^{21 septembre 2003}

Français expatrié aux Etats-Unis, Laurent Murawiec a été consultant auprès du Ministère de la Défense et chargé de conférences à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris avant de s’établir dans le Nouveau Monde ; analyste à la RAND Corporation lors de la rédaction de cet ouvrage, le célèbre institut de recherche fondé par l’US Air Force après la Seconde guerre mondiale, il travaille aujourd’hui pour le Hudson Institute à Washington, pour lequel il a notamment rédigé une stratégie alternative à la guerre contre le terrorisme.

Ce livre de 297 pages écrit à la fin des années 90 a pour objectif central de montrer que si la guerre reste en effet inéluctable, elle aura durant ce siècle des caractéristiques radicalement différentes. En huit chapitres, l’auteur commence par brosser un tableau aussi resserré que brillant des zones probables de conflits, puis décrit l’origine et l’application de la révolution dans les affaires militaires, avant de conclure par une critique aussi bien de cette révolution que de son incompréhension.

Son propos sobre et précis est souligné par une grande quantité d’exemples et de chiffres sur les armes, les systèmes et les armées, ce qui confère à La guerre au XXIe siècle une grande valeur didactique. Avec sa bibliographie de 6 pages et son index nominatif et thématique de 16 pages, ce livre constitue ainsi l’une des meilleures et plus abordables analyses de la chose militaire contemporaine – même s’il se concentre avant tout sur les Etats-Unis.

La compréhension de l’innovation technologique, qui s’étend de la circulation des idées à leur application opérationnelle, est d’ailleurs sa qualité principale. Laurent Murawiec cerne clairement le rôle des échanges entre civils et militaires, entre officiers et universitaires ou entre chercheurs et opérateurs dans la créativité de l’industrie de défense américaine, et a contrario le véritable ghetto dans lequel a été jetée la chose militaire en Europe occidentale.

De plus, ce livre fournit une vision particulièrement nette des technologies qui seront employées dans les conflits futurs et des conséquences qu’elles auront sur les doctrines d’emploi des forces. L’obsolescence des masses au profit des effets, le rôle vivement accru des militaires individuels ou encore les multiplicateurs de forces robotisés fournissent une perspective qui doit être prise en compte dans les réflexions actuelles. La guérilla de haute intensité qui formera l’avenir de la guerre l’exige.

Cet ouvrage n’est pas toutefois pas dépourvu de lacunes. Au-delà de quelques erreurs techniques peu significatives ou de certaines descriptions déjà périmées, l’auteur cède en partie à cette foi technologique qui caractérise tant les Etats-Unis. Or les capteurs immanents et pénétrants, l’interconnexion sans faille des plate-formes ou la maîtrise stratégique du tempo opérationnel n’iront pas de soi. La technologie offre autant de forces que de faiblesses à qui sait l’exploiter.

A cet égard, le dernier chapitre du livre constitue un recentrage aussi heureux que salutaire. Laurent Murawiec s’appuie notamment sur son expérience outre-Atlantique pour montrer que l’incompréhension culturelle et la vision mécaniste sont les travers principaux qui menacent les Forces armées américaines. De même, sa synthèse des différentes critiques de la révolution dans les affaires militaires permet de bien situer la complexité du débat et le danger de tout dogmatisme.

Au final, cet ouvrage permet avant tout de saisir l’ampleur des transformations que subiront les Forces armées au cours des prochaines années, et demeure à ce titre une lecture de choix.

Maj EMG Ludovic Monnerat