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Affronter un enfant-soldat est une épreuve difficile, mais de plus en plus fréquente

10 juillet 2002


Enfants-soldats au CongoL

a prolifération des enfants-soldats est une réalité: environ 300'000 combattent actuellement dans les trois-quarts des conflits que compte la planète. Et leur adversité pose des problèmes tactiques et psychologiques considérables aux Forces régulières.

Le 4 janvier dernier, alors qu'il observait les effets d'un bombardement à l'arrière d'un tout-terrain près de Khost, en Afghanistan, le sergent Nathan Ross Chapman a été brusquement pris sous le feu d'armes légères – le premier soldat américain à mourir au combat durant l'opération "Liberté Immuable".

Mais les balles qui ont abattu ce béret vert expérimenté n'ont apparemment pas été tirées par un combattant endurci, mais par un garçon de 14 ans, selon des informations non confirmées provenant de chefs afghans locaux.

«... Souvent drogués, les enfants sont battus ou menacés de mort à moins de combattre et de commettre des atrocités, comme tuer les habitants de leur propre village. »
«... Souvent drogués, les enfants sont battus ou menacés de mort à moins de combattre et de commettre des atrocités, comme tuer les habitants de leur propre village. »

Si tel est le cas, cet incident souligne combien la prolifération tragique des enfants-soldats – dont environ 300'000 combattent actuellement dans de nombreux conflits autour de monde – rend plus probable pour les Forces armées l'affrontement d'enfants en guerre. Mais les militaires en général ne sont pas prêts, tactiquement et psychologiquement, à faire face à cette "menace émergente", selon des officiers américains.

"Lorsque qu'un gosse de 14 ans pointe une arme sur vous, qu'avez-vous le droit de faire ou pas ?", déclare le brigadier-général William Catto, qui commande le Marine Corps Warfighting Laboratory de Quantico, Virginie. "C'est une des questions les plus difficiles que nous devons traiter."

Les Forces armées américaines ont besoin de modifier leur doctrine et leurs règles d'engagement afin de répondre au problème des enfants-soldats, souligne le colonel à la retraite des Marines Randy Gangle, directeur exécutif du Center for Emerging Threats and Opportunies (CETO), un partenariat entre le corps des Marines et le Potomac Institue for Policy Studies.

Alors que c'est un comportement standard pour les militaires américains de se défendre contre un acte ou une intention hostiles, des complications apparaissent en évaluant les risques posés par des enfants et des unités comprenant des enfants, de même qu'en gérant après coup les traumatismes du personnel et les répercussions du public liées aux enfants tués ou blessés.

En tant que tels, les enfants-soldats sont un exemple extrême de la nécessité pour les forces de s'adapter à des groupes de combattants irréguliers, imprévisibles et de plus en plus éclectiques, qui n'ont ni uniforme, ni code de conduite, ni organisation fixe. "Les jours des armées professionnelles s'éloignent", a relevé le général Catto en juin dernier, lors d'une conférence à Quantico sur les enfants-soldats.


Prise d'otages en Sierra Leone

Dans l'un des premiers engagements entre militaires occidentaux et enfants-soldats, fin 2000, une patrouille de soldats britanniques a été cernée et prise en otage en Sierra Leone par une milice criminelle constituée principalement d'enfants. Le chef de groupe semble avoir refusé d'ouvrir le feu sur "des enfants armés d'AK-47". Toutefois, un assaut de libération britannique, 16 jours plus tard, a laissé entre 25 et 150 combattants ennemis sur le carreau, dont de nombreux enfants. "Etre pris pour cible par un enfant génère un choc initial, mais les soldats feront leur travail", déclare le major Jim Gray des Royal Marines, qui a servi en 1999 comme observateur de l'ONU dans une mission en Sierra Leone. "Toutefois, si vous ne faites pas attention à eux lorsqu'ils rentrent, cela peut les détruire."

