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La géopolitique dans le monde de l'après-11 septembre 2001

20 mai 2002 (texte rédigé le 24 décembre 2001)

Fouille de cave en Afghanistan, 2.4.02L

es modèles du XIXème siècle et du XXème siècle ont été balayés par les attentats du World Trade Center. Les guerres terroristes de demain ne peuvent être perçues de façon isolées, mais comprises comme éléments d'une stratégie globale. Analyse et réflexions.

Le 11 septembre 2001, par de véritables actes de guerre émanant de terroristes islamistes frappant de plein fouet une partie du sol emblématique américain, le monde bascule dans une nouvelle conflictualité terroriste (l'hyperterrorisme selon l'expression de François Heisbourg face à l'hyperpuissance américaine) et la découverte, pour certains, d'une mutation stratégique majeure ayant pour point de départ la guerre du Golfe.

Evoluant dans un état instable persistant, cette mutation nous renvoie plus prosaïquement aux périodes de transition d'ordre démontrées dans notre ouvrage. Les conséquences politiques et stratégiques de cette mutation mettront encore du temps à se révéler dans toute leur ampleur. L'ordre international, ou plus justement le renouveau désordre international, n'est que le reflet d'un temps. Certes, comme le souligne le secrétaire d'Etat américain Colin Powell : "non seulement la Guerre froide est finie, mais l'après-Guerre froide est terminée", néanmoins, il s'agit plus réellement d'une nouvelle période de transition (commencée en 1989-1991) après celle de 1919-1944, et qui devrait aller jusque vers les années 2010-2015, et non pas une période de l'histoire qui se ferme, ou encore la naissance d'une nouvelle ère dans les relations internationales, comme certains, à force de le rêver, veulent l'imposer.

«... Quelle riposte possible lorsque la forme de violence choisie par les auteurs de ces attentats anonymes interdit toute reconnaissance politique de l'Autre? »
«... Quelle riposte possible lorsque la forme de violence choisie par les auteurs de ces attentats anonymes interdit toute reconnaissance politique de l'Autre? »

Tout autant, il convient aussi de se projeter plus en avant, dans la constitution d'un nouvel ordre. Il est fort probable que nous verrons se constituer un nouveau droit à l'intervention unilatéraliste du type anti-asymétrie (contre le terrorisme, la prolifération, …), dans une redéfinition pré-coloniale, ou plus exactement, pré-protectorale. En ce sens, le projet américain de défense antimissile se transforme en un instrument de stratégie offensive, octroyant aux Etats-Unis toute liberté d'attaque, en étant le complément indispensable de la projection de forces militaires car permettant de porter immédiatement la bataille sur le territoire ennemi. Le "bouclier" antimissile permet donc l'imposition d'un ordre (américain) dans toutes les zones concernées par les intérêts américains, et ce, face à des puissances régionales qui chercheraient à s'y opposer.

Pour autant ce nouveau droit à l'intervention unilatéraliste risque de sombrer dans une glorification de l'hyperpuissance qui nourrirait à nouveau les frustrations de "l'autre monde". Les pertes de repères sont évidentes. De même concernant la riposte. Quelle riposte serait-on tenté de dire, étant donné l'extraordinaire violence (et "brillance") du coup porté ? Quelle riposte possible lorsque la forme de violence choisie par les auteurs de ces attentats anonymes ferme tout champ d'entente, toute compromission politique, et interdit toute reconnaissance politique de l'Autre?


Stratégie globale américaine

De plus, l'agresseur n'est plus un Etat identifiable dans l'espace, mais une nébuleuse transnationale terroriste, organisée en réseaux. C'est la guerre du déséquilibre ou la puissance devient faiblesse, et la faiblesse puissance. C'est la dissymétrie de la simplicité face à la haute technicité. C'est une guerre sans riposte aisée, puisqu'en l'absence d'un espace géopolitique agresseur clairement identifiable et localisable, il n'y a pas véritablement de possibilités de frappes de représailles dans le schéma classique du droit à la sanction contre l'agresseur.

