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Des serrures et des héros, ou une opportunité pour sauver l'Europe

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31 juillet 2005

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e directeur de l'Institut Hayek, Drieu Godefridi, appelle à l'héroïsme des entrepreneurs pour sauver une Europe épuisée, vieillissante et prisonnière de ses réglementations.

Des Occidentaux sont massacrés aux quatre coins du monde : peut-on réellement parler de "terrorisme" lors que, manifestement, les six caractéristiques du terrorisme défini par un expert de l'Université ne sont pas réunies ? Trois cent mille morts au Darfour, du fait des milices gouvernementales : s'agit-il vraiment d'un génocide ? "Nous sommes en guerre", déclare un président américain aux accents démosthéniens depuis les attentats du 11 septembre. En guerre ? Certes, l'Afghanistan n'est pas une partie de cricket. Ni l'Irak. Bon, Sharm El-Sheik, après Londres, New York et Madrid, c'est vrai qu'il commence à faire chaud, mais une guerre ? Au sens de Wittgenstein, peut-être ?


«... La vieille Europe est misérable face à l'islamisme comme elle le fut face au communisme, toute d'atermoiements et de compromissions stériles et contre-productives. »


Nos temps se troublent. Nos démocraties s'épuisent. Comme dans toutes les périodes troublées, tandis que certains chipotent des serrures - à l’instar, plus personne ne l’ignore depuis le 14 juillet, de Louis XVI le jour de la révolution - d'autres rachètent leur époque par leur héroïsme.

Héroïsme du soldat. Aux antipodes de la conception surannée du romantisme allemand, qui dresse le héros contre le marchand, ce sont les nations les plus marchandes de la planète qui engendrent les héros militaires de notre temps. Le soldat américain, britannique ou australien déchiqueté par les bombes des islamistes en Afghanistan ou en Irak est un héros. Un héros de la liberté. La liberté du peuple irakien, libéré de l'abjecte usine de mort qu'était le régime de Saddam-le-Gazeur. La liberté du peuple afghan, libéré du zoo humain dans lequel l'avait enfermé les Talibans. Clic-clic : les spécialistes des serrures disserteront à l'infini sur les motivations réelles des Alliés, en Afghanistan comme en Irak, n'empêche : des Talibans et des Baathistes, les Afghans et les Irakiens ont été libérés par cette partie de l'Occident qui n'a pas renié ses valeurs. Ses enfants meurent pour la liberté de peuples éloignés. Et pour la nôtre.

Héroïsme du badaud, de l’Anglais moyen, du travailleur scrupuleux. Prendre le métro à Londres après les premiers attentats relève possiblement de l'inconscience. Repartir après la seconde vague d'attentats requiert déjà une certaine dose de courage. Repartir encore après les prochains actes de barbarie demandera de l'héroïsme, de cette sorte qui sublime les Israéliens ordinaires depuis tant d'années. Un héroïsme dont les Européens donneurs de leçon n'avaient pas même l'idée. Désormais, ils auront l'idée et l'odeur, celle de la chair brûlée. Doit-on en attendre autant des nations - la France, la Belgique, l'Allemagne, l'Italie - dont la jeunesse raréfiée ne rêve que de fonction publique et de juteuses allocations de toutes sortes ?

Héroïsme de l'entrepreneur. L'Europe s'affaisse. L'Union devait donner de la vertu aux Etats membres; ce sont les Etats membres qui l'ont viciée. La construction européenne risque fort de ressembler, dans quelques années, à ces immeubles abandonnés après la faillite du maître d'œuvre. Symphonie inachevée, sabotée par les cymbales du despotisme francallemand (faites ce que je dis, pas ce que je fais, et ne venez surtout pas travailler chez nous en invoquant les libertés du traité de Rome !).

Les amoureux de la liberté ont deux patries : la leur et l'Amérique. La vieille Europe est misérable face à l'islamisme comme elle le fut face au communisme, toute d'atermoiements et de compromissions stériles et contre-productives; la conscience de l'Europe est souillée à jamais des massacres inouïs du vingtième siècle. Mais l'histoire européenne - Dieu merci ! - ne se résume pas à cela. L'Europe est d'abord et avant tout le fier berceau de la liberté, de la démocratie, du règne de la loi et de la prospérité par le travail. Le capitalisme serait anglo-saxon ? Allons donc ! Chacune des fibres de l'histoire du Nord de l'Italie, des Flandres ou du Nord de l'Allemagne est imprégnée de l'esprit d'entreprendre. Nous avons créé ce moteur du monde que nous renions aujourd'hui : le capitalisme.

Le salut de l'Europe continentale ne viendra pas de ses politiques. Il naîtra dans l'esprit de ses entrepreneurs. Pas les tricheurs qui s'acoquinent avec les pouvoirs publics pour neutraliser leurs concurrents par des réglementations et des campagnes de presse - ceux-là méritent sans conteste le mépris que l'on témoigne parfois aux "capitalistes" (il faudrait dire : mercantilistes). Non, ceux qui repèrent un besoin, créent un produit ou un service pour le satisfaire, s'enrichir par la-même, et (c'est généralement cette partie-ci que les socialistes de tous les partis ont du mal à intégrer) enrichir du même coup la collectivité. Tout ce qui nous entoure porte la marque de ces entrepreneurs, de l'objet le plus dérisoire aux médecines qui nous valent de flirter allègrement avec le siècle.

Quel héroïsme ? Il faut n'avoir jamais créé une société commerciale en Europe, risqué son capital, franchi mille obstacles administratifs, ménagé la susceptibilité d'autant de fonctionnaires aussi sourcilleux qu'omnipotents, maîtrisé les arcanes de réglementations, notamment environnementales, dont les caractères abscons, débilitants et parfois pleinement contradictoires feront les délices des historiens du futur, affronté la figure mythologique et absolument immuable du Délégué syndical, dont les privilèges légaux ridiculisent tout ce que l'Ancien Régime a connu de plus abouti, payé les charges sociales, la TVA, l'impôt des sociétés et enfin l'impôt des personnes physiques, avant de se faire dévaliser de ce qui reste au coin d'une rue, pour poser la question.

Ce sont ces entrepreneurs, s'ils veulent bien se reconnaître, qui ont le pouvoir de porter la vieille Europe vers une nouvelle renaissance. A la fin des années Carter, l'Amérique était à genoux. Il a fallu qu'un groupe d'entrepreneurs décide d'arrêter la décadence, et s'incarne dans la figure bientôt mythique de Reagan, pour que cessât la chute. Ils ont sauvé l'Amérique. Il faut sauver l'Europe. Beau temps pour les héros.



Drieu Godefridi  
Directeur de l'Institut Hayek  








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