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Les Alliés atteignent un sommet d'efficacité en superposant des opérations ciblées et diverses

5 avril 2003

Char Abrams à l'aéroport de Bagdad, 6.4.03C

omment peut-on expliquer la stupéfiante conquête de l'Irak et les pertes minimes subies par les Alliés? Au-delà d'un ciblage strict et précis des faiblesses adverses, c'est l'exécution simultanée et flexible d'opérations étonnamment diverses qui fonde cette efficacité militaire.

Parvenir en 2 semaines à Bagdad avec moins de 100'000 hommes en minimisant les pertes dans ses rangs et dans la population civile constitue un fait d'armes sans précédent dans l'histoire militaire contemporaine. Même si une poussée rapide dans les nombreux espaces ouverts que compte l'Irak était prévue, la facilité avec laquelle les forces américaines se sont emparées de passages obligés dans les grandes cités bordant l'Euphrate est impressionnante. Leur capacité à empêcher les non combattants d'entraver leurs manoeuvres ne l'est pas moins.


«... Parvenir en 2 semaines à Bagdad avec moins de 100'000 hommes en minimisant les pertes constitue un fait d'armes sans précédent dans l'histoire militaire contemporaine. »


A priori, les forces irakiennes auraient dû être en mesure d'infliger des pertes aux formations de pointe, de détruire les ponts avant qu'elles ne s'en emparent et de limiter leur liberté d'action dans les principales villes. Dans les faits, même les attaques frontales et suicidaires des paramilitaires ne sont parvenues qu'à ralentir l'offensive alliée en imposant la sécurisation des lignes de communication. La guerre éclair américaine repose donc sur des innovations et des réflexions qui méritent un examen succinct et à chaud.



Une Guerre du Golfe à l'envers

En prenant pour référence la première Guerre du Golfe, on constate ainsi que le Central Command a préparé son opération de manière complètement opposée. En 1991, le général Norman Schwarzkopf voulait une force irrésistible pour défaire sans risque un adversaire que ses organes de renseignement considéraient comme la quatrième armée du monde. A la tête d'une coalition de 788'000 hommes, Schwarzkopf exigea 38 jours de frappes aériennes pour réduire de 50% le potentiel des forces irakiennes, avant de lancer une offensive terrestre qui fut interrompue après 100 heures, lorsque le président George H. Bush prit peur que les images prises par CNN de l'Autoroute de la Mort n'annoncent un massacre généralisé.

Le succès de la poussée terrestre reposait certes sur une manœuvre de déception réussie, puisque deux corps d'armées entiers prirent une base d'attaque dans le désert sans que leur mouvement de plusieurs centaines de kilomètres ne soit détecté. Mais l'application méthodique et prudente d'une force très supérieure, avec des formations blindées avant tout préparées à mener un combat retardateur en Europe centrale et dont les besoins logistiques avaient été surestimés, ont alors empêché la coalition d'atteindre un objectif-clé – détruire les divisions lourdes de la Garde républicaine. L'opération "Desert Storm" fut caractérisée par deux phases bien distinctes, aérienne puis terrestre, qui laissèrent au régime de Saddam Hussein la possibilité de reprendre l'initiative – comme il le démontra en tirant 39 missiles Scud sur Israël.

Au contraire, le plan développé sous la direction du général Tommy Franks vise explicitement à cibler de manière aussi rapide et décisive que possible les points-clefs et les centres de gravité adverses. Les opérations terrestres, aériennes, spéciales et informationnelles ont été menées de manière simultanée sur la totalité du pays, en plus de frappes stratégiques visant à décapiter le régime de Saddam Hussein. De manière générale, c'est le principe même de la force irrésistible qui a été abandonné: la coalition a déclenché son offensive en infériorité numérique, avec une prise de risque considérable, et maintenu le cap en appliquant une économie des forces remarquable. Les buts initiaux de l'opération ont été décrits et leur résultat évalué dans nos analyses précédentes, mais il convient de décrire plus avant la méthode alliée.