Comment combattre (et, en avant, contrôler) des groupes terroristes fanatiques transfrontaliers disposant de moyens financiers considérables, ayant accès à des armes diverses, des plus simples et rustiques aux plus sophistiquées (y compris des armes de terreur et de destruction massive), s'abritant dans un ou des Etats (effondrés, dévalués, ou simplement compromis) mais sans réelle façade étatique ? Contre qui combattre ? Contre Ben Laden et ses réseaux ? Contre le terrorisme en général ? Contre les Etats qui soutiennent les groupes terroristes ? Contre tous les Etats que les Etats-Unis définissent comme "voyous" ? Contre tous, dans la logique de "vous êtes avec la civilisation ou avec les terroristes" ?

Pour autant, et peut-être pour la première fois, les Américains semblent avoir mis en place une réelle stratégie globale (au sens français du terme) de résolution du problème. La réussite de leur entreprise, c'est-à-dire le démantèlement du terrorisme islamiste, ou, dans une moindre mesure, le démantèlement du réseau Al-Qaeda serait une victoire qui conditionnerait l'avenir de cette forme de conflictualité. Toutefois, nous devons être conscients qu'il ne sera pas possible d'éradiquer le terrorisme islamique, car, pendant encore des décennies, la frustration alimentera son recrutement, d'autant plus qu'une renaissance de la civilisation musulmane, pour souhaiter qu'elle fut par certaines élites, semble encore improbable. Les attentats du 11 septembre 2001 appelle donc bien plus qu'une simple riposte militaire ; une véritable et nouvelle politique globale post guerre (entendez, post-guerre du 11 septembre).

Royal Marines en Afghanistan

En réalité, les attentats redessinent la carte géopolitique du monde. Il est même possible d'affirmer que derrière les principes mis en avant, les Etats redécouvrent partiellement la géopolitique. Toute première modification, le basculement de la Russie. Le président russe s'est rendu indispensable dans cette guerre au terrorisme, négociant son influence, qui devrait s'agrandir. Pour Moscou, il s'agit d'abord de reprendre pied en Asie centrale pour démanteler certaines bases arrière du terrorisme tchétchène et justifier leur guerre sur ce territoire. Poutine a ainsi profité de son ralliement à la "guerre antiterroriste" du président Bush pour faire démettre le président Ingouche Rouslan Aouchev, qui était le seul chef d'une République de la Fédération de Russie à s'être opposé à la guerre en Tchétchénie. Par ailleurs, la guerre en Tchétchénie redouble d'intensité.

«... la solidarité des 15 pays de l'Union se trouve confrontée à l'épreuve des faits qui distinguent ceux qui agissent de ceux qui se cantonnent dans le déclamatoire »
«... la solidarité des 15 pays de l'Union se trouve confrontée à l'épreuve des faits qui distinguent ceux qui agissent de ceux qui se cantonnent dans le déclamatoire »

Mais aussi, il s'agit pour Poutine de confirmer un rapprochement amorcé avant le 11 septembre et amplifié depuis, au point de sacrifier le traité ABM pour bénéficier d'un soutien de l'étranger au profit de ses impératifs intérieurs, notamment les promesses faites aux militaires (retraites, soldes, …), une redéfinition du rôle de l'OTAN et de l'Union Européenne, un soutien à l'entrée de la Russie dans l'OMC qui permettrait un renforcement des exportations russes donc de l'économie russe en la libéralisant tout en favorisant un rétablissement de l'autorité de l'Etat. A cela s'ajoute des visées géopolitiques, particulièrement en Asie centrale et au Moyen-Orient, notamment en fonction de ses intérêts pétroliers. Surtout, pour Poutine, si les Russes se considèrent toujours comme un grand peuple, il y a bel et bien une perte irrémédiable du statut de grande puissance. De là, une seule stratégie possible pour la Russie : celle de la survie, c'est-à-dire ne pas restaurer un statut de grande puissance, mais stopper la dégradation qui se poursuit.

