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« Nous gagnons la guerre, mais n’oublions pas les règles de ce conflit étrange ! »

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24 avril 2005

Activites démocratique au LibanP

our l’historien militaire américain Victor Davis Hanson, le conflit global dans lequel sont engagés les Etats-Unis dégage plusieurs règles qui doivent être suivies. Sous peine de perdre à domicile les avantages acquis par les armes américaines.

En examinant la guerre qui a commencé le 11 septembre, on constate l’émergence de plusieurs règles générales qui devraient nous guider dans le prochain round perfide de notre combat contre le fascisme islamique, les autocraties qui l’appuient et la méthode terroriste qui le caractérise.

1. Les promesses politiques doivent être tenues. Si les Etats-Unis avaient repoussé les élections en Irak prévues en janvier, comme le clamaient les initiés de Washington, l'insurrection se serait étendue au lieu de s'émousser. Seule la combinaison des armes américaines, de forces locales entraînées et d'une vraie souveraineté irakienne peut éliminer les vestiges des djihadistes radicaux et des Saddamites.


«... Il n'y a aucune raison d'être frustré lorsque des intellectuels et des réformateurs arabes nous maudissent pour avoir renversé Saddam et simultanément acclament les grondements démocratiques qui ont suivi sa chute. »


Etant donné nos accomplissements passés (permettre à Saddam de survivre en 1991, restaurer la royauté koweïtienne après la Guerre du Golfe, subventionner l’autocratie de Moubarak et donner un blanc-seing moral à la famille royale saoudienne), nous devons prudemment engranger chaque bonne volonté que nous obtenons si le soutien à la démocratie doit devenir une alternative crédible à la vielle realpolitik. Les réformateurs impuissants de l’Egypte ou du Golfe, qui s’opposent à des autocraties « modérées », doivent – malgré le danger qu’implique une telle politique – être considérés de manière aussi positive que les dissidents courant un péril bien plus grand au Liban, en Syrie et en Iran. La cohérence et la continuité sont les clefs, et elles auront bien plus de valeur qu’une division terrestre ou une escadre aérienne pour amener cette guerre à son terme.

2. Tout avertissement lié à l’usage de la force – à l’exception de bravades malencontreuses et irréfléchies – doit être crédible et suivi d’effets. Les efforts des terroristes visent à faire perdre la face à la puissance américaine et à l’humilier psychologiquement, et non à la battre sur le plan militaire. L’apparence est souvent aussi importante que la réalité, notamment pour ceux qui vivent aux VIIIe siècle plutôt qu’au XXIe.

Après le massacre horrible des Américains à Falloujah en mars 2004, nous avons promis de traquer ses auteurs, pour ensuite se retirer en avril et en mai, et autoriser un semestre de terreur islamique dans la ville, avant de la reprendre en novembre. L’hésitation initiale a presque fait dérailler les élections ; le siège subséquent a assuré leur succès. Rien n’a été aussi délétère dans cette guerre que la promesse d’une violence à venir suivie d’une temporisation. Il s’agit de se taire sur nos intentions et d’effectuer des actions militaires audacieuses, bien qu’il soit préférable de combiner les deux.

3. Les solutions diplomatiques suivent, et ne précédent pas, la réalité militaire. Si nous avions échoué en Afghanistan, Musharraf serait aujourd’hui un nationaliste islamique pour sa propre survie. Se retirer de l’Irak après une défaite aurait empêché tout progrès au Liban. Un certain espoir existe au Moyen-Orient, uniquement parce que l’Intifada a été écrasée et parce que Arafat est au paradis. Les chercheurs musulmans d’Irak parlent aujourd’hui différemment qu’un an plus tôt, parce que des milliers de terroristes sympathisants ont été tués dans le triangle sunnite. Le candidat Grand Mehdi, Moqtada Sadr, est plus un bouffon qu’une réincarnation de Khomeiny depuis que sa milice a été laminée l’an dernier.

Un quart de siècle, de la prise d’otage [à l’ambassade américaine] en Iran au 11 septembre, aurait dû nous apprendre le prix à payer pour croire qu’un Arafat, un Ben Laden, des preneurs d’otages, un mollah iranien, un Saddam ou un mollah Omar pouvaient écouter un diplomate raisonné en pantalons rayés. Notre erreur n’a pas uniquement été que notre apaisement et nos menaces creuses n’ont eu aucun effet sur de tels assassins. La vraie tragédie, en fait, c’est que les figurants désireux de s’allier avec nous tremblaient en pensant que les Etats-Unis parleraient ou laisserait les coudées franches à presque chaque monstre et meurtrier de masse au Moyen-Orient – si un tel compromis signifiait le maintien d’un statu quo pas si fastidieux.

Le contraste que fournit la situation actuelle, avec ben Laden et mollah Omar dans l’ombre, Saddam en prison, le docteur Khan démasqué, le jeune Assad paniqué et le colonel Kadhafi faisant amende honorable, va peu à peu apprendre aux autres le prix des meurtres et du terrorisme, et le fait que les Etats-Unis sont aussi imprévisibles dans l’usage de la force que constants dans le soutien aux réformateurs démocratiques.