Warrior britannique à Bassorah

En premier lieu, le travail du renseignement militaire et stratégique a été de première qualité et le Central Command a judicieusement analysé la nature des forces en présence. Malgré ce que certains commentateurs avides d'annoncer l'échec de la coalition ont pu affirmer, la population et l'armée irakiennes n'ont jusque ici opposé aucune résistance à l'offensive alliée, qui constitue donc bel et bien une opération de libération. Les effectifs en présence par rapport aux populations sont en effet saisissants. A Bassorah, une ville de 1,2 millions d'habitants, environ 3000 hommes s'opposent à quelque 5000 soldats britanniques de la 3e brigade commando et de la 7e brigade blindée; à Najaf, où la population s'élève à 500'000 personnes, près de 2000 fidèles au régime sont cernés par une brigade de 3000 hommes de la 101e division aéromobile américaine. L'essentiel des forces a dès lors pu être engagé sur Bagdad.


«... La coalition a déclenché son offensive en infériorité numérique, avec une prise de risque considérable, et appliqué une économie des forces remarquable. »


Cette concentration sur le centre de gravité du régime a été concrétisée par deux poussées de part et d'autre de l'Euphrate, avec à l'ouest la 3e division d'infanterie mécanisée et à l'est la 1ère force expéditionnaire de Marines. Cependant, cette offensive a été menée en parallèle avec la prise des installations pétrolifères au sud, l'encerclement et la conquête progressive des villes bordant les lignes de communication, le pilonnage des positions statiques irakiennes, leur grignotage progressif à partir du Kurdistan, la sécurisation des principaux barrages hydroélectriques, la destruction des réseaux de conduite irakiens, la prise et le contrôle des aérodromes et des routes à l'ouest, et bien sûr la surveillance permanente du territoire par l'observation aérienne et satellitaire, ainsi que l'exploration électronique. Cette simultanéité d'actions dispersées a immanquablement entraîné une saturation et un aveuglement de l'appareil politique et militaire de Saddam Hussein.

Mais l'aspect le plus frappant de cette campagne reste la capacité des alliés à adapter leur mode opératoire au milieu et à l'adversaire. Au sud comme au centre, ils ont mené une chevauchée mécanisée effrénée visant à contourner et à encercler les formations adverses ; dans les villes, ils procèdent ensuite à des raids et à des coups de main visant à détruire ces forces et les installations qu'elles utilisent, tout en menant de véritables chasses à l'homme. A l'ouest du pays, les forces spéciales coalisées mènent une guérilla désertique pour interdire toute liberté de mouvement aux troupes irakiennes, et notamment le tir de missiles. Au nord, les formations légères mènent au contraire une conquête prudente en s'appuyant sur la puissance aérienne et les troupes supplétives kurdes. Enfin, dans les zones sous leur contrôle, les soldats passent rapidement des actions de combat aux opérations de stabilisation et d'aide humanitaire.

Cette souplesse et cette faculté d'adaptation expliquent largement les échecs des fidèles de Saddam Hussein. Ils croyaient pouvoir interrompre les lignes de communications alliées en menant des embuscades, mais les convois logistiques ont immédiatement été renforcés par des éléments blindés. Ils pensaient infliger des pertes sévères à la coalition en se battant et en s'abritant dans les villes, mais les formations anglo-américaines les ont au contraire transformés en cibles vulnérables en menant des actions offensives précises et en les isolant de la population. Le Raïs comptait même porter des coups psychologiques décisifs en montrant des images de cadavres et de prisonniers alliés, mais leur nombre ridiculement faible et la libération de l'une d'entre eux ont encore renforcé la détermination de la coalition. Enfin, la conviction que les populations se soulèveraient contre l'envahisseur occidental relève aujourd'hui d'une rêverie hasardeuse, et les efforts des libérateurs pour être acceptés portent peu à peu leurs fruits.

Il est bien entendu trop tôt pour établir un bilan de l'opération alliée, alors même que la bataille pour Bagdad pourrait réserver des surprises dans un sens comme dans l'autre. Cependant, cette capacité à mener simultanément des opérations de combat, de stabilisation et d'aide humanitaire, dans la droite ligne du concept "Three Block War" du général Charles Krulak, montre indiscutablement que les Forces armées américaines et britanniques poursuivent une évolution accélérée pour adapter leurs doctrines et leurs méthodes à leur environnement stratégique. Si elles parviennent à accomplir cette gigantesque libération d'otages que constitue l'opération "Iraqi Freedom" en minimisant les pertes humaines et en évitant le chaos ou la guerre civile qui pourraient succéder à la chute de Saddam Hussein, c'est avant tout à la modernité de leurs idées – et non de leurs moyens – qu'elles le devront. Une leçon qu'il serait sage de méditer en Europe continentale.



Maj EMG Ludovic Monnerat    









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