L'essentiel de l'actualité militaire


Exposé guerre moderne


L'essentiel des livres







L'essentiel des liens militaires


Documents militaires


Toutes les dates des ER


Cliquez ici pour soutenir CheckPoint!


Toutes les unités actuellement en action


Le Swiss Army Theme pour Windows 95


Webring Armée suisse

Un futur qui vaut la peine d'être créé :
interview du docteur Thomas Barnett

Version imprimable

8 août 2004

Thomas BarnettL

e docteur Thomas P. M. Barnett a connu une brusque publicité en mars 2003 avec la parution d’un article controversé dans le magazine Esquire. Titré La nouvelle carte du Pentagone, l’essai de Barnett affirmait que les Etats-Unis devaient cesser de penser le monde dans les termes de la guerre froide, et adopter de nouvelles règles militaires, politiques et économiques pour faire face à la nouvelle réalité.

L’argument central de Barnett consiste à dire que la globalisation est la clef de la paix et que les Etats-Unis doivent utiliser toute leur puissance pour l’étendre aux pays déconnectés de ces deux tiers du monde qui jouissent d’une plus grande liberté économique.


«... Tous les grands problèmes, comme la guerre entre les grandes puissances, ont été résolus. Nous devons à présent passer à la violence subnationale et au terrorisme transnational. »


Sans surprise, la thèse de Barnett a provoqué le débat aussi bien à gauche qu'à droite. Elle a également donné lieu à la publication de The Pentagon's New Map: War and Peace in the Twenty-First Century, en mai dernier, une version élargie sous forme de livre de cet essai.



Vous avez commencé votre carrière par une spécialisation dans les affaires soviétiques. Quel était votre sentiment à la fin des années 80, lorsque vous saviez que votre carrière était menacée avant d’avoir réellement commencé ?

En fait, c’était un énorme soulagement. Passer un doctorat revient à s’engager dans une recherche très spécialisée pendant plusieurs années. C’était un grand rite de passage qui m’a beaucoup appris, mais qui m’a également convaincu que je n’étais pas un artiste de la recherche voué à demeurer dans un sujet très étroit – comme les relations entre l’Europe de l’Est et le Tiers Monde. De sorte que quand le mur est tombé, je me sentais également libéré. Je savais simplement que je me trouvais au point d’origine pour tout ce qui suivrait. Les seules questions étaient celles-ci : quel était le futur global que nous étions en train de contempler ? Et quel rôle allais-je jouer en essayant d’aider le gouvernement américain à s’adapter à ce nouvel environnement ?



Comment avez-vous fait la transition d’une concentration sur l’Union soviétique au monde dans son entier ?

La planification militaire américaine était devenue tellement isolée et simple, en raison de la menace permanente de la Troisième guerre mondiale, que je savais instinctivement, pour parvenir ainsi dire à ouvrir mes ailes, nécessaire d’aller au-delà de ce paradigme et d’explorer les relations existant entre la guerre et la paix, entre le conflit et la stabilité, ou entre la sécurité nationale et l’économie globale. J’ai donc beaucoup travaillé sur la stratégie navale, parce que le début des années 90 a donné lieu à une grande réflexion à ce sujet. Puis j’ai migré vers l’aide extérieure, en étant plusieurs mois durant consultant auprès de l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID). Mais le grand pas, pour moi, a été de quitter la scène des think tanks de Washington afin de forger un partenariat de recherche unique entre Wall Street et le Collège de Guerre Navale à Rhodes Island, avec pour priorité la manière avec laquelle la globalisation altérait les définitions américaines de la sécurité nationale et internationale.



Je sais que c’est difficile, mais dites-nous en quelques mots : quels sont vos arguments dans votre livre, The Pentagon's New Map?

