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Pour l'instruction ou pour le recrutement, les jeux vidéos font partie intégrante de la vie militaire

24 janvier 2003


America's Army: OperationsU

n nouveau genre de jeux vidéos permet aujourd'hui aux adolescents d'apprendre à mener et à gagner la guerre contre le terrorisme. Avec des logiciels comme America's Army, le réalisme des combats simulés permet également d'en faire des outils pour l'instruction militaire.

Durant une partie d'America's Army, vous ne pouvez jamais être l'ennemi. Dans ce nouveau jeu de combat multijoueur, vous jouez le rôle d'un soldat US qui doit, disons, envahir en camp terroriste – mais si quelqu'un entre dans le camp opposé pour vous affronter, il joue également un soldat US. De son point de vue, il défend simplement un camp de l'US Army contre une attaque terroriste. Chaque personne qui s'inscrit pour combattre le fait en tant qu'Américain.


«... America's Army est le premier jeu à faire du recrutement un but explicite, mais il se range dans une sous-catégorie déjà en vogue : les jeux de tir tactiques en vision subjective. »


Le jeu est devenu tellement populaire dans les rangs et au Pentagone, selon le lieutenant-colonel Wardynski, directeur de l'Office of Economic and Manpower Analysis et concepteur du projet, qu'on parle même d'envoyer des ordinateurs en Afghanistan, pour que les soldats puissent y jouer de là-bas.

Mais le rôle véritable d'America's Army est celui d'un outil pour le recrutement, et c'est pourquoi il est disponible gratuitement depuis juillet 2002, avec de nouvelles unités et missions ajoutés à un rythme régulièrement. Et même si son impact à cet effet ne pourra être mesuré avant des mois, lorsque les engagés de juillet arriveront pour l'instruction de base, les porte-paroles de l'Army affirment que les signes précurseurs sont prometteur : 28% des visiteurs d'Americasarmy.com ont cliqué sur goarmy.com, le site gouvernemental du recrutement.

L'Army souligne que 470'000 personnes avaient le jeu ou y jouaient au début d'octobre. Mais il y a un certain scepticisme quant à savoir si un tel succès va se traduire par davantage de recrues. "Je ne crois pas qu'il puisse faire davantage qu'un bon livre ou qu'un bon film", déclare Henry Jenkins, directeur du programme d'études médiatiques comparatives au MIT. Mais en termes d'efficacité et de coût, cela pourrait être suffisant. D'après Mike Zyda, directeur de l'institut MOVES, le groupe de réflexion en réalité virtuelle de la Marine à Monterrey qui a développé le projet avec Wardynski, le jeu est bien moins coûteux que les investissements des publicités traditionnelles dans d'autres médias.


Le "Why We Fight" contemporain

America's Army est le premier jeu à faire du recrutement un but explicite, mais il se range à merveille dans une sous-catégorie déjà en vogue : les jeux de tir tactiques en vision subjective, qui se concentrent sur un combat réaliste au niveau du groupe. Le facteur de réalisme signifie que ces jeux sont souvent modelés sur des événements récents. Commercialisé ces prochaines semaines, Delta Force: Black Hawk Down de NovaLogic est une adaptation du livre de Mark Bowden et du film éponyme de Ridley Scott, et met en scène les fusillades violentes survenues entre soldats américains et militants somaliens financés par Ben Laden en 1993. Par ailleurs, les joueurs peuvent revivre une bataille antérieure : Conflict Desert Storm de Sci/Gotham Games est approximativement basé sur les opérations clandestines menées contre l'infrastructure de défense irakienne par les commandos de Delta Force et du SAS, dans les premiers jours de la Guerre du Golfe.

Delta Force: Blackhawk Down

Etant donné la teneur guerrière des événements actuels, il n'est pas surprenant qu'America's Army ait été attaqué depuis son flanc gauche. Un article sur le site web libéral Tompaine.com le qualifie de "propagande" faisant partie de la "militarisation croissante de l'Amérique conçue par l'administration Bush", alors que le site de Nation s'est récemment inquiété des "implications politiques" du jeu. Mais la pusillanimité dont font preuve certains critiques d'America's Army ne fait que démontrer combien de personnes sont encore trop incrédules ou trop lâches pour reconnaître la réalité brutale de la menace terroriste actuelle. Même maintenant, les avocats du pacifisme babillent au sujet des "causes profondes du terrorisme" – alors que la seule cause significative émanant d'Al-Qaïda et consorts n'est autre, selon le néologisme pertinent et sans ambages de Christopher Hitchens, que l'islamofascisme : une attaque en règle de la démocratie et des valeurs occidentales, proche de la version allemande originale.


