L'essentiel de l'actualité militaire







L'essentiel des liens militaires


Documents militaires


Toutes les dates des ER


Cliquez ici pour soutenir CheckPoint!


Toutes les unités actuellement en action


Le Swiss Army Theme pour Windows 95


Webring Armée suisse

Faire face à la menace terroriste à l'aube du XXIe siècle: réponses à 4 questions fondamentales

17 septembre 2001


Attentat au World Trade CenterL

es 4 avions de ligne détournés qui ont détruit les deux tours du World Trade Center à New York et endommagé le Pentagone à Washington ont remis au premier plan les problèmes de sécurité dans les sociétés occidentales. L'ampleur des dégâts, le nombre probable de victimes, la complexité de l'action et le fanatisme de ses responsables ont généré un choc planétaire. Mais également une folle confusion que l'appétit dévorant des médias, réduits depuis belle lurelle au rôle de porte-paroles diffusant 10% de faits et 90% de spéculations, a clairement mis en évidence. Où en sommes-nous? Le monde a-t-il soudainement changé?

Calquer ses réflexions sur les grands titres des médias, c'est avoir l'assurance d'une perspective à courte vue incompatible avec les mutations de fond que connaît notre époque. Le retour spectaculaire de la menace terroriste internationale n'annule pas les autres menaces. Bien au contraire: la crédibilité de la réponse américaine aura une influence directe sur la dissuasion entraînée par ses contingents déployés à l'étranger. Et les différents reproches faits à Washington ne parviennent pas à dissimuler la concurrence des économies et des cultures, et donc des civilisations, que vit notre monde interconnecté et globalisé.

Afin de recentrer le débat sur les facteurs qui le sous-tendent, il nous paraît important de répondre à un certain nombre de questions, dans une perspective avant tout nationale.


La Suisse est-elle concernée et menacée par le terrorisme fanatique ?

Les démocraties tendent à ignorer les problèmes de sécurité jusqu'à y être de force confrontées, et notre pays n'échappe pas à la règle. Voici deux ans, dans les tourbillons médiatiques de l'affaire Bellasi, de nombreux dirigeants socialistes – en particulier la présidente du parti – et pacifistes demandaient la suppression pure et simple des services de renseignements, en expliquant que les médias modernes constituaient une source d'information suffisante ; aujourd'hui, ces mêmes dirigeants demandent la suppression de l'armée, en expliquant que les armées conventionnelles ne sont d'aucune utilité contre le terrorisme. Devant ces attaques menées en permanence contre nos capacités en matière de sécurité, on croit rêver.

La menace que fait peser le terrorisme fanatique sur la Suisse ne dépend pas tant de notre perception que de celle des terroristes eux-mêmes. D'une part, la haine que suscite l'Occident en général dans certains cercles activistes de par le monde continuera à faire peser des risques importants sur les citoyens suisses à l'étranger : la neutralité et le passeport à croix blanche n'ont guère protégé les 35 touristes helvétiques massacrés à Louxor au nom de la lutte fondamentaliste et de la guerre sainte. D'autre part, en tant que siège d'institutions internationales, archétype de démocratie libérale, plaque tournante de flux financiers divers et terre d'accueil de nombreux réseaux liés au terrorisme, notre pays appartient inéluctablement au monde occidental; et la faiblesse insigne de nos capacités antiterroristes ne fait que renforcer la possibilité d'actes violents perpétrés sur notre sol.

Faudra-t-il attendre un précédent pour en prendre conscience? La configuration politique de notre gouvernement semble l'indiquer.


Notre politique de sécurité est-elle adaptée à la menace terroriste ?