Ce livre n’est rien moins qu’une tentative de définir une succession à la stratégie de l’endiguement datant de la guerre froide, et donc de diagnostiquer la source exacte de la violence massive et du terrorisme au sein de la communauté globale afin de faciliter leur endiguement par des moyens militaires et diplomatiques, et finalement leur éradication par une intégration économique et sociale. Gagner cette guerre globale contre le terrorisme exige de rendre la globalisation vraiment globale et, de la sorte, éliminer la déconnexion qui définit le danger à notre ère. En inscrivant la guerre contre le terrorisme dans le grand processus historique de globalisation et en la liant explicitement à son expansion continue, je cherche à changer l’habitude de l’Amérique à mener une guerre uniquement dans son contexte et de l’amener à penser, à préparer et à faire la guerre dans un autre contexte.



Rétrospectivement, votre division du monde en deux camps principaux, avec d’une part le Centre efficient des nations qui sont économiquement développées, politiquement stables et intégrées à l’économie globale, et d’autre part le Vide, où se trouvent ceux qui sont déconnectés du Centre, devrait aller de soi pour de nombreuses personnes. Pourquoi, d’après vous, la plupart d’entre nous sont toujours restés à l’époque de la guerre froide et pensent à des chocs de cultures et d’idéologies qui mènent à des guerres que vous appelez la Big One ?

Le Département de la Défense a été créé en 1947 autour du principe unique et fondateur de la guerre entre grandes puissances, parce que c’est ce que nous connaissions et ce que nous avions prévu pour les années à venir. En réalité, les armes nucléaires ont tué les guerres de ce type, et aucune grande puissance n’est entrée en guerre avec une autre depuis leur invention. Mais jusqu’à ce que le bloc soviétique s’effondre, nous avons dû honorer ce principe fondateur, car notre dissuasion visait à prévenir la Big One dans toute son ampleur. Comme le Pentagone a vécu tant d’années dans cet état d’esprit, ils ont naturellement cherché quelqu’un pour remplacer les Soviets dans l’après-guerre froide, et ils ont choisi la Chine lors la crise du détroit de Taiwan en 1996.

Nous avons donc continué à financer des Forces armées high tech conçues pour des guerres entre grandes puissances alors même que nous avons passé les années 90 à mener essentiellement des opérations militaires autres que la guerre, sans haute technologie. Ce qui nous amène à la situation actuelle : des Forces armées capables de renverser 2 ou 3 Saddam par année, mais insuffisantes en personnel, en équipement et en imagination face aux défis que nous affrontons aujourd’hui dans la reconstruction de l’Irak. C’est pourquoi l’état d’esprit du Pentagone est important : il génère avec le temps la force que nous finissons par utiliser, qu’elle soit particulièrement adaptée à la mission ou non. Et lorsqu’elle ne l’est pas, comme en Irak depuis la fin de la guerre, il est raisonnable d’affirmer que les vies de nos soldats sont mises en danger sans raison.

Pour ce qui est de la séparation du monde faite par le livre comme allant de soi, je suis d’accord. Trop de gens avec quelques cours de sciences politiques derrière eux vont accuser le livre de simplement reprendre la vieille fracture entre les Nantis et les Exclus, ou – pire – la séparation entre Centre et Périphérie d’Emmanuel Wallerstein. Même si des similitudes existent, aucune n’est logiquement considérée comme un concept précurseur. Je ne parle simplement pas des riches ou des pauvres, mais de qui est connecté à l’économie globale ou non ; c’est donc une question d’orientation, et non de degré. En ce qui concerne le type de marxisme délavé de Wallerstein, il faut se souvenir qu’il affirmait que le Centre devait dominer la Périphérie afin de rester riche. Mon argument est l’exact opposé. Si quelqu’un veut me relier à Wallerstein, il ferait mieux de noter que j’ai renversé son argument aujourd’hui périmé (il a fonctionné quelque temps dans les années 70). Il est donc temps d’aller de l’avant, dans la théorie des relations internationales comme dans la planification au Pentagone.



Pourquoi la globalisation est-elle si nécessaire à la cause de paix ?

