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La robotisation terrestre, défi technologique et défi humain

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8 août 2004

Prototype SYRANO de la DGAL

a robotisation dans les forces terrestres est un enjeu majeur du futur. En effet, si elle est porteuse de nouvelles perspectives opérationnelles, elle modifie aussi profondément la place de l’homme dans l’espace de bataille.

En 1991 et pour la première fois dans l’histoire, des hommes se sont rendus à un robot. A Koweït City en effet, des soldats irakiens ont agité le drapeau blanc en apercevant un drone de reconnaissance de l’US Marine Corps survoler leur position.

Cet événement authentique remonte maintenant à plus de dix ans. Il amène cependant à s’interroger sur la place de la robotique militaire dans nos forces terrestres futures et sur ses conséquences humaines.


«... La présence d'engins inhabités dans l'espace de bataille modifiera surtout le rapport traditionnel du soldat avec son arme, et par conséquent de l'homme avec la guerre. »


Partant du constat qu’un robot est nécessairement constitué d’un engin, d’un opérateur et d’un environnement, on entend par robotisation tout système pouvant se substituer à l’homme dans ses fonctions motrices et sensorielles, capacités réalisables à l’horizon 2015 .

La robotisation dans les forces terrestres est un enjeu majeur du futur. En effet, si elle est porteuse de nouvelles perspectives opérationnelles, elle modifie aussi profondément la place de l’homme dans l’espace de bataille. Les drones terrestres doivent encore surmonter des obstacles techniques. Mais ils se généraliseront bientôt, répondant aux nouveaux besoins des armées. Enfin et surtout, leur emploi futur aura d’importantes répercussions d’ordre humain.



Le nombre contre la flexibilité

Les applications terrestres de la robotique sont progressives car en dépit des évolutions techniques, des contraintes persistent et nécessitent des efforts de recherche importants. Le développement des drones bénéficie de la combinaison d’évolutions technologiques. C’est en particulier le cas pour la micro-électronique, l’énergétique, l’optronique et les transmissions de données. Ces progrès permettent aux machines d’appréhender, puis de dominer leur environnement. Elles suppriment aussi bien sûr la présence humaine à bord.

Lors du salon international de l’aéronautique de Singapour en février 2004, un drone d’observation aéroporté a pour la première fois été présenté en vol au public, témoignant de la maîtrise désormais atteinte dans les automatismes. On constate néanmoins que les drones terrestres tactiques (Tactical Unmanned Ground Vehicle, TUGV) restent en retard sur leurs homologues marins ou aériens. En effet, l’environnement terrestre militaire est beaucoup plus complexe que les milieux homogènes que sont l’eau et l’air. Ces derniers sont déjà presque totalement maîtrisés par la technique. Lors des dernières opérations en Irak, des drones aéroportés et marins ont ainsi été largement employés par la coalition. Ils ont par exemple participé à la destruction de sites de missiles sol-air ou au déminage des chenaux d’accès aux ports.

C’est pour cette raison que les engins inhabités terrestres font l’objet d’efforts de recherche considérables tenant compte de l’évolution permanente de la robotique. Les Etats-Unis multiplient les programmes de TUGV. Les Européens agissent encore de manière dispersée mais réfléchissent activement à leur emploi. En France, l’Etat-major de l’Armée de Terre envisage d’utiliser les systèmes robotisés pour différentes opérations : renseignement tactique, combat en zone urbaine, contre-minage, aide à l’engagement des unités de mêlée, reconnaissance et balisage NBC, mise en œuvre de contre-mesures, leurrage, opérations spéciales. La robotisation terrestre devrait donc bientôt se concrétiser, puis se généraliser.

L’avènement de la robotique terrestre est en effet inéluctable. Tout en étant le complément naturel de la numérisation, elle donne une nouvelle dynamique aux principes de la guerre et répond aux réalités des forces futures. La numérisation actuelle des forces armées prépare l’arrivée de la robotisation. La puissance de calcul et le travail en réseau des Systèmes d’Information et de Communication en font l’interface idéale pour prendre en compte les données émises ou reçues par les drones. Dans la future Bulle Opérationnelle Aéroterrestre ou BOA, la robotique jouera un rôle clef. Les premiers engins terrestres devraient être opérationnels vers 2015. Dans cette perspective, la Direction Générale de l’Armement (DGA) a mis au point le prototype SYRANO (Système Robotisé d’Acquisition pour la Neutralisation d’Objectifs). Il préfigure les futurs drones de reconnaissance de la BOA.

Par ailleurs, l’emploi des systèmes robotisés répond aux trois principes de la guerre tout en les valorisant considérablement. Les drones de combat permettent de concentrer les efforts en soulageant les combattants, en particulier là où le danger est élevé. Ils économisent les moyens en complétant l’action de l’individu lorsque les tâches à effectuer sont rudes et pénibles. Ils garantissent enfin la liberté d’action en assurant une permanence et une disponibilité dont l’homme est incapable pour des raisons physiques évidentes. Le TUGV MULE (Multi-role Utility/Logistics Equipment) destiné aux troupes aéroportées américaines est révélateur de ces capacités. A partir d’une plate-forme de base équipée de modules, il assumera les fonctions de fardier logistique, engin de déminage léger ou robot d’appui-feu.

Surtout, de manière plus générale, les engins automatisés arrivent au moment où les armées réduisent leur format, obligeant à une meilleure gestion des effectifs disponibles. Ils correspondent aussi à la volonté de diminuer les risques encourus par les soldats, même dans les opérations de basse intensité. Enfin, ils permettent une économie financière. N’embarquant personne à bord, les coûts liés à la présence d’un opérateur, comme l’ergonomie et le blindage, sont supprimés. Suivant cette triple logique, les forces spéciales américaines ont employé des chenillettes téléopérées pour éclairer leur progression dans les caches d’Al Qaïda en Afghanistan. Véritable multiplicateur de force opérationnel, le robot modifie aussi profondément le rôle de l’homme qui l’utilise.

Les implications humaines de la robotisation sont fondamentales. En effet, si l’homme garde le contrôle de la machine, sa cohabitation avec elle soulève de nombreuses questions éthiques et philosophiques. En premier lieu, il faut souligner que les systèmes robotisés à venir demeureront téléopérés, même si des fonctions comme la mobilité pourront bénéficier d’une certaine autonomie. L’avantage est de conserver en permanence le contrôle de l’engin, de lui donner une souplesse de réaction, une capacité d’esquive, tout en réduisant les coûts grâce à une technologie simplifiée. Ce besoin est d’autant plus indispensable lorsque le drone terrestre a un armement pour sa sûreté rapprochée ou sa mission elle-même. On imagine les conséquences de l’engagement d’un robot armé autonome en contrôle de foule. Il convient donc de laisser l’intelligence de situation humaine assurer seule la conduite de la manœuvre.

En second lieu, l’impact psychologique et sociologique de ces nouveaux équipements dans l’opinion publique doit être pris en compte. Il en est de même dans des pays de culture et de niveau de développement différents où ils seraient déployés. On peut se demander si l’emploi du robot sera toléré par les sociétés occidentales, soucieuses d’éviter les guerres « inhumaines ». Et comment il sera aussi perçu par d’autres peuples déjà traditionnellement hostiles aux techniques modernes. Le Centre d’Analyse de la Défense de la DGA étudie actuellement cet aspect essentiel de la robotisation, ainsi que ses conséquences juridiques. L’ignorer risquerait de remettre largement en cause les avantages qu’elle est censée apporter aux forces.

Enfin, la mise en place de drones ne saurait se substituer au déploiement de combattants sur le terrain. Leur vocation est effectivement d’être complémentaire et d’assister les moyens humains. Cependant, le militaire placé aux commandes d’un robot s’éloigne inévitablement du lieu du combat. Il devient alors un simple servant. Parallèlement, les interfaces technologiques accroissent la dilution de sa responsabilité : en cas d’erreur fatale de tir, qui serait mis en cause ? L’opérateur-servant, son chef ou le concepteur de l’engin ? Il est donc urgent de fixer des limites afin de laisser la primauté à l’homme. Il doit rester un soldat, sans se transformer en technicien froid et passif, protégé du danger par sa machine. Certes, le robot est capable d’exécuter remarquablement ses missions. Mais l’homme détient des qualités inaliénables qui font toute sa supériorité: le courage, le sacrifice, l’honneur.

La numérisation n’est que l’application des nouvelles technologies de l’information et de la communication au monde militaire. Or de nombreux débats agitent la communauté militaire à ce sujet. Ils tiennent parfois plus de la résistance à la modernité, voire au changement tout court qu’à une analyse raisonnée. Employée avec pragmatisme et discernement, la numérisation sauvera pourtant des vies et aidera à gagner des batailles. La présence d’engins inhabités dans l’espace de bataille ne répond pas complètement à la même logique. Comme la numérisation, elle bouleversera la donne du combat classique. Elle participera à l’obtention de la supériorité tactique. Mais elle modifiera surtout le rapport traditionnel du soldat avec son arme et par conséquent, de l’homme avec la guerre.

La robotisation terrestre s’annonce donc bien comme un enjeu majeur, une véritable révolution culturelle à laquelle il faut se préparer. Comme le rappelle Hervé Coutau-Bégarie, « plus l'investissement matériel est grand, plus l'investissement intellectuel doit suivre ». Il appartient désormais aux chefs militaires actuels et futurs d’anticiper cette avancée supplémentaire afin d’en exploiter tout le potentiel et d’en faire un nouvel outil de puissance.



Chef d'escadron Jean-Louis Vélut  
Stagiaire de la 117e promotion du CSEM (France)  








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