L'essentiel de l'actualité militaire







L'essentiel des liens militaires


Documents militaires


Toutes les dates des ER


Cliquez ici pour soutenir CheckPoint!


Toutes les unités actuellement en action


Le Swiss Army Theme pour Windows 95


Webring Armée suisse

Le monde au travers du prisme américain

31 mai 2003

3e DI US en IrakL

'ingérence américaine sur le territoire irakien a fait l'objet d'une incompréhension généralisée de la part de l'opinion publique internationale. L'objectif de cet article est de définir la place des Etats-Unis dans un monde globalisé à l'américaine rythmé par le spectre omniprésent et multidimensionnel de cette hyperpuissance.

Les Etats-Unis se définissent-ils comme une puissance impériale régie par une géographie planétaire ? La sécularité de cette puissance est-elle annonciatrice d'un nouvel ordre géopolitique façonné à l'image de guerres de prospérité "déclarées" dans l'optique d'une redéfinition d'un monde globalisé ?


«... En éduquant les acteurs de l'Empire, il s'agit de marquer et défendre le territoire impérial, d'où découlent alliances et autres déploiements militaires. »


Controversée aujourd'hui par tous, en premier lieu par certains pays de l'Union Européenne dont en particulier la France, ce qui stigmatise ainsi la ligne fragmentaire entre les Etats-Unis et l'Union Européenne, la superpuissance américaine se savait fragile, elle s'est découverte vulnérable avec le 11 septembre 2001 et s'interroge aujourd'hui sur la préservation de sa puissance et surtout la reconstruction de son infaillibilité.



Une hégémonie multiple

L'image consacrée d'impérialisme américain nous a poussé à croire que le XXIème siècle serait le siècle américain, omettant que le XXème siècle l'avait déjà été. Conforté par la victoire de 1945, le Président Roosevelt déclarait que les Etats-Unis seraient dorénavant LA puissance décisive, secondée par les Britanniques et les Chinois, dans ce qui serait "le siècle américain", l'Europe étant réduite à un "simple spectateur" dont le rôle resterait supplétif, les vieux Etats-nations d'Europe ne pouvant alors aspirer qu'aux rôles d'auxiliaires et de clients.

Les Etats-Unis suivent un schéma classique d'extension d'Empire et fondent leur pouvoir sur une vaste étendue par le biais d'une hiérarchie d'Etats vassaux, de colonies et de protectorats. Une logique de construction impériale où l'Empire se pense toujours au milieu de son monde. La référence appliquée est un modèle de démocratie d'Empire : plus le modèle politique est assimilé, plus l'Empire se diffuse. Cette politique conceptuelle justifie la puissance américaine au-delà de ses frontières.

Toute notion d'Empire implique une somme d'initiatives, de stratégies et de représentations, mais aussi la participation d'acteurs fondamentaux tels que l'Etat fédéral américain, les entreprises américaines, multinationales et souvent transnationales (à l'image de Microsoft comme empire décentralisé), les groupes de pression et autres collectivités (syndicats, associations, médias, lobbies comme instruments d'influences et de pouvoirs dans le système américain, à l'instar du lobby de la bourse qui a fait pression sur la politique de Bush car l'incertitude géopolitique pénalisait les investissements boursiers, d'où la nécessité impérative de déclencher l'offensive en Irak), puis les individus américains eux-mêmes.

En éduquant les acteurs de l'Empire, il s'agit de marquer et défendre le territoire impérial, d'où découlent alliances et autres déploiements militaires. Les investissements et enjeux commerciaux suivent et accompagnent les soldats de l'Empire dans un bel exemple de complémentarité des logiques géopolitiques et économiques. La finalité : hanter les territoires de sa présence, de sa puissance.

Puis dans une logique impériale classique, nous assistons à une utilisation du vecteur culturel, véhiculant "l'american way of life" dans une logique fondatrice : celle de la réduction des distances et différences de tous ordres. Dans cette optique, la communication - celle des Etats-Unis repose sur CNN et Internet – est utilisée dans un objectif d'acculturation générale des masses permettant la levée de grandes armées par le biais de la motivation et de l'adhésion de ces populations au système de valeurs américaines à travers ces outils informationnels (à l'image du jeu vidéo American War).

Tous les Empires se sont appuyés sur une organisation supérieure, celle-ci pouvant être civilisationnelle (à l'image de la Chine), citoyenne (Rome), militaire (Macédoine, Rome ou encore le joug Mongols et la période Timouride), culturelle ou religieuse, mais jamais un Empire ne recouvrait la totalité de l'éventail. Les Etats-Unis sont les premiers à recouvrir cet éventail en tant qu'Empire à travers une puissance civilisationnelle (symbole : jeans, Coca-Cola, Nike, …), une puissance citoyenne (générant la notion de citoyen US englobant ses droits et devoirs), et une puissance militaire hégémonique et incontestable, dans laquelle la stratégie du système américain hégémonisé repose sur une question d'ordre et de consentement. L'hégémonie américaine recouvre l'éventail du spectre, à savoir la domination multidimensionnelle des quatre segments : politique, économique, militaire, socioculturel.



Le modèle unique américain

Les Etats-Unis aujourd'hui demeurent le modèle de modernité politique et la référence démocratique dans le monde. Il n'existe pas – ou plus – de modèle alternatif quant à une notion de liberté et de société démocratique depuis la chute du mur de Berlin. La conception du monde qui s'affirmera sera donc celle de l'universalisation de la démocratie à l'américaine (dans une approche auto-adaptative culturelle à travers la globalisation : chacun adapte la démocratie à son profit national). Le monde se globalise à l'américaine. La norme de démocratie n'est pas celle que l'on perçoit en Occident, elle sera auto-adaptative selon les Etats. L'Irak sera une démocratie. Cette démocratie sera nationaliste. Ce nationalisme sera arabe !

Ce nouvel ordre global est certes néo-impérial : un seul Empire est en construction sans autre puissance pour freiner sa volonté de globalisation. Il est surtout post-libéral dans une logique de continuité, tant il remet en cause les fondements du droit, de la souveraineté du système interétatique (ONU), voire du statut de la Raison face à l'arbitraire de la Force. Pour autant, c'est la Force qui fait la Loi, et non pas la Loi qui fait le monde puisqu'elle n'a pas empêché les attentats apocalyptiques du 11 septembre 2001 (thèse de Kagan) ! Sans doute est-ce là le point de rupture entre les Etats-Unis et la vieille Europe : pour les Etats-Unis, la guerre est redevenu un simple outil de régulation, c'est une "instance" de décision au même titre que la diplomatie – à l'image d'un organe décisionnel supra-national comme l'ONU ou l'OMC).

De la référence politique par son concept de liberté découle le leadership économique : économie de marché (loi de l'offre/demande), libéralisme économique, capitalisme, dollar et dollarisation des économies. Il existe un modèle de puissance économique inversée : ce n'est pas le monde qui a besoin de l'économie américaine mais plutôt l'économie américaine qui a besoin du monde. La dette publique américaine est supérieure à la somme de toutes les dettes publiques cumulées dans le monde : les Etats-Unis exportent des dollars et importent tout le reste ! Pour autant, l'image véhiculée de la réussite américaine demeure incontestée, y compris dans les endroits les plus opposés aux Etats-Unis – Palestine, Chine, Corée du Nord ou Cuba.

La puissance militaire américaine domine le spectre militaire mondial. Aujourd'hui, le budget américain en constante augmentation atteint les 3% du PIB, soit 400 milliards de dollars, tandis que les ventes d'armes américaines dans le monde sont supérieures à toutes les ventes d'armes confondues. Il s'agit souvent du versement d'un tribut vis-à-vis de la puissance dominante par les puissances "clientes". Le choix d'un système d'armes devient un choix non plus militaire, mais politique et stratégique d'un vassal à son suzerain. On est en droit de s'attendre à la construction d'un hégémon terrestre à l'image de l'intervention aéroterrestre déployée en Irak.

L'attrait du modèle américain reste dans le monde la référence de toutes générations confondues. Il existe bien un fort attrait pour l'Amérique, ce qui n'engendre pas l'adhésion à son système et à ses valeurs surtout lorsque l'on en est exclu. L'antiaméricanisme vient de ceux qui ne partagent pas les fruits de cette richesse, qui sont exclus de la mondialisation, des échanges et des symboles de la réussite, devant l'absence de modèle alternatif viable, et qui préfèrent alors annihiler cette richesse.

Ce sont les nouveaux "gueux" du monde, les frustrés, les punis, les démunis, d'une mondialisation aveugle. La contestation de la mondialisation est devenue une véritable menace stratégique. Pour donner corps à cette contestation, les idéologies et convictions religieuses servent de matrice et appellent ouvertement à la guerre sainte contre la globalisation, l'Occident, ses références et ses symboles.



Diviser pour régner

Les Etats-Unis assumeront durablement la charge de façonner la configuration mondiale de l'intégration des pays, de leurs économies et de la globalisation. Pour autant, l'uniformité des valeurs ne sert plus cette cause. Les Etats-Unis adopteront alors une posture qui devrait tourner autour de 4 axiomes principaux : maintenir un ordre économique basé sur le libre échange, coordonner toutes les actions conjointes (y compris les actions militaires), équilibrer et répartir en fonction de leurs intérêts le pouvoir, et surtout museler toutes autres puissances régionales. Aucune autre ne doit émerger, et il s'agit par là d'entretenir l'infériorité des micro-entités régionales !

Ces guerres de demain se dérouleront dans un environnement particulier. Présents, les Etats-Unis détermineront le concept d'intervention ; absents, le concept d'intervention sera déterminé par leur absence du conflit, dictant les incompétences et limites du non-américain.

Il convient donc de s'interroger sur les intérêts de la domination américaine, qui pourraient alors reposer sur les principes séculaires de la société américaine : Liberté (qui se décline en liberté individuelle, d'entreprendre, de commercer), Prospérité, Sécurité (individuelle et de prospérité) ; droit de défendre leur prospérité et leurs richesses y compris chez eux. Quand ces principes seront menacés, alors découleront désordres et menaces stratégiques, ce qui impliquera intervention militaire, soit pour garantir la liberté de commercer, soit dans un but hégémonique et faire des Etats-Unis une puissance supra-nationale : le monde deviendrait américain par le biais de multiples remodelages.

Notamment le remodelage du Proche et Moyen-Orient, dont l'Irak est considérée comme la pierre angulaire de la zone, d'où découlerait les désordres mondiaux. La zone Proche et Moyen-Orientale détient les 2/3 des réserves pétrolières mondiales, et a comme épicentre l'Irak : qui détient l'Irak détient la zone. L'ingérence stratégique est une mainmise sur l'Arabie Saoudite, Syrie, Jordanie, Afghanistan, Pakistan, contrôle de la théocratie iranienne et de la Caspienne. Cette ingérence peut être perçue comme illégitime au niveau du droit international mais légitime au niveau politique interne, car les Etats-Unis sont basés sur un système de valeurs (Bien contre Mal) et non sur un système juridique (Lois).

Les Etats-Unis auraient alors une pensée non pas de domination mondiale, mais de domination multi-régionale : faire du monde une multi-régionalité ! Si l'ONU venait à se désagréger (enjeu de l'ONU : reconstruire la paix en Irak pour se redonner un rôle), les Etats-Unis deviendraient le seul acteur mondial car le seul à être présent dans tous les systèmes de régulation régionaux. Les adversaires deviennent régionaux, et si l'un d'entre eux aspire à devenir un prétendant mondial, il sera régionalement mis au pas.

Les Etats-Unis ont besoin de préserver et affirmer au monde leur statut de superpuissance en affrontant périodiquement des micro-puissances. Les Etats-Unis cherchent-ils à briser l'ordre mondial au profit d'un nouveau modèle international : un ordre multi-régional dans une logique de balkanisation du monde : Divise afin de régner ! Plus le monde est segmentarisé, plus il est facile à dominer. Le monde redevient le terrain d'un Jeu de puissances régionales !

En entretenant la faiblesse de ces acteurs régionaux, la balkanisation du système international implique des intérêts de prospérité, légitimant l'ingérence, prioritairement américaine quand cette prospérité fait défaut ou est amoindrie par des foyers d'agitations ou de contestations locales : il y a alors nécessité de rétablir l'ordre, dans un but de prospérité.

Ainsi, les Etats-Unis constituent progressivement aujourd'hui un Empire déterritorialisé. De là leur développement pragmatique (ils s'adaptent au milieu) pour assurer la prospérité économique par la préservation de l'ordre mondial. La logique est l'ordre pour la Prospérité, car la rupture des flux (économique, financier, commerciaux, informationnel, matières premières) à l'échelle de la planète est une menace grave. Peut-être la seule vraie menace actuelle pour nos puissances. Pour mieux contrôler les flux issus du Proche et Moyen-Orient, il fallait contrôler l'Irak.

Les Etats-Unis se positionnent ainsi en tant que vainqueur incontournable, mais dans des espaces étroitement définis et choisis pour leur intérêts et faisabilités. Ils se placent comme les maîtres du JEU mondial !

A ce sujet, Théodore Roosevelt déclarait un siècle plus tôt : "Il y a un rang dû aux Etats-Unis parmi les nations qui sera terni, si ce n'est perdu, par une réputation de faiblesse. Si nous voulons éviter l'insulte, il faut être capable d'y répondre; si nous voulons assurer la paix, un des instruments les plus puissants de notre prospérité croissante, nous devons faire savoir que nous sommes en permanence prêts pour la guerre". Ce à quoi Georges W. Bush aurait pu répliquer le 12 septembre 2001 en affirmant : "Ce conflit a commencé à l'heure et dans des conditions choisies par d'autres, il finira de la manière et à l'heure de notre choix" !



Séverine de la Guigneraye    






Pour approfondir vos réflexions, les livres suivants sont conseillés

Irak : Les enjeux de la deuxième guerre du Golfe

La Guerre des Bush

Guerre à l'Irak : Ce que l'équipe Bush ne dit pas

La Nouvelle Puissance Américaine

La puissance et la faiblesse







Haut de page

Première page





© 1998-2003 CheckPoint
Reproduction d'extraits avec mention de la provenance et de l'auteur