Les travaux de la commission Brunner entre août 1996 et février 1998 ont abouti à un rapport soulignant les multiples dangers menaçant la Suisse en ce nouveau siècle, et dont le terrorisme n'est pas le moindre. Mais les 19 propositions émises par ce rapport, qui ont permis de rédiger le Rapport sur la politique de sécurité 2000, ont surtout eu pour conséquences la transformation à la fois de l'armée et de la protection de la population ; la réforme de la sécurité intérieure a démarré avec un temps de retard, et même si une coordination existe entre les trois projets, il serait mensonger de prétendre qu'une vision globale, prospective et détaillée a été développée en matière de sécurité. Le slogan de "La sécurité par la coopération" ne décrit qu'un ensemble de modes opératoires, pas un but à atteindre. Personne ne voit la Suisse de l'avenir. Surtout pas la population, dont les divisions sous-tendent précisément l'immobilisme du consensus en ce domaine.

Dans ce contexte, il est évident que notre politique de sécurité consiste pour l'essentiel à nous laisser porter par le courant de l'Histoire, en tâchant d'éviter les écueils les plus saillants. La substitution de valeurs limitatives à une ligne directrice stratégique a bien entendu une influence directe sur la volonté et la capacité de réformer les outils de la politique de sécurité, et en particulier de l'armée: aujourd'hui encore, bien peu de leaders politiques et militaires ont saisi l'urgence et l'importance que revêt sa transformation de fond en comble. L'essor de la criminalité organisée, la perméabilité accrue des frontières, l'utilisation des technologies de l'information pour des actes subversifs menacent les fondements des Etats-nations démocratiques, au même titre que les limitations souvent excessives imposées aux structures gouvernementales pour contrer ces dangers. Mais la sécurité est avant tout une affaire de société: sans préoccupation collective, pas d'action d'ensemble.


L'Armée XXI est-elle adaptée aux défis de l'avenir ?

La vague d'attentats aux Etats-Unis a rapidement été exploitée par certains politiciens – de gauche comme de droite – pour dénoncer à la fois l'orientation du projet Armée XXI et le programme d'armement 2001; ce sont pourtant ces mêmes politiciens qui ont accepté les missions confiées par le Conseil fédéral à l'armée avec le RAPOLSEC 2000, et notamment la mission de défense nationale, et qui n'ignorent pas que les investissements et les décisions faits aujourd'hui auront des effets pour les 25 prochaines années. De plus, comme la coopération avec les Forces armées étrangères est une nécessité dans le cadre du maintien de la paix, et une option hautement souhaitable en cas de défense, une certaine convergence doit exister en matière de doctrine, d'organisation et d'équipement. C'est précisément le cas des planifications d'armement. Comment remplir une mission de défense sans matériel moderne et compatible, sans formations efficaces et interopérables?

Dans la perspective plus large de l'emploi des troupes, l'Armée XXI procède par ailleurs à un véritable changement de paradigme concernant ses éléments de combat: alors qu'aujourd'hui près de 70% de l'infanterie se prépare exclusivement au combat symétrique de haute intensité, demain le 100% de l'infanterie sera capable de remplir des missions de protection en dessous du seuil des hostilités. De même, la fusion des troupes du génie et de sauvetage permettra de renforcer nos capacités subsidiaires. Enfin, l'introduction du service long et la déclinaison des écoles de recrues en 3 départs par année fourniront à l'armée en permanence un contingent d'au moins 600 militaires, répartis entre infanterie, génie/sauvetage, logistique et aviation, adéquatement qualifiés (au moins 8 mois de formation) et disponibles en quelques heures. Il est d'autant plus étonnant de constater que les partis politiques critiquant aujourd'hui l'orientation de l'Armée XXI sont les mêmes qui ont contesté en août le principe du service long, seul à fournir une capacité d'engagement dans la durée. Eternels volte-faces de l'électolarisme commun!

