Philippe Richardot, La fin de l'armée romaine (284-476), Economica, 2001
23 novembre 2003
'image de l'armée romaine reste celle des légions
victorieuses de Scipion l'Africain, César et Trajan. Pourtant, les derniers
siècles de l'Empire d'Occident expliquent largement l'évolution des armes en
Europe et la supériorité militaire de Byzance. En couvrant les différentes
facettes de la puissance militaire romaine pendant deux siècles, ce livre le
démontre.
Philippe Richardot, spécialiste français d'histoire et de
prospective militaires, est bien connu du public suisse romand pour ses
articles dans la Revue Militaire Suisse. Agrégé et docteur en histoire, il
donne également des conférences et des cours à l'Institut d'études politiques
d'Aix-en-Provence, effectue des recherches à l'Institut de Stratégie Comparée,
tout en étant membre de la Commission française d'Histoire militaire. Outre ses
écrits sur le Moyen-Age et la puissance militaire américaine, il vient de
publier une histoire géopolitique des grands empires.
Ce livre de 392 pages, dont la 2e édition a été revue et
augmentée, a pour objectif principal de répondre à une question : pourquoi
l'Empire romain d'Occident s'est-il effondré entre le IIIe et le Ve
siècle ? L'image de la décadence ne peut suffire à expliquer cet échec militaire
manifeste, et jusqu'ici le sujet restait bien mystérieux. Comment expliquer
l'avènement des Barbares culminant avec la déposition de Romulus Augustule,
puisque l'Empire d'Orient a su rester une puissance majeure cinq siècles de
plus ?
C'est à une analyse politico-militaire complète que Philippe
Richardot s'est livré pour lever le voile sur cette période troublée. Les 17
chapitres de son livre abordent ainsi tous les éléments de la puissance
romaine, de la fonction de l'empereur à la barbarisation de l'armée, en passant
par la chaîne de commandement, la crise du recrutement, la stratégie défensive
aux frontières et à l'intérieur, les rôles changeants de la cavalerie et de
l'infanterie, la défense et la prise des places, la logistique, le renseignement,
le génie ou encore la composante navale.
De plus, l'auteur a également mené trois études de cas très
détaillées : la frontière du Rhin vers 388, avec les razzias des Francs et
les répliques parfois désastreuses des Romains, la bataille d'Andrinople (378),
un choc frontal où le commandement romain a d'emblée perdu le contrôle de ses
troupes, ainsi que la bataille des Champs Catalauniques (451), qui constituait
en fait un affrontement entre barbares plus ou moins romanisés, dont les chefs
- Aétius et Attila - avaient tous deux le grade de maître de la milice dans
l'armée romaine.
Outre une bibliographie de 18 pages et un index de 15 pages,
le livre comprend 7 planches d'illustrations consacrées aux équipements,
armements et constructions de l'époque, ainsi que 20 cartes représentant les
répartitions territoriales, les fortifications, les mouvements et les combats.
Un plan remarquablement précis d'un camp romain est même disponible. On imagine
sans peine le travail considérable qui a été nécessaire pour rassembler autant
d'informations sous une forme cohérente.
De ce fait, Philippe Richardot parvient à cerner les trois
causes principales qui répondent à la question initiale : la
démilitarisation des Romains, la barbarisation de l'armée et la division de
l'Empire. Même si Byzance a pu exercer une domination considérable jusqu'à la
bataille de Mantzikert, la séparation entre Occident et Orient a en effet
décentralisé ses ressources et limité sa capacité à faire des efforts
principaux. Avec les pertes effroyables engendrées par les guerres civiles
incessantes, le recours aux barbares fédérés était inévitable.
Le seul reproche que l'on puisse adresser à ce livre
passionnant réside dans sa relative complexité. La ribambelle d'empereurs,
d'usurpateurs et de chefs militaires, les multiples campagnes, batailles et
manœuvres peuvent donner le tournis au lecteur peu versé dans l'histoire
romaine. Mais les efforts nécessaires pour suivre le fil désordonné de cette
époque sont pleinement récompensés par la qualité des analyses et la précision
des descriptions.
Maj EMG Ludovic Monnerat