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Les contes du tyran: un portrait de Saddam Hussein (1ère partie)

22 mars 2003

Saddam HusseinP

our essayer de comprendre les actions et réactions irakiennes durant le conflit actuel, il est indispensable de s'intéresser à l'homme qui dirige le pays d'une main de fer depuis 24 ans. Le journaliste et écrivain Mark Bowden a établi l'an dernier une description remarquable de Saddam Hussein, dont voici la première partie - Shakhsuh (Sa Personne).

"Aujourd'hui est un jour dans la Grande Bataille, la Mère Immortelle de Toutes les Batailles. C'est un jour glorieux, splendide pour l'amour propre du peuple de l'Irak et pour son histoire, et c'est le début de la grande honte pour ceux qui ont allumé le feu contre lui. C'est le premier jour, celui où la grande phase militaire de la bataille commence. Ou plutôt, c'est le premier jour de la bataille, puisque Allah a décrété que la Mère de toutes les Batailles se poursuit jusqu'à ce jour."

-- Saddam Hussein dans une adresse télévisée au peuple irakien, le 17 janvier 2002


«... Le tyran doit voler quelques heures de sommeil. Il doit en changer le lieu et l'horaire régulièrement. Il ne dort jamais à la même place. »


Le tyran doit voler quelques heures de sommeil. Il doit en changer le lieu et l'horaire régulièrement. Il ne dort jamais à la même place. Il va de lit secret en lit secret. Un sommeil régulier, une routine quotidienne, sont des luxes qui lui sont refusés. Il est trop dangereux d'être prévisible, et chaque fois qu'il ferme les yeux la nation dérive. Sa main de fer se desserre. Les complots se trament dans l'ombre. Pendant ces quelques heures il doit se fier à quelqu'un, et rien n'est plus dangereux pour un tyran que la confiance.



L'apparence de la bonne santé

Saddam Hussein, l'Oint, le Glorieux, le Descendant du Prophète, le Président de l'Irak, le Président de son Conseil Révolutionnaire, le Maréchal en Chef de ses armées, docteur de ses lois, le Grand Oncle de tous ses peuples, se lève vers trois heures du matin. Il ne dort que 4 à 5 heures par nuit. Au lever, il va nager. Tous ses palais, toutes ses maisons ont des piscines.

L'eau est le symbole de la richesse et du pouvoir dans un pays de déserts comme l'Irak, et Saddam en fait jaillir partout, fontaines, piscines et bassins, rivières internes et cascades. C'est un thème récurrent dans tous ses immeubles. Ses piscines sont soigneusement entretenues et testées chaque heure, plus pour conserver la température, le taux de chlore et le pH à des niveaux confortables que pour détecter si un quelconque poison ne va pas s'attaquer à lui par ses pores, ses yeux, sa bouche, son nez, son pénis ou son anus, bien qu'il le craigne toujours.

Son dos est fragile, une hernie discale, et la natation l'aide. Cela le maintient aussi en bonne santé et en forme. Cela satisfait sa vanité, épique, mais le souci qu'il a de sa santé tient à d'autres raisons: à 65 ans c'est un vieil homme. Son pouvoir étant basé sur la peur et non sur l'affection, il ne peut donner l'impression qu'il vieillit. Le tyran ne peut se permettre d'apparaître voûté, frêle et grisonnant. La faiblesse attire la révolte, les coups d'état. On peut imaginer Saddam s'obligeant chaque matin à effectuer le nombre de longueurs qu'il s'est fixé, à surpasser la distance qu'il parcourait à la nage l'année précédente, comme si le temps pouvait être aboli par l'effort et la volonté.

La mort est un ennemi qu'il ne peut vaincre, seulement, peut-être, retarder. Alors il y travaille. Et il fait semblant. Il teint en noir ses cheveux gris, il évite d'utiliser ses lunettes pour lire en public. Quand il doit faire un discours, ses assistants l'impriment en très grosses lettres, juste quelques lignes par page. Son problème de dos l'obligeant à marcher en claudiquant légèrement, il évite d'être vu ou filmé marchant plus que quelques pas.

Il a des membres longs et de grandes et fortes mains. En Irak la taille d'un homme compte encore beaucoup et Saddam est impressionnant. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix il écrase ses assistants plus petits et plus ronds. Il n'a aucune grâce naturelle mais ses manières ont acquis une certaine élégance, celle d'un enfant de la campagne qui a appris à assortir la bonne cravate à son costume. Son poids fluctue entre 100 et 110 kilos, mais ses complets sont taillés de façon à cacher sa corpulence. Sa bedaine n'est visible que lorsqu'il ôte sa veste. Ceux qui l'observent attentivement notent qu'il a tendance à perdre du poids en période de crise et à le reprendre rapidement lorsque les choses s'arrangent.

