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Vivre et laisser mourir, la stratégie
de l'Occident au XXIe siècle ?

24 août 2003

Membre du Hamas auteur d'un attentat-suicideS

ommes-nous les témoins d'un vaste cataclysme à l'échelle planétaire, où l'extinction de cultures inadaptées provoque une violence auto-destructrice ? Le rôle du suicide dans le conflit israélo-palestinien semble l'indiquer. Mais l'Europe ou l'Afrique n'échappent pas à ce raz-de-marée.

Les porte-paroles de l'Autorité palestinienne affirment qu'Israël provoquent ces actes de désespoir que sont les attentats-suicides. Mais il est assez injuste d'accuser les Israéliens, quoi que l'on pense d'eux. Accuser l'islam est également un moyen facile de détourner l'attention, puisque paraît-il les candidats meurent pour une récompense au paradis. Bien d'autres religions ont offert une telle récompense longtemps avant la naissance de Mahomet sans pour autant encourager l'attentat-suicide. Le seul vaste déploiement de combattants suicidaires pendant le siècle dernier a été celui des kamikazes de la Seconde guerre mondiale.


«... Ce que certains observateurs occidentaux nomment l'islamisme est un effort visant à utiliser les instruments du monde moderne pour recréer un passé traditionnel qui s'éloigne rapidement. »


Au contraire, le suicide politique est courant, et même endémique, parmi les populations qui ne parviennent pas à s'adapter à des circonstances changeantes. La popularité de l'attentat-suicide parmi les jeunes Palestiniens a beaucoup en commun avec d'autres exemples de suicides à large échelle ces dernières années.



Suicide et désespoir existentiel

Par exemple, ce reportage dans le Telegraph de Londres paru le 19 novembre 2000 :

«La plus grande tribu indienne d'Amazonie, celle des Guarani qui compte 27'000 personnes, est dévastée par une vague de suicides parmi ses enfants qui a été déclenchée par leur contact avec le monde moderne. Jadis inconnu au sein des Indiens d'Amazonie, le suicide ravage les Guarani, qui vivent au sud-ouest du Brésil, une région qui a maintenant l'un des plus hauts taux de suicide au monde. Plus de 280 Guaranis se sont donnés la mort durant les 10 dernières années, y compris 26 enfants de moins de 14 ans qui se sont empoisonnés ou pendus. L'alcoolisme est devenu endémique, comme le désir de posséder radios, télévisions et jeans, ce qui les rend conscients de leur pauvreté. Les structures collectives et l'unité familiale ont été brisées, alors que les rituels sacrés ont cessé.»

Et cet autre reportage du même quotidien, daté du 26 avril 1997 :

«Une tribu de 5000 personnes menace de commettre un suicide de masse en se jetant d'une falaise à moins qu'Occidental Petroleum n'abandonne ses plans de forer ce que les hommes de la tribu considèrent comme leur territoire. La tribu semi-nomade U'wa de Colombie envoie son chef, Roberto Cobaria, aux Etats-Unis la semaine prochaine afin de donner de la publicité à la menace et de rencontrer des groupes défendant les droits de l'homme et l'environnement. Une légende veut qu'un groupe de la tribu U'wa s'est suicidé en masse au XVIIe siècle pour protester contre le colonialisme espagnol.»

Des informations similaires ont récemment paru, comme le cas de cette tribu Inuit tellement frappée par l'alcoolisme qu'elle a demandé au Gouvernement canadien de placer tous ses enfants dans des foyers d'accueil. Apparemment, un quart des adultes de la tribu ont fait une tentative de suicide. Cela ne devrait pas nous surprendre. Sur les 6000 langues parlées actuellement sur la planète, 2 ou 3 s'éteignent chaque semaine. Que signifie pour quelqu'un l'extinction de sa langue ? Il devient coupé du temps, orphelin pour l'éternité, privé de souvenirs, son existence réduite à l'exigence abrutissante de l'instant. Pourquoi ne pas se suicider ?

En apparence, bien sûr, la société arabe ne ressemble que vaguement aux restes pathétiques des cultures aborigènes en Amazonie ou autour de la Mer de Béring. Mais il y a une similarité importante, si flagrante qu'elle en devient évidente dès lors qu'on la remarque. Qu'il est pittoresque, nous disons-nous, que des peuplades de l'âge de la pierre vivent toujours en Amazonie, et nous nous demandons ce qu'ils font dans le monde moderne. Mais personne ne se demande ce que font 3,5 millions d'Arabes palestiniens sur un petit bout de terrain de la rive ouest du Jourdain, sans même parler des quelque 400'000 dans des camps au Liban et plus encore en Jordanie. Plus agraires qu'urbains, ils sont pourtant très mal à l'aise avec les activités économiques du monde moderne.

La mécanisation de l'agriculture, plutôt que les buts politiques des Sionistes, a commencé à déplacer les populations arabes rurales dans les années 30, comme l'ont remarqué plusieurs historiens. Ceci a provoqué le soulèvement arabe, entre 1936 et 1939, contre le Mandat britannique et la colonisation juive. Plutôt que se disperser progressivement comme d'autres populations agraires, les Arabes palestiniens se sont retrouvés dans des camps de réfugiés après 1947. Grâce aux efforts humanitaires des Nations Unies, ils ont obtenu l'accès aux soins médicaux et à l'éducation, qui manquaient dans leurs anciens villages. Les 700'000 Arabes qui ont fui ou ont été expulsés d'Israël ont quintuplé en deux générations. Pendant un demi-siècle, ils ont nourri le rêve de retourner dans un monde qui s'est évanoui depuis longtemps.

Les attentats-suicides ne peuvent ni détruire les Forces armées israéliennes, ni affaiblir la politique de l'Etat d'Israël. Ils constituent un acte de désespoir existentiel. De nombreux candidats palestiniens à l'attentat-suicide ne correspondent pas au profil des fondamentalistes islamiques. Mais aussi sûrement que les adolescents guaranis voient la fin de leur culture, ces jeunes gens du monde islamique voient la fin de la leur. Ce que certains observateurs occidentaux nomment «l'islamisme» est un effort visant à utiliser les instruments du monde moderne pour recréer un passé traditionnel qui s'éloigne rapidement.



L'extinction des cultures

Nous sommes au seuil d'une grande extinction de cultures, comparable à la marche des Macédoniens à travers les empires orientaux sous Alexandre, pulvérisant les cultures anciennes en laissant l'hellénisme à leur place. Ceci va se répéter en anglais plutôt qu'en grec. Il importe peu que les Américains soient des conquérants peu enthousiastes plutôt qu'exubérants. Les Etats de la région vont décider soit d'embrasser la cause américaine et de devenir les satrapes du nouvel empire, soit d'offrir une résistance qui sera futile quelle que soit son ampleur.

En fonction de ces décisions, le conflit peut être presque bénin ou destructeur au-delà de l'entendement. Un nombre non négligeable de gens vont saisir l'opportunité de se suicider en se jetant contre Israël, ou contre l'arsenal de l'empire américain, et leur monde restera en guerre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus assez de volontaires.

Pourquoi continuons-nous à vivre, après tout ? Les humains sont des êtres conscients qui prévoient leur propre mort. Comme les individus, a remarqué le théologien allemand Franz Rosenzweig, les peuples savent qu'ils vont également s'éteindre. «L'amour des peuples pour leur propre ethnicité», écrit-il, «s'adoucit et s'enrichit avec le pressentiment de la mort.»

La culture est la matière dont nous extrayons l'illusion de l'immortalité. Fréquemment, des groupes ethniques préfèrent mourir plutôt qu'abandonner leur mode de vie. Les premiers Américains ont souvent choisi de combattre les colons européens jusqu'à leur propre extinction plutôt qu'accepter l'assimilation, parce que celle-ci implique l'abandon à la fois de leur passé et de leur avenir. Les tragédies historiques se produisent à grande échelle lorsque les circonstances économiques ou stratégiques dégradent les conditions de vie matérielles d'une population, qui néanmoins ne peut pas accepter l'assimilation dans une autre culture. C'est à cet instant que des peuples entiers se battent à mort.

Les Arabes palestiniens se battent à mort alors que les Guarani d'Amazonie se pendent poliment. L'Europe, dont les taux de fertilité sont à peine la moitié du renouvellement, se suicide aussi - peut-être devrait-on l'appeler un suicide par défaut. Dans 200 ans, l'allemand, le français et l'italien ne seront plus parlés qu'en enfer. Les Africains continuent de s'infecter les uns les autres par le sida. En Afrique du Sud, où environ 20% de la population adulte est porteuse du virus, le Président Thabo Mbeki dénonce le virus du sida et les médicaments destinés à le neutraliser comme une conspiration occidentale. Appelez-le un suicide sexuel.

Mon conseil aux dirigeants occidentaux est de vivre et laisser mourir. Si des peuples s'escriment à se suicider, il n'y pas grand chose à faire pour les arrêter. «Alles was entsteht," comme le dit Méphisto à Faust, "ist wert, dass es zugrunde geht." Le mieux à faire est de les encourager à s'éliminer d'une manière un peu moins antisociale.




Texte original: Spengler, "Live and let die", Asia Times, 13.4.02    
Traduction et réécriture : Maj EMG Ludovic Monnerat
    









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