Le sacrifice des charistes israéliens sur le Golan face à l'offensive massive des Syriens
12 octobre 2003
lors
que les chars syriens déferlaient sur le secteur sud du Golan, seuls les actes
de courage du la 188e brigade Barak ont empêché la Syrie de s'emparer des
hauteurs et de menacer tout le nord d'Israël.
La
défaite semblait imminente pour l'Etat d'Israël. L'assaut frontal massif de
style soviétique lancé par les Syriens était trop puissant, et les lignes de
front israéliennes s'étaient déjà effondrées. Le général israélien en charge de
tout le secteur avait abandonné son QG juste avant d'être encerclé, et s'était
retiré dans un PC improvisé quelques kilomètres à l'arrière.
Avec deux brigades
syriennes en approche et aucune réserve disponible, défendre le QG avec
quelques fantassins appuyés par seulement 2 chars sans chenilles extraits de
l'atelier de réparations du camp semblait presque futile.
«... Les Israéliens devaient tenir à tout prix pour donner le temps aux réserves de mobiliser, et dans bien des cas les
équipages préférèrent le sacrifice au recul. »
Le 6
octobre 1973, pendant le Yom Kippour, le jour le plus sacré du calendrier juif,
une force blindée syrienne de 1400 chars avec plus de 1000 pièces d'artillerie
et une imposante couverture aérienne lança un assaut coordonné le long des 58
kilomètres de la frontière israélo-syrienne, dans les hauteurs du Golan.
L'attaque coïncidait avec une offensive similaire des forces égyptiennes sur le
canal de Suez, forçant soudain Israël à combattre sur deux fronts.
La
doctrine de défense israélienne s'appuie sur l'armée d'active pour tenir le
front avec l'aviation pendant que les réserves mobilisent. Par conséquent, les
2 brigades israéliennes qui tenaient le Golan avaient la tâche redoutable de
résister à l'assaut suffisamment longtemps pour que les réserves puissent
entrer en scène. La défense épique de la 7e brigade blindée au nord du Golan a
été largement considérée comme l'une des plus brillantes défenses de toute
l'histoire militaire.
Moins
de publicité a été donnée à l'héroïsme des fragments dispersés de la 188e
brigade (Barak) qui ont ralenti l'avance syrienne au sud. Par certains aspects,
toutefois, l'histoire de la brigade Barak est plus incroyable encore, compte
tenu du fait que des centaines de chars syriens avaient traversé son secteur et
ne furent arrêtés que par une poignée de blindés.
La situation sur le Golan
En
1973, l'affrontement était autant une question d'honneur que de territoire.
Durant la Guerre des Six Jours en 1967, Israël s'était emparé des hauteurs du
Golan, que la Syrie avait transformé en un large réseau de bunkers et de
positions d'artillerie. Pendant des années, les canonniers syriens tiraient de
manière aléatoire sur les pêcheurs israéliens naviguant en Mer de Galilée ou
sur les cultivateurs israéliens de la vallée de Hula. Dans une bataille
coûteuse et en pente, les Israéliens avaient balayé les défenseurs et mis un
terme à ce harcèlement. Mais la perte de ce territoire avaient été une
humiliation pour la Syrie.
Entre
1967 et 1973, les accrochages le long de la ligne du cessez-le-feu furent
fréquents. Pendant les mois menant à l'attaque, l'armée syrienne avait été
pleinement mobilisée et restait sur le pied de guerre. Comme les Israéliens
s'étaient accoutumés à voir ces forces prêtes à la bataille, les Syriens furent
en mesure de procéder aux derniers préparatifs d'attaque sans déclencher des
signaux d'alerte. D'autre part, lorsque les tensions se sont accrues entre les
deux pays, le commandement israélien eut la crainte qu'un renforcement des
défenses puisse être interprété comme l'augure d'une attaque préemptive, et
ainsi provoquer l'attaque syrienne.