La nourriture fraîche arrive par avion deux fois par semaine: du homard, des crevettes, et du poisson, beaucoup de viande maigre et de produits laitiers. Les envois arrivent d'abord chez ses physiciens nucléaires qui les passent aux rayons X et les testent pour vérifier qu'ils ne sont ni irradiés ni empoisonnés. Sa nourriture est alors préparée par des chefs formés en Europe, travaillant sous la supervision de Al Himaya, chef de ses gardes du corps personnels. Chacun de ses 20 palais comprend une équipe complète de serviteurs et chaque équipe prépare trois repas par jour. Sa sécurité exige que l'on organise chaque jour, dans chaque palais, une pantomime destinée à faire penser qu'il y réside.

Saddam essaie de suivre un régime alimentaire tout comme il compte ses longueurs de bassin. Pour un homme de sa corpulence, il mange peu, picorant dans les plats, laissant souvent la moitié de la nourriture dans son assiette. Parfois, il dîne dans un restaurant de Bagdad. Quand cela arrive, son personnel de sécurité envahit la cuisine, exigeant que marmites, casseroles, plats et ustensiles soient bien astiqués, mais n'intervenant pas au-delà. Saddam apprécie la gastronomie. Il préfère le poisson à la viande, et mange beaucoup de fruits frais et de légumes. Il aime boire du vin à ses repas, mais il n'est pas un œnologue, son vin préféré est le Mateus rosé. Et même s'il boit avec modération, il veille à ce que personne n'appartenant pas à son entourage familial et ses assistants immédiats ne puisse le voir boire. L'alcool est interdit par l'islam et en public Saddam est un fils respectueux de la foi.



Un lecteur vorace et trompé

Il a un tatouage sur la main droite, trois points bleu foncé alignés près du poignet. Dans son village les enfants sont ainsi tatoués à l'âge de 5 ou 6 ans, signe de leurs racines rurales, tribales. Les filles sont souvent marquées sur le menton, le front ou les joues (comme la mère de Saddam). Pour ceux qui, tel Saddam, sont venus en ville et se sont élevés socialement, les tatouages sont le signe d'une origine modeste et certains plus tard les enlèvent ou les décolorent. Les tatouages de Saddam se sont décoloré, mais apparemment seulement pour raisons d'âge. Bien qu'il proclame descendre du prophète Mahomet, il n'a jamais caché son humble naissance.

Le président à vie passe chaque jour de longues heures dans son bureau, quel que soit le bureau que lui et ses conseillers en sécurité choisissent. Il y rencontre ses ministres et ses généraux, demande leur opinion, et suit sa propre tendance. Il fait de courtes siestes durant la journée. Il peut quitter brusquement une réunion, s'enfermer dans une pièce voisine, puis revenir reposé après une demi-heure. Ceux qui rencontrent le Président n'ont pas ce loisir. Ils doivent rester éveillés et en forme tout le temps. En 1986, durant la guerre Iran Irak, Saddam surprit le Général Aladin al-Janabi en train de somnoler durant une réunion. Il le démit de son grade et le jeta hors de l'armée. Il fallut des années pour qu'al-Janabi puisse reprendre son rang et rentrer en faveur.

Le bureau de Saddam est toujours immaculé. Les rapports des divers services sont soigneusement rangés, chacun comprenant une description détaillée des réalisations et dépenses récentes précédées d'un résumé. Habituellement il ne lit que ceux-ci, mais il choisit certains rapports pour un examen plus approfondi. Si les détails contredisent le résumé, ou si Saddam est troublé, il convoque le chef de service. Lors de ces réunions Saddam est toujours poli et calme. Il élève rarement la voix. Il aime à démontrer une maîtrise sur chaque aspect de son domaine, depuis la rotation des récoltes jusqu'à la fission nucléaire. Mais ces réunions peuvent aussi être terrifiantes quand il s'en sert pour flatter, réprimander ou interroger ses subordonnés.

Souvent il organise une visite surprise dans un bureau subalterne, un laboratoire, une usine, bien qu'avec les nécessaires préparatifs de sécurité, l'annonce de son arrivée le précède. La plupart de ce qu'il voit depuis son bureau ou lors de ces inspections "surprise" est arrangé et rempli de mensonges. Saddam a reçu de l'information irréaliste depuis si longtemps que ce à quoi il s'attend est toujours irréaliste. Ses bureaucrates complotent pour maintenir ses illusions. Aussi Saddam ne voit que ce que ceux qui l'entourent veulent bien lui montrer, ce qui, par définition, est ce qu'il désire voir.

