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Barthélémy Courmont et Darko Ribnikar, Les guerres asymétriques, Presses universitaires de France, 2002

13 juin 2004

Barthélémy Courmont et Darko Ribnikar - Les guerres asymétriquesT

erme aujourd’hui incontournable, l’asymétrie est sur le point de faire son entrée dans le langage commun. Pourtant, les conflits asymétriques existent depuis l’Antiquité, et leur incompréhension réside souvent dans la quête effrénée d’une dissymétrie trompeuse. Ce livre brosse un tableau d’ensemble du sujet et en constitue une bonne introduction.

Barthélémy Courmont est chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et chargé de cours à l’Institut d’études politiques de Lille ainsi qu’à l’Université Paris XIII ; spécialisé dans la politique étrangère des Etats-Unis et les questions nucléaires, il a également publié début 2003 un livre consacré au terrorisme et aux méthodes permettant de le combattre. Pour sa part, Darko Ribnikar est titulaire d’un Master en affaires internationales de l’Université de Columbia à New York et d’un Diplôme d’études supérieures spécialisées de Défense, géostratégie et dynamiques industrielles de l’Université Paris II.

Dans ce livre de 287 pages, ces deux auteurs tentent d’analyser les guerres asymétriques d’hier et d’aujourd’hui pour mieux prévoir les nouvelles menaces auxquelles seront confrontés les États. Leur propos, divisé en deux parties comptant chacune 4 chapitres, consiste ainsi à examiner les concepts d’asymétrie et de dissymétrie, les guerres asymétriques dans l’histoire, l’Amérique face à l’asymétrie et l’expérience du Kosovo, avant de se pencher sur les limites de la technologie, le terrorisme et l’asymétrie, l’avenir des guerres asymétriques ainsi que les armes de destruction massive.

Afin de fonder leurs réflexions, Barthélémy Courmont et Darko Ribnikar emploient des définitions issues de l’architecture : à leur sens, la symétrie suppose au moins deux éléments pouvant être comparés, l’asymétrie est l’absence volontaire de symétrie et la dissymétrie un défaut de symétrie. Sur le plan stratégique, ils affirment ainsi que la symétrie est un combat à armes égales, la dissymétrie une supériorité qualitative et/ou quantitative, et l’asymétrie l’exploitation des faiblesses adverses, notamment en refusant les règles usuelles du combat.

La réflexion au cœur de cet ouvrage consiste dès lors à montrer que l’augmentation de la dissymétrie, telle qu’elle est recherchée par les forces armées occidentales en général et par les Etats-Unis tout particulièrement, aboutit à accroître le champ d’application de l’asymétrie. La concentration sur la technologie et sur l’optimisation des procédures traditionnelles font abstraction des actions tirant parti d’une conception pareillement monolithique, et qui déploient des effets croissants – comme l’ont démontré les attaques du 11 septembre.

Pour illustrer leurs propos, les auteurs fournissent une bonne description de la guerre du Vietnam, et notamment des effets asymétriques utilisés par la guérilla vietcong pour contourner la supériorité militaire écrasante des Etats-Unis. De même, ils se livrent à une analyse très détaillée de la guerre du Kosovo et montrent notamment comment l’usage systématique de leurres et d’actions de déception a permis aux forces armées yougoslaves de survivre sous l’offensive aérienne de l’OTAN et face à sa suprématie technologique.

L’une des meilleures facettes du livre réside dans son évaluation des menaces asymétriques contemporaines. En montrant que les acteurs asymétriques ne doivent pas dépasser un seuil critique en terme de taille et de visibilité sous peine de perdre les avantages de leur nature, les auteurs soulignent avec éloquence l’une des faiblesses récurrentes de la guerre asymétrique : la capacité à réussir la transition vers l’attaque symétrique – ou même dissymétrique – pour tirer pleinement parti de la situation créée et obtenir la décision.

Cet ouvrage n’est cependant pas exempt de faiblesses. En affirmant de manière péremptoire début 2002 que « les chances que les Etats-Unis utilisent leurs divisions blindées contre celles d’un autre pays sont devenues quasi nulles », les auteurs tombent en fait dans le travers qu’ils dénoncent avec raison – simplement dans l’autre sens. De même, leur appréhension de la campagne américaine en Afghanistan fait totalement abstraction du rôle décisif joué par les forces spéciales, et donc de la recherche délibérée de l’asymétrie que pratiquent les armées occidentales.

Il manque clairement à ce livre une compréhension plus large et plus détaillée de l’asymétrie, une vision stratégique englobant les fins, les moyens et les voies pour expliquer concrètement dans quelle registre elle s’inscrit. Si l’asymétrie permet avant tout de ne pas perdre, comment peut-on en effet reprocher la recherche d’une dissymétrie qui, elle, permet la victoire ? De même, si la supériorité matérielle est prise en compte, comment évaluer les vrais rapports de force sans prendre en compte la supériorité morale ou intellectuelle des belligérants ?

Malgré cela, cet ouvrage donne au lecteur un tour d’horizon large et souvent passionnant des modalités propres aux conflits modernes. En ce sens, il constitue une très bonne introduction au sujet et mérite d’être lu.




Lt col EMG Ludovic Monnerat    









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