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James F. Dunnigan et Albert A. Nofi, Victory and Deceit, Writers Club Press, 2001

8 août 2004

James F. Dunnigan et Albert A. Nofi - Victory and DeceitL

a déception était d’après Sun Tsu l’essence de la guerre, mais elle reste entourée de méfiance et d’incrédulité au sein des armées occidentales. Ce livre en fait un tour d’horizon très large et permet de cerner aussi bien son origine ancestrale que son importance croissante dans les opérations de combat.

Jim Dunnigan et Al Nofi sont deux auteurs prolifiques, bien connus des passionnés de wargames, et qui restent les chevilles ouvrières du site www.strategypage.com. Le premier est un historien qui, après avoir fondé et géré une société spécialisée dans les simulations de combat dans les années 70, a écrit de nombreux livres consacrés à la stratégie, à l’histoire des conflits et à la chose militaire, dont le plus connu reste la compilation de données How To Make War. Le second est un docteur en histoire militaire qui a écrit de nombreux livres sur les conflits du XIXe et du XXe siècle, et notamment de la guerre de Sécession. Tous deux collaborent depuis de longues années pour rédiger des ouvrages de références, comme The Pacific War Encyclopedia ou Dirty Little Secrets of World War II.

Ce livre de 480 pages, qui en est à sa deuxième édition. a également été conçu dans une perspective globale. Il a pour objectif central de montrer comment la déception a été utilisée de tous temps dans toutes les guerres entre hommes. Aujourd’hui encore, la déception est mal considérée au sein des armées, qui souvent la définissent comme une arme du faible, à double tranchant et acceptable en dernière extrémité seulement. La volonté de tromper délibérément l’adversaire s’accorde mal à l’influence du politiquement correct, alors que l’incertitude quant à ses ressorts et à ses effets rebute les militaires adeptes de dispositifs linéaires, de méthodes mesurables et d’actions contrôlables.

La déception remonte pourtant aux aurores de l’humanité, et elle était déjà pratiquée par les tribus préhistoriques durant la chasse. Les deux auteurs en donnent d’ailleurs une définition particulièrement large en énumérant les différentes tromperies usuelles : la dissimulation, le camouflage, les fausses informations, les ruses, les représentations, les démonstrations, les feintes, les mensonges et mêmes les aperçus de l’esprit à tromper. En d’autres termes, ils rassemblent toutes les techniques passives ou actives visant à altérer le savoir ou les perceptions de l’adversaire en réduisant les informations disponibles ou en propageant des informations inexactes.

Le cœur de l’ouvrage réside cependant dans ses exemples historiques : plus de 120 cas de déception issus de l’Antiquité, du Moyen-Age, de la Renaissance et l’époque moderne sont décrits en détail pour illustrer l’emploi de la tromperie au fil des siècles. S’ils rendent d’ailleurs un hommage appuyé à Byzance, dont la maîtrise avérée de la déception a longtemps assuré la survie, les auteurs ont eu le bon goût de structurer leur livre de manière à permettre une lecture aléatoire et non séquentielle, et donc de pouvoir sélectionner ou retrouver aisément des exemples précis. De la sorte, leur travail constitue un véritable guide pratique de la tromperie tactique et stratégique.

Dunnigan et Nofi soulignent combien la technologie fournit de nouvelles opportunités aux différentes techniques de déception, et ils relatent avec minutie le développement de la guerre électronique durant la Seconde guerre mondiale. De même, la prolifération des médias et leur impact sur les opinions publiques constitue un facteur essentiel, comme l’Union Soviétique n’a cessé de le démontrer en Occident pendant la Guerre froide. Aujourd’hui, avec l’Internet, les téléphones portables à imagerie optique et les liaisons par satellite, le potentiel de tromperie est plus vaste que jamais.

L’une des révélations du livre reste le fait que l’autodéception s'avère la forme la plus efficace de tromperie. Souvent, la déception ne consiste pas à faire croire à l’adversaire une réalité nouvelle, mais bien à renforcer ses convictions pour en tirer le meilleur parti possible. Les Allemands étaient déjà persuadés que le Pas-de-Calais offrait le secteur le plus approprié pour le débarquement ; il s’agissait donc de leur laisser penser que la Normandie ne serait qu’une diversion. Les Soviétiques étaient déjà persuadés que la technologie américaine au début des années 80 était largement supérieure à la leur ; l’Initiative de Défense Stratégique a donc renforcé leurs convictions et joué sur leurs peurs pour les amener à une course aux armements désastreuse et accélérer de 5 ans leur effondrement.

Cet ouvrage a pour seule faiblesse un contenu inégal et peu analytique. Les déceptions stratégiques élaborées, comme la Guerre du Yom Kippour ou l’IDS, côtoient les actions de déception appuyant une opération déterminée, tels l’opération « Hail Army » déplaçant la masse blindée coalisée dans le Golfe en 1991 ou l’opération « Fortitude » protégeant le débarquement en Normandie de 1944, mais aussi les stratagèmes du champ de bataille, à l’instar du petit mensonge de Murat en 1805, criant à l’armistice et jurant sur son honneur de Maréchal de France pour tromper un officier autrichien et s’emparer d’un pont crucial. On renoncera donc à trouver dans ce livre une théorie de la déception, et donc une méthode clairement articulée pour son usage au sein des Forces armées.

En revanche, les auteurs démontrent avec éloquence que la déception constitue une composante intégrale de toute opération de combat, et que même une force supérieure doit y avoir recours. Toute une prise de conscience reste à faire dans les rangs des armées, et cet ouvrage peut grandement y contribuer.




Lt col EMG Ludovic Monnerat    









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