Schengen, la Suisse et les armes : une loi imposée de l’étranger
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8 août 2004
a loi fédérale sur les armes promet d’être totalement bouleversée en cas d’adhésion aux accords de Schengen, ce qui aura des conséquences drastiques sur les possesseurs d’armes dans ce pays. Frank Leutenegger, journaliste et webmaster du site www.swissguns.ch, en résume ici les effets.
Le Conseil fédéral a osé. Il nous présente les accords de Schengen à signer, comme un accord sur le prix des topinambours, pour éviter le référendum obligatoire qu’il craint trop de perdre.
Pourtant, Schengen est bel et bien un traité sécuritaire supranational, par lequel on veut imposer aux Suisses – entre autres – une loi sur les armes étrangère.
«... Le droit de posséder des armes est garanti. Le droit de les porter aussi. Pourtant, on a vu ce que la clause du besoin en a fait : une interdiction générale avec quelques exceptions. »
Car tous ceux qui ont lu les modifications de la loi sur les armes qu’impose le traité (il ne s’agit pas de négocier, de marchander tel ou tel point : Schengen impose tout ou rien) sont atterrés. Tout ce qui a été presque unanimement rejeté des consultations à répétition de Ruth Metzler, en 2002 et 2003, se retrouve là… en pire : contrôle de la détention, clause du besoin pour l’achat ou la détention, permis d’achat entre particuliers, contrôle des munitions, interdiction de détention de certaines armes, enregistrement, etc.
Un contrôle sans précédent
Le contrôle de la possession d’armes par des particuliers est une première en Suisse. Même les plus acharnés à la « normalisation » de la Suisse n’avaient pas osé. L’article 3 de la loi fédérale sur les armes (encore) en vigueur précise bien pourtant que : « Le droit d’acquérir, de posséder et de porter des armes est garanti dans le cadre de la présente loi. »
Le droit de posséder des armes est garanti. Le droit de les porter aussi. Pourtant, on a vu ce que la clause du besoin en a fait : une interdiction générale avec quelques exceptions pour des privilégiés ou des professionnels. Berne essaye de nous rassurer, avec une liste de « besoins » prédéfinis et admissibles, mais on sait trop bien comment tout cela est modifiable, selon la volonté du politique, et comment l’instauration d’une clause du besoin mène toujours vers de nouvelles restrictions.
L’instauration d’un permis d’achat entre particuliers est l’une de ces mesures que nous avions tous refusée, lors des procédures de consultation. Cette mesure est ressentie comme une tracasserie inutile et ne peut qu’entraîner un essor dramatique du marché noir – marché noir qui, bien sûr, servira de prétexte pour de nouvelles restrictions… etc.
Quant au contrôle de la remise de munition, lors de la consultation Metzler pour réviser la loi, les sociétés de tir avaient fait connaître leur farouche opposition à un système qui ferait d’elles des supplétifs de la police, pour un contrôle vexatoire, inefficace, mais qui en ferait surtout de bons responsables désignés, au moindre problème. Que dire de plus ?
Pour se conformer à la Directive 91/477/CEE, le Conseil fédéral veut en outre imposer l’interdiction des armes dites militaires. Dans diverses déclarations (DDPS, police, etc.) on a essayé de nous convaincre que la Suisse pourrait appliquer une définition bien à elle de ce qu’est une arme militaire. Ce ne serait pas, comme dans tout le reste de l’Europe, une arme servant – ou ayant servi au XXe siècle – dans une armée (où que ce soit dans le monde), mais seulement un fusil tirant en rafales, un lance-grenades ou un tube-roquettes.
Il faut relever que ces explications relèvent de déclarations, jamais de définitions légales. On peut facilement déduire de là la volonté « d’endormir » les propriétaires d’armes de ce pays, pour n’appliquer les définitions étrangères que quelques temps plus tard. Et les militaires libérés du service se verront alors ramasser leurs fusils transformés au coup par coup, dont Berne avait juré qu’ils pouvaient les garder… mais sans préciser combien de temps. Même les fusils 89 ne seront pas à l’abri (ils ont servi – avec honneur – au cours du XXe siècle), alors ne parlons même pas des 11 et des 31, qui sont classés A (interdits), dans tous les pays voisins du nôtre.
Par un artifice de langage, les partisans de cette loi étrangère tentent de nous convaincre qu’il n’y a aucun enregistrement de prévu. Et, certes, dans les textes officiels, on précise qu’il n’est pas besoin d’un enregistrement centralisé, à la manière de ce qu’avait voulu faire Ruth Metzler, pour satisfaire à la même loi étrangère. Non, il suffirait d’une simple déclaration générale de tout ce que possèdent les Suisses, en matière d’armes, de munitions et de pièces détachées.
Personne ne peut penser qu’une telle déclaration pourrait servir à un enregistrement… non ? Et un enregistrement – pardon, une déclaration qui ne saurait être enregistrée – mène toujours à la confiscation. Savez-vous qu’en France occupée, en 39-45, certains Alsaciens ont pu conserver leurs armes ? Les Allemands étaient des gens d’ordre : ils ont organisé leurs confiscations à partir des registres de propriétaires d’armes, mais ils ont commencé par la lettre A. Des gens qui s’appelaient Zulauf n’avaient toujours pas été inquiétés en 1945 !
Dans l’époque moderne, la France, l’Allemagne, la Grande Bretagne ont toutes fait l’expérience de confiscations qui ont suivi l’enregistrement. En Suisse, cela sera sans doute plus facile que dans la France occupée… ou bien ?
Il y aurait encore beaucoup à dire sur (contre) cette loi étrangère qu’on veut donner aux Suisses. Il est en particulier étonnant de constater que, du temps de Ruth Metzler, on n’avait pas osé proposer ce que l’on veut aujourd’hui imposer.
Si nous acceptons Schengen – et même si les menteurs qui nous jurent que cela n’a aucun rapport avec une adhésion, disent, pour une fois, la vérité – nous pouvons aussi bien nous fondre dans l’Europe. La Suisse, celle dont j’ai été un soldat, comme tant d’autres avant moi, la Suisse cessera selon moi d’exister.
Frank Leutenegger