«... En montrant l'application morale d'une force létale au nom de valeurs libérales, ces jeux créent la culture du temps de guerre qui est aujourd'hui tellement nécessaire. »


Durant la Seconde guerre mondiale, alors que les Etats-Unis se lançaient dans la bataille, le metteur en scène Frank Capra avait tourné une série de films pour l'instruction des soldats. Un classique de la propagande vertueuse, "Why We Fight" exposait à toute une génération qui était l'ennemi et pourquoi il devait être battu. Si la présentation était simpliste, le message était irréfutable et compréhensible pour la recrue la moins instruite.

Il est improbable qu'une version contemporaine de "Why We Fight" émerge d'Hollywood, en-dehors d'une ruée de thrillers avec d'innombrables méchants terroristes. Mais le besoin n'en est pas moins urgent, même lorsque Al-Qaïda est étrillée par des fusillades à Karachi ou des coups de filets dans la banlieue de Buffalo. La guerre contre le terrorisme – qui en-dehors des subtilités diplomatiques signifie une guerre contre les militants islamistes, et contre les nations qui les soutiennent – doit être menée, et gagnée décisivement par une campagne de plusieurs années.

Dans cette perspective, America's Army et Delta Force: Black Hawk Down sont les "Why We Fight" de la génération digitale. En montrant à la jeunesse la manière américaine de se battre, c'est-à-dire l'application morale d'une force létale au nom de valeurs libérales, ces jeux créent la culture du temps de guerre qui est aujourd'hui tellement nécessaire. Ses concepteurs espèrent qu'ils feront réfléchir les meilleurs joueurs à une carrière militaire, tout en les préparant aux batailles à venir. Il existe même des indices montrant que ces jeux fournissent une expérience utile lorsqu'ils seront en combat réel. La boucle sera bouclée : ils les aideront dans une guerre visant à finir le travail inachevé de 1945.


Les valeurs collectives

Le jeu de tir à la première personne a été inventé environ un an après la Guerre du Golfe. Dans Wolfenstein 3D en 1992, il fallait déblayer son chemin à travers une forteresse nazie, en abattant des vagues mal animées de fascistes informes – qui criaient "Mein Leben !" lorsqu'on les abattait. Dans la ligne de son successeur Doom, l'adversaire archétypal de ces jeux était bien défini : des nazis, des extraterrestres ou des variations de l'un ou l'autre. Et pourquoi pas ? Le guerre froide avait pris fin – qui fallait-il encore combattre dans le monde réel ?

Le large contexte géopolitique de la fusillade de Mogadiscio en 1993 restera obscur, même après le livre de Bowden en 1999 – et même après qu'un fanatique prétentieux commença à revendiquer l'armement des militants qui avaient repoussé les Américains hors de Somalie. Pour le reste de la décennie, il semblait qu'aucun autre ennemi réel ne valait la peine d'être représenté, pas pour être massacré sans cesse. Les jeux de tir suivants comme Unreal ou les séries de Quake ont rendu leurs extraterrestres plus grands, et leurs armes absurdement éléphantesques. Dans ces années de paix et d'excès, cela ressemblait à une surcompensation grotesque ; toute une puissance de feu dirigée sur des ennemis inexistants, par des adolescents assoiffés de sang qui ne verraient aucune violence authentique dans leurs vies entières.

America's Army: Operations

En 1998, Half-Life mettait toujours en scène des aliens, mais également des armes contemporaines de manière réaliste ; de nombreux joueurs avaient pour adversaires non des envahisseurs spongieux venant d'une autre dimension, mais des commandos dirigés par une intelligence artificielle et qui vous affrontaient avec une précision coordonnée au début du jeu.

Counterstrike, une modification personnalisée de Half-Life, s'est appuyé sur l'élément humain pour devenir l'environnement multijoueur le plus populaire de tous les temps. Des millions de personnes se réunissent toujours sur des milliers de serveurs dans le monde entier, prenant le rôle des terroristes ou et des opérateurs des forces spéciales devant les stopper.


