Les cornemuses jouent pendant que
le Black Watch prend Bassorah
16 avril 2003
a prise de Bassorah par la 1ère division blindée britannique le 6 avril, au terme de plusieurs jours marqués par des raids ciblés et destructeurs, a été une manœuvre opportuniste décidée en cours de route. Un reporter écossais incorporé décrit cette journée.
Les Irakiens se cachaient dans un bunker sur le côté de la route, lorsque les chars les ont aperçus en premier. Ils étaient au nombre de quatre, attendant à un croisement dans le quartier d'Al Hadi à Bassorah, insérant une autre roquette antichar dans leur lanceur afin de la tirer sur les troupes britanniques. La demande d'engagement arriva sur la radio du commandant. Il y eut un silence de quelques instants, puis la réponse revint en grésillant : "vous êtes maintenant libre d'engager le bunker et quatre hommes avec des HESH et la coax."
«... Lorsque le Black Watch s'enfonça dans le cœur de Bassorah, la résistance commença à s'effondrer. Les gens se mirent à montrer les endroit où les miliciens se cachaient. »
Des obus explosifs et des balles de mitrailleuse – voilà ce que signifiait ce jargon, et rien ne pouvait s'opposer à eux. A l'intérieur du bunker, les miliciens n'avaient plus que quelques secondes à vivre. Le bruit d'une explosion sourde se propagea à travers la ville. A la radio, l'équipage annonça le résultat. "La cible a été engagée et le boulot a été fait."
Un Cobra touché prend feu
De l'autre côté du pont sur le canal du Shatt al-Bassorah, le lieutenant William Colquhoun avait déballé sa cornemuse et était assis sur la tourelle de son Warrior en attendant l'ordre d'avancer. Alors que le soleil tentait de percer à travers la fumée s'élevant paresseusement à travers le terrain marécageux et désolé s'étendant de chaque coté du pont, des oiseaux pataugeaient en cherchant leur chemin à travers les hautes herbes. Lorsque Colquhoun commença à jouer, le son de Scotland the Brave dériva à travers le pont vers la ville, luttant avec le fracas des rotors de quatre hélicoptères Cobra venant se joindre à l'attaque.
Aux commandes de son Cobra, le major Steve Hall du Corps des Marines recherchait d'autres cibles à détruire lorsqu'il sentit les premières balles pénétrer dans le fuselage. Un obus s'encastra même dans le nez, à quelques centimètres du co-pilote, le premier-lieutenant Dale Behm, qui regardait attentivement à travers son viseur. Un autre brisa l'appareil de visée devant lui, puis fonça à travers les rotors et les pignons.
Le cockpit était en feu, mais il n'y avait nulle part où atterrir. Des gens qu'il ne pouvait voir lui tiraient dessus à travers les fenêtres des maisons d'un bidonville en contrebas. Apercevant un char Challenger britannique près du pont, il inclina le Cobra. Dans le ciel au-dessus, son ailier avait vu les éclairs des tirs et revenait pour prendre leur revanche. Son canon à chaîne se mit à rugir et les tireurs au sol se firent silencieux.
Tout au long de la partie occidentale de la ville, d'autres drames se déroulaient. Les premiers combats étaient féroces, avec des roquettes antichars et du feu d'armes légères provenant de toutes les directions. Mais lorsque le Black Watch s'enfonça dans le cœur de Bassorah, la résistance commença à s'effondrer. Les gens se mirent à sortir dans les rues pour montrer les endroit où les miliciens et les Feddayins se cachaient.
«... Ce qui avait commencé comme un autre raid visant à tester la résolution des défenseurs irakiens était devenu une ruée effrénée pour capturer la ville. »
Face aux défenseurs battant en retraite, les hommes du lieutenant-colonel Mike Riddell-Webster continuèrent à avancer [il s'agit du 1er bataillon "The Black Watch", une unité d'active faisant partie du Royal Highland Regiment et organisée sous la forme d'un bataillon d'infanterie blindée basé à Fallingbostel, au nord de l'Allemagne – note du traducteur]. Dans le quartier-général de la 7e brigade blindée, le brigadier Graham Binns réalisa qu'il était temps d'engager dans la bataille tout ce dont il disposait.
Ce qui avait commencé comme un autre raid visant à tester la résolution des défenseurs irakiens était devenu une ruée effrénée pour capturer la ville, chaque unité rivalisant avec la suivante pour capturer toujours plus d'objectifs. Certains d'entre eux, qui avaient précédemment été considérés comme inatteignables, tombaient l'un après l'autre. Alors qu'une brise chaude et hurlante déferlait sur la ville, la bataille pour Bassorah avait finalement lieu.