En bref, la globalisation propage la connectivité. Celle-ci accroît les options et les opportunités pour les transactions économiques à tous les niveaux, mais spécialement pour les individus. Ces taux de transaction en hausse et ces niveaux croissants de connectivité génèrent la liberté de choix, d’information, etc. Avec le temps, la connectivité a besoin de code, comme mes amis programmeurs aiment le dire, et davantage de règles signifie moins de conflits et plus de paix. La globalisation exerce certainement des secousses lorsqu’elle s’étend à des sociétés traditionnelles, et ce processus va générer de l’angoisse sociale, des changements politiques de grande ampleur ainsi que des réactions hostiles dans certaines sociétés. C’est tout le problème : alors que la globalisation avance, il faut d’attendre à davantage de conflits liés à cette avance, parce qu’elle met au défi les sociétés traditionnelles de changer profondément ; mais au fil du temps, l’effet durable de cette connectivité est la paix.

Est-ce que le neuf prend l’avantage sur le vieux dans ce processus ? Oui. Est-ce que l’individu prend l’avantage sur le collectif ? Oui. Est-ce que c’est mauvais ? Seulement si vous pensez cela du progrès (ou que la vie était meilleure par le passé). Dans mon esprit, toutefois, la majeure partie de la résistance à la globalisation ne porte pas sur l’orientation, mais la rapidité du processus. Le vrai cri de bataille des forces anti-mondialisation devrait être « moins vite ! ». Bien sûr, un Ben Laden ou un Al-Qaïda vont combattre la globalisation dans le monde islamique par tous les moyens, parce qu’ils voient leurs chances de ramener des sociétés entières à leur VIIe siècle paradisiaque disparaître un peu plus chaque année où la globalisation s’implante dans la région. Il faut donc s’attendre à ce que leur lutte devienne plus désespérée avec le temps.



Vous affirmez que la Chine n’est pas la menace – la nouvelle Union soviétique – que de nombreux conservateurs et ceux du Pentagone ont voulu faire accroire, parce qu’elle a trop à perdre sur le plan économique – ou même militaire – en défiant l’engagement américain envers Taiwan et le reste de l’Asie du Sud-Est. Comment voyez-vous la Chine dans 20 ans, et pourquoi ?

Je vois le potentiel d’un formidable partenariat stratégique, si les Etats-Unis ont la sagesse et le courage de faire les compromis nécessaires pour générer ce lien. La Chine posera un défi aux Etats-Unis sur plusieurs plans – économique, diplomatique, social, et notamment politique étant donné la lenteur de sa réforme ; mais aucun de ces problèmes ne va nécessairement dégénérer en défi militaire, à moins de penser que de nombreux Américains doivent perdre la vie pour défendre une Chine contre l’autre. Je peine à accepter ce scénario, parce que je continue d’observer une intégration économique systématique entre Taiwan et la Chine. C’est cette inexorable union économique qui alimente les discours politiques tranchés de part et d’autre, que nous devons gérer avec adresse et sans émotion. Dans 20 ans, la Chine peut et devrait être un énorme partenaire pour les Etats-Unis, cimentée dans une alliance de sécurité de type OTAN pour l’Est Asiatique qui provient de l’engagement partagé par la Corée du Sud, le Japon, la Chine et les Etats-Unis à renverser avec succès le régime brutal de Kim Jong Il et à réunifier la Corée.



Vous avez loué l’administration Bush pour avoir réalisé qu’une nouvelle vision stratégique et un nouvel ensemble de règles en matière de sécurité étaient nécessaires après le 11 septembre, comme la doctrine d’action militaire préemptive, mais vous l’avez pris à partie pour ne pas les expliquer au monde de manière adéquate. Comment le feriez-vous ?