Jusqu'ici, les troupes américaines n'ont que peu essuyé le feu d'enfants, comme en 1993 dans l'opération en Somalie. Mais cela pourrait changer. Aux Philippines, par exemple, les soldats US appuient la traque du groupe rebelle Abu Sayyaf, qui a recruté ou acheté des garçons soldats âgés de 11 à 15 ans, selon des groupes de défense des droits de l'homme. Le régime irakien, que Washington cherche à renverser, a entraîné des milliers de jeunes de 10 à 15 ans connus sous le nom d'Ashbal Saddam, ou Lionceaux de Saddam, aux armes légères et aux tactiques d'infanterie. Les étudiants des écoles religieuses pakistanaises, les madrasas, ont en outre longtemps soutenu le régime des Taliban.

En fait, environ 10% de tous les combattants actuels sont des enfants-soldats, définis comme des jeunes "de moins de 18 ans engagés dans une violence mortelle en tant que membre d'une force armée", selon Peter Singer de la Brookings Institution. Les enfants "sont devenus partie intégrante d'unités organisées, militaires ou non, mais également d'organisations politiques violentes comme les groupes terroristes."

Dans les états faibles ou échoués notamment, les enfants sont apparus aux factions gouvernementales ou rebelles comme une manière peu coûteuse de mobiliser et de remplacer des forces armées. De nombreux enfants sont recrutés de force après être devenus orphelins ou coupés de leurs familles par la guerre, la pauvreté ou d'autres désastres. En utilisant les armes plus petites, plus légères et plus puissantes d'aujourd'hui, des enfants avec un entraînement minimal peuvent constituer une force mortelle.

Souvent drogués, les enfants sont battus ou menacés de mort à moins de combattre et de commettre des atrocités, comme tuer les habitants de leur propre village. Ils servent également de leurres, de démineurs, d'espions et de systèmes d'alarme avancée – susceptibles de perdre leur vie pour protéger celle des soldats adultes. Deux millions d'enfants ont été tués et deux fois plus estropiés dans les conflits de la décennie précédente, selon des avocats de l'enfance onusiens.

Malgré cela, n'ayant nulle part ailleurs où aller, de nombreux enfants-soldats deviennent dépendants d'une vie de combattant. "Je n'ai cessé d'appuyer sur la gâchette pendant 3 ans", déclare Ishmael Beah, un ancien enfant-soldat de Sierra Leone. "Je n'avais plus de larmes à verser."

La Colombie, la Birmanie, le Sri Lanka et la République Démocratique du Congo sont connus pour leurs enfants-soldats, que l'on estime au total à 80'000. Le problème est cependant plus étendu, et affecte 75% des conflits mondiaux selon les experts.

Les Nations-Unies et des groupes de défense des droits de l'homme s'efforcent d'interdire les enfants-soldats, de poursuivre les recruteurs et d'imposer des sanctions commerciales aux contrevenants. L'administration Bush devrait signer prochainement un protocole additionnel à la convention de l'ONU sur les droits de l'enfant qui interdirait aux Forces armées américaines d'envoyer au combat des jeunes de moins de 18 ans, selon des représentants du Pentagone.

Mais malgré ces efforts, plusieurs experts militaires pensent que le problème des enfants-soldats va demeurer ou empirer. Même lorsque des programmes humanitaires contribuent à démobiliser des milliers d'enfants-soldats, des milliers d'autres sont enlevés ou à nouveau recrutés, soulignent fonctionnaires onusiens et experts des droits de l'homme.

"J'ai l'impression que cela va s'accroître plutôt que diminuer", déclare le colonel Gangle. "C'est une façon très simple pour des individus de recruter des armées et de les alimenter lorsqu'elles subissent des pertes importantes."




Texte original: Ann-Scott Tyson, Christian Science Monitor, 27.06.2002    

Traduction et rewriting: Cap Ludovic Monnerat    







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