La poussée se poursuit
Par la radio, le groupement de combat du Black Watch [cela signifie que le bataillon, qui ne possède organiquement aucun char de combat, a été panaché avec des Challengers provenant d'une autre formation, NDT] annonçait des succès à la chaîne alors qu'il avançait par le pont n°3 et dans la zone industrielle au nord de la seconde ville irakienne. Dans le feu de l'action, le lieutenant-colonel Riddell-Webster dirigeait le combat. L'escadron Egypt et la compagnie B se dirigeaient à toute allure vers l'enceinte militaire qui devait être leur principal objectif du jour, au sud-ouest du quartier d'Al Jubaylah près des docks sur le Shatt el Arab, la voie navigable menant jusqu'au Golfe Persique.
Sous les attaques constantes de RPG et d'armes légères, ils annoncèrent que des combattants ouvraient le feu derrière un groupe de 40 civils à côté de la route. Cet accotement est miné, ont-ils averti, soyez prudent. Avant le début de l'action, le commandant leur avait dit qu'ils allaient avancer pour tester l'eau [c'est-à-dire la résistance, NDT]. Si elle était froide, ils allaient s'y maintenir durablement. Si elle était brûlante, ils allaient repartir. Et si elle était bonne, alors ils allaient s'y vautrer quelques instants. Lorsque les Challengers et les Warriors parcoururent à grande vitesse les routes à l'intérieur de la ville, ils décidèrent que la réception était bonne. Le commandant décida qu'ils resteraient pour "se vautrer quelques instants".
La voix du commandant vint sur la radio ; cette fois, il n'y avait pas de Tam O'Shanter au plumeau rouge perché sur sa tête [le béret traditionnel du Black Watch découle en effet d'un couvre-chef pour garçons portant ce nom, tiré d'une oeuvre du poète écossais Robert Burns, et qui est surmonté d'un plumeau rouge, NDT]. Le casque et le gilet pare-éclats étaient maintenant à l'ordre du jour. La résistance était intense, mais ils étaient déjà 5 kilomètres à l'intérieur de la ville, et c'était le plus loin qu'ils avaient jusqu'ici poussé dans Bassorah. Il ordonna à des unités supplémentaires de traverser le pont. Sur l'autre côté du canal, le lieutenant Colquhoun posa sa cornemuse et se prépara à avancer.
«... La résistance était intense, mais ils étaient déjà 5 kilomètres à l'intérieur de la ville, et c'était le plus loin qu'ils avaient jusqu'ici poussé. »
Ils roulèrent sur le pont tournant, sous un ciel toujours assombri, dépassant des véhicules calcinés juchés étrangement au bord de la route. Les unités de pointe annonçaient des attaques de RPG durant tout le chemin dans la ville. De la direction du pont n°4, la grande travée en béton qui avait fourni la tête de pont initiale vers la ville lorsqu'ils étaient arrivés en premier, vint le son d'explosions – des mortiers britanniques ouvrant le feu sur ceux qui tiraient de l'intérieur des limites de la ville.
Un Challenger annonça des chars détruits – un T-59 et un T-55. "Nous avons engagé et détruit un T-55", ajouta la voix désincarnée. Les autres unités prirent à cœur leur succès, mais il y avait encore beaucoup à faire. Il y avait beaucoup d'activités "civiles", disaient-ils : "nous recevons beaucoup de feu d'armes légères."
D'autres avaient poussé par le quartier résidentiel à l'ouest, par le bidonville en contrebas le long de la route vers le nord-est, puis par un complexe sportif qu'ils ont annoncé être déserté. Ils identifièrent une installation du Croissant Rouge, s'assurèrent que le groupement de combat savait où ils étaient, puis continuèrent.
Du centre de la ville virent le bruit sourd d'autres explosions. Les Warriors étaient en train de débarquer leurs soldats en-dehors du bidonville, et les fantassins du Black Watch avançaient dans l'enchevêtrement de maisons. "Nous engageons une unité de la force d'une section. Ils se sont repliés dans le bidonville", annoncèrent-ils.
Congestion sur la route minée
Des sapeurs arrivèrent pour nettoyer la portion minée de la route, déclarant sûre le côté droit de la route. Les véhicules blindés [c'est-à-dire les Warriors, NDT] utilisèrent leurs canons pour faire détoner d'autres mines sur leur chemin. Il y eut d'autres rapports d'activités "civiles" dans le bidonville, de positions engagées et détruites. D'une intersection à mi-chemin le long de la route menant au premier bâtiment militaire arrivèrent des rapports de feu de mortier, une unité subissant une attaque. Puis la radio grésilla à nouveau, car l'emplacement du mortier avait été repéré – un véhicule bleu de type Land Rover.