«... Le travail en équipe est également crucial dans America's Army, à la fois comme stratégie et comme une valeur à transmettre. »


Rainbow Six et d'autres produits estampillés Tom Clancy se sont bien vendus, tout comme la série Delta Force de NovaLogic, mais c'est probablement la popularité croissante de Counterstrike qui a entretenu l'intérêt actuel pour les jeux de tir tactiques. Pendant que des cadavres africains étaient dégagés des ruines consécutives au double attentat contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, en 1998, et quand des marins sans vie étaient extraits de la coque brisée de l'USS Cole en 2000, Counterstrike est devenu un jeu commercial et a continué à drainer les fans. Ce sont toutefois ses qualités ludiques, et non la haine du terrorisme, qui en ont fait un phénomène. "Les jeux tactiques prennent les meilleurs éléments des jeux de tirs subjectifs en leur ajoutant la précision et le travail en équipe", souligne Jason Bergman, éditeur à Shacknews.com. "Vous ne pouvez tout simplement pas vous en tirer tout seul."

Le travail en équipe est également crucial dans America's Army, à la fois comme stratégie et comme une valeur que le colonel Wardynski veut transmettre. Bien que certains interprètent mal le nouveau slogan de recrutement "An Army of One", relève Wardynski, "cela signifie vraiment que l'armée est une multitude d'individus rassemblés de manière à ce que l'ensemble soit supérieur à la somme de chaque élément – et le jeu est également conçu pour le montrer."

Certains observateurs ont rejeté le jeu comme étant un artifice destiné au recrutement. Mais les efforts que l'Army engage dans ce projet peuvent être mieux appréciés en considérant les autres tâches du colonel Wardynski : tout en surveillant les statistiques de téléchargement pour America's Army, par exemple, ce dernier traite également des problèmes de personnel et de financement par la fragile – et bien réelle – armée afghane. Ce jeu n'est pas l'invention personnelle d'un caporal fondu d'informatique travaillant aux relations publiques du Pentagone.


Un ennemi tout trouvé

Il apparaît en fait que la priorité accordée à America's Army est due à sa place dans la "transformation" qui doit faire de l'Army une force axée sur l'information. A partir de cette année, un affichage tête haute monté sur casque sera implémenté et fournira à la prochaine génération de fantassins des données en temps réel sur le terrain ou sur les concentrations ennemies, "et cela ressemble beaucoup à un jeu" selon Wardynski.

Lorsqu'il écrivait une étude pour la RAND Corporation à Santa Monica, en Californie, Wardynski retournait à la maison pour voir ses enfants pratiquer des jeux comme Mechwarrior, et il était impressionné par leur capacité à traiter des flux de données multiples provenant simultanément de plusieurs affichages. "Les enfants qui sont à l'aise avec d'importantes quantités d'informations sous une présentation visuelle seront également à l'aise avec notre Army transformée", explique-t-il. Ainsi naquit l'idée d'America's Army, dont le financement a été approuvé dans la dernière année de l'administration Clinton.

America's Army: Operations

Wardynski et MOVES étaient en plein développement du jeu lorsque le vol 77 d'American Airlines s'est écrasé dans l'aile nord-ouest du Pentagone. Parmi les 189 victimes figurait le patron de Wardynski. Jusque-là, les concepteurs penchaient davantage vers des narco-terroristes ou des trafiquants de drogue pour les combattants adverses. "Après le 11 septembre, il était assez clair que les Etats-Unis étaient en guerre, et que nous avions de véritables ennemis."

Lorsque j'ai interrogé Wardynski au sujet des théories du lieutenant-colonel David Grossman, son "ah oui" s'est doublé d'un soupir à peine perceptible. Après le massacre de Columbine, Grossman a reçu une importance momentanée pour ses propos sur "l'assassinologie". Il a affirmé à "60 Minutes", au président Clinton et à tous ceux qui voulaient bien l'entendre qu'avec les jeux de tir à la première personne, les enfants s'entraînaient à un "simulateur de meurtre" et développaient – comme dans la formation de base militaire – les réflexes nécessaires au tir de précision.


«... Un affichage tête haute monté sur casque sera implémenté et fournira à la prochaine génération de fantassins des données en temps réel. »


Cela signifie-t-il donc qu'America's Army est en train de former la prochaine génération de tueurs en série ? "Nous avons rassemblé des chercheurs en science du comportement et en science politique, des experts en instruction de l'armée, et nous n'avons encore trouvé personne qui souscrive à ces théories", précise Wardynski. De manière similaire, j'ai interpellé Wardynski quant à l'absence de sang dans le jeu – les coups sont marqués avec un petit point rouge, comme si les armes tiraient des marqueurs magiques. Est-ce que cela n'expurge pas les conséquences effroyables d'un impact de M-16 ? Un affichage gore exclurait le jeu de l'indication "pour adolescents", et d'autre part "nous respectons suffisamment notre public pour savoir que s'il n'y a pas de sang dans le jeu, ils ne sont pas stupides et savent bien que cela fait partie du combat."

