^{7 septembre 2003}

L’invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord, en juin 1950, a ouvert le monde aux réalités de la guerre froide. Elle a également entraîné la première opération de combat menée sous l’égide des Nations-Unies, bien que les Etats-Unis en formaient déjà la composante principale, et ceci à la faveur d’une situation exceptionnelle au Conseil de sécurité. Pourtant, les circonstances et les décisions qui ont mené à l’armistice de 1953 n’ont cessé de déployer leurs effets jusqu’à aujourd’hui.

Historien et spécialiste de l’Asie orientale dont il pratique d’ailleurs plusieurs langues, Patrick Souty a écrit ce livre comme une suite logique d’un premier ouvrage consacré à la Guerre du Pacifique. La perspective qu’il développe montre en effet que la Corée, retrouvant brièvement sa liberté après 1945, constitue un point de friction historique entre ces trois grandes puissances orientales que sont la Chine, le Japon et la Russie – rejointes à cette date par les Etats-Unis triomphants.

Cet ouvrage de 255 pages est ainsi structuré en cinq chapitres : la domination japonaise et la formation de l’Etat coréen entre 1895 et 1945, les lendemains de la Seconde guerre mondiale, l’invasion nord-coréenne et la reconquête sous MacArthur, l’intervention chinoise et la stabilisation du front, puis la révocation de MacArthur et l’issue du conflit. Pourvu de quelques illustrations générales, le livre comprend également une bibliographie francophone très complète et une chronologie judicieuse.

Sa principale qualité est de cerner précisément l’intérêt stratégique de la péninsule coréenne pour les puissances régionales. Patrick Souty montre que loin d’avoir déclenché la guerre froide, le conflit en Corée était la résultante inévitable de l’affrontement entre l’Union soviétique de Staline, expansionniste et dissimulatrice, et l’Amérique de Truman, encore naïve mais décidée à défendre un glacis sécuritaire. La stratégie de l’endiguement deviendra d’ailleurs sa réponse pendant plus de 20 ans.

De plus, l’auteur s’est particulièrement attaché à reproduire l’atmosphère de l’époque et les réflexions des commentateurs, notamment en citant longuement des articles de presse tout à fait révélateurs. Le rôle des principaux personnages dans le déclenchement et la conduite de la guerre est également bien décrit, tout comme les expériences de combattants occidentaux – surtout francophones – engagés sous la bannière des Nations-Unies contre l’adversaire nord-coréen ou chinois.

En revanche, il ne faut pas attendre de cet ouvrage une description détaillée des combats. L’ordre de bataille et l’armement général des belligérants sont mentionnés, de même que les événements principaux de la guerre, mais le déroulement des opérations, la confrontation des doctrines et l’évolution des tactiques ne sont pas traités. Ce qui est sans doute regrettable, car la Corée a été le premier choc des armées occidentales face à l’arsenal du bloc soviétique.

De même, plusieurs coquilles d’impression et plusieurs erreurs mineures – comme le fait d’affirmer que les Marines avaient été commandés par MacArthur durant la Guerre du Pacifique – montrent une certaine inattention dans la rédaction et dans la finition. A défaut d’être une œuvre exemplaire, ce livre constitue cependant une excellente introduction stratégique au conflit coréen, dont la lecture servira de base utile pour étudier plus avant ses différentes facettes.

Maj EMG Ludovic Monnerat