L’élément-clef que nous devons forger, c’est un ensemble de règles complet sur la manière avec laquelle la communauté globale doit traiter des États en faillite politique – c’est-à-dire comment nous excluons du pouvoir de mauvais dirigeants avec l’approbation explicite de l’ensemble des grandes puissances. Nous avons de telles règles pour les États en faillite économique, mais pas sur le plan politique. Ces règles exigeront une organisation internationale spécifique, comme le FMI l’est pour les tâches de réhabilitation économique. Je vois cette évolution venir beaucoup plus logiquement du G-20 que du Conseil de sécurité de l’ONU, et c’est donc là que je présenterais mes arguments.

Au-delà de cette tâche spécifique, cette administration a simplement besoin de mieux s’expliquer dans ses discours et dans sa campagne d’élection nationale. La conversation doit débuter avec la population américaine elle-même, si nous voulons faire avancer la question. Dès que le public américain aura une idée claire de cette administration – ou de celle qui suivra – quant au cap pris par cette guerre globale contre le terrorisme, nous serons mieux en mesure de nous expliquer devant le monde extérieur. Mais tant que nous n’aurons pas dépassé ces mythes périmés sur « le gendarme planétaire », « la guerre perpétuelle » et « l’empire américain », nous ne pourrons pas mener le débat national nécessaire pour mettre sur la table les vraies tâches et s’y mettre sérieusement.



Comment réagissez-vous à l’argument de Robert Kagan dans son livre Of Paradise and Power, selon lequel « il est temps de cesser de faire comme si les Européens et les Américains partagent une vision commune du monde, ou même comme s’ils vivent dans le même monde » ? Si l’Europe et les Etats-Unis ont une vision fondamentalement différente de la manière d’exercer la puissance, comment pourront-ils trouver un accord sur un ensemble de règles sécuritaires, économiques et politiques que vous jugez à présent nécessaire ?

Je pense que nous devons nous concentrer en premier lieu sur une entente avec les puissances du Nouveau Centre (comme je les appelle) et laisser ce processus attirer les Européens au bercail. Je ferais donc d’abord avancer les choses avec la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil, etc., ou simplement le groupe des 20+ qui a émergé à l’OMC des négociations de Doha sur le développement. Si nous essayons constamment d’avoir les Européens avec nous, nous risquons de manquer les accords et les compromis assurant la profonde coopération de toutes ces puissances émergentes. Je me concentrerais donc sur le Nouveau Centre et je laisserais l’Ancien Centre venir à son rythme. L’Europe va rester focalisée sur son intégration intérieure pendant des années, alors que le Japon suivra la Chine où qu’elle aille, simplement parce que leurs destins économiques sont tellement entrelacés.



Comment l’implique le titre de votre livre, c’est peut-être le Pentagone qui le doit le plus se recréer parmi toutes les agences gouvernementales pour cette nouvelle époque. En fait, vous prônez une transformation complète du Département de la Défense comprenant la séparation des Forces armées en deux composantes – une force Léviathan capable de mener les grandes guerres et une force d’Administration de Système qui devrait gérer les nations qui sont en voie d’être intégrées au vide. Quelle réponse avez-vous obtenue des principaux responsables militaires à qui vous avez communiqué cette idée ?

Vous seriez surpris du nombre de jeunes amiraux qui réalisent non seulement que cette voie est possible et nécessaire, mais qu’elle se produit déjà autour d’eux. La vraie question est combien de temps il faudra à notre gouvernement pour reconnaître et codifier cette scission du Département, parce que l’essor de la force d’Administration exige vraiment une énorme coordination des efforts entre le Pentagone et le reste des institutions de politique étrangère. En définitive, la force d’Administration n’est que partiellement alimentée par le Département, avec la majorité du personnel venant d’ailleurs et les « gardes du corps » venant des armées.