Même avec le terrorisme comme principal ennemi, Wardynski affirme que le soin a été pris de garder les scénarios et les combattants aussi génériques que possible. Alors que ses hommes enquêtent à Kaboul, afin que les futures missions soient basées sur des unités actives en Afghanistan, aucune nation et aucune population ne sont identifiés dans la représentation des terroristes : "Il y a des blonds, des skinheads, car nous n'avons pas choisi un groupe ethnique particulier."


Entre jeu vidéo et cinéma

Il n'y a en revanche rien de générique dans les adversaires du Delta Force : Black Hawk Down, qui vous tirent dessus à partir de jeeps ou sur les toits de Mogadiscio, clairement recréée en 3 dimensions. Ils ressemblent sans erreur aux militants somaliens qui ont tué 18 soldats américains, après avoir abattu deux hélicoptères avec des lance-roquettes – une opération en partie orchestrée par Ayman al-Zawahiri, l'adjoint de Ben Laden. Le départ consécutif des Américains de Somalie a été une étape-clef dans l'histoire d'Al-Qaïda, une victoire supplémentaire prouvant que chaque atrocité susciterait une retraite – ce qui finalement rendra inévitable la conception des attaques sur New York et Washington.

Pour des raisons distinctes, le jeu a suscité une certaine controverse, en particulier après le refus de Mark Bowden d'être lié au projet de NovaLogic. "Je crois qu'il y a une différence importante entre une œuvre d'art comme un film, même un film d'Hollywood, et un jeu", explique Bowden. Pour lui, "un jeu est un jeu, et cette histoire concerne des personnes réelles. Je connais de nombreux proches qui ont perdu des frères, des maris et des fils dans cette bataille. Et je ne voulais pas faire partie d'une chose qui se transforme en jeu."

Delta Force: Blackhawk Down

"M. Bowden est certainement libre de ses opinions", répond Wes Eckhart, producteur de NovaLogic, "mais qui est-il pour juger ce qu'est une œuvre d'art, ou même une forme acceptable de distraction ?" Eckhart souligne que NovaLogic a engagé deux Rangers qui ont combattu et ont été blessés dans ce conflit, en tant qu'experts spécialisés ; à leur demande, la société versera une partie des profits du jeu à des œuvres de charité qui bénéficieront aux familles.

"Les jeux ont une certaine valeur potentielle pour intéresser quelqu'un à l'histoire, à l'armée ou à la manière dont les militaires opèrent", déclare Bowden. "Ils ont une valeur éducative."



«... Il n'y a rien de générique dans les adversaires du Delta Force : Black Hawk Down, qui vous tirent dessus à partir de jeeps ou sur les toits de Mogadiscio. »


Mais il doute que leur utilité aille au-delà. "En tant que préparation à l'expérience concrète du combat, notamment pour les fantassins, je les considère comme peu efficaces. Je pense en effet que l'élément essentiel du combat n'est autre que la terreur. Et je ne crois que vous pouvez recréer une vraie terreur avec un jeu vidéo. C'est un jeu ; vous pouvez l'arrêter quand vous voulez."

J'ai demandé à Bowden combien de jeux a-t-il déjà pratiqués. "Je suis devenu assez bon à Super Breakout, mais c'est a peu près toute mon expérience des jeux vidéos." Il accepte volontiers que refuser la collaboration avec NovaLogic était une réaction viscérale au support, bien qu'il n'ait "aucun grief personnel contre les jeux vidéos ; mes enfants y jouent tout le temps."

La réputation de Bowden comme journaliste spécialisé dans les affaires militaires et internationales est sans équivalent – son profilage saisissant de Saddam Hussein publié dans Atlantic Monthly est un tour de force ; il est donc compréhensible qu'il ne soit pas versé dans les derniers loisirs interactifs. Sa méfiance en dit long sur la distance entre les générations, et les médias qu'elles lient à leur culture.


Un outil pour l'instruction

Pourtant, le jeu de tir est déjà un outil de l'instruction militaire. "En effet", déclare Eckhart, "une version modifiée de Delta Force est utilisée pour entraîner les cadets durant leur première année à West Point. Le logiciel contribue à enseigner les principes de la manœuvre, ainsi que les éléments du combat et de la navigation terrestres."