Un char de combat tira un obus explosif sur le véhicule qui se désintégra, mais un autre mortier tirait toujours, quelque part au sud, hors du secteur d'engagement du groupement de combat. Sa position fut transmise aux Scots Dragoon Guards, et quelques instants plus tard vint le fracas d'obus de mortiers britanniques quittant leur tubes – ce qui réduisit au silence le mortier irakien. Après des jours passés à nettoyer la ville voisine d'Az Zubayr et à en repousser la milice paramilitaire, les soldats du Black Watch se réjouissaient de leur retour à Bassorah et de la chance d'engager l'ennemi qu'ils avaient mis en fuite.
Le soleil s'était élevé dans le ciel, et maintenant quatre Cobras étaient apparus, piquant bas en recherchant des cibles à combattre, 60 mètres au-dessus des toits. "Quatre Cobras en place – ils vont balayer notre emplacement et notre objectif, puis nous allons en laisser deux et deux resteront ensuite", annonça une voix à la radio. Et une autre voix : "nous recevons toujours du feu d'armes légères, nous avons identifié la plaque de base."
Plus en arrière, la compagnie B avait traversé le pont, passé près des pylônes électriques géants dominant l'approche, de voitures calcinées et renversées ainsi que des tas de détritus, et suivi la route longeant le triple pipeline de pétrole en partie enflammé. Des chars Warriors se tenaient sur l'accotement, et d'autres véhicules détruits entouraient la route.
«... Ignorant toujours l'ampleur du succès, les soldats au sol se demandaient si le brigadier avait décidé que le temps était venu de prendre la ville. »
Mais d'autres dangers devraient être traités. Soyez attentifs à d'autres mines, furent-ils avertis. "Certaines mines ont été enlevées et un passage a été dégagé, mais soyez prudents lorsque vous traversez", leur dit une voix.
Il y avait effectivement toujours quelques mines intactes sur le côté gauche de la route, et les colonnes luttaient pour passer à travers. La voix du commandant vint à la radio. "Etant donné la congestion sur la route, est-ce que vous êtes capables de pousser vers l'avant ?", demanda-t-il aux unités qui tenaient les positions avancées.
Un Challenger annonça avoir touché un autre T-55, et d'autres unités avançaient. Ignorant toujours l'ampleur du succès, les soldats au sol se demandaient si le brigadier avait décidé que le temps était venu de prendre la ville.
Une foule près du Cobra
Puis vint la nouvelle qu'un Cobra avait été abattu. "Touché par du feu direct, nous devrons peut-être avancer pour récupérer le pilote", dit la voix du commandant de bataillon sur la radio. "Un Cobra vient juste d'atterrir sur la route, il la bloque maintenant. Un autre Cobra essaie de se poser sur la route. Il a stoppé droit au milieu." [Une annonce provenant des unités sur place] La voix du commandant se superposa : "Nous allons devoir le pousser." Il demanda qu'un monte-charge soit amené à l'avant pour déplacer l'appareil endommagé.
Le pilote du Cobra avait éteint la turbine, et les rotors s'étaient arrêtés. Un char de combat s'avança pour offrir sa protection, alors qu'une foule de civils commençait à se rassembler, et une autre Cobra se tenait sur la route, les rotors toujours animés, pendant qu'un autre faisait des cercles au-dessus.
Dans l'enceinte prise pour objectif, l'escadron Egypt et la compagnie B annonçaient que l'ennemi avait fui, mais le commandant ne souhaitait pas s'arrêter. Il ordonna à ses unités de continuer leur poussée vers le quartier-général du parti Ba'as indiqué sur leurs cartes et de le détruire. Le groupement de combat reprit sa marche en avant.
Vers 0900, les Irakiens étaient en fuite, et la résistance s'effilochait. "Nous venons de nettoyer le bâtiment sur le côté arrière de l'enceinte", annonça l'escadron Egypt. Les soldats avaient débarqué de leurs véhicules, mais il n'y avait que peu d'opposition. Ils étaient en train d'installer une base à cet emplacement, mais le commandant avait déjà des vues sur les docks.
«... Nous faisions une reconnaissance en force pour vos gars parce qu'ils recevaient du feu de mitrailleuses et des grenades, puis nous avons été abattus. »
D'autres unités avançaient également dans la ville, et des rapports de victoire et de résistance évanouie arrivaient de toute part. De nouveaux objectifs étaient sélectionnés, et les unités recevaient des références sous forme de coordonnées pour des quartiers-généraux du parti Ba'as, des installations militaires, des bâtiments des fedayins – tous identifiés comme cibles.
Sur le côté du Cobra orienté vers Bassorah, une foule de plus de 500 personnes s'était rassemblée. Certaines de ceux à l'avant transportaient des récipients à essence, mais il n'était pas clair si c'était pour attaquer les soldats ou simplement récupérer du carburant. "Qu'est-ce que vous avez pour maîtriser la situation ?", demanda le commandant. Des Challengers, des Warriors, des véhicules du génie, lui fut-il répondu. Les soldats tirèrent au-dessus des têtes de la foule et la plupart s'enfuirent.