Mais la vraie réponse à la question est celle-ci : lorsque vous changez les opinions des capitaines et des colonels à ce sujet, vous mettez en marche un potentiel de changement dans les 10 prochaines années, parce que c’est le temps qu’il leur faut pour monter dans la hiérarchie dans la culture « plus haut ou dehors » de nos Forces armées. Et l’échec est ce qui tend le plus à pousser ce changement, par opposition au succès. Je pense que l’échec se prépare aujourd’hui dans notre occupation de l’Irak, et donc que le potentiel de mon concept de force d’Administration croit rapidement au fil des mois. Nous voyons déjà des propositions issues du Bureau du Secrétaire à la Défense et de la Maison Blanche, respectivement, pour des « forces de stabilisation » spécifiques au sein des Forces armées US et pour une « force d’opérations de paix globales » qui nous engagerait avec d’autres armées, et donc je vois vraiment cette idée avancer et prendre de la vitesse avec les événements en Irak. Mon travail, par conséquent, consiste simplement à semer les idées dans les esprits des futurs amiraux et généraux qui en définitive vont présider à cette profonde transformation.



Est-ce qu’il est néanmoins réaliste de penser que les Forces armées américaines peuvent être réorganisées d’une manière aussi ambitieuse ? Ce n’est pas seulement la transformation d’une force issue de la guerre froide, mais la réorganisation d’une structure créée voici plus de deux siècles.

En séparant en deux le Département de la Défense, nous ne faisons que revenir à la même articulation qu’ont connue les Forces armées US durant l’essentiel de leur histoire – c’est-à-dire un Département de la Guerre et un Département de Tout le Reste (ou ce que nous avions l’habitude d’appeler le Département de la Marine). Ma scission Léviathan / Administration non seulement n’est pas nouvelle, mais en plus elle n’est pas difficile à imaginer, parce qu’elle est bien plus proche de la tradition militaire américaine que les bizarreries imposées par cette aberration historique appelée guerre froide. Revenez au passé et lisez l’histoire de la Marine et du Corps des Marines. Ce que je décris comme étant le rôle de la force d’Administration est en fait l’histoire de ces deux services avant la Seconde guerre mondiale.



Vous considérez que propager la globalisation est une mission morale pour les Etats-Unis, et pas simplement une manière de rendre l’Amérique plus sûre. Cela implique un rôle accru à l’étranger, sur le plan militaire et politique. Comment répondez-vous aux accusations qu’il s’agit simplement de la création – même involontaire – d’un Empire Américain ?

Avoir un empire implique l’imposition de règles à la fois minimales et maximales, ou non seulement ce que vous pouvez mais aussi ce que vous devez faire. L’Amérique n’a jamais été attirée par l’imposition de règles maximales, que ce soit à domicile ou à l’étranger. L’usage de ce terme, empire, relève tout bonnement d’une histoire biaisée – un simplisme déguisé en raffinement. De plus, menée correctement, cette méthode ne nécessite pas un effort plus grands des Forces armées américaines. Vérifiez l’histoire des activités militaires US dans l’ère de l’après-guerre froide, que je décris longuement dans mon livre. Nous travaillons bien trop dur pour gérer l’environnement sécuritaire global aujourd’hui, parce que nous ne sommes pas équilibrés et nous ne parvenons pas à amener d’importants alliés à partager cette vision mutuellement bénéfique. Ce n’est pas un effort qui ferait exploser le budget. Il s’agit de gérer le monde plus intelligemment et de partager cet effort avec d’autres, unis par une vision commune. C’est un plus grand effort sur le plan diplomatique, certes, mais cela ne provoquera guère de banqueroute vu qu’il s’agit avant tout de discussions.



De nombreux éléments dans votre livre rendent nerveux à la fois les gauchistes et les conservateurs, que ce soit une présence militaire accrue dans le monde ou des soldats américains engagés activement à l’intérieur des frontières américaines. Quelle difficulté aurez-vous à vendre votre vision de l’avenir ?