La Chine constitue, ensuite, une autre modification d'importance. Certes, les premières manifestations à Pékin lors de l'effondrement des Twin Towers furent de joie car perçues comme "la rançon de la politique américaine". Pour autant, dès le lendemain du 11 septembre, Jiang Zemin affirmait au président américain le soutien de son pays contre le "terrorisme international". Pour la Chine, il s'agit de profiter de l'occasion pour renforcer sa tutelle sur les Ouïgours, dont le mouvement nationaliste qui combat la domination Han au Xinjiang est considéré comme une "force terroriste dont le but est de faire éclater la Chine" (déclaration de Jiang Zemin), et de lancer des offensives diplomatiques sur la question de Taiwan, notamment lors de la conférence de l'APEC à Shanghai. De même, elle veille à ses investissements au Kazakhstan. Tout autant, la crise entre l'Inde et le Pakistan, permet à la Chine de renouer un étroit contact avec le Pakistan et de rompre un tête à tête trop américain.

En réalité, la Chine, confrontée à une contradiction dogmatique entre sa volonté d'affirmer sa "puissance stratégique" vis-à-vis de l'Occident (de là, une politique nationaliste visant à recouvrer les frontières de l'Empire des Qing qui se résume en un slogan couramment repris : "la Chine peut dire non !") et la nécessité de développer son économie par le biais de bonnes et étroites relations commerciales avec ce dernier (notamment la recherche du renouvellement de la clause de la nation la plus favorisée), se retrouve "bloquée" sur ses marges par les différentes avancées américaines, qu'elle veut définir provisoire. De là, une volonté évidente de redéfinir une "offre" chinoise globale (la Pax sinisa face à la Pax americana), en reprenant position en Asie du Sud face aux mouvements américains et à leurs récentes prises de position stratégiques, alors même que le rapprochement Poutine-Bush hypothèque le partenariat stratégique noué avec la Russie.

Quant à l'Union Européenne et à l'OTAN, non seulement l'Alliance Atlantique se voit dessiner un nouvel avenir, mais plus important, la politique européenne de défense et de sécurité semble être aujourd'hui relancée. En réalité, la réaction européenne fut cacophonique. En effet, la solidarité des 15 pays de l'Union se trouve confrontée à l'épreuve des faits qui distinguent ceux qui agissent (Grande-Bretagne, puis la France), de ceux qui se cantonnent dans le "déclamatoire" (notamment, l'Allemagne qui propose des troupes spécialisés sous réserve d'un accord du Parlement), et de ceux qui, "neutres", se félicitent d'être dans une Union Européenne qui ne possèdent pas de capacité "guerrière". Cacophonie encore renforcée par un "jeu personnel" de chaque pays vis-à-vis des Etats-Unis et de la situation internationale. Là encore, ni solidarité européenne, ni position commune.

De fait, il aurait fallu (et il conviendrait encore) que l'Union Européenne se situe, c'est-à-dire définisse une position précise (critique ou non). Dès lors, l'Amérique s'est donc trouvée en partie "isolée", obtenant politiquement une coalition large, mais militairement réduite (mais ont-ils besoin de soutien en ce domaine ?). Il est vrai aussi, à contrario, que si les attentats ont induit l'invocation, pour la première fois, de l'article 5, l'Alliance a pour autant été marginalisée dans la conduite, le développement et le déroulement de la riposte.

Opération Mountain Lion en Afghanistan

En conséquence, les Etats-Unis n'ont pas découvert la concertation, leur riposte a été unilatérale. Ont-ils eu conscience qu'y associer les Européens aurait compliqué leur tâche ? Il semble même qu'ils profiteront de l'opportunité pour mieux contrôler, non seulement l'Europe, mais aussi et surtout, l'Eurasie. De là, les positions américaines (qui ne sont pas récentes) de l'élargissement de l'OTAN et le "nouveau concept" d'avril 1999, l'engagement dans les Balkans, le désir de voir la Turquie dans l'Union Européenne, l'intérêt politique pour les questions Caucasiennes et un certain retrait du Moyen-Orient, ou la loi "de la stratégie de la route de la soie" votée par le Congrès américain en 1999.

