de rechargement réduisit aussi sévèrement les répétitions des unités pour l’assaut amphibie. C’était spécialement critique pour les unités de l’armée qui manquaient d’entraînement pour les opérations amphibie. Dans quelques jours, des soldats lourdement chargés devraient embarquer sur leur barge dans le noir et sur la mer la plus féroce du monde. Le Jour J était prévu pour le 21 mai avec la 3e brigade de commandos, inférieure en nombre aux Argentins à raison de 2 contre 1, et mise à terre par des hélicoptères et des barges. La supériorité aérienne britannique, une fois considérée, devint un faux espoir. En conséquence, le plan de croisement de matériel et d’hommes fut changé pour limiter les pertes attendues, dues à une attaque aérienne argentine, à un navire au moins.
Le 19 mai, le transfert d’hommes et d’équipement commença dans une mer ayant des creux de 6 mètres. L’opération de transfert ne fut pas sans coût, puisque 22 hommes périrent quand un hélicoptère s’écrasa dans l’Atlantique sud. Néanmoins, le débarquement se passa bien, les marines et soldats sécurisèrent assez rapidement la tête de plage. Mais les chasseurs argentins bombardèrent navires et troupes, rendant nécessaire un changement majeur dans les plans. Comme l’effort logistique terrestre dépendait du rechargement des hélicoptères, un minimum de parité aérienne était nécessaire avant que la 3e brigade de commandos ne puisse avancer. Durant 5 jours, alors que l’infanterie s’enterrait, les Harriers réduisirent la force aérienne argentine au silence.
Les forces terrestres avaient également besoin d’une pause pour bâtir la zone de soutien de la brigade, car il était impossible de bouger des troupes vers l’avant sans une base logistique sécurisée pour la soutenir. Les plans originaux demandaient le maintien de la plupart des réserves à bord des navires ancrés près de la côte. L’intensité des attaques aériennes forcèrent la marine à déposer le ravitaillement et ensuite à chercher la protection du groupe de combat aéronaval en mer. Plusieurs bateaux partirent avant que du personnel vital et le ravitaillement ne soient déchargés. Par exemple, le Canberra, sous une intense attaque aérienne, fut forcé de rebrousser chemin avant que l’hôpital de campagne de la brigade et l’équipe chirurgicale ne soient débarqués. Dans plusieurs cas, les forces terrestres furent laissées avec de courtes réserves de munitions, de batteries et de rations.
Le ravitaillement était déplacé de nuit dans des conditions de black-out, avec les seuls muscles humains pour transporter les lourdes charges. Comme la marine continuait à transférer des cargaisons en mer, les bateaux arrivants ne transportaient pas ce que les marines attendaient. Pour apaiser ce problème, les officiers logistiques des commandos examinèrent le contenu des navires pour déterminer ce qui devait être envoyé à terre.
Pendant ce temps, la pression montait pour que les Britanniques passent à l’offensive. Le 26 mai, le 2e bataillon du régiment de parachutistes reçut l’ordre de prendre Goose Green. Les soldats portaient plus de 50 kilos durant leur avance. Avec chaque étape, la croûte des marécages s’était creusée, les forçant à marcher péniblement à travers un mélange de glace et de boue. Le mouvement de nuit atteignait une moyenne de 1 km/h, incitant les troupes à surnommer leur marche tortueuse du néologisme anglais de « yomping », qui renvoie à l’idée d’une progression dure et difficile, expression par ailleurs entrée dans le langage courant depuis les Malouines.
Le système de ravitaillement chaotique laissa les parachutistes sans tentes, habits propres ou rations suffisantes dans le temps glacial. Plus important encore, la munition était rare. Lorsque le bataillon engagea des soldats argentins dans un combat féroce, le réapprovisionnement se raréfia encore. Les hélicoptères supportant le combat étaient quelques fois détournés pour apporter du ravitaillement critique depuis les navires jusqu’à la côte. Le carburant des hélicoptères s’amenuisait. Même si les réservoirs d’essence étaient pleins, il était difficile de les acheminer sur la côte pour la distribution, car personne n’était entraîné à la gestion du carburant ; la compagnie de carburant du régiment logistique était une unité de réserve et n’avait donc pas été mobilisée pour la guerre.
Le manque d’hélicoptères frustrait également les commandants terrestres. Durant la guerre, les hélicoptères restèrent sous le contrôle du commandant du groupe expéditionnaire amphibie (un commodore de la marine) et ne furent jamais transférés au commandant des forces terrestres, le major-général Jeremy Moore. En raison de cette situation, la marine détourna souvent des hélicoptères de leur mission terrestre. Aussi, les troupes au sol ne pouvaient communiquer avec les pilotes sans des équipes d’opérations aériennes mobiles, qui n’existaient qu’en petit nombre. Apporter le bon hélicoptère avec la bonne cargaison dans la zone d’atterrissage correcte était souvent une affaire de chance.
Aucun événement ne frappa plus l’effort logistique que la perte de l’Atlantic Conveyor après le tir d’un missile Exocet argentin. Tous les moyens de transports aériens lourds britanniques (les hélicoptères CH-47C Chinook) s’y trouvaient, de même que quelques hélicoptères moyens de transport. Heureusement, un des Chinook en réchappa et devint le cheval de trait de l’effort logistique anglais. Egalement perdus avec le navire, les tentes pour 4 500 hommes et un grand nombre de filets de cargaison. Sans ces derniers, la cargaison doit être chargée à l’intérieur des hélicoptères, ce qui rallonge le temps de chargement et réduit la charge pouvant être emportée. Le manque de soldats entraînés pour le chargement de cargaison et les hélicoptères utilitaires corsait encore le problème.
