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Alexandre Adler, J'ai vu finir le monde ancien,
Grasset, 2002

7 septembre 2003

Alexandre Adler - J'ai vu finir le monde ancienL

es livres pénétrants et lucides au sujet des attaques du 11 septembre et de leur signification restent rares en français. Cette somme de pérégrinations intellectuelles en fait partie, même si elle ne parvient pas à en tirer une conception stratégique.

Editorialiste associé au Monde et directeur éditorial de la rédaction de Courrier international, Alexandre Adler appartient à cette caste d'observateurs brillants et de commentateurs érudits qui caractérise le milieu intellectuel français. Il se distingue néanmoins par son refus du parti pris, par son absence d'a priori moral et par sa volonté d'embrasser et de cerner le monde tel qu'il est. Les phobies conspiratrices ou les allégeances idéologiques ne le touchent pas.

Avec ses 336 pages au style alerte et sobre, ce livre publié en mai 2002 a pour ambition de penser le nouveau monde né au lendemain des attentats de New York et de Washington. Cependant, il constitue avant tout une description dégrisée de l'ancien, avec cinq chapitres consacrés aux Etats-Unis, à l'islam, au monde selon Ben Laden, à Israël et aux courants arabo-musulmans, avant d'en venir effectivement au futur en un dernier chapitre. La démarche est explicative, et non prospective.

Par bonheur, cette description conjugue lucidité et concision, et elle donne toute sa valeur à l'ouvrage. La position hésitante et ambivalente des Etats-Unis, l'histoire tourmentée et déchirée de l'islam ou encore la vision panislamique de Ben Laden qui s'oppose aux visions panarabes sont retracées de manière limpide. La brièveté relative des chapitres impose naturellement plusieurs raccourcis, mais la signification exacte du 11 septembre apparaît clairement au fil des pages.

En revanche, la pertinence du propos s'effiloche dès lors qu'il s'agit d'envisager l'avenir. Alexandre Adler, en fidèle disciple de la construction européenne, croit en un monde marqué par la formation de grandes régions supranationales, consacrant le rapprochement de pays ayant en commun les intérêts, la culture ou l'ethnie; mais le grand Maghreb, l'union Turquie-Azerbaïdjan ou les archipels unis du Pacifique sont de pures vues de l'esprit qui relèvent de considérations pour le moins optimistes.

Ce simplisme est encore renforcé par une lacune si fréquente chez les penseurs français: une compréhension limitée des facteurs militaires, et leur minimisation par rapport aux facteurs politiques, économiques et culturels. L'utilité de l'OTAN est ainsi niée par l'auteur, qui estime ses gros effectifs totalement inadaptés, alors même que la stabilisation des vastes régions dont il souhaite l'avènement requiert précisément des missions de maintien de la paix qui consomment énormément de ressources humaines.

De même, Alexandre Adler a conclu a tort qu'Israël perdait sa guerre contre les Palestiniens et que les Etats-Unis se limiteraient à des offensives d'ampleur limitée comme celle d'Afghanistan. Rien dans son livre n'envisage une offensive coalisée visant à renverser la dictature de Saddam Hussein pour lancer un mouvement de transformation du Moyen-Orient. Mais penser le monde, c'est aussi penser la guerre. Multiplier les plans Marshall, comme le préconise l'auteur, omet celle qui a précédé le premier d'entre eux.

Enfin, il est frappant de constater que la fragilité intérieure de l'Europe, et notamment la montée en puissance des influences islamistes en son sein, n'est pas abordée. Un peu comme si l'Union Européenne était vouée par définition à rester un îlot de stabilité et de continuité dans un monde qui connaît les brutales convulsions de son unification. Cet aveuglement hélas commun est sans aucun doute à la base de l'atrophie stratégique dont souffre aujourd'hui le continent.

Ces lacunes n'empêchent toutefois pas ce livre de constituer un témoignage et une analyse historiques de première valeur. Les derniers chapitres ont furieusement vieilli en 15 mois, mais les premiers continuent d'éclairer les événements qui se produisent aujourd'hui. Le monde ancien n'a pas fini de nous poursuivre.




Maj EMG Ludovic Monnerat    









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