En ce sens s'inscrivent les déclarations du Président Bush en juin 2001 à Varsovie, proposant l'extension de l'OTAN et de l'Union Européenne jusqu'à la Baltique et la Mer Noire, et transformant (au final) l'OTAN en une organisation de sécurité paneuropéenne dominée par les Etats-Unis, et donc confortant l'Hégémon américain. Surpuissants, conduisant cette nouvelle "guerre mondiale" sans avoir réellement besoin d'aide, les Etats-Unis vont s'appliquer à faire coïncider les "mouvements" de cette guerre à leurs stricts intérêts nationaux.

«... les Etats-Unis n'ont pas découvert la concertation, leur riposte a été unilatérale. Ont-ils eu conscience qu'y associer les Européens aurait compliqué leur tâche ? »
«... les Etats-Unis n'ont pas découvert la concertation, leur riposte a été unilatérale. Ont-ils eu conscience qu'y associer les Européens aurait compliqué leur tâche ? »

Plus encore, la nouvelle vision américaine qui vise à créer "un nouveau contexte géopolitique décisif", restreint l'Europe à un simple pôle économique, la Russie à un statut de puissance régionale "encerclée", condamnée à rompre avec son imperium et à se démocratiser ; la Chine devenant alors, la seule puissance stratégique pour les Etats-Unis, d'autant plus facilement qu'elle ne constitue pas une puissance globale, et qu'elle connaît d'importants risques internes. De fait, les indices de polarisation en Chine sont aujourd'hui importants (entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas, ceux qui sont et ceux qui ne sont pas, …) et peuvent provoquer une implosion. Les mouvements de revendications sont souterrains. Pour le moment, ces différents soulèvements restent circonscrits à une usine, à un village, à un échelon local, évitant toute collusion, car au-delà la répression du pouvoir est immédiate. Mais s'il y a une lutte importante pour le pouvoir entre différentes factions (et il y a aujourd'hui un problème de succession), l'histoire de la Chine nous apprend que le mécontentement social sera utilisé avec violence.

Enfin, il convient de noter que la géopolitique du monde arabo-musulman s'en trouve à nouveau fortement bouleversée, brisant durablement l'espace de l'islam qui reposait sur une "homogénéité" (celle de la communauté des croyants) qui n'existait déjà plus qu'en façade. Plus encore, d'autres transformations de l'espace de l'islam sont à craindre demain, en Iran, en Irak, et ailleurs. Et, lorsque de tels pays "bougent", d'autres se voient "bousculés", tel le Japon, l'Arabie Saoudite, l'Inde, et surtout le Pakistan. Ainsi, qui de l'Inde (conflit avec le Pakistan sur la question du Cachemire mais aussi source de rivalité avec la Chine) ou du Pakistan sortira renforcé de cette guerre ? Si l'Inde, devrait, à juste titre, apparaître comme le pays véritablement stable de cette zone sud asiatique, le Pakistan constitue l'un des pivots et carte majeure de l'offensive américaine.

Le Pakistan est en effet contraint à un "jeu" radical : le président général Pervez Moucharraf, qui a pris le pouvoir par un coup d'état militaire en 1999, ne renonce pas à la vision stratégique de son pays concernant l'Afghanistan, pays à la fois profondeur stratégique et foyer de réseaux radicaux islamistes pour la guerre au Cachemire. Il "accepte" à court terme l'alliance avec les Etats-Unis ("il est clair que les Etats-Unis vont agir, (…) la confrontation aura lieu" déclare-t-il à la BBC) pour reprendre la main à long terme par la préservation à Kaboul d'un gouvernement pachtoun et islamique. Pourquoi ? D'abord parce que le Pakistan est un pays exsangue avec une dette extérieure qui atteint 38 milliards de dollars et qui contraint le pays a consacrer plus de 50 % de son budget au service de la dette. Ensuite, parce que le Pakistan ne peut se permettre de "perdre" sa profondeur stratégique sauf à régler le problème du Cachemire. Il existe donc un lien étroit et profond entre l'Afghanistan et le Cachemire, et les Etats-Unis ne pourront solutionner la guerre en Afghanistan sans régler le conflit au Cachemire. Surtout, la solidarité ethnique est très largement transfrontalière, quelle soit pachtoune, ouzbek ou kirghize.