Encore une fois, regardez notre histoire de la fin de la Guerre froide. Nous avons été énormément impliqués et présent dans tout le Vide que je décris dans le livre. Nous ne parlons donc pas de plus de présence ou de plus d’implication, simplement d’un meilleur emploi de nos gens et de nos efforts. Rappelez-vous, le Vide n’est pas le monde entier, mais recouvre environ un tiers de l’humanité. Au sein de cette population, nous parlons de 8 à 10 situations qui nécessitent une réponse militaire à un instant donné, et nous y viendrons à chacune l’une après l’autre. Mais nous avons passé l’essentiel des années 90 en étant impliqués dans 5 à 7 situations de réponse majeure dispersées autour de mon Vide. Nous sommes donc bien habitués à cette charge de travail. En fait, ce sera bien plus facile avec une force rééquilibrée plus efficacement autour du Vide (et non du « monde »).

La force d’Administration connaîtra des engagements bien plus proches des Gardes-côtes que des armées de la Guerre froide en « patrouillant dans les rues » de l’Amérique. Elle ressemblera beaucoup à l’actuelle Garde nationale de plusieurs façons, et le changement ne sera donc pas un gros problème, à moins d’être quelqu’un qui imagine les « hélicoptères noirs » de l’ONU fondre sur lui chaque fois qu’il voit un soldat de la Garde nationale à un coin de rue durant une alerte terroriste accrue. Je n’ai pas vu l’Amérique paniquer lorsque la Garde était partout pendant la récente Guerre d’Irak. Je dis qu’il faut davantage se fier à notre système politique que se laisser aller à de telles craintes. Orwell continue d’avoir tort : la technologie renforce bien davantage l’individu que l’État.



The Pentagon's New Map est en définitive un manifeste optimiste, puisque vous croyer clairement que la paix perpétuelle n’est pas seulement possible, mais faisable. Quelles sont nos chances de rétrécir le Vide et de ramener le tiers restant de la population mondiale dans le Centre ?

La globalisation continuera d’avancer aussi longtemps que nous ne la bousillerons pas. Par cette avance, elle va générer un énorme tumulte dans les sociétés traditionnelles, qui à son tour va générer énormement de violences irrationnelles que nous devrons neutraliser. Le futur que je décris est plutôt inévitable, aussi longtemps que nous ne perdons pas notre calme et notre détermination à affronter les défis sécuritaires qui se présentent. Seulement 15 ans plus tôt, nous passions nos journées à s’inquiéter d’un Armageddon nucléaire global, et maintenant nous sommes tous en train de traquer et de neutraliser des sales types qui pratiquent le terrorisme ou imposent à leur société une cruelle isolation du monde entier. On pourrait penser que la voie est plus difficile, mais elle ne l’est pas. Tous les grands problèmes, comme la guerre entre les grandes puissances, ont été résolus. Nous devons à présent passer aux noix les plus dures craquer, à savoir la violence subnationale et le terrorisme transnational, mais ces problèmes sont bien moindres que les précédents. Nous sommes sur le point de mettre un terme à la guerre comme nous l’avons connue depuis des siècles. La guerre interétatique devient une guerre de dinosaures, et la globalisation continue de se répandre dans le monde, hissant des centaines de millions de personnes hors de la pauvreté en l’espace des deux dernières décennies. Tout ce dont je parle dans ce livre, c’est la manière d’attirer le tiers restant de l’humanité dans le vie agréable que la plupart d’entre nous partagent déjà – une vie sans violences massives, une vie où la connectivité économique et la liberté individuelle s’accroissent. C’est un futur qui vaut la peine d’être créé, et il est à notre portée.




Texte original: Steven Martinovich, "A vision for the future", Enter Stage Right, 3.5.2004    
Traduction et réécriture : Lt col EMG Ludovic Monnerat
    






Pour approfondir vos réflexions, les livres suivants sont conseillés

The Pentagon's New Map

La Puissance et la Faiblesse

La Nouvelle Puissance Américaine

Le grand bouleversement

Le Revers de la puissance









Haut de page

Première page





© 1998-2004 CheckPoint
Reproduction d'extraits avec mention de la provenance et de l'auteur