Les
hauteurs du Golan sont composées d'un plateau de roche volcanique s'étendant
sur 180 kilomètres, et qui surplombe la vallée de Hula à l'ouest et la vallée
du Jourdain au sud. Il s'élève progressivement de 180 à 900 mètres en allant du sud au nord, avec des
escarpements abrupts dominant les vallées, et il est découpé par des canyons
infranchissables, ce qui limite le nombre de routes reliant les hauteurs aux
vallées. Comme la géographie du Golan limite sa mobilité défensive, Israël a
prolongé en 1967 la poursuite des Syriens jusqu'à atteindre une ligne
défendable - une suite de cônes volcaniques éteints qui offrent une vision
stratégique sur Damas d'un côté, et sur tout le nord d'Israël de l'autre.
Les
défenses israéliennes étaient basées sur du 17 postes d'observation fortifiés.
La Ligne Pourpre, comme on nommait la ligne du cessez-le-feu de 1967, marquait
la fin d'un no man's land séparant la Syrie du Golan. En l'absence d'une vraie
barrière défensive, les Israéliens avaient creusé un fossé antichar longeant la
frontière sur 32 km, du Mont Hermon à Rafid, un obstacle que les blindés
syriens seraient contraints de franchir sous le feu des chars israéliens embusqués
derrière des remparts.
Comme
le renseignement israélien estimait à tort que des accrochages éclateraient au
pire avec les Syriens, les 170 chars et les 70 pièces d'artillerie du Golan
étaient jugés suffisants pour répondre à toute menace syrienne, au moins
jusqu'à ce que les réserves arrivent. Contre cette force relativement petite,
l'armée syrienne a engagé 5 divisions pour son attaque, 2 blindées et 3
mécanisées, comprenant quelque 1400 chars.
Approximativement
400 d'entre eux étaient des T-62, à l'époque le char le plus moderne du bloc
soviétique, équipé d'un canon lisse de 115 mm et capable de combattre de
nuit ; la majorité étaient toutefois des T-54 et T-55 armés de canons de
100 mm. Le plan syrien consistait à percer les lignes israéliennes avec les 5e,
7e et 9e divisions mécanisées, composées de transporteurs de troupes blindés
BTR-50 appuyés par 900 chars, pour permettre aux 500 chars des 1ère et 3e
divisions blindées de capturer les hauteurs du Golan avant la mobilisation
israélienne.
La résistance au nord
Le 6
octobre à 1400, l'artillerie syrienne déclencha un immense barrage sur la
totalité du front en prélude d'une attaque double - une poussée au nord, près
de la route Kuneitra-Damas, et l'autre au sud, dans le saillant de Rafid.
Face
à la 7e brigade blindée du colonel Avigdor Ben-Gal dans le secteur nord se
trouvaient la 3e division blindée du brigadier-général Mustapha Sharba, la 7e
division mécanisée et la Garde républicaine Assad. Lorsque l'assaut syrien
débuta, des chars de déminage et des poseurs de ponts prirent la tête pour
surmonter les obstacles israéliens. Naturellement, ces véhicules du génie
furent les premières cibles, mais les fantassins syriens bravèrent un feu
intense et construirent suffisamment de passages, avec leurs outils de
pionnier, pour que les chars puissent franchir les fossés antichars israéliens.
Pendant
que les Israéliens détruisaient chaque véhicule syrien apparaissant dans leurs
viseurs, une masse brute de quelques 500 chars de combat et 700 transporteurs
de troupe ennemis avançait vers leurs lignes. Le nombre de défenseurs diminua
quand les chars israéliens commencèrent à être détruits, mais ces derniers n'en
infligèrent pas moins de lourdes pertes. Bien que les Syriens poursuivirent
sans relâche leur attaque, la 7e brigade surmenée parvint à tenir son secteur,
déclenchant l'action de réserves partout où leurs adversaires étaient sur le
point de percer.
Lorsque
la nuit tomba, les Israéliens n'avaient rien de comparable aux appareils de
vision nocturne syriens et durent laisser avancer les blindés ennemis. Durant
le combat rapproché, les Syriens réussirent à s'emparer d'une portion de
terrain importante, mais la contre-attaque acharnée d'un petit groupe de
défenseurs parvint à les repousser. Lorsque quelques chars syriens traversaient
les lignes israéliennes, les canonniers de la 7e tournaient leurs tourelles
pour les détruire, puis reportaient immédiatement leur attention sur d'autres
chars à portée. Cela revenait à une version blindée du combat à mains nues.
