Le cauchemar d’Oussama ben Laden :
des élections libres et démocratiques en Irak
4 janvier 2005
’intervention du terroriste islamiste le plus célèbre contre les élections en Irak est pour l’analyste américain Ralph Peters un signe clair de leur importance, et du fait que la démocratie est bien la meilleure voie contre l’extrémisme.
Le message émis lundi dernier par Oussama ben Laden nous a rappelé ce qu’il redoute : un vote. En condamnant comme infidèle tout Irakien qui se rend aux urnes, le maître terroriste espère faire avorter les élections. Il sait que chaque suffrage exprimé est une défaite. Quiconque nie l’importance des élections irakiennes à venir doit écouter la supplique urgente de M. ben Laden pour un boycott. Oussama a loué les atrocités de Abou Moussab al-Zarqaoui, un exécuteur personnellement impliqué, et approuvé sa collaboration dans les efforts pour stopper le scrutin.
«... Il faut se féliciter du dernier message émis par Oussama : si les terroristes pensaient avoir une chance dans les urnes, ils feraient campagne au lieu de massacrer. »
Les terroristes islamiques ne font pas confiance au peuple. Ils redoutent la force de ceux qui pourraient penser par eux-mêmes. Convaincus que les hommes et les femmes doivent être farouchement gouvernés d’en-haut, les terroristes sont l’incarnation religieuse et sanguinaire de milliers d’années de tyrannie. Leur dieu est un dictateur sauvage qui vit dans les nuages.
Maintenir les élections
Ben Laden et Zarqaoui sont tous deux conscients de leur faiblesse. Si le choix leur est laissé, peu d’hommes et de femmes préfèrent être opprimés. Les élections sont la meilleure arme que l’humanité a développée contre les hiérarchies séculaires qui concentrent le pouvoir et la richesse, et laissent de sombres vieillards exterminer les joies simples. La vision islamique extrémiste d’un monde gouverné par l’interprétation la plus radicale de leur foi ne peut pas survivre là où les gens choisissent leurs propres dirigeants. Les terroristes le savent, et ils en ont peur. Comme d’autres élites auto-proclamées, ils prétendent parler au nom du citoyen moyen tout en le jugeant incapable de s’exprimer sur ses propres affaires.
Oussama ne possède aucune autorité religieuse pour condamner les Irakiens désireux de voter. En donnant l’impression de célébrer la tradition islamique, lui et ses amis terroristes changent les règles en cours de route. Le massacre des innocents, les exécutions filmées sur vidéo, les kidnappings et les assassinats de candidats politiques n’ont aucune base dans le Coran. Le terrorisme islamiste est un culte sanguinaire primitif. Et ce culte ne pourrait pas survivre dans un Moyen-Orient où les élections deviendraient la norme.
Les élections à venir en Irak seront au mieux chaotiques. Les Arabes sunnites peuvent rester chez eux, intimidés par la terreur et empoisonnés par la démagogie. Mais cela n’invaliderait pas davantage les résultats des élections qu’un boycott de professeurs d’université contesterait la légitimité des élections américaines. En démocratie, ceux qui n’ont pas le courage ou la volonté de voter doivent s’incliner devant les bulletins émis par ceux qui prennent position.
Les choix que les Irakiens vont faire peut apparaître autant un reproche à l’Amérique qu’aux terroristes. Cela fait également partie de la démocratie. Au lieu de s’inquiéter du court terme, il faut se concentrer sur le long terme : la démocratie est prenante. Comme nous venons de le voir en Ukraine, la démocratie permet aux électeurs de tirer les leçons d’erreurs passées. Chaque vote est en définitive une victoire pour les Etats-Unis.
Malgré les cris des experts contractuels pour lesquels des résultats imparfaits signifient systématiquement un échec, il faut se féliciter du dernier message émis par Oussama : si une confirmation de l’importance des élections en Irak était nécessaire, nous venons de l’avoir. Si les terroristes pensaient avoir une chance dans les urnes, ils feraient campagne au lieu de massacrer.
Washington doit simplement conserver le cap. Les craintes de dernière minute ne doivent pas faire croire que retarder les élections est souhaitable. Il faut encourager le Gouvernement du Premier ministre Ilya Allaoui à maintenir la date des élections. La seule raison valide pour un ajournement serait si les Irakiens eux-mêmes estimaient celui-ci crucial. Les terroristes considéreraient même un bref retard comme une victoire dans leur campagne désespérée d’assassinats et d’attentats. Des élections retardées renforceraient les terroristes et les insurgents, au lieu de les affaiblir, alors que même une élection apparemment chaotique de l’extérieur serait un jalon pour tout le Moyen-Orient.
Les élections seront le test le plus important à ce jour pour les peuples d’Irak – les Arabes, les Kurdes, les Turcomans et les autres. Il est impossible de prédire le résultat des élections, parce que les Irakiens eux-mêmes ignorent ce qu’il va se passer. Est-ce qu’ils vont voter en masse, démentant les prophètes de l’échec comme l’ont fait les Afghans ? Est-ce qu’ils vont choisir des dirigeants religieux au lieu de technocrates laïcs ? Est-ce que les élections seront utilisées pour régler de vieux comptes ou lancer un nouveau départ ?
Combien d’Arabes sunnites vont défier les terroristes et voter ? Combien d’Irakiens vont venir dans les files d'attente des bureaux de vote ? Est-ce que d’autres Gouvernements arabes – eux-mêmes terrifiés par la démocratie – vont condamner les résultats, quel que soit le courage démontré par les Irakiens ? Est-ce qu’une élection réussie va intensifier la cruauté des terroristes ?
La seule chose dont nous pouvons être certains, c’est que nos ennemis mortels font tout ce qu’ils peuvent pour faire avorter les élections irakiennes. C’est le seul but sur lequel s’accordent les divers groupes insurgés et factions terroristes. Si nous avons besoin d’une preuve supplémentaire que notre lutte contre le terrorisme est fondée par la liberté humaine et la dignité des hommes et des femmes normaux, nos ennemis la déposent devant nous.
Texte original: Ralph Peters, "Oussama's Nightmare", The New York Post, 29.12.04
Traduction et réécriture: Lt col EMG Ludovic Monnerat