La prise de la ville
Dans la partie nord de la ville, l'escadron Egypt avait atteint le QG du parti Ba'as près des docks et près de la gare, où les jours précédents des chars de combat avaient été amenés dans la ville pour consolider les défenses. Mais ceux-ci furent détruits l'un après l'autre lorsque les Challengers les ont trouvés. A 1000, la route menant à cette partie nord était sûre et d'autres unités roulaient vers l'avant. Le commandant parlait d'aller dans les bâtiments du QG pour tester la réaction.
De sud de la ville vint la nouvelle que les Scots Dragoon Guards étaient en marche, essayant de sécuriser leur propre secteur. Le Royal Tank Regiment se déplaçait derrière le Black Watch, attendant de pousser plus avant [avec le 1er bataillon du Royal Regiment of Fusiliers, ce sont les 4 éléments de combat de la 7e brigade blindée britannique, NDR]. Toute l'opération pour prendre la ville était alors avancée. Il y avait toujours une certaine résistance – un char dut tirer avec sa mitrailleuse sur un autre pour écarter un groupe déterminé de défenseurs irakiens qui grouillaient sur lui – mais elle était inexorablement repoussée.
Sur la route menant à la ville, le major Hall inspectait les dommages de son Cobra. "Nous faisions une reconnaissance en force pour vos gars parce qu'ils recevaient du feu de mitrailleuses et des grenades, puis nous avons été abattus", a-t-il dit. "On ne pouvait voir personne tirer. Il y avait une quantité de gens dans les rues, mais quelqu'un dans un bâtiment nous tirait dessus. Vous ne pouvez pas tirer sur les sales types avec tous ces gens autour. Je pense que c'était juste des parieurs avec des fusils qui ont eu de la chance."
"C'est une honte, parce qu'il y avait beaucoup de gens au sol qui nous faisaient des signes." Il volait probablement à 240 km/h lorsque les balles l'ont touché. "Ils ont presque eu mon copilote, il y a eu des coups dans mes pales, mais on a continué à voler normalement. Le rotor de queue a presque été coupé en deux et nous avons eu une incendie dans le cockpit", ajouta le major. "La première chose qui m'est venue à l'esprit était 'où sont les Challengers ?'. Je ne voulais atterrir nulle part ailleurs." C'était six ou sept minutes avant que le major Hall puisse poser le Cobra. Il ajouta : "nous avons eu beaucoup de chance, le Seigneur était avec nous."
«... Les civils irakiens commençaient à croire que cela se passait enfin, que la grande poussée promise depuis des jours était finalement survenue. »
A 1100, l'avance avait pénétré profondément la ville, les compagnies poussant au nord et sud. La compagnie D avait pris le QG du parti Ba'as près des docks et se déplaçait au sud vers le canal de Mar al Khandao. Une énorme étendue de la ville était maintenant en mains britanniques. Le Royal Regiment of Tanks avançait plus loin pour contribuer à nettoyer le secteur central, alors qu'au sud les Scots Dragoon Guards s'engouffraient dans leur portion de la ville.
Des colonnes de véhicules se déversaient, et des groupes de gens sur les côtés de la route agitaient les bras lorsqu'ils passaient. Des enfants faisaient des signes et levaient le pouce, des femmes portant des seaux venant de l'eau sale et puante en bordure de la ville s'arrêtaient et saluaient de la main. Des charrettes tirées par des ânes et des gens poussant des brouettes avançaient dans la direction opposée. Les colonnes longèrent les épaves d'un char T-55 calciné et de bunkers abandonnés entourés de sacs de sable. Partout les gens saluaient et portaient des drapeaux blancs où était inséré avec un emblème bleu.
Dans l'enceinte capturée, il y avait une chance de se reposer, parmi les buildings détruits et les postes de surveillance abandonnés. L'odeur de souffre flottait dans l'air. Et ainsi de suite, la bataille fit rage dans la ville de l'aube au crépuscule, les radios relayant les annonces de chaque nouvelle avancée, les chars poursuivant l'ennemi dans des zones toujours tenues, l'engageant et le détruisant. Les civils irakiens commençaient à croire que cela se passait enfin, que la grande poussée promise depuis des jours était finalement survenue. La milice continuait à se battre, mais la cité tombait. Bassorah tombait enfin en mains britanniques.
Texte original: Gethin Chamberlain, "Bagpipes play as Black Watch takes Basra", The Scotsman, 7.4.03
Traduction et réécriture: Maj EMG Ludovic Monnerat