La
bataille fit rage deux jours encore car les Syriens, apparemment indifférents à
leurs lourdes pertes, poursuivaient leur assaut sans répit. Dans l'après-midi
du 9 octobre, la 7e brigade se réduisait à 6 chars protégeant ce qui
constituait purement et simplement une voie directe menant au nord d'Israël.
Ces derniers chars combattirent jusqu'à l'épuisement de leurs munitions. A cet
instant, alors qu'ils commençaient finalement à se retirer, ils furent soudain
renforcés par une force improvisée de quelque 15 chars.
Les
Syriens crurent que leur heure avait passé et que les premiers réservistes
israéliens arrivaient, de sorte que leur offensive s'épuisa. En fait, c'était
une force ad hoc de chars réparés et d'équipages parfois blessés, qui avait été
rassemblée par le lieutenant-colonel Yossi Ben-Hanan, un commandant expérimenté
qui était revenu d'une lune de miel à l'étranger à l'annonce de la guerre.
Grâce
à sa ponctualité, cette force parvint à sauver la 7e brigade. Lorsque les chars
individuels commencèrent à renforcer les forces israéliennes, les Syriens
étaient épuisés par 3 jours de combats continus et ignoraient à quel point ils
étaient proches de la victoire, de sorte qu'ils commencèrent à se retirer. Des
centaines de carcasses métalliques jonchant la vallée témoignaient de
l'horrible destruction qui s'était déroulée à cet endroit, amenant à un colonel
israélien à l'appeler la Vallée des Larmes.
L'effondrement au sud
Pendant
ce temps, les Syriens avaient concentré une grande part de leur attaque au sud
du Golan, la où ils pouvaient le plus facilement atteindre les ponts sur le
Jourdain dont ils comptaient s'emparer. Face à des centaines de chars ennemis
s'alignant à perte de vue, les équipages de la brigade Barak n'avaient d'autre
choix que tenir leurs positions, car le terrain ne permettait pas beaucoup de
mobilité défensive. La retraite donnerait aux Syriens la latitude de prendre
toutes les hauteurs et de pousser sur les colonies israéliennes dans la vallée
en contrebas.
L'avance
syrienne fut initialement ralentie par un champ de mines israélien ainsi que
par un feu précis et mortel. Avec des dizaines de chars ennemis détruits, les
premières heures de la guerre étaient encourageantes pour les défenseurs - leur
entraînement intensif portait ses fruits. Sachant qu'ils seraient surpassés en
nombre dans chaque engagement, les charistes israéliens avaient travaillé sans
relâche la précision de leur tir et la vitesse du ciblage, afin d'assurer la
destruction au premier obus. Malgré leurs pertes, toutefois, les Syriens
continuaient de pousser, apparemment convaincus que la masse de leur assaut
finirait par venir à bout des défenseurs.
Lorsque
les chasseurs-bombardiers furent appelés à la rescousse contre la vague blindée
syrienne, nombre de Douglas A-4 Skyhawk et McDonnell F-4E Phantom ayant répondu
à l'appel furent abattus ou endommagés par l'imposante défense antiaérienne des
Syriens. Sachant que la doctrine israélienne comptait sur la puissance aérienne
pour compenser leur avantage numérique, les Syriens avaient acquis en quantités
massives les derniers missiles et canons sol-air soviétiques. Avec l'aide des
conseillers envoyés par Moscou, ils établirent au-dessus du Golan un réseau de
DCA plus dense que celui protégeant Hanoi pendant la guerre du Vietnam.
Avec
cette limitation imposée à l'appui aérien, les charistes étaient laissés à
eux-mêmes - et le sort du nord d'Israël reposait entre leurs mains. Les tanks
israéliens restèrent sur leurs positions et furent détruits l'un après l'autre.
Poussées au-delà de leurs limites, les défenses du secteur sud s'effondrèrent.
Contournant les fortifications israéliennes et se déversant dans les trous de
la défense, les chars syriens poussèrent à travers les lignes israéliennes sur
une large plaine idéale pour les blindés. Les Israéliens devaient tenir à tout
prix pour donner le temps aux réserves de mobiliser, et dans bien des cas les
équipages préférèrent le sacrifice au recul. Au fil des heures, de moins en
moins de chars israéliens s'opposaient à la vague adverse.