"Pour moi, je le confesse, ce sont les pièces d'un échiquier sur lequel se joue un jeu pour la domination du monde" disait Lord Curzon, vice-roi des Indes britanniques en 1898, à propos de l'Asie centrale. L'Afghanistan, carrefour stratégique de cette partie du monde et, depuis très longtemps, théâtre de ce "grand jeu", est une mosaïque ethnique : au sud, les Pachtounes, regroupant 44% de la population en deux familles, les Ghilzaï et les Durranis, dirigent le pays depuis le XVIIIe siècle. Au nord, les Tadjiks, représentant 26% de la population, sont plus nombreux qu'au Tadjikistan qui en comptent "seulement" 3,2 millions. On trouve à l'ouest, les Hazaras chiites (8%) persanophones et au nord, les Ouzbeks (6%) turcophones. Enfin quelques autres ethnies plus minoritaires, comme les Aïmaks et les Baloutches, complètent cette mosaïque. Or, ce sont les solidarités ethniques qui dessinent les alliances. Dés lors, tout pourrait se radicaliser dans un affrontement ethnique général, remettant en cause les frontières de toute la zone, et pouvant aboutir au démembrement pur et simple de l'Afghanistan, et débordant sur la région centre asiatique dans son ensemble.

Depuis l'effacement russe de cette région, le Pakistan vise à faire de l'Afghanistan sa profondeur stratégique face à la pression de l'Inde sur sa frontière orientale. L'Iran entend consolider une solidarité persanophone, et la Russie ambitionne de revenir vers les mers chaudes comme de surveiller cet "étranger proche" par le biais des Ouzbeks. A ce panorama régional s'ajoute le jeu trouble de certains intérêts américains, tout particulièrement énergétiques. Or, pour les Américains, l'Asie centrale est aussi l'interface de l'Eurasie (de l'Atlantique à la Sibérie orientale) et du Grand Moyen-Orient (de la Méditerranée à l'Asie), dans une vision d'expansion géostratégique des normes et intérêts américains. Dès lors, les Etats-Unis visent-ils à une pacification, ou plus probablement à une sécurisation ? Autre problématique : comment évolueront-les relations avec l'Arabie Saoudite ? Les liens entre Ben Laden et une fraction de la classe dirigeante de ce pays sont étroits ; pour autant, les intérêts pétroliers sont tellement forts qu'ils ne pourront être remis dans l'immédiat en cause, faute d'existence d'un autre pays de cette envergure dans la région.


A la recherche de la légitimité

Les Etats-Unis ont donc immédiatement accompagné leur déploiement militaire d'une recherche de légitimité. Certes, l'ampleur de l'acte terroriste la leur a conféré, l'enjeu consistant à capitaliser sur cette légitimité et à ne pas la perdre. Légitimité politique (actions diplomatiques visant la Chine, la Russie, l'ensemble des pays européens, le Pakistan, l'ensemble des pays musulmans, …), légitimité juridique (en demandant l'appui de l'ONU et la mise en application de l'article 5 de l'OTAN), légitimité militaire de leurs frappes de rétorsion, légitimité médiatique auprès des opinions publiques. Parallèlement, ils déployaient leurs moyens militaires à travers la planète : SEALs et unités de Rangers au Pakistan, forces de montagne de la 10th Mountain Division de Fort Drum en Ouzbékistan, et, plus discrètement, forces spéciales au Japon pour un embarquement sur le Kitty Hawk. Simultanément, les Américains demandaient l'aide de certains de leurs alliés ; la France, notamment, déployait sur zone, dès le 28 septembre et dans une extrême discrétion, des spécialistes du renseignement.

