La chevauchée épique de la cavalerie américaine sur la route de Bagdad
3 avril 2003
vant-garde de la 3e division d'infanterie mécanisée, le 3/7 de cavalerie a mené des combats épiques pour se frayer un chemin à travers les défenses irakiennes. Le récit de ses aventures du 24 au 25 mars permet de mieux comprendre les combats terrestres de cette opération militaire.
Le ton de la voix du capitaine Clay Lyle à la radio n'indiquait rien de la violence sur le point d'éclater. "Nous sommes au contact", dit calmement Lyle, comme s'il annonçait l'heure, et non le fait que son unité de cavalerie venait d'être prise en embuscade, de nuit et en territoire ennemi.
«... Lorsque le soir tomberait mardi, le 3/7 de cavalerie aurait perdu trois chars M1A1 Abrams, dont les deux premiers jamais mis hors de combat par le feu ennemi. »
Les chars de combat Abrams et les véhicules de combat d'infanterie Bradley de Lyle étaient les éléments de tête du convoi de quelque 500 véhicules qui formait toute la puissance du 3e escadron du 7e régiment de cavalerie. L'escadron s'étirait sur 25 à 40 km le long de routes à double voie sur la rive occidentale de l'Euphrate, et une tempête de sable en crue avait cloué au sol les hélicoptères d'exploration armés Kiowa Warrior qui volaient habituellement pour vérifier des positions ennemies.
Une première embuscade
L'avance sur la route avait commencé juste à l'extérieur de la ville d'As Samawah, au crépuscule du lundi 24 mars, et les trois premières heures s'étaient écoulées sans incident. Elles furent les trois dernières heures paisibles que l'escadron vivrait pendant les 24 suivantes. Lorsque le soir tomberait mardi, le 3/7 de cavalerie – fer de lance de la poussée vers Bagdad – aurait perdu trois chars M1A1 Abrams, dont les deux premiers jamais mis hors de combat par le feu ennemi.
La voix de Lyle annonçant le début de cette bataille de 24 heures passa sur la radio à 2030 le lundi soir. Environ 200 soldats irakiens, retranchés à 90 m de chaque côté de la route, illuminèrent la nuit avec un feu d'armes légères et de mitrailleuses. Des traçantes rouges passaient d'avant en arrière alors que l'ennemi échangeait des tirs avec les soldats de cavalerie ouvrant le feu avec les mitrailleuses de 7,62 mm de leurs Abrams et de leurs Bradleys.
La nuit retentissait du déchirement des canons des Bradleys déversant des obus explosifs de 25 mm sur les positions irakiennes, auxquels répondirent les explosions des mortiers de 82 mm irakiens. Ces obus de mortiers tombèrent sur deux camions US, et une roquette antichar s'écrasa dans le bloc moteur d'un Humvee en renversant le véhicule et déclenchant un incendie. De manière remarquable, les soldats des trois véhicules s'en tirèrent sans égratignure.
«... Le commandant de l'escadron ordonna à ses 6 obusiers blindés de 155 mm M109A6 Paladin de tirer un obus chacun sur les positions irakiennes. »
Le commandant de l'escadron, le lieutenant-colonel Terry Ferrell, ordonna à ses 6 obusiers blindés de 155 mm M109A6 Paladin de tirer un obus chacun sur les positions irakiennes. La radio crachota des voix tendues hurlant des coordonnées, puis six boules de feu orange éclatèrent sur ces positions, le coup de tonnerre de l'impact venant aux oreilles des cavaliers une fraction de seconde plus tard.
Bien que le feu ennemi commençait à ralentir, Ferrell demanda à l'Air Force de donner le coup de grâce. Une paire d'avions d'attaque au sol A-10 Warthog arriva en quelques minutes, lâchant des bombes et mitraillant la position ennemie avec leurs canons de 30 mm, qui déclenchèrent une série d'explosions blanches et phosphorescentes.
Le convoi se remit en route à environ 2130, laissant trois épaves fumantes dans son sillage. L'adrénaline coulait à flot dans les veines des jeunes soldats formant l'essentiel du convoi, et qui avaient pour l'heure vu davantage d'action en une soirée que bien des soldats dans une carrière. Mais pour le 3/7 de cavalerie, ce n'était qu'un début. Cela allait empirer.