La force
syrienne se sépara et poursuivit sa poussée sur deux axes. La 1ère division
blindée du colonel Tewfik Jehani se dirigea au nord, vers le quartier-général
du commandement du Golan où se trouvait le major-général Rafael Eitan ; ce
QG était situé sur la route descendant vers le pont de Bnot Yaakov, menant
par-dessus le Jourdain à l'intérieur du territoire israélien. La seconde
branche de l'attaque syrienne, avec en pointe la 46e brigade blindée de la 5e
division mécanisée, fit mouvement vers le sud depuis Rafid jusqu'à la route
menant à El Al, avec des unités éclatant au nord vers le pont Arik, à
l'extrémité nord de la Mer de Galilée. Quelque 600 chars étaient alors engagés
au sud du Golan, contre lesquels s'opposaient 12 chars et des formations
isolées, coupés du reste près des fortifications le long de la ligne.
La
nuit n'offrit aucun répit dans l'avance syrienne, en raison de l'avantage
fourni par l'équipement de vision nocturne. L'efficacité à longue distance des
équipages israéliens étaient réduite par l'absence de moyens comparables. Ils
firent de leur mieux pour surmonter cette lacune en tirant des obus éclairants,
et utilisèrent des projecteurs au xénon montés sur leurs chars. Ces derniers
étaient impuissants face aux projecteurs infrarouges des Syriens, de sorte que
les Israéliens firent ce qu'ils font le mieux - improviser. Ils engagèrent des
petites unités de chars pour mener des actions de blocage contre des forces
largement supérieures - une tactique qui a peut-être empêché les Syriens de
déferler sur tout le Golan.
Vers une guérilla blindée
L'une
de ces actions retardatrices devenue légendaire était conduite par un jeune
lieutenant nommé Zvi Gringold, affectionné connu comme le "Lieutenant
Zvicka", dont les tactiques d'embuscade ont permis de maintenir aux abois
une poussée majeure de presque 50 chars. Ses méthodes analogues à la guérilla
sur la route menant au PC de sa brigade amenèrent les Syriens à croire qu'ils
affrontaient une importante force israélienne.
Après
avoir perdu 10 de ses chars, la colonne syrienne se retira, son commandant
ayant décidé de tenir le terrain et d'attaquer la force israélienne de jour.
Mais Gringold continua à engager les Syriens pendant la nuit et toute la
journée suivante, détruisant en tout 30 chars, jusqu'à ce les blessures, les
brûlures et la fatigue nécessitèrent son évacuation. Gringold se remit et reçut
par la suite la plus haute décoration israélienne, Ot Hagvura, pour sa
défense héroïque de Nafakh.
Une
autre force d'arrêt opérant dans le sud, bien qu'attachée à la 7e brigade,
n'était autre que la force Tigre du capitaine Meir Zamir. Ses 7 chars furent
envoyés pour stopper une colonne de quelque 40 chars syriens qui avaient percé
à Rafid et qui faisait route au nord - un mouvement qui menaçait de couper et d'isoler
la 7e brigade. La force Tigre tendit une embuscade qui parvint à détruire la
moitié des chars syriens aux premières heures du matin. Lorsque 20 chars
s'échappèrent, Zamir prépara une seconde embuscade qui réussit à achever le
bataillon syrien juste après l'aube du matin suivant.
Mais
une autre poussée syrienne avec 2 brigades progressait rapidement le long la
route d'accès méridionale, dans ce secteur ouvert, et s'arrêta inexplicablement
juste avant d'atteindre El Al. Alors que certaines de ses unités se déroutèrent
vers d'autres objectifs au nord, une grande partie de la force syrienne
n'exploita pas son avantage, une décision par laquelle les Syriens attendaient
que les réserves israéliennes arrivent et engagent le combat.
Plusieurs
théories expliquent la raison pour laquelle les Syriens ont stoppé leur élan,
comme la peur d'une embuscade sur une route devant être probablement bien
défendue, le manque de flexibilité et d'initiative une fois les objectifs
atteints, des lignes de communications étirées et la peur plus distante d'une
riposte nucléaire israélienne. Quoi qu'il en soit, leur manque d'initiative à
cet instant critique priva les Syriens d'une chance d'atteindre le Jourdain
sans opposition - et d'aller au-delà.