Alors que l'on croyait les Etats-Unis revenir à leur splendide isolement et ne plus s'occuper des affaires du monde, les Etats-Unis sont entrés en Politique, à l'instar de leur Président : "s'étant découverts orphelins, ce choc les a rendu au monde !". De fait, les Etats-Unis doivent mettre un terme à l'unilatéralisme qui caractérise nombre de leurs décisions politiques. Or, notamment pour régler le problème afghan, les Etats-Unis devront régler celui du Cachemire (le jeu Inde/Pakistan/Chine redevient majeur), c'est-à-dire opérer un revirement total par rapport à leur politique de ne pas s'impliquer dans les affaires périphériques où leur intérêt national immédiat n'est pas en jeu. Ainsi, lors de sa visite à Islamabad le 15 octobre dernier, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a présenté la question du Cachemire comme centrale. Ces déclarations ont provoqué un raidissement indien, d'autant plus immédiat que le mouvement Jaish-e-Mohammed, basé au Pakistan, avait perpétré un attentat à Srinagar le 1er octobre, faisant 38 morts. Les risques d'escalade, de débordement violent, voire d'attaque préventive indienne sur certains camps islamistes au Pakistan sont aujourd'hui réels.

Oussama Ben Laden en vidéo

Il est tout autant important d'envisager la perspective de cette guerre sous l'angle de la légitimité dans un contexte stratégico-politique – il n'y a pas de légitimité sans intérêts, sauf à sombrer dans les messages obscurs – car cet affrontement de deux volontés vise à reconstruire un réseau d'acteurs légitimes. Pour une large part, cet affrontement repose sur la notion de représentation, conception immatérielle du conflit (ce qui ce passe dans la tête). En faisant (et en déclarant) la guerre, Ben Laden cherche à démontrer l'illégitimité de la situation et des règles en vigueur, et ce selon trois niveaux : civil-interne (remise en cause de lois et de valeurs, mise en exergue d'autres lois dans une définition de la capacité à s'unir), national (revendication ethnique, multiculturelle et historique), mondial (mise en cause quasi idéologique du Bien contre le Mal).

«... ne possédant aucun relais réel dans les "masses" musulmanes, Ben Laden recherche leur soulèvement par une surenchère. »
«... ne possédant aucun relais réel dans les "masses" musulmanes, Ben Laden recherche leur soulèvement par une surenchère. »

De plus, ne possédant aucun relais réel dans les "masses" musulmanes, Ben Laden recherche leur soulèvement par une surenchère (de là aussi, le rejet et la condamnation des attentats par les principaux leaders des mouvements intégristes musulmans, à l'instar des Frères Musulmans, qui redoutent une surenchère qu'ils ne contrôleraient pas). Nous assistons donc, avant tout, à un conflit de légitimité politique, à une guerre des idées et des valeurs, visant à produire de nouvelles légitimités qui justifient leur combat (dans la prévention du terrorisme, il conviendrait, d'abord et avant tout, de repolitiser la reconnaissance de l'Autre).

Le quotidien Asaki Shimbua, a publié récemment une série d'articles, dont notamment une interview du philosophe japonais Yujiro Nakamura, qui insiste sur l'aveuglement du monde occidental (y compris japonais) à reconnaître (et connaître) la diversité. "La civilisation de la science et de la technologie poursuit la lumière et prétend repousser l'ombre ? Pour le pire et le meilleur, elle oublie la part d'ombre qui existe aussi en tout être (…) La culture américaine par exemple a toujours glorifié la santé physique et mentale et dédaigné ce qui se dissimule dans l'ombre de la nature humaine : les faiblesses et les manques (…) Une telle civilisation véhicule une vision unidimensionnelle du monde qui évacue la sensibilité aux abîmes d'ombre que d'autres hommes portent en eux. Croyant naïvement que leur bonne volonté suffit et que leurs valeurs sont justes, les Américains les imposent aux autres et se sentent trahis quand ils sont repoussés".

