Une révolution dans l'art de guerre se précise en Irak: le ciblage des dirigeants
22 mars 2003
'amélioration des armements et des technologies en termes de précision et d'interconnexion est évidente en Irak. Mais la vraie révolution se trouve dans le ciblage immédiat du leadership adverse, quelle que soit son efficacité, dans le but de raccourcir les opérations et d'épargner les masses d'innocents.
Nous entrons dans une authentique révolution de la guerre lorsque le téléspectateur ou le lecteur a une bien meilleure image du théâtre d'un conflit que celle d'un commandant ennemi. Alors que toute l'attention se porte sur les améliorations de l'armement, le déséquilibre le plus dévastateur entre les forces coalisées et ceux de l'Irak se situe dans le domaine de l'information.
«... C'est une révolution de la guerre lorsque le téléspectateur ou le lecteur a une bien meilleure image du théâtre d'un conflit que celle d'un commandant ennemi. »
Un sergent américain se rendant au combat a en cet instant une meilleure connaissance de la situation qu'un général irakien. En tant qu'ancien officier de renseignement, ma tâche la plus importante était de se mettre à la place de l'ennemi. Et je ne voudrais pas aujourd'hui être à la place d'un général irakien.
Les militaires irakiens aveugles
Considérez le terrifiant manque d'information auquel est confronté un commandant de division ou de corps irakien positionné quelque part entre Bagdad et les forces alliées en mouvement.
Il reçoit en permanence de Bagdad des ordres extravagants et irréalisables, accompagnés de pure propagande dont il n'ignore pas le caractère mensonger. Il n'est pas suffisamment en cour pour obtenir des renseignements significatifs sur la situation – dans la mesure où même les chefs principaux à Bagdad en disposent. Les Forces armées irakiennes sont aveugles dans ce conflit, attendant d'être attaquées dans les ténèbres.
Aucun de ses camarades commandants ne partage d'information avec lui, craignant pour leur vie s'ils sont dénoncés pour défaitisme. Ses moyens de reconnaissance peuvent à peine voir au-delà de la prochaine colline. Il ignore quand une frappe aérienne dévastatrice pourrait anéantir son poste de commandement, quand des hélicoptères d'attaque pour commencer à annihiler des véhicules de combat vieillissants, ou même si un char américain ou britannique arrive derrière lui.
Il ne peut faire confiance à ses troupes subordonnées. Il ne peut faire confiance à ses supérieurs. Et des membres de la police secrète, la Gestapo de Saddam, suivent en permanence ses faits et gestes, prêts à l'exécuter au premier signe de désobéissance ou au premier essai de reddition.
Il a été assailli par des émissions, des tracts et des appels troublants sur son téléphone cellulaire l'avertissant que s'il obéit aux ordres d'engager des armes de destruction massive et de détruire des champs pétrolifères, il sera jugé pour crimes de guerre. Il a été également averti que s'il essaie de résister et refuse de se rendre, il affrontera la colère entière des Forces armées américaines.
«... Un sergent américain se rendant au combat a en cet instant une meilleure connaissance de la situation qu'un général irakien. »
Ses principales sources de renseignements sont des rumeurs. Ainsi qu'une radio à ondes courtes qu'il écoute en privé, calée sur le service arabe de la BBC et la Voix de l'Amérique. Ses ennemis, cependant, possèdent une capacité presque divine à voir sur de grandes distances, à travers les ténèbres et la fumée, et même sous terre. Pensez-vous que ce général mènera ses troupes à la victoire ?
Les dirigeants premières cibles
Pendant ce temps, la "nouvelle" doctrine de choc et stupeur, consistant à appliquer physiquement et psychologiquement une force irrésistible avec une simultanéité sans précédent, est un pas impressionnant dans l'évolution de la chose militaire – mais sans être une révolution.
Choquer l'ennemi dans une stupeur paralysante a été un but militaire depuis l'époque des légions romaines. Les Mongols, quoique faibles dans leurs manières à table, étaient brillants à infliger choc et stupeur à leurs ennemis. La blitzkrieg reposait sur le choc et la stupeur. Tout comme Desert Storm.
Mais un événement révolution dans l'histoire militaire s'est produit jeudi matin à Bagdad. La frappe opportuniste sur une installation de commandement suspectée d'abriter des chefs irakiens du plus haut niveau était une rupture marquante avec des siècles de tradition guerrière. C'était une énorme progression pratique et morale.
L'analyse instantanée a uniquement considéré si l'attaque, menée avec des missiles de croisière et des avions furtifs, avait réussi à tuer Saddam Hussein ou ses fils. Certes, les résultats immédiats sont importants. Mais les "experts" ont manqué le sujet principal.
Indépendamment des résultats pratiques, cette attaque était un événement important en marquant le rejet des règles traditionnelles de la guerre, qui stipulent que nous devons combattre des armées de conscription et des masses civiles en épargnant les assassins qui les commandent. Nous avons traversé les lignes et visé directement les leaders responsables de la guerre, les hommes ayant du sang sur les mains, dans un essai de punir le coupable et d'épargner l'innocent. C'est un pas révolutionnaire pour rendre la guerre plus humaine.
Le Gouvernement américain a parlé d'une frappe de "décapitation". Les opposants systématiques à tout ce que nous faisons utiliseront le mot insidieux d'assassinat pour décrire cette attaque. Il manque encore de nouveaux termes satisfaisants pour un nouvel âge de la guerre et de la diplomatie.
«... La frappe opportuniste sur un bunker suspectée d'abriter des chefs irakiens du plus haut niveau était une rupture marquante avec des siècles de tradition guerrière. »
Prenez toutefois un instant de recul. Considérez comment, depuis des temps immémoriaux, les rois, les sultants et les empereurs ont poussé à la mort nos ancêtres impuissants par des guerres d'agression sanglantes, sachant qu'ils pouvaient se rendre poliment à un autre chef d'Etat dans la défaite en levant un mouchoir blanc et parfumé sur des champs jonchés de cadavres.
Mais les Américains en ont assez et ne feront plus des soldats ennemis, ou même de ses capitaines et colonels, leurs premières cibles. Ils utiliseront toute leur puissance et leur technologie pour punir les vrais coupables. Ils peuvent ou non avoir réussi à prendre pour cible Saddam et ses subordonnés-clefs dans cette guerre. Mais simplement avoir fait cet effort est un grand pas vers la réduction du carnage et de l'horreur de la guerre.
Et le jour viendra, si ce n'est tout de suite, lorsqu'ils seront en effet capables d'aller au-delà des conscrits effrayés pour punir les quelques privilégiés qui mettent l'humanité en danger. Imaginez l'avertissement qu'une telle doctrine envoie aux tyrans à travers le monde. Voilà une vraie révolution.
Texte original: Ralph Peters, "Revolutionary War!", New York Post, 21.3.03
Traduction et réécriture: Maj EMG Ludovic Monnerat
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