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Quand la Télévision suisse romande nous accuse d’être tous des criminels

10 juillet 2002

Manifestation Act-UpL

es médias occidentaux en général, et suisses en particulier, nous ont habitués à l'autoflagellation rituelle. Désormais, ce qu'il convient de nommer l'ethnomasochisme devient un paradigme corporatif visant à incriminer en permanence le citoyen à l'aune du monde entier. Analyse de ce phénomène.

L'information quotidienne de la TSR n'a jamais constitué une référence en termes de rigueur et d'objectivité, mais le 19h30 du lundi 8 juillet a été emblématique d'une tendance ne cessant de se radicaliser. Pendant 4 minutes 31 secondes consacrées à la conférence du SIDA à Barcelone et à l'expansion de l'épidémie dans le monde, comprenant l'interview d'un expert par Romaine Jean, le téléspectateur suisse romand aura successivement appris que le SIDA tue une personne toutes les 11 secondes dans le monde, que la majorité des infectés vivent dans les pays en voie de développement, que la plupart ne reçoivent aucun traitement trithérapique pour juguler la maladie, à la différence des pays développés, et que l'incapacité à sauver ces populations relève d'un manque de volonté constituant un véritable crime contre l'humanité. Dont nous sommes tous coupables.

«... le fait que la TSR en vienne à accuser explicitement ses quelque 400'000 téléspectateurs d'être des criminels doit attirer notre attention. »
«... le fait que la TSR en vienne à accuser explicitement ses quelque 400'000 téléspectateurs d'être des criminels doit attirer notre attention. »

Bien entendu, l'ensemble des médias occidentaux n'adoptent pas un tel comportement. Ce même jour, pour les seules télévisions, on pouvait ainsi constater que BBC World mettait la priorité sur la mise au point d'un vaccin anti-sida dans 5 ans et que France 2 mentionnait la reprise de l'épidémie en Europe, alors que les médias utilisant d'autres formats présentaient la réalité d'une manière bien plus détaillée. Pourtant, le fait que la TSR se lance spontanément à une heure de grande écoute dans une information unilatérale, écartant tout élément contredisant son message propagandiste, et en vienne à accuser explicitement ses quelque 400'000 téléspectateurs d'être des criminels, doit attirer notre attention sur un phénomène essentiel : non seulement les médias deviennent chaque jour davantage des acteurs à part entière au niveau stratégique, mais leur perspective faussement globale les pousse en plus à un militantisme spontané et radical. Il convient d'analyser cette évolution et d'en tirer les conséquences nécessaires.


Propagande, ethnomasochisme et dénationalisation

Premièrement, la déontologie professionnelle de la presse n'est plus qu'un concept vide de sens. Il était permis de s'en douter depuis des années, au vu de la désinformation que les médias ont pris pour habitude de retransmettre ou de produire sans sourciller. Ces derniers mois, plusieurs éléments ont toutefois contribué à mieux cerner cette réalité. Un sondage réalisé en septembre 2001 par l'institut M.I.S. Trend, et commandé par la TSR et Le Temps, a ainsi montré que 60% des journalistes suisses étaient des électeurs de gauche, ce qui confirmait sans équivoque l'orientation politique majoritaire des rédacteurs et leur différence avec la population. Par ailleurs, les attaques successives et souvent douteuses lancées par les titres du groupe Ringier contre des hauts fonctionnaires fédéraux, de Carlo Jagmetti à Thomas Borer en passant par Peter Regli, Jacques Pitteloud ou encore Charles Raedersdorf, ont montré que les éditeurs eux-mêmes poursuivent un programme politique qui leur est propre – ou du moins certaines de leurs rédactions.

Dans le cas de la TSR, le traitement d'un sujet comme le SIDA durant le 19h30 du 8 juillet illustre l'évanescence – au moins passagère – de la déontologie au sein de la tour genevoise. Le procédé mérite le détour. On vise tout d'abord à émouvoir le téléspectateur par des comparaisons choquantes – 2 millions de Suisses infectés si la proportion de malades du Botswana ou du Zimbabwe était reportée à notre population – sans même tenter d'expliquer les raisons d'une telle différence. On montre ensuite une vision partielle de la situation – des dizaines de millions de malades n'ayant pas accès aux trithérapies – sans même esquisser l'évolution des soins et les progrès de la recherche. On présente en outre des revendications comme une nécessité – tel le versement de 10 milliards de dollars par an pour soigner les malades – sans jamais mentionner les aides déjà apportées ou les projets en cours. Et on conclut par un réquisitoire généralisé – traitant de crime contre l'humanité l'absence présumée de volonté politique – sans même apprécier la responsabilité des gouvernements locaux ou le comportement des populations concernées. De la pure propagande qui susciterait l'admiration des anciens kagébistes !