Un homme stupide à sa place voudrait croire qu'il a créé un monde parfait. Mais Saddam n'est pas stupide. Il sait qu'on le trompe, et il s'en plaint. Il lit voracement, sur toutes sortes de sujets allant de la physique aux romances sentimentales, et il s'intéresse à de nombreux sujets. Il a une passion spéciale pour l'histoire arabe et l'histoire militaire. Il aime les biographies de grands hommes et il admire Winston Churchill, dont la production littéraire est à l'égal de sa carrière politique. Saddam a aussi des aspirations littéraires. Il utilise des nègres pour produire un flot incessant de discours, d'articles, de livres d'histoire et de philosophie; son œuvre comprend aussi des romans. Ces dernières années il semble avoir écrit et a publié deux fables romantiques, Zabibah et Le Roi du Château Fortifié; une troisième oeuvre de fiction, non encore titrée, devrait voir le jour sous peu.

Avant de publier ses livres, Saddam les fait circuler discrètement auprès de professionnels de la littérature en Irak pour qu'ils les commentent. Aucun n'ose être sincère, le style est celui d'un amateur incompétent, alourdi par une veine de pédanterie sévère, mais chacun cherche à être utile, envoyant quelques suggestions amicales d'améliorations mineures. Les deux premiers romans furent publiés sous l'équivalent arabe de "Anonyme" qu'on pourrait traduire par "Ecrit par celui qui l'a écrit", mais le nouveau livre porterait le nom de Saddam comme auteur.

Saddam aime regarder la télévision, surveillant les chaînes irakiennes qu'il contrôle, mais aussi CNN, Sky, Al Jazira et la BBC. Il adore le cinéma, surtout les films impliquant des intrigues, des assassinats et des complots, Le Jour du Chacal, La conversation, Ennemi d'Etat, par exemple. Comme il a peu voyagé, ces films l'informent sur les idées dans le monde et alimentent son penchant à croire aux théories sur les conspirations mondiales. Pour lui, le monde est un puzzle que seuls les imbéciles acceptent au premier degré. Il aime bien aussi des films à thème plus littéraire. Deux de ses favoris sont "Le Vieil Homme et la Mer" et la série des "Parrains".



L'isolement du monde

Saddam peut être charmant et il a un sens de l'humour en ce qui le concerne. "Il a raconté des histoires hilarantes sur la télévision", dit Khidir Hamza, un scientifique qui travailla dans le programme d'armes nucléaires irakien avant de s'enfuir à l'Ouest. "Il est un excellent conteur, un de ceux qui miment leur histoire en même temps qu'ils la racontent. Il raconta comment il s'était une fois retrouvé derrière les lignes de l'ennemi durant la guerre avec l'Iran. Il voyageait le long de la ligne de front, faisant des visites surprises, quand les Iraniens lancèrent une offensive qui isola la position où il se trouvait. Bien sûr, les Iraniens ne savaient pas qu'il se trouvait là. La manière dont il raconta l'histoire n'était ni vantarde, ni auto-admirative. Il ne prétendit pas avoir brisé les lignes ennemies en se battant. Il dit qu'il avait peur. Concernant les soldats de sa position il dit 'ils m'ont simplement quitté', le répétant plusieurs fois de manière humoristique. Puis il décrivit comment il se cacha avec son revolver et observa les combats jusqu'à ce que ses troupes reprennent sa position et qu'il soit à nouveau en sécurité. 'Que peut faire un pistolet au milieu d'une bataille?' demanda-t-il. C'était charmant, très charmant".

Le général Wafik Samarai qui fut le chef du renseignement de Saddam durant les 8 années de la guerre Iran Irak (et qui, après son limogeage à la suite de la guerre du Golfe, marcha pendant trente heures dans les régions montagneuses du nord de l'Irak pour s'échapper) dit la même chose: "Il est plaisant d'être en sa compagnie et de parler avec lui. Il est sérieux et les réunions avec lui peuvent devenir tendues, mais il ne cherche pas à vous intimider à moins qu'il n'en ait ainsi décidé. Quand il vous demande votre opinion, il écoute très attentivement et ne vous interrompt pas. De même il s'énerve si on l'interrompt et demande sèchement qu'on le laisse finir."