Tout n'est pourtant pas lumineux au sein de l'institution militaire. Il est en particulier frappant de constater que le programme d'armement 2001 prévoit l'achat de 2000 obus d'artillerie intelligents SMart, qui constituent à l'heure actuelle l'arme absolue contre les formations blindées, et de 25 véhicules de dépannage Büffel pour chars de combat, dont l'utilité sur un champ de bataille moderne est précisément remise en question par les munitions intelligentes. Le problème ici est plus profond qu'un simple choix de matériel: c'est la faiblesse de nos procédures prospectives qui est mise en exergue. D'une part, la planification prospective dans notre armée se limite à une période de 8-15 ans, là où plusieurs pays voisins considérent 25-30 ans comme indispensable. D'autre part, notre planification s'appuie sur un processus d'adaption de l'état actuel (Ist Zustand) à un état souhaitable (Soll Zustand), ce qui favorise l'adaptation sectorielle de solutions institutionnalisées, et pourtant dépassées. Comment pouvons-nous aujourd'hui défendre des investissements chiffrés en milliards de francs autour d'un système d'armes – le char de combat Léopard – conçu durant les années 70? Nous restons englués dans les concepts de la guerre froide. Nous n'avons pas de vision des engagements futurs.


Les armées contemporaines doivent-elles encore se préparer au combat ?

Le spectre des missions confiées aux Forces armées occidentales s'étend de la coercition armée à l'aide humanitaire, en passant par la maîtrise de la violence. Nombreux sont aujourd'hui les observateurs, experts en stratégie de toute provenance, pour déclarer obsolètes les capacités de contre-forces des armées et se focaliser sur les capacités de contre-violence. Mais l'actualité dramatique ne peut faire oublier que la majorité des interventions entreprises par les Forces armées occidentales ces 10 dernières années ont étroitement mêlé les deux compétences, et que l'ensemble des situations impliquant au moins un Etat effectif ou potentiel nécessite une capacité de contre-forces ou de collaboration interforces – ce qui a des conséquences strictement identiques. En d'autres termes, aussi longtemps que les Etats-nations subsisteront dans ce monde, la préparation au combat symétrique sera inséparable de l'existence même des Forces armées.

La prolifération des risques infraguerriers et des missions de maintien de la paix montre pourtant l'importance des capacités de contre-violence pour apaiser ou éviter un conflit. Mais il y a une gradation progressive et subtile entre l'aide humanitaire, les engagements de sûreté subsidiaires, le maintien de la paix, les engagements de sûreté sectoriels, l'imposition de la paix et le combat symétrique de haute intensité. Et nombreuses sont les situations pouvant rapidement entraîner un changement d'intensité. Peut-on imaginer des formations militaires ou policières, prévues pour un certain niveau de violence et faisant soudain face à une menace supérieure, crier "pouce!" et demander une pause pour qu'une formation plus apte soit engagée? Les missions de sûreté exigent des unités militaires prêtes au pire et capables d'agir avec proportionnalité dans tous le spectre des contextes.

Il est intéressant de remarquer qu'en cas de menace grave mais diffuse, ce qui correspond au cas du terrorisme, les missions de sûreté nécessitent des effectifs importants et engagés sur une longue durée. Or plusieurs voix se sont élevées en Europe pour regretter, dans la foulée des professionnalisations en cours (France, Italie, Espagne), l'absence de réserve, de capacité échelonnée de réaction. Aux Etats-Unis, les réservistes et les membres de la Garde nationale mobilisés sont purement et simplement des miliciens, qu'un système à disponibilité échelonnée permet d'engager en cas de menace accrue. C'est précisément la souplesse du système adopté par l'Armée XXI dans le principe de la milice.

Enfin, certains commentateurs particulièrement peu inspirés ont proclamé, au lendemain des attentats, l'inutilité des systèmes antimissiles projetés aux Etats-Unis et étudies en Europe. C'est oublier que les armes de destruction de masse non seulement sont à la portée des réseaux terroristes, mais ont en plus une efficacité maximale contre les Etats et leurs populations. Les seules conditions à leur engagement via des missiles balistiques résident dans la disponibilité des vecteurs, ce qui sera le cas dans quelques années, et dans l'absence totale de scrupules préalablement à leur lancement. Après le 11 septembre, qui peut encore mettre en doute celle-ci?




Cap Ludovic Monnerat    







Haut de page

Première page





© 2001 CheckPoint
Reproduction d'extraits avec mention de la provenance et de l'auteur