Au
matin, les Syriens reprirent leur attaque. Les rares défenseurs restants de la
brigade Barak demandèrent un appui aérien, qui une fois encore encaissa de
lourdes pertes. De façon ironique, les Syriens contribuèrent à régler le
problème de la menace antiaérienne pour leurs adversaires. Après le tir de
roquettes syriennes dans des zones civiles israéliennes, la Chel Ha'Avir - l'aviation israélienne -
répondit par des attaques de représailles sur l'infrastructure de Damas et
au-delà.
Pour
se défendre contre ces attaques, les Syriens retirèrent du Golan certaines de
leurs batteries de missiles. Dans l'ensemble, les pilotes israéliens mirent
plusieurs jours à développer des tactiques et à gagner l'expérience nécessaires
pour défaire les systèmes antiaériens syriens ; 27 avions israéliens furent
abattus au-dessus du Golan lors de missions d'appui aérien rapproché, et
quantités d'autres subirent des dommages à des degrés variés.
L'anéantissement de la brigade
Le
matin du 7 octobre, le Ministre de la Défense Moshe Dayan visita le front du Golan
et reconnut à quel point la situation était critique. Non seulement les routes
d'accès vers le Golan étaient menacées, mais également tout le nord d'Israël.
Saisissant la perspective très réelle d'une percée syrienne en territoire
israélien, Dayan envisagea un retrait jusqu'à une ligne située juste devant
l'escarpement surplombant la vallée du Jourdain afin d'y établir une position
défensive majeure - en mettant ses forces le dos au mur. Israël se prépara à
détruire les ponts sur le Jourdain pour empêcher son passage.
La
1ère division syrienne s'avançait sur la route menant au QG du Golan à Nafakh.
Le colonel Yitzhak Ben-Shoham, le commandant de la brigade Barak, avait compris
que sa brigade était bel et bien détruite. Par conséquent, il organisa et conduisit
un petit groupe de chars restants dans un combat retardateur qui ralentit
l'avance syrienne pendant plusieurs heures, jusqu'à ce que lui et le reste des
défenseurs furent tués.
Avec
le commandant de brigade mort, aucune réserve en vue et deux brigades adverses
progressant vers le QG - dont plusieurs unités avaient contourné la base sur
les deux flancs - la situation était rien moins que grave. Les éléments de tête
des brigades syriennes atteignirent en fait Nafakh et firent irruption dans le
périmètre sud de la base. Un T-55 syrien s'écrasa même sur le QG du général
Eitan, et ne fut détruit que par le dernier char opérationnel de la section
Gringold.
A cet
instant, Eitan évacua son quartier général et le transféra à un emplacement
improvisé plus au nord. Les hommes restés pour défendre la base prirent deux
Centurion sans chenille de l'atelier de réparations et tirèrent des bazookas en
une ultime résistance qui vint à bout de plusieurs chars syriens, jusqu'à ce
que ces derniers chars israéliens furent détruits.
La
188e brigade Barak n'existait plus. Les Syriens étaient prêts à déferler sur le
QG du Golan à Nafakh et, apparemment, sur tout le Golan. Cette dernière
résistance, toutefois, fut suffisante pour arracher quelques minutes
supplémentaires. Pendant que les Syriens firent une pause pour se regrouper
après avec neutralisé cette opposition finale, les premières unités de réserve
israéliennes commencèrent à atteindre ce qui était devenu la ligne de front.
Rencontrant des chars syriens grouillant près de leur QG, les Israéliens
attaquèrent immédiatement les Syriens et les dispersèrent.
L'arrivée
des réservistes annonça le début de la fin pour la Syrie. Des deux côtés, la
guerre avait été une question de temps - les Israéliens faisant tous leurs
efforts pour gagner du temps, et les Syriens courant contre la montre pour
atteindre leurs objectifs avant la mobilisation israélienne. Même si bien
d'autres batailles sanglantes devaient avoir lieu, ces premières unités de
réserve montant au Golan et engageant les Syriens à Nafakh signifiaient que le
vent avait tourné.