C'est que l'autoflagellation rituelle et exhibitionniste, deuxièmement, est devenue comme une seconde nature pour les journalistes et le milieu dont ils émanent majoritairement. Depuis l'effondrement du bloc soviétique et la disparition du totalitarisme collectiviste comme miroir de nos consciences, la haine anti-occidentale est devenu le trait caractéristique d'une part importante des élites intellectuelles, et notamment académiques, en Europe. Loin de ce droit d'inventaire qu'un descendant appliquerait légitimement à l'héritage d'un aïeul peu scrupuleux, ce sont aujourd'hui les valeurs cardinales de l'Occident moderne – le progrès scientifique, le capitalisme libéral et l'Etat démocratique – qui sont combattues et diabolisées par ceux qui en sont les premiers bénéficiaires. Et l'orientation de l'actualité ne suffit pas : c'est toute l'histoire qu'il s'agit de réécrire, et donc de politiser, en fonction d'un tel objectif.

TSR

Un mot a été formé pour désigner cette tendance : l'ethnomasochisme, c'est-à-dire la propension à systématiquement accabler son propre groupe ethnique pour des actes où sa responsabilité effective est discutable, voire simplement inexistante. Si l'on devait se fier à des médias comme la TSR, ces dernières années, nous aurions ainsi compris à quel point nous sommes méprisables. Pensez donc : nous dépensons des milliards pour notre sécurité au lieu de venir en aide aux populations qui en ont besoin, nous avons entretenu des relations commerciales avec les puissances de l'Axe et refoulé entre 5000 et 20'000 réfugiés juifs, nous pillons les ressources naturelles des pays en voie de développement, nous menaçons l'écosystème planétaire avec notre industrie capitaliste, et notre prospérité n'est due qu'à l'exploitation et à l'esclavage d'autres populations !

«... Si l'on devait se fier à des médias comme la TSR, ces dernières années, nous aurions ainsi compris à quel point nous sommes méprisables. »
«... Si l'on devait se fier à des médias comme la TSR, ces dernières années, nous aurions ainsi compris à quel point nous sommes méprisables. »

Peu importe si le budget de la Confédération est grevé par des dépenses sociales qui ont presque doublé en 10 ans, si nous avons davantage commercé avec les Alliés qu'avec l'Axe et sauvé de la mort 51'000 réfugiés civils, si nous avons créé les infrastructures d'exploitation qui sont l'espoir principal des pays en voie de développement, si les progrès dus à notre industrie ont amélioré la vie des hommes au point de pouvoir se soucier de la nature, ou si notre civilisation n'a pas inventé mais aboli l'esclavage en écrivant les Droits de l'homme : nous sommes des enfants de salauds, devenus des salauds eux-mêmes, et nous allons payer pour tous les maux du monde !

Car l'ethnomasochisme médiatique, troisièmement, est complètement indifférent aux frontières nationales. Il relève exclusivement d'un courant d'idées à la fois transnational et supranational, dans le sens où il fonde aussi bien des organisations non gouvernementales actives au niveau planétaire que des institutions destinées à réunir l'ensemble des pays. Il circule au sein d'élites dénationalisées, qui font abstraction de toutes les contingences propres aux Etats et attribuent à ceux-ci des responsabilités sans aucun rapport avec leur influence réelle. De fait, la conscience universelle générée par l'information immanente n'a que faire des basses limites propres à l'action gouvernementale, comme l'approbation de la population ou la prise en compte de l'ensemble des besoins, alors que l'éthique basée sur l'émotivité donne aux propos des belles âmes une inconstance de girouette. Aujourd'hui le SIDA, hier la famine et la guerre, demain la pollution, la montée des eaux ou le paupérisme : quels que puissent être le lieu, les causes et les effets, nous sommes responsables de toutes les souffrances. A part des nôtres, bien sûr, puisque chaque victime possède nécessairement son bourreau !

Il existe ainsi un parallèle étroit entre l'ethnomasochisme occidental, la culture de la victimisation et la notion de justice globale, dont la Cour pénale internationale récemment mise en œuvre est l'expression la plus aboutie. Car si le fait de ne pas tout tenter pour aider les populations mourantes d'un pays signataire des Accords de Rome constitue un crime contre l'humanité, il va de soi que cette Cour entièrement indépendante peut dès aujourd'hui être saisie et préparer le procès de tous les salauds que nous sommes censés être – dès que nous refusons de nous condamner nous-mêmes. Dans ce contexte, les médias aux mains des citoyens du monde vont-ils jouer le même rôle que durant l'affaire des fonds en déshérence, où les larges tribunes offertes aux contempteurs de la Suisse et l'absence de toute contradiction fondée par une recherche des faits ont favorisé une extorsion de fonds démesurée ?

Cela paraît probable. Il suffit pour s'en convaincre de relever que la TSR, suite à son réquisitoire du 8 juillet fondé notamment par la pandémie en Afrique, n'a pas jugé bon d'évaluer la responsabilité éventuelle des chefs d'Etats africains, pourtant réunis le même jour à Durban pour écouter des hommes aussi avisés que Muammar Kadhafi vanter les bienfaits de la démocratie, de l'intégrité et de la bonne gouvernance. Un dictateur opposé à l'Occident ne peut-être fondamentalement mauvais, n'est-ce pas ?


Groupes de surveillance et débats publics

Dès lors, le doute n'est plus permis : les médias, même publics, sont en passe de devenir des acteurs stratégiques à part entière, poursuivant des objectifs propres, et utilisant pour ce faire leur relation privilégiée avec leur auditoire. Les liens étroits établis entre les organes de presse et les organisations non gouvernementales, dictés à l'origine par la similitude de tempo entre actualité et urgence humanitaire, ne cessent de se renforcer et sont à la veille de devenir un partenariat officiel, comme l'a par exemple montré la collusion entre la TSR et le collectif Urgence Palestine dans la couverture du conflit israélo-palestinien. Bien entendu, l'impact véritable des médias ne cesse d'être une source d'illusions, car la population, vivant une réalité étrangère aux préjugés politiquement corrects des consciences universelles, ne leur accorde qu'une confiance limitée. Il est même permis de penser que l'écart parfois frappant entre les préoccupations des électeurs et celles des rédacteurs ont favorisé l'émergence des partis nationalistes et conservateurs.

Il n'en demeure pas moins que l'information est une chose trop sérieuse pour être laissée aux journalistes. La dérégulation des pratiques médiatiques et la pluralité en chute des titres généralistes rendent nécessaire la multiplication des groupes de surveillance médiatique, qui permettent au public de se faire une opinion sur la base d'analyses détaillées. Le développement d'Internet a d'ailleurs multiplié les capacités de pareilles structures. Mais les gouvernements, pour leur part, ne peuvent plus se limiter aux modes d'expressions traditionnels face aux débats contemporains, et notamment face à l'ethnomasochisme qui met directement en cause le passé des nations et l'honneur de leurs citoyens.

Il est ainsi absurde de restreindre le révisionnisme au génocide de la Shoah, alors que la réécriture de l'histoire est désormais une pratique courante au sein même du milieu académique. Lorsque l'on constate par exemple que la commission Bergier a tout simplement ignoré les ouvrages récents d'historiens suisses dont les recherches contredisaient ses conclusions, il est évident que la rigueur scientifique n'est plus une priorité. Le sens des décisions prises, le combat des idées ne peuvent être abandonnés à ceux qui n'ont aucune légitimité démocratique. Plus que jamais, les gouvernants doivent utiliser les moyens modernes de communication pour mieux informer les électeurs, s'engager dans le débat public et se faire plus accessibles. De même, l'insulte systématique de collectivités ne devrait pas être seulement un délit lorsqu'elle prend une communauté étrangère pour victime : l'anti-occidentalisme mérite d'être sanctionné au même titre que le racisme ou l'antisémitisme.

Bien entendu, il faudra tôt ou tard expliquer comment il est possible qu'une chaîne relevant du service public comme la TSR, par le biais d'une de ses présentatrices vedettes, parvient à accuser de crime contre l'humanité toute la population à laquelle elle s'adresse. Surtout lorsque cette même population a l'obligation de payer la redevance qui permet à cette même chaîne de se livrer à une propagande pareillement discriminatoire. Soyons clairs sur le sujet : la liberté de la presse fait partie intégrante de tout Etat démocratique, et il est parfaitement compréhensible de céder à l'émotion ou d'épancher son cœur en direct – pour autant que cela ne devienne pas une pratique systématique. De plus, il est incontestable que les pays industrialisés doivent tenir leurs promesses en matière d'aide au développement et faire preuve de davantage de solidarité, afin de réduire les inégalités et de faire en sorte que le siècle à venir voie l'humanité vaincre la barbarie.

Mais chaque franc versé aux communautés étrangères est la preuve de notre générosité, pas l'absolution de notre culpabilité. Et si une caste socioculturelle décide de manière impromptue que l'Occident doit assumer le fardeau d'un monde qui ne cesse de le vouer aux gémonies, il conviendra un jour de se pencher sur ce complexe de parentalité universelle et de lui trouver une thérapie adaptée.




Cap Ludovic Monnerat    







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