4. La pire attitude envers les Européens et les Nations Unis est de railler publiquement leurs machinations impuissantes tout en utilisant in extremis leur aide. Après avoir été insultés par les deux, nous avons demandé leur aide militaire et leur intervention politique – et rien obtenu de conséquent, sinon le mépris en plus de l’inaction.

Portons les Nations Unies et l’Europe aux nues. Mais en aucun cas ne faut-il les pousser à faire ce dont en réalité ils ne veulent pas, car cela amène à les embarrasser et à les inciter à rendre la pareille de la manière la plus insignifiante et superficielle. Les efforts des Nations Unies pour retarder le renversement américain de Saddam a interrompu le plan horaire de l’invasion. Sa fuite immédiate après l’attaque de son quartier-général a encouragé les terroristes. Et une coalition viable sous commandement américain a été transformée en caricature par ses efforts obséquieux et manqués en vue d’y attirer la France et l’Allemagne. Nous devrions nous tourner vers l’ONU et la Vieille Europe uniquement dans une période post-conflit, lorsqu’il est dans l’intérêt des Etats-Unis de partager les résultats favorables de notre audace avec des nations opportunistes – des occasions qui ne sont pas aussi rares que nous pourrions le penser.

5. Ne pas chercher de la logique et de la cohérence au Moyen-Orient où elle n’existe pas. Il n’y a aucune raison d’être frustré lorsque des intellectuels et des réformateurs arabes nous maudissent pour avoir renversé Saddam et simultanément acclament les grondements démocratiques qui ont suivi sa chute. Nous devrions admettre que le seul scénario acceptable aux yeux de la rue arabe serait tout aussi imaginaire : de braves manifestants érigeant des barricades, forçant Saddam à partir, créant une constitution, organisant des élections puis invitant d’autres réformateurs arabes à Bagdad pour répandre une telle réforme indigène – le tout résultant en une société aussi sophistiquée, riche, libre et moderne que l’Occident, mais moralement supérieure en raison de son allégeance à l’islam. Ce rêve est préférable à la réalité, dans laquelle les Américains ont à eux seuls renversé le monstre du Moyen-Orient, alors que toute protestation pacifique contre Saddam se serait achevée en un autre génocide.

Depuis le départ des puissances coloniales, les Etats-Unis, en raison de leur puissance et de leur soutien de principe à la démocratie israélienne, ont répondu au besoin psychologique du Moyen-Orient d’expliquer son impotence et sa misère endogènes, une pathologie favorisée par notre realpolitik passée et nourrie par les mêmes autocrates que nous cherchions à satisfaire.

Après toutes ces années, n’attends aucune louange ou gratitude pour les milliards déversés en Irak, en Egypte, en Jordanie ou en Palestine, aucun remerciement pour la libération du Koweït, la protection de l’Arabie Saoudite en 1990 et le renversement de Saddam – ni pour la préoccupation américaine avec les musulmans en Bosnie, au Kosovo, en Tchétchénie, en Somalie, au Soudan ou en Afghanistan. Nos fautes passées doivent toujours être magnifiées proportionnellement au mépris que suscitent nos bontés récentes.

En conséquence, la politique américaine ne devrait pas être fondée sur l’amitié ou le désir d’être apprécié, mais sur ce qui constitue notre intérêt national et ce qui est juste – deux éléments dont la symbiose est uniquement possible à travers la politique actuelle consistant à promouvoir durablement la démocratie. Un Gouvernement constitutionnel n’est pas une utopie, seulement l’antidote adapté aux maux du Moyen-Orient – et une médecine que les djihadistes, dictateurs, rois, terroristes et théocrates s’accordent tous à détester également.

Les événements qui ont suivi le 11 septembre sont les plus complexes de notre histoire depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, et ils exigent bien plus de talent et d’intuition que les diplomates américains devaient avoir même durant la guerre froide, lorsqu’ils ont contenu un ennemi nucléaire mais bien plus prévisible. Depuis le 11 septembre, nous avons subi une suite déroutante de déclarations et d’alliances politiques changeantes et opportunistes, à la fois à domicile et à l’étranger. Nous nous attendons donc à ce que ceux qui prétendent soutenir la démocratisation ne le fassent que si les dernières informations venus d’Irak ne sont pas trop mauvaises.

L’un des aspects les plus décourageants de cette guerre est la réalisation que chaque jour, un certain nombre de ses défenseurs jadis inconditionnels se mettent soudain à biaiser, à exiger la démission de quelqu’un ou à renoncer, en citant toutes sortes de griefs légitimes, sans expliquer qu’aucun d’entre eux ne peut être comparé aux déceptions passées de guerres gagnées – et sans s’inquiéter du fait que la seule guerre perdue par l’Amérique l’a été davantage à domicile qu’à l’étranger.

Cependant, si nous traversons tout cela pour parvenir à l’extinction du terrorisme islamofasciste et à la fin de l’autocratie moyen-orientale qui l’a engendré et nourri, et je pense que nous faisons de grands progrès dans ce sens depuis moins de 4 ans, ce sera uniquement grâce à la qualité excellente des Forces armées américaines et à la diplomatie adroite qui les ont engagées avec modération.



Texte original: Victor Davis Hanson, "Winning the War", National Review Online, 22.4.05  
Traduction et réécriture: Lt col EMG Ludovic Monnerat
  









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