La contre-offensive des réserves
Les
réservistes trouvèrent leurs adversaires presque seuls dans le secteur sud du
Golan. Avec des chars syriens avançant le long des routes descendant vers le
Jourdain, la situation ne donnait pas le temps d'organiser des divisions et des
brigades. A la place, des sections et des compagnies de chars et d'autres
unités se ruèrent au combat aussi vite que leurs forces pouvaient être
rassemblées, et étaient jetées contre des bataillons et même des brigades.
Les
troupes fraîches israéliennes stoppèrent la presque - et parfois vraie -
retraite des forces de front restantes et se préparèrent à faire échec à la
poussée syrienne. A minuit, au second jour de la guerre, les réserves étaient
parvenues à stabiliser ce qui avait été un front désintégré - alors que les
Syriens avaient pénétré dans des secteurs à 10 minutes de voiture à peine du
Jourdain et de la Mer de Galilée, et à moins d'un kilomètre d'El Al sur la
route d'accès sud.
Ces
gains n'avaient pas été faciles. Malgré les effectifs supérieurs des Syriens,
leurs lignes de communications étirées de leurs zones arrières jusqu'au fond du
Golan avaient été décimées par les défenseurs israéliens, et leurs forces ne
pouvaient plus être réapprovisionnées et appuyées. Les convois de
ravitaillement et de renforts subissaient les attaques constantes de
l'aviation, des chars et d'autres éléments terrestres israéliens, qui
affectèrent sévèrement l'avance syrienne. Pendant que les Syriens s'enterraient
pour consolider leurs gains, les Israéliens passèrent à l'offensive.
Le
brigadier-général Moshe Peled mena une division sur la route d'Ein Gev au
centre du secteur sud, alors que la division du major-général Dan Laner
remontait la route de Yehudia plus au nord - une avance parallèle qui encagea
la 1ère division blindée syrienne et mit efficacement un terme à la brève
conquête des Syriens. Ceux-ci se battirent avec acharnement pour s'extraire de
cet enveloppement. Une confrontation majeure près du camp de Hushniya, que les
Syriens avaient capturé la nuit précédente et transformé en base logistique
avancée, se termina avec des centaines de blindés et véhicules syriens
détruits, crachant flammes et fumée, et jonchant le paysage.
Au 10
octobre, les Israéliens avaient repoussé les Syriens jusqu'à la ligne du
cessez-le-feu dans le secteur sud. Informé des forts préparatifs défensifs
syriens au sud, Israël choisit le nord, avec son terrain plus difficile et
moins défendu, comme base d'attaque pour s'enfoncer en Syrie. Parmi les unités
participant à la contre-attaque figurait la brigade Barak réincarnée. Comme 90%
de ses commandants originels avaient été tués ou blessés, les restes de Barak
reçut des remplaçants, se réorganisa et retrouva sa puissance de combat pour
l'offensive qui pénétra loin en Syrie - jusqu'à ce qu'un cessez-le-feu sous
l'égide des Nations Unies entre en vigueur le 23 octobre, mettant
officiellement fin aux hostilités.
Bien
qu'elle cessa avec des forces israéliennes en mouvement vers la capitale
syrienne, la guerre du Yom Kippour - ou la guerre du Ramadan pour les Arabes -
balaya le mythe de l'invincibilité israélienne. La capacité des Syriens à
maintenir la surprise et la discipline de leurs forces dans l'exécution de
l'attaque contribuèrent à redonner au pays une grande part de l'honneur perdu
dans la débâcle de 1967.
Les
Israéliens, d'un autre côté, avaient remporté une victoire à la Pyrrhus. Des
pertes horribles avaient été subies, symbolisées par l'anéantissement de la
188e brigade Barak. Bien que la guerre affermit la doctrine de défense
israélienne concernant l'arrivée des réserves en 24 heures pour battre une
force numériquement supérieure, il n'y eut aucune place pour la
célébration : le pays enterra les 2222 soldats qui avaient payé le prix
ultime pour sa survie, et s'occupa de ses 7251 blessés.
Texte original: Gary Rashba, "Sacrificial Stand in the Golan Heights", Military History, October 1998
Traduction et réécriture: Maj EMG Ludovic Monnerat