Les enseignements lors de l’action
Le 29 mai, le 2e bataillon para avait sécurisé Goose Green mais non sans pertes significatives, y compris la mort du commandant du bataillon. A nouveau, l’hélicoptère était le principal atout pour évacuer les blessés. Malgré des chutes de neige et des avions d’attaques argentins en maraude, les pilotes d’évacuation prirent courageusement l’air. Les blessés, incluant de nombreux cas de gelures de tranchées, étaient initialement dirigés vers une station de campagne dans la zone de soutien de la brigade et, dans les 6 heures, transférés à bord de l’Uganda, un navire-hôpital de fortune. Le taux de survie des blessés fut de 90%. Les groupes de la marine entraînés comme brancardiers et aux premiers secours furent cruciaux pour le processus d’évacuation médicale.
A l’issue d’une évaluation de l’action, le commandant par intérim du 2e bataillon de paras appliqua des changements immédiats dans les procédures du service de soutien en combat. Premièrement, il établit un réseau administratif-logistique séparé pour les transmissions radio. Deuxièmement, aux dépens de la puissance de combat, il créa une section de 35 hommes à l’usage exclusif du réapprovisionnement en munitions et de l’évacuation par brancards. Bien que l’attaque sur Goose Green fut le premier effort britannique, les stocks de munitions du second bataillon en diminution n’avaient pas été réapprovisionnés. Aussi, les parachutistes manquaient d’équipement pour l’évacuation des blessés. De plus, au plus fort des combats, les servants de mortiers furent à court de munitions et le support d’artillerie dut être écourté. Une analyse ultérieure révéla que la planification de la cadence pour la dépense de munitions était irréaliste. Le 2e bataillon utilisa 4 fois sa dotation journalière de munitions pour les armes personnelles et 5 fois sa dotation pour les canons de 105 mm et les mortiers de 81 mm.
Une partie du problème au soutien de l’opération de Goose Green fut une attaque aérienne argentine dévastatrice sur la zone de support de la brigade, qui détruisit 500 mortiers et des positions d’artillerie. Plus que la malchance en était la cause. Dans la lutte pour l’espace limité à bord des navires, des moyens de défense anti-aériens vitaux avaient été laissés en arrière. Les Britanniques n’avaient pas suffisamment protégé une zone vulnérable. Comme le commandant la 3e brigade de commandos le nota après la guerre, la frappe contre la base logistique était de loin plus nuisible que toutes autres actions ennemies.
L’arrivée de la 5e brigade d’infanterie aux Malouines augmenta encore l’effort logistique britannique. Les soldats qui débarquèrent le 2 juin ne purent localiser de l’équipement qui avait été rangé à la hâte. En plus, la 5e brigade n’avait que deux compagnies munitions pour faciliter le problème de distribution. Sans grue, les troupes formaient une chaîne humaine pour amener le chargement sur la côte et établir une zone de maintenance avancée pour la brigade. En outre, les nacelles de carburant furent laissés derrière et 5 000 jerricans furent amenés vides, résultat des restrictions du transport maritime de temps de paix.
L’inadaptation de la défense arienne britannique compliqua encore plus les efforts de soutien. Quand le bateau logistique de la brigade, Sir Galahad, jeta l’ancre, il était en vue d’un avant-poste argentin. Alors que l’opération LSLP commençait, les A-4 argentins l’attaquèrent avec des résultats dévastateurs. Les troupes sur le Sir Galahad avaient reçu l’ordre de rester à bord, tant que le carburant, les munitions et les réserves n’avaient pas été déchargés. Cette erreur de jugement conduisit à la perte de 43 soldats tués et 200 blessés.
La 5e brigade tira partie de l’expérience logistique du 2e bataillon. Cependant, cela repoussa son attaque sur Stanley jusqu’à ce qu’un stock suffisant de munitions soit établi. De plus, après que la 5e brigade a férocement atteint ses objectifs initiaux, l’officier commandant le régiment logistique demanda une pause pour remplir les stocks de munitions avant l’assaut final. Le commandant de brigade accepta, même si cela signifiait perdre l’élan de la brigade. Dans les 24 heures qui suivirent, les positions d’artillerie furent portées vers l’avant. Quand le combat reprit, les Britanniques arrosèrent 6 000 obus de 105 mm sur les défenseurs argentins et sécurisèrent les objectifs finaux. Equilibrer la vitesse de l’opération avec l’effort de réapprovisionnement fut une décision qui paya.
L’expérience britannique dans les îles Malouines révèle l’importance d’un chargement de combat correct et du transfert entre les navires, le besoin d’identifier les parties et le chargement précisément dans le pipe-line logistique, le besoin d’entraînement au transfert du personnel, la nécessité d’un réseau de communications spécifique à la logistique et le besoin de protéger les bases logistiques. A un niveau plus général, la guerre a enseigné l’importance d’équilibrer la conduite des opérations avec un niveau adéquat de soutien logistique. Les unités ne peuvent que maximiser leur efficacité au combat en maintenant le réseau de réapprovisionnement. Pour sentir le tempo de la bataille, il est parfois nécessaire de prendre le pouls le long de la ligne d’approvisionnement. Les échanges entre la logistique et les opérations dictent souvent la marge de la victoire.
Texte original: Lieutenant Colonel Matthew S. Klimow, "British Logistics in the Falklands", Center for Army Lessons Learned, 31.3.2003
Traduction et réécriture: Julien Grand