De plus, "le sens que chacun des protagonistes donne à "sa guerre" crée une véritable "guerre du sens" confrontation de légitimités qui encadre et justifie la confrontation par les armes". Sens de la guerre et guerre du sens. Guerre des idées, et nouvelle guerre des images et des mots. Au point que l'équipe gouvernementale américaine, face aux discours de Ben Laden, a mis en place une cellule "d'information de la coalition" et demandé à Christopher Ross, ancien ambassadeur en Syrie et en Algérie, de répondre en arabe à ces discours. Le point culminant de cet affrontement des mots et des images est certainement la nomination de la publicitaire Charlotte Beers comme sous-secrétaire d'Etat pour les affaires publiques et chargée de "la bataille des images".

Nous sommes dans le domaine des perceptions, des images et des symboles ; notamment, celles que possède de lui-même le peuple américain. Le choix des objectifs, le mode d'action – semblable à celui des arts martiaux qui utilisent la force de l'adversaire pour mieux la retourner contre lui-même –, la synchronisation des agressions, s'inscrivent dans cette logique de violation d'un sanctuaire, d'un pacte sacré, entre les Américains et leur territoire ("la guerre est chez nous", véritable irruption / compréhension de la mondialisation de la guerre). Le caractère exceptionnel de l'événement vient moins de l'acte terroriste en lui-même, bien que très réussi sur le plan spectaculaire et médiatique, mais bien plutôt que ce soit la méga puissance unique, sans vis-à-vis même imaginable jusqu'à ces derniers mois, qui est pour la première fois victime sur son territoire d'une agression massive et planifiée.

D'où, l'allusion (qui n'est pas anodine) à "Pearl Harbor" ou encore à "un jour d'infamie", et au discours du Président Bush devant le Congrès américain le 20 septembre 2001 : "les Américains ont connu des guerres, mais depuis cent trente-six ans, ces guerres ont toujours eut lieu à l'étranger, à l'exception d'un certain dimanche, en 1941". D'où aussi le titre de CNN : "America under attack". Le bouclier anti-missile (NMD : National Missile Defense) visait à une seule et unique chose "il ne doit pas être permis aux ennemis des Etats-Unis d'Amérique de porter la guerre sur le territoire américain". Or, ni la situation géographique, ni la puissance, si considérable soit-elle, ne mettent à l'abri nos pays occidentaux des tourments du monde. C'est aussi l'expression absolue de la mondialisation, de la déterritorialisation, et la naissance, réelle, des réseaux (y compris des réseaux guerriers).


Comment mener la guerre contre le terrorisme?

Dés lors, une autre question doit être posée : comment doit-on mener cette guerre ? Quelles sont les logiques en présence ? Les Taliban s'inscrivent dans une logique particulièrement intéressante : voilà un groupe ethnico-religieux qui prend le pouvoir, l'exerce et vise à une reconnaissance internationale, mais qui décide de sacrifier cette possible reconnaissance au profit de l'idéologie de l'Islam combattante. Or, les réseaux terroristes de Ben Laden ne sont pas l'expression idéologique de l'Etat Taliban.

Les Taliban ne sont pas, quoique que disent nombre d'experts, une création des Pakistanais. Ils existent en Afghanistan depuis les années 50, et connurent un premier développement à compter de la période 60-70 par le développement des écoles coraniques (madrasas), non plus en milieu urbain, mais en milieu rural pachtoune qui favorise un recrutement non-aristocratique. S'appuyant sur la crise des structures tribales traditionnelles, ils établissent une double connexion, religieuse et ethnique (pachtoune), car si le mouvement Taliban s'est radicalisé au niveau religieux, il reste avant tout un mouvement-réseau ethnique. Ce réseau, déjà en place lors de l'invasion soviétique, se transforme en réseaux militaires. Les liens avec les services pakistanais se développent, ainsi que ceux entre les madrasas afghanes et pakistanaises, toutes financées par l'Arabie Saoudite, diffusant ainsi les idées wahhabites et la tradition salafiste. Au départ des Soviétiques, les réseaux de solidarité sont donc forts.