Un pont s'effondre sous un char
Juste avant minuit, dans les rues en bordure d'Al Faysaliyph, juste à l'ouest de l'Euphrate, les Irakiens frappèrent à nouveau. Des dizaines de miliciens attaquèrent le convoi avec des roquettes antichars et des mitrailleuses. Ce dernier se dispersa dans des rues parallèles, mais les éléments de pointe se dirigèrent vers un pont qui semblait offrir une issue de secours.
Le pont avait l'air de pouvoir supporter la cavalerie lourdement blindée. Et il le put en effet – jusqu'à ce qu'il s'effondre sous les 70 tonnes d'un Abrams, le sixième véhicule du convoi, qui plongea dans un ravin profond de 2,4 m. A nouveau, l'équipage s'échappa sans blessure. Ferrell n'avait d'autre choix que de rebrousser chemin avec le convoi et chercher une autre voie.
Dans les ténèbres et la confusion inévitables, lorsque 500 véhicules essaient de faire demi-tour de nuit dans des rues étroites en subissent un feu sporadique, deux autres chars roulèrent dans des fossés, de même qu'un camion citerne. La chance remarquable de l'escadron continua : le seul soldat blessé fut un homme dans le camion qui se brisa la main.
Mais sortir les chars et le camion hors du fossé et le remettre sur la route donnèrent à Ferrell un autre souci dont il n'avait pas besoin. Il parvint à retirer du ravin le char qui était tombé à travers le pont. Il sauva également l'un des Abrams dans le fossé, mais il dut abandonner l'autre char et le camion-citerne. Puis l'escadron refit le chemin retour à travers la ville, éliminant les tireurs de RPG et les fantassins en route.
«... En quelques minutes, deux A-10 supplémentaires se joignirent au combat, en larguant 8 bombes de 500 livres et en râtissant les deux rangées d'arbres avec leur canon. »
Hors de la ville, l'unité continua sa poussée au nord, en direction de Bagdad. Alors que la lueur de l'aube se répandait dans le ciel, des traçantes rouges cisaillaient la route et le combat était à nouveau intense. Les cavaliers firent exploser un petit bateau de bois transportant des soldats irakiens d'une rive de l'Euphrate à des positions de mortiers de 82 mm situées sur l'autre.
Des éléments en arrière du convoi annoncèrent à nouveau d'autres contacts. Avec son convoi toujours échelonné plusieurs kilomètres derrière lui, et tous ses hommes au combat presque sans interruption depuis 10 heures, Ferrell demanda des frappes aériennes.
Un raid comme Apocalypse Now
Son contrôleur aérien tactique en chef, le sergent technique de l'Air Force Michael Keehan, se mit au travail. En quelques minutes, deux A-10 supplémentaires se joignirent au combat, en larguant 8 bombes de 500 livres et en râtissant les deux rangées d'arbres avec leur canon. Les bombes explosèrent avec un souffle extraordinatire et jetèrent un voile de fumée noire qui se dissipa rapidement. Les deux rangées d'arbres brûlaient maintenant furieusement, et Keehan prit un air fier. "Cela ressemble à Apocalypse Now", dit-il à des soldats proches.
Alors qu'il faisait plus clair, les soldats pouvaient voir plusieurs bâtiments parmi les arbres où les bombes et les obus de canon étaient tombés. Un homme courut depuis une maison en agitant un tissu blanc, criant que sa famille avait été blessée et qu'il avait besoin d'aide. On lui dit d'amener sa famille sur la route. Là, l'équipe médicale du 3/7 de cavalerie posa des pansements sur un garçon de 4 ans, une femme enceinte et deux hommes, l'un en fin d'adolescence et l'autre dans la trentaine. Tous avaient des éclats dans les jambes. Le docteur et major Todd Albright prédit un rétablissement complet pour tous sauf pour l'un des hommes, qui devrait probablement perdre un pied. La famille fut éloignée dans une ambulance irakienne.
«... Sur les quatre véhicules du poste de commandement tactique, soit deux Bradleys et deux Humvees, un seul termina la journée sans être criblé de balles. »
Le sergent Todd Grant, un sous-officier du renseignement, dit alors que les gens interrogés avaient affirmé qu'il n'y avait pas d'ennemi dans le voisinage et qu'il n'y avait nul besoin d'ouvrir le feu. "Mais c'est faux, parce que l'on nous a tiré dessus", ajouta Grant.
Ferrell donna deux heures à ses hommes pour reprendre leur souffle. Il estimait que son escadron avait tué 150 miliciens irakiens, sans compter ceux tués par l'appui aérien rapproché. Jusqu'ici, il n'avait subi aucune perte. Il régnait une certaine euphorie parmi ses soldats, mais ils avaient bien peu de temps pour célébrer leur victoire ou leur survie. Un autre jour de marche s'annonçait, et d'autres embuscades les attendaient.
Deux Abrams en feu
L'escadron continua à pousser au nord, traversant l'Euphrate et avançant le long de la rive orientale. Les trois Bradleys et les deux Abrams qui avait traversé sur le pont avant que celui-ci ne s'effrondre rejoignirent le convoi. Un mauvais brouillard jaune-gris plein de fine poussière tomba sur un paysage de marais et d'usines vides. Si c'était un film, on aurait senti que les méchants étaient dans le coin. En fait, on aurait même pu reprocher au metteur en scène une telle évidence. Et ce fut un exemple de vie imitant le mauvais ciné, parce que les méchants étaient vraiment dans le coin – dans presque chaque coin, en fait.
La matinée et l'après-midi fut une fusillade continue alors que la colonne traversait un déluge de feu d'armes légères et de RPG. Sur les quatre véhicules du poste de commandement tactique, soit deux Bradleys et deux Humvees, un seul termina la journée sans être criblé de balles. A un certain point, le chauffeur du commandant de l'escadron, le première classe Randall Duke Newcomb, dut conduire le Humvee avec une main et ses genoux pour vider deux magasins de balles avec son M-16 et deux grenades de 40 mm par la fenêtre.
L'escadron fit une halte près d'un pont et aperçut un lanceur de missiles irakien détruit, avec des restes humains éparpillés autour. Les cavaliers capturèrent également trois soldats irakiens qui venaient livrer des munitions au lanceur détruit. Lorsque le crépuscule tomba, une autre page de l'histoire militaire américaine fut écrite. Les soldats ne savent pas exactement comment cela s'est produit – ils pensent qu'il s'agissait d'un canon antichar irakien monté sur un camion – mais quelque chose fit exploser l'arrière de deux chars Abrams et les mit en feu. Lorsque les munitions commencèrent à exploser, les équipages de l'unité B se mirent promptement à l'abri. L'un des pilotes de chars fut pris au piège pendant plusieurs minutes avec les balles de la mitrailleuse 12,7 mm éclatant à proximité avant de pouvoir librement ramper et se mettre en sécurité.
«... Tous savaient avoir été chanceux – trois chars, un Bradley et plusieurs camions détruits sans que personne ne soit sérieusement blessé. »
Selon son concepteur et les archives militaires, ce furent les premiers Abrams à être détruits par le feu ennemi. Durant la première Guerre du Golfe, neuf avaient été endommagés par des mines mais purent être réparés. Aucun n'avait jamais été détruit. Quelque chose – les soldats pensent au même canon antichar – fit également exploser un Bradley. A nouveau, les quatre membres d'équipage sans tirèrent indemnes.
Alors que l'escadron se préparait pour la nuit, tous savaient avoir été chanceux – trois chars, un Bradley et plusieurs camions détruits sans que personne ne soit sérieusement blessé. Mais Bagdad se trouvait encore à 130 kilomètres. Et entre Bagdad et l'escadron attendaient les meilleures troupes dont Saddam Hussein pouvait disposer.
Texte original: Sean D. Naylor, "Iraqis ambush armored column; two Abrams tanks destroyed", Military City, 25.3.03
Traduction et réécriture: Maj EMG Ludovic Monnerat