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Cinq ans après, le massacre de Louxor rappelle que la Suisse n'échappe pas aux conflits contemporains

17 novembre 2002


Temple d'Hatchepshout à LouxorL

e 17 novembre 1997, un groupe islamiste égyptien massacrait 62 personnes à Louxor, dont 36 touristes suisses, au cours d'une chasse à l'homme rythmée par les exécutions dans le temple Hatshepsout. Relevant d'un mode opératoire désormais classique, cet acte terroriste semble pourtant aujourd'hui oublié ou décontextualisé.

A la fin de l'année 1997, 4 années après le premier attentat du World Trade Center, les groupes terroristes d'obédience islamiste ne semblaient guère une menace pour les nations occidentales et leurs citoyens. Pas moins de 1000 attaques isolées avaient pourtant coûté la vie à 25 touristes internationaux, depuis 1992 en Egypte, mais leur mortalité relativement basse avait limité leur publicité, et donc leur efficacité. Le 18 septembre, deux terroristes avaient mitraillé un bus de touristes au Caire avant d'y mettre le feu, tuant 9 ressortissants allemands et leur chauffeur égyptien ; mais les autorités égyptiennes avaient immédiatement déclaré que les auteurs de cette attaque n'appartenaient pas à une organisation terroriste et n'étaient que des psychopathes.


«... Il est important de revenir à cet épisode marquant du terrorisme religieux contemporain, que seules les attaques de New York, de Washington et de Bali ont surpassé en ampleur. »


Le monde avait certes d'autres préoccupations à la mi-novembre 1997 : Saddam Hussein venait d'ordonner l'expulsion des inspecteurs américains de l'ONU en Irak, provoquant la décision de retirer tous les membres de l'UNSCOM ; la Corée du Nord annonçait l'ouverture de négociations de paix avec la Corée du Sud, sous la houlette de son nouveau leader Kim Yong Il ; à Londres, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis incitaient le premier ministre israélien Netanyahou à réviser son programme de colonisation, pendant que le chef du Hamas proposait l'arrêt des attentats-suicides en Israël. En Suisse, l'affaire des fonds en déshérence avait déjà pris une dimension dramatique à la mesure des pressions exercées sur le pays et des opérations informationnelles relayées par les médias.

Il est étrange de constater à quel point la situation semble aujourd'hui identique, du moins dans une perspective européenne. Alors que les inspecteurs de l'ONU n'avaient pas accès à tous les sites irakiens en 1997, ils sont à présent sur le point de reprendre leur travail sans entrave suite à l'ultimatum américain ; la Corée du Nord a reconnu avoir poursuivi son programme nucléaire secret, et envisage de mener des négociations avec ses voisins ; au Proche-Orient, on parle toujours de l'arrêt des attentats-suicides et de la colonisation comme d'une monnaie d'échange aussi prisée qu'inaccessible. Seuls les fonds en déshérence ne font plus la une – mais ils sont désormais remplacés par des insinuations vénéneuses sur la collaboration de la Suisse avec l'Afrique du Sud, selon des modalités désormais bien connues.

De l'attentat de Louxor, on n'en parle pour ainsi dire plus. La presse dominicale préfère se concentrer sur l'élection au Conseil fédéral, les inondations consécutives aux pluies diluviennes ou d'autres sujets d'actualité immédiate, rappelant par là son obsession pour le court terme et son incapacité à saisir le contexte stratégique des événements. Il est donc important de revenir à cet épisode marquant du terrorisme religieux contemporain, que seules les attaques de New York, de Washington et de Bali ont surpassé en ampleur pour les nations occidentales.


Un massacre de sang froid

Le matin du 17 novembre 1997, vers 0845, un groupe de 29 touristes de la société Imholz visitait la partie droite du temple d'Hatshepsout, pendant qu'un autre groupe de l'agence Kuoni faisait de même dans la partie gauche. Aux alentours de 0900, un commando de 6 hommes portant des uniformes de police noirs arriva à la porte extérieure du temple ; après avoir assassiné ou mis en fuite les gardes avec des fusils d'assaut de type Kalachnikov, il se divisa en deux parties : 3 hommes restèrent à l'entrée, pendant que 3 autres entrèrent dans le temple et ouvrirent le feu sur les touristes présents. Parmi ceux-ci, certains parvinrent à fuir en se dissimulant derrière des gravats, et la plupart furent pris au piège entre les murs du temple et la face de la montagne ; malgré le caractère incertain et contradictoire des témoignages, le déroulement général de l'attentat a pu être reconstitué.

Les terroristes ont mis environ 40 minutes pour massacrer les touristes occidentaux. Ils les poursuivirent derrière les colonnes du bâtiment, les rassemblèrent devant un mur ou les firent s'agenouiller avant de les mitrailler à bout portant, sans être troublés par leurs cris et leurs suppliques. Plusieurs ressortissants suisses et allemands, ayant survécu après avoir simulé leur mort, ont raconté la sérénité méthodique avec laquelle les terroristes abattaient hommes, femmes et enfants ; âgés de 23 à 30 ans, les hommes vêtus de noir psalmodiaient souvent et portaient un bandeau où figurait en arabe l'inscription Jusqu'à la mort. Sur les 400 personnes présentes dans l'enceinte du temple, ils parvinrent à en tuer 62 et à en blesser 24 avant de prendre la fuite.

Temple d'Hatchepshout à Louxor

La fin des terroristes est moins bien connue, et il est difficile de savoir s'ils ont été abattus par les forces de sécurité égyptiennes ou s'ils se sont suicidés après s'être réfugiés dans une caverne près de la Vallée des Reines. En revanche, le chef du commando a été formellement identifié : il s'agissait de Medhat Mohammed Abdel Rahman Assan, membre du mouvement islamiste Al Gama'a Al Islamiyya, qui avait quitté l'Egypte en 1991 pour participer à la guerre en Afghanistan et qui n'était rentré au pays que quelques semaines plus tôt. De toute évidence, Medhat semble avoir convaincu 5 étudiants de la région de participer à une action commanditée de l'extérieur. A l'époque, son long séjour en Afghanistan et au Soudan n'avait pas fait suspecter ses liens avec Al-Qaïda.



«... Des Suisses ont été assassinés par les séides du fondamentalisme musulman, mais il se trouve toujours une majorité pour nier la guerre que celui-ci a déclarée à l'Occident. »


Une revendication retrouvée sur les lieux de l'attentat affirmait que les terroristes voulaient se sacrifier au nom de leur religion et agissaient sur les ordres de Moustafa Hamza, un dignitaire résidant au Soudan. Par la suite, d'autres messages ont été transmis aux autorités ou aux médias, revendiquant l'instauration de la charia en Egypte, la fin de l'influence américaine et occidentale sur le pays, la libération de plusieurs islamistes incarcérés ou encore l'abdication du gouvernement Moubarak. De fait, l'islamisation du monde nécessitant la déstabilisation du régime en place, le massacre des touristes étrangers a été utilisé comme levier politique et économique sur les dirigeants du Caire. Avec un effet certain, puisque le nombre de Suisses à voyager en Egypte est passé de 113'215 en 1997 à 30'966 en 1998.

A la suite de l'attentat, certaines voix – principalement nord-américaines – ont tenté d'expliquer que le but des terroristes était de prendre des otages afin de les échanger contre le cheikh Omar Abderrahmane, détenu aux Etats-Unis pour son rôle dans l'attentat du World Trade Center en 1993. Cette vision de l'attentat est contredite par les faits, puisque les terroristes ont tenté d'abattre le plus grand nombre possible de personnes, et ne disposaient d'aucun moyen de détenir ou de transporter des otages. Il n'en est pas moins intéressant de constater que la tentation de justifier le terrorisme fondamentaliste par des motivations rationnelles existait alors outre-Atlantique, même à l'opposé de toute réalité. Mais depuis le 11 septembre, ces propos reçoivent un éclairage différent.

Que reste-t-il aujourd'hui dans notre pays de l'attentat commis à Louxor ? Les souffrances des victimes et les témoignages bouleversants des survivants sont à peu près retombés dans l'oubli, et le fanatisme irrépressible de l'attaque n'a pas dissuadé les cohortes de ses apologistes. Des citoyens suisses ont été assassinés à Louxor, à New York ou à Bali par les séides du fondamentalisme musulman, mais il se trouve toujours une écrasante majorité de caciques pour nier la guerre que celui-ci a déclarée à l'Occident. Lorsque l'opposition idéologique à la coercition amène à nier celle que l'on subit, les limites de l'aveuglement suicidaire sont franchies depuis longtemps.

Dans le temple d'Hatshepsout, le 17 novembre 1997, 36 touristes suisses ont été tués parce qu'ils avaient le singulier défaut d'être blancs, chrétiens et occidentaux – ou du moins considérés comme tels. Que de tels actes ne suscitent pas l'indignation durable et la réaction prolongée des gouvernements reste source d'étonnement et d'inquiétude.




Cap Ludovic Monnerat    





Source

Office fédéral de la police, Louxor - Synthèse de l'attentat du 17 novembre 1997, 10.3.2000





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