En 1994, mollah Omar a une vision, celle de devoir rétablir l'ordre. Il assassine un chef de guerre et, s'appuyant sur ses réseaux, se lance à la conquête de l'Afghanistan dans ce qui constitue en réalité une véritable guerre ethnique. En septembre 1996, la capitale afghane tombe. Désormais, les Taliban, avec à leur tête mollah Omar, dirigent les trois quarts de l'Afghanistan, dans ce qui constitue un "pas positif" pour les Etats-Unis d'Amérique. En décembre 1996, mollah Omar est élu Commandeur des croyants, et s'il ne dirige pas l'Etat Afghan, il en assure la direction politico-religieuse. A cette date, il se rapproche de Ben Laden (la fille de ce dernier serait devenu la femme de mollah Omar). Ce dernier, né en 1957 à Djeda, ingénieur et fils de bonne famille saoudienne, a combattu entre 1987 et 1989 en Afghanistan. Il est d'abord et surtout le logisticien, puis le mentor, des réseaux du Proche et Moyen-Orient pour la Légion islamique combattant en Afghanistan contre les Soviétiques, et financés par l'Arabie Saoudite. Ces réseaux, qui sont utilisés entre 1989 et 1991 par les services secrets pakistanais pour contrôler l'Afghanistan, deviennent anti-américains à compter de 1991 et de la guerre du Golfe.

Devant s'exiler, Ben Laden part pour le Soudan où il restera trois ans, de 1993 à 1996, et y commanditera plusieurs attentats anti-américains dont la première attaque contre le World Trade Center et la tentative d'assassinat du président égyptien en Ethiopie. Les Etats-Unis obtiennent alors son départ du Soudan, qu'il quitte pour retourner en Afghanistan où il réalisera la synthèse entre ses propres réseaux et ceux de Mollah Omar. En août 1998, il commandite les deux attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie qui feront 224 tués et près de 4 500 blessés. En décembre 2000, l'Organisation des Nations Unies décide une série de sanctions à l'encontre du régime des Taliban, qui prend alors des mesures de rétorsion : destruction des Bouddhas, port de signes ostentatoires vis-à-vis des étrangers, tensions avec les ONG. En parallèle, après les attentats de l'été 1998 contre deux de leurs ambassades en Afrique, et celui d'octobre 2000 contre l'USS Cole dans le port d'Aden, les Etats-Unis veulent à la fois éviter toute confrontation avec les Taliban et obtenir qu'ils leur livre Ben Laden.

Face aux actions des commandos en Afghanistan (et ailleurs) et aux bombardements des montagnes afghanes, depuis longtemps désertées et évacuées, la diversité des tactiques est primordiale. Plus que l'action militaire proprement dite, il conviendrait de s'appuyer dans le temps sur des instruments de renseignements, d'infiltration, de communication ; sur des moyens de contrôle des ressources financières, pour conclure par des actions militaires limitées et ciblées. Dès lors, quel avenir pour Ben Laden, Al-Qaeda et autres réseaux terroristes islamiques ?

Attentat suicide à Karachi, 8.5.02

Les réseaux terroristes de Ben Laden, particulièrement les réseaux occidentaux (et ce sont les plus nombreux) existeront après lui. Ben Laden a une approche mondiale, il vise le monde entier, et il n'est pas l'expression du Proche et Moyen-Orient dont la violence islamique a été très largement absorbée dans des logiques nationalistes. Malgré ses derniers discours, son combat n'est pas Jérusