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Martin van Creveld, Technology and War, MacMillan, 1991

29 février 2004

Martin van Creveld - Technology and WarL

’idée que la guerre est inséparable de la technologie est ancrée dans les esprits, mais leur interdépendance a eu des effets changeants au fil du temps. Ce livre exemplaire analyse en détail l’évolution du progrès scientifique appliqué au combat et en montre les conséquences sociétales, stratégiques et doctrinales.

Cet ouvrage est le dernier de la trilogie que Martin van Creveld a consacrée à trois des facettes essentielles de la guerre, après le commandement et la logistique. Loin d’être une simple description des armes et des équipements employés au cours des siècles et de leur évolution, il constitue d’abord une réflexion de fond sur le rôle de la technologie dans le déroulement – et parfois le déclenchement – des conflits. Il trace ainsi clairement le sillon fertile qui amènera l’historien militaire israélien à frapper les esprits en annonçant la transformation de la guerre.

Outre un essai bibliographique, les 342 pages de Technology and War comprennent quatre parties : l’âge des outils, qui s’étend de la nuit des temps à 1500 après J.-C., l’âge des machines de 1500 à 1830, l’âge des systèmes de 1830 à 1945, et l’âge de l’automation de 1945 à nos jours. Chaque partie comprend 5 chapitres, traitant notamment de la guerre sur terre et sur mer puis dans les airs, de l’infrastructure nécessaire à la préparation et à la conduite des combats, ainsi que de leur imbrication sociétale.

L’idée centrale du livre consiste en effet à montrer que si la technologie s’insinue dans chaque activité guerrière, elle dépend étroitement du savoir-faire scientifique propre aux belligérants, et donc des valeurs culturelles et des principes cognitifs qui forment leur appréhension du monde. De ce fait, Martin van Creveld n’aborde que marginalement les détails techniques et s’applique surtout à cerner les effets du progrès technologique sur les tactiques, les structures et les dimensions des affrontements, ainsi que sur les belligérants eux-mêmes.

L’âge de l’outil permet à l’auteur de souligner la remarquable stabilité des armes et des équipements utilisés de l’Antiquité à la Renaissance, mais aussi de montrer comment des technologies non militaires – l’écriture, la boussole, la cartographie ou le décompte horaire – ont eu une influence décisive sur la guerre. A l’inverse, l’évolution des armes a largement déterminé celle des sociétés en modifiant les rapports de force et en favorisant certaines formes d’organisations combattantes.

Cette influence a été clairement marquée à l’âge des machines, où l’ampleur prise par la guerre de siège et l’usage de l’artillerie ont imposé des armées monarchiques et centralisées, et plus encore à l’âge des systèmes et de l’automation. Martin van Creveld montre ainsi clairement que l’interdépendance des machines entre elles et la technicité galopante des unités risquent constamment de rigidifier la planification et la conduite des opérations au point de réduire massivement leur utilité.

Le lecteur militaire trouvera naturellement dans ce livre des réflexions de première qualité sur la question de l’innovation. Dès la révolution industrielle, la quête délibérée et motivée du progrès technologique a ainsi fait du commandement stratégique l’art de gérer le futur, et cette réalité est encore la nôtre. Toutefois, la logique linéaire de la recherche scientifique s’oppose systématiquement à la logique paradoxale de la stratégie, ce qui maintient les facteurs humains constamment au centre des activités guerrières.

L’auteur décrit également avec son sens critique habituel la situation des forces armées modernes, et notamment l’augmentation drastique des informations nécessaires à leur fonctionnement ou l’arme à double tranchant que constitue l’intégration numérique. Son jugement du conflit du Vietnam reste des plus pertinents, et il démontre avec éloquence comment les « petits génies » de l’ère McNamara ont provoqué une hérésie stratégique en recherchant un meilleur rapport coût/efficacité au lieu de la victoire, en privilégiant le calcul sur l’intuition.

L’un des aspects les plus saisissants de ce livre est ainsi la différence qu’il établit entre la guerre en trompe l’œil, celle que préparent les armées conventionnelles en se privant d’ennemi et en s’interdisant de tuer, et la guerre réelle des mouvements non étatiques, criminels ou terroristes. Même si certains propos de Martin van Creveld sont discutables, notamment quant à l’aptitude des armées modernes à s’adapter, ses réflexions sur la « guerre contre le terrorisme » ont évidemment un caractère prophétique stupéfiant.

De fait, cet ouvrage est exemplaire et sa lecture hautement recommandée. Il aborde tous les aspects majeurs du sujet, fournit une vue d’ensemble autorisant une compréhension élargie, et constitue une base incontournable pour toute réflexion prospective et doctrinale sur l’emploi de la violence armée.




Maj EMG Ludovic Monnerat    









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