Le capitaine Jason Amerine, un ancien de West Point qui a récemment servi en Afghanistan, partage ces observations sur la valeur des jeux comme outils pour l'instruction. "L'armée m'a enseigné toutes les compétences dont je dispose, mais en même temps je pense que bien des jeux de tir ont tendance à vous placer dans la bonne disposition d'esprit pour affronter les situations de la vie réelle", relève-t-il. Amerine les compare avec les drills de combat de son instruction en campagne : "Lorsque vous vous trouvez dans l'un de ces jeux multijoueurs, à combattre vos adversaires, je crois que cela vous conditionne un peu pour savoir quoi rechercher."

Le capitaine Amerine est un "béret vert" du 5th Special Forces Group. Et lorsque le Secrétaire à la Défense Rumsfeld exigea en résumé des "bottes sur le sol", deux des premières furent celles d'Amerine. A peine quelques semaines après le 11 septembre, son détachement opérationnel était inséré en plein cœur du territoire contrôlé par les Taliban pour rejoindre Hamid Karzai et sa petite troupe légèrement armée de combattants irréguliers. Equipés d'un arsenal improvisé de téléphones satellitaires, du charisme de Karzai et du meilleur appui aérien après la colère de Dieu, le détachement américain et les combattants afghans menaient une caravane hétéroclite de village en village, fomentant la rébellion, rassemblant une milice de fortune, jusqu'à ce qu'ils atteignent et prennent le repaire taliban de Kandahar – non sans qu'une bombe guidée par erreur sur leur propre position ne menace de tout réduire à néant, blessant Amerine au passage et tuant 8 personnes.

America's Army: Operations

A présent convalescent, Amerine essaie d'obtenir une copie de Battlefield 1942, une nouvelle simulation tactique se déroulant sur plusieurs théâtres de la Seconde guerre mondiale. Lorsqu'il a joué pour la première fois à America's Army, il était vraiment curieux de savoir ce que l'Army avait pu faire : "connaissant le colonel Wardynski et l'équipe qui travaillait sur le jeu, j'avais de grands espoir que ce soit quelque chose de plutôt excitant."

Joueur de longue date dont les favoris sont Command & Conquer et Rainbow Six, Amerine n'a pas été déçu. America's Army était si réaliste que pour la première fois, relève-t-il, "je le voyais en fait plus en soldat qu'en joueur – mais il est bon sous les deux aspects."


«... Après avoir rejoué si souvent de tels scénarios, il trouva que ces jeux l'avaient aidé à se préparer pour cet instant, lorsqu'il se mit à ouvrir le feu. »


Et ce qui l'a impressionné, c'est le nombre de compétiteurs venus à ce jeu sans son expérience, mais qui apprennent rapidement des tactiques valables. "Vous pouvez dire dans certains cas que vous avez affaire à des joueurs nettement plus jeunes. Les informations qu'ils s'échangent m'ont indiqué que ces gars avaient grandi avec Rainbow Six ou d'autres jeux de tir, et les techniques qu'ils utilisaient en le découvrant finiraient par être très proches de ce que nous ferions dans la vie réelle." Amerine se trouva lui-même opposé à des gosses échelonnant leurs formations, utilisant des fumigènes pour dissimuler leur approche, avançant sur l'ennemi par feu et mouvement – en bref, développant par le jeu une connaissance qui n'était jadis disponible que dans l'instruction militaire.

A un instant durant son engagement en Afghanistan, Amerine se trouvait sur une crête, en-dehors d'une ville où des combattants taliban avaient fixé les hommes de Karzai avec des fusils d'assauts et des lance-roquettes. "J'y suis allé et j'ai commencé à tirer pour essayer d'amener mes guérilleros à combattre… Les Taliban tiraient tous avec leurs AK-47 et leurs RPG, et avec ma M4 et mon contrôleur aérien au sol, j'étais capable de les contrer efficacement. Surtout à 300 mètres, ils n'étaient pas très précis. Un RPG commençait à être tout proche", dit Amerine de manière impassible, "mais je l'ai eu avant qu'il ne m'aie."

Enhardis, les combattants anti-taliban sont revenus dans le combat, et aidèrent Amerine à repousser les Taliban hors du village. Mais durant la fusillade, le capitaine eut une pensée étrange. "C'était plutôt amusant, mais c'était comme – eh bien, voilà exactement ce que j'ai fait sur mon ordinateur." Après avoir rejoué si souvent de tels scénarios, il trouva que ces jeux l'avaient aidé à se préparer pour cet instant, lorsqu'il se mit à ouvrir le feu. "Cela l'a vraiment rendu plus facile… à bien des égards, c'était identique à ce que vous voyez si vous jouez un sniper dans le premier Delta Force, par exemple."


L'importance du facteur humain

Mis à part son inquiétude pour la sécurité de Karzai et des soldats, Amerine décrit l'expérience comme plutôt amusante. "C'était grisant de vivre la chose, des balles qui sifflent au-dessus de votre tête, des bombes qui explosent. Supprimer des vies humaines, c'est un aspect horrible du boulot – mais vous savez, ils essayaient de faire la même chose avec nous, et nous les avons eus en premier."

Et c'est à peu près ici que cessent les similitudes. "Lorsque j'étais dans une fusillade avec les Taliban, il m'est venu à l'esprit qu'en levant la tête pour tirer sur eux je pouvais très bien recevoir une balle entre les deux yeux… C'est quelque chose que vous ne pouvez recréer dans un jeu vidéo, le fait que votre vie soit en danger. De même, quand vous devez voir le résultat de vos actions, quand vous voyez les ennemis tombés par votre main, c'est également une chose que vous ne pouvez recréer."

Même à ce sujet, les développeurs cherchent toutefois à véhiculer sinon l'horreur, du moins les implications stratégiques de la violence. Compte tenu de la domination militaire américaine, la victoire aujourd'hui ne repose plus seulement sur la bataille gagnée, mais aussi sur la prévention maximale des tirs fratricides et des pertes civiles qui feraient se dresser l'opinion domestique et mondiale contre l'action. Ainsi, dans America's Army, le serveur tient à jour votre fidélité aux règles d'engagement – et les violer trop souvent vous éjecte du jeu et vous envoie dans une reproduction virtuelle de la prison de Fort Leavenworth. En revanche, les parties multijoueurs se déroulent dans des zones anarchiques et sans restrictions.

America's Army: Operations

Dans une partie en solitaire de Black Hawk Down, affirme Wes Eckhart de NovaLogic, "tuer des civils ou des non-combattants amène dans la plupart des cas le joueur à échouer dans sa mission et à devoir la recommencer." Au-delà de cet aspect, de nombreuses missions dans le jeu mettent en évidence les efforts américains pour protéger l'action humanitaire des Nations Unies, face à la famine provoquée par les seigneurs de la guerre en Somalie.

Ce changement global de perspective est un développement positif du genre, souligne Henry Jenkins du MIT. "Il me semble qu'ils pourraient faire des progrès intéressants vers la 'violence significative' que je préconise, en accroissant la concentration sur les choix et les conséquences."



«... le serveur tient à jour votre fidélité aux règles d'engagement – et les violer trop souvent vous envoie dans une reproduction virtuelle de la prison de Fort Leavenworth. »


Pour Amerine, c'est un élément essentiel pour America's Army de faire office d'outil éducatif pour les joueurs qui envisagent une place dans les Forces armées. "D'un côté, nous devenons très avancés sur le plan technologique ; personne ne peut plus être un néophyte informatique dans l'armée", affirme-t-il. "De l'autre, nous devons nous assurer de ne jamais perdre de vue l'aspect humain. Nous devons toujours nous rappeler que nous utilisons des armes très puissantes, souvent à proximité immédiate de civils et de non-combattants, et que nous devons protéger leurs vies autant que possible tout en essayant d'engager l'ennemi."

Heureusement, Amerine suspecte que les joueurs de America's Army n'apparaissant pas au bureau de recrutement auront une expérience utile. "Je ne pense pas qu'ils puissent vraiment apprécier une bonne partie des leçons jusqu'à ce qu'ils les pratiquent en vrai, et c'est alors qu'ils feront le lien entre le jeu et la réalité." Au début de sa trentaine, Amerine appartient à la première génération de soldats à avoir grandi avec les jeux vidéos. Il n'est pas difficile d'avoir confiance dans les soldats qui lui succèderont, les mômes qui à leur jeune âge sont déjà de rudes adversaires en ligne.




Texte original: Wagner James Au, "Weapons of mass distraction", Salon, 4.10.02    
Traduction et réécriture: Cap Ludovic Monnerat
    







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