Ses médecins ont conseillé à Saddam de marcher au moins deux heures par jour. Il n'y arrive que très rarement, mais il fait des promenades plusieurs fois par jour. Il avait pris l'habitude d'effectuer ces ballades en public, descendant en trombe avec son entourage sur l'un ou l'autre des quartiers de Bagdad, ses gardes du corps ayant vidé les trottoirs et les rues avant le passage du tyran. Quiconque l'approchait sans y avoir été convié était battu quasiment à mort. Maintenant, marcher en public est devenu trop dangereux, et on ne doit pas le voir boiter. Aussi, Saddam ne fait plus d'apparitions publiques non scénarisées. Il boite allègrement derrière les murailles et barrières gardées par des patrouilles de ses vastes propriétés. Il se promène souvent avec un fusil, chassant le daim ou le lapin dans ses réserves personnelles. Il est un excellent fusil.

Saddam est marié depuis près de 40 ans. Sa femme, Sajida, est une cousine du côté de sa mère et la fille de Khairallah Tulfah, l'oncle et le mentor politique de Saddam. Sajida lui a donné deux fils et trois filles, et reste loyale envers lui, mais il a eu de nombreuses relations extra maritales. On raconte de lui qu'il choisit de jeunes vierges pour sa couche, comme le sultan Shahryar dans les Contes des Mille et une Nuits, qu'il a eu un enfant avec sa maîtresse de longue date, et même qu'il a tué une jeune femme après une rencontre sexuelle très chaude. Il est difficile de distinguer la vérité des mensonges. Tant de gens, en Irak et à l'extérieur, haïssent Saddam que toute rumeur embarrassante ou péjorative sera répandue, crue, répétée et écrite dans la presse occidentale comme étant la vérité. Ceux qui le connaissent bien se gaussent de ces contes.

"Saddam a des maîtresses, mais ces histoires de viol et de meurtre sont des mensonges" dit Samarai. "Ce n'est pas son genre. Il est très prudent envers lui-même dans tout ce qu'il entreprend. Il est scrupuleux et très convenable, et veut ne jamais faire mauvaise impression. Mais il est parfois attiré par d'autres femmes, et il a eu des liaisons avec elles. Ce ne sont pas le genre de femmes qui parleraient de lui."

Saddam est par nature un solitaire, et le pouvoir rend encore plus solitaire. Un jeune homme sans pouvoir et sans argent est totalement libre. Il n'a rien, mais il a aussi tout. Il peut voyager, errer. Il peut faire de nouvelles rencontres chaque jour, et il peut absorber l'infinie variété de la vie. Il peut séduire et être séduit, entreprendre et abandonner l'entreprise, s'engager ou s'enfuir, combattre pour préserver le régime en place ou fomenter une révolution. Il peut se réinventer chaque jour, selon les découvertes qu'il fait sur le monde et sur lui-même. Mais s'il prospère grâce aux choix qu'il fait, s'il se marie, a des enfants, acquiert de la richesse, des terres, du pouvoir, ses choix se réduisent chaque jour.

La responsabilité et les engagements pris limitent ses marges de liberté. On pourrait penser que le plus puissant des hommes est celui qui dispose du plus grand nombre de choix, en fait c'est celui qui en a le moins. Trop de choses dépendent de chacune de ses décisions. Les choix du tyran sont les plus réduits de tous. Sa vie, la nation, sont dans la balance. Il ne peut plus explorer ni errer, s'engager ni fuir. Il ne peut plus se réinventer car tant d'autres dépendent de lui, et réciproquement. Il cesse d'apprendre car il est entouré, dans murailles de ses forteresses, de ses palais par des généraux, des ministres qui n'osent que rarement lui dire ce qu'il ne désire pas entendre.

Le pouvoir progressivement isole le tyran du monde. Tout lui arrive de deuxième ou troisième main. Il est trompé tous les jours. Il devient ignorant de son peuple, de sa terre, même de sa propre famille. Il existe, en fin de compte, uniquement pour conserver le pouvoir et la richesse accumulés, pour construire son héritage. Survivre devient l'unique passion. Alors il contrôle sa nourriture, vérifie qu'elle ne contient pas de poison, prend de l'exercice derrière des murs bien gardés, n'a confiance en personne, et essaie de tout contrôler.



Réunion secrète et insignifiante

Le commandant Sabah Khalifa Khodada, officier de carrière de l'armée irakienne, fut convoqué à une réunion importante le 1er janvier 1996 devant abandonner de suite ses fonctions de commandant adjoint d'un camp d'entraînement de terroristes. C'était la nuit. Il se rendit en voiture au centre de commandement à Alswayra, au sud-ouest de Bagdad, où on lui ordonna comma à d'autres officiers de se mettre en sous-vêtements. Ils enlevèrent leurs vêtements, leurs montres et bagues et donnèrent leurs portefeuilles. Les vêtements furent alors nettoyés, stérilisés et passés aux rayons X. Chaque officier, en sous-vêtement, fut fouillé et passa sous un détecteur de métal. Ils reçurent individuellement l'ordre de se laver les mains avec une solution désinfectante au permanganate.

