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Joseph Henrotin et al, Au risque du chaos, Armand Colin, 2004

10 janvier 2005

Joseph Henrotin et al - Au risque du chaosL

es livres analytiques et dépassionnés sur la guerre d’Irak sont rares en français. Cet ouvrage collectif comble une lacune et fournit une perspective stratégique de première qualité.

Joseph Henrotin est connu de nos lecteurs pour ses brillantes contributions stratégiques ou doctrinales ; doctorant en sciences politiques à l’université libre de Bruxelles, il s’est entouré de membres du RMES (Réseau Multidisciplinaire d’Etudes Stratégiques) pour tirer les leçons politiques et géostratégiques de la guerre d’Irak : Alain de Nève, André Dumoulin, Raphaël Mathieu, Thomas Pierret, Nikolaos Raptopoulos, Tanguy Struye de Swielande, Wally Struys et Christophe Wasinski. Un ensemble de docteurs et de chercheurs presque tous politologues qui ont cherché à prendre du recul pour replacer des événements confus et disputés dans leur contexte stratégique – et qui ont sans aucun doute atteint leurs objectifs.

Ce livre de 288 pages est articulé en 6 chapitres, en plus d’une introduction et d’une conclusion, et il aborde successivement les nouvelles perceptions de la menace, les leçons géopolitiques, les conséquences sécuritaires pour l’Europe, les conséquences stratégiques et les conséquences géoéconomiques, avant d’examiner si notre monde est devenu néo-clausewitzien. Le propos est donc à la fois global et académique, et comporte des références approfondies à des penseurs modernes comme Thomas P. Barnett et Loup Francart ; l’ouvrage est d’ailleurs complété par un glossaire bienvenu pour démêler plusieurs notions complexes liés au conflits contemporains, ainsi qu’un index et une bibliographie – celle-ci au terme de chaque chapitre.

Au risque du chaos commence par un décryptage particulièrement pertinent de la stratégie américaine, des enjeux liés à la perception de la menace terroriste après le 11 septembre, mais aussi de la préparation psychologique à l’invasion de l’Irak. Il décrit ainsi l’entreprise révolutionnaire des Etats-Unis, qui contraste tant avec une Europe traditionaliste et utopiste, et la nature du conflit – à défaut de guerre – contre l’islamisme : une opposition qui découle des êtres et non des actes. Dans ce sens, ce livre constitue un démenti flagrant à l’antiaméricanisme simpliste et racoleur de notre époque, en montrant la réalité des belligérants – et en rappelant que nous sommes engagés dans ce conflit.

Les auteurs développent également une vision critique et équilibrée sur le choix stratégique d’attaquer en Irak, et ils cernent les courants de pensée qui divisent l’administration américaine et qui expliquent ses tergiversations, voire ses erreurs. A leurs yeux, Washington a commis une bourde stratégique en menant cette opération trop tôt, avant d’avoir solidifié une cohésion politique naissante ; en même temps, ils soulignent l’effet catalyseur de Iraqi Freedom, l’obligation faite aux islamistes de se démasquer et d’agir, en Irak comme dans le monde, ce qui rend plus facile leur détection et leur neutralisation. Forcer l’adversaire à combattre dans des conditions défavorables est ainsi une véritable initiative stratégique.

Après un tour d’horizon éclairant du « Grand Moyen-Orient » confronté à l’ambition américaine de le démocratiser et de le moderniser, mais aussi une étude centrée sur la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) qui montre la complémentarité naturelle entre Europe et Etats-Unis si la première poursuit ses efforts, l’ouvrage aborde le domaine plus militaire et décrit avec clarté les innovations technologiques et doctrinales de l’opération. On regrettera que l’analyse porte avant tout sur les combats de haute intensité, et non sur toute la phase de stabilisation : c’est d’ailleurs l’une des deux faiblesses du livre que d’avoir insuffisamment traité cette problématique – la seconde étant une perspective parfois trop centrée sur l’Europe.

Cependant, Joseph Henrotin et ses co-auteurs peuvent être crédités d’une qualité rare : ils ont réussi à écrire un ouvrage collectif cohérent de bout en bout, sans contradiction et avec un nombre minime d’erreurs factuelles, ce qui n’est pas un mince exploit compte tenu de la couverture médiatique disponible sur le continent. Et la conclusion offerte au lecteur à la fin du livre, après une réflexion stratégique de haute tenue sur la pensée de Clausewitz et la nature des conflits, est particulièrement claire : celle de vivre à l’avenir des guerres non plus totales, mais bien sociétales. Au risque du chaos est donc une lecture hautement recommandée.




Lt col EMG Ludovic Monnerat    









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