Puis ils s'habillèrent et furent transportés en bus aux fenêtres noircies de manière à ce qu'ils ne puissent pas voir où ils allaient. Après une demi-heure ou plus de trajet ils furent à nouveau fouillés et furent mis en file indienne. Ils arrivèrent à un immeuble d'apparence officielle, Khodada ne savait pas où. Après un moment on les emmena dans une salle de réunion et ils s'assirent autour d'une grande table ronde. On leur dit qu'ils allaient avoir le grand honneur d'une réunion avec le Président Saddam lui-même. Ils reçurent l'ordre de ne pas parler mais de seulement écouter. Quand Saddam entra, ils devaient se lever avec respect. Ils ne devaient ni s'approcher de lui ni le toucher. Pour tous, à l'exception de ses assistants les plus proches, le protocole d'en rencontre avec le dictateur est simple: il dicte. "N'interrompez pas, ne posez pas de questions, ne faites aucune demande." Chaque homme reçut un bloc de papier et un crayon et reçut l'ordre de prendre des notes. Une petite tasse de thé fut placée devant chacun d'eux et devant le siège vide présidant la table.

Quand Saddam apparut, ils se levèrent. Il resta debout près de sa chaise et leur sourit. Il portait son uniforme militaire décoré de médailles et d'épaulettes dorées, ayant l'air en pleine forme, impressionnant et plein d'assurance. Quand il s'assit, tout le monde s'assit. Saddam ne prit pas son thé, aussi personne ne goûta le sien. Il dit à Khodada et aux autres qu'ils étaient les meilleurs de la nation, ceux en qui on avait le plus confiance, les plus aptes. C'est pourquoi ils avaient été sélectionnés pour le rencontrer et pour travailler dans les camps de terroristes où des guerriers étaient formés pour riposter contre l'Amérique.

Les Etats-Unis, dit-il, étaient la cible nécessaire de la vengeance et de la destruction à cause du traitement irréfléchi qu'ils faisaient subir aux nations arabes et aux peuples arabes. L'agression américaine doit être stoppée pour que l'Irak puisse se reconstruire et qu'il reprenne le leadership du monde arabe. Saddam parla pendant plus de deux heures. Khodada pouvait ressentir en lui la haine, la colère contre ce que l'Amérique avait fait contre l'Irak et ses ambitions. Saddam rendait les Etats-Unis responsables de toute la misère, l'arriération, la souffrance dans son pays.

Khodada prit des notes. Il jeta des regards dans la pièce. Sa conclusion fut que peu des participants croyaient en ce que disait Saddam. C'étaient des hommes d'expérience, endurcis par les combats, venant de toutes les régions du pays. La plupart avaient combattu dans la guerre contre l'Iran et durant la guerre du Golfe. Peu s'illusionnaient sur Saddam et son régime, ou sur les ennuis de leur pays. Ils avaient tous les jours à faire face à de vrais problèmes dans les villes et les camps militaires dans tout l'Irak. Ils auraient pu dire beaucoup de choses à Saddam. Mais rien ne passa d'eux vers le tyran. Pas un mot, pas un micro-organisme.

La réunion avait été organisée pour ne permettre la communication que dans un sens, et même cela échoua. Le discours de Saddam n'avait aucun sens pour ses auditeurs. Khodada le méprisait, et il pensait qu'il n'était pas le seul dans la pièce à ressentir de même. Le commandant savait qu'il n'était pas un couard, mais, comme beaucoup des officiers présents, il était terrorisé. Il avait peur de faire le geste qu'il ne fallait pas, d'attirer l'attention sur lui malencontreusement, de faire quelque chose de non prévu dans le scénario. Il fut soulagé de n'avoir pas eu envie d'éternuer, de se moucher, de tousser.

A la fin de la réunion, Saddam quitta simplement la pièce. Personne n'avait touché aux tasses de thé. Les hommes retournèrent à leur bus et furent conduit de nouveau à Alswayra d'où ils retournèrent à leurs camps ou domiciles respectifs. La rencontre avec Saddam n'avait rien signifié. Les notes prises sur ordre n'avaient aucune valeur. Ce fut comme s'ils avaient visité une zone de rêve sans connexion avec le monde réel où ils vivaient. Ils avaient pénétré dans le monde du tyran.



Texte original: Mark Bowden, "Tales of the Tyrant", The Atlantic Online, May 2002    
Traduction: Norbert Lipszyc pour Reponses-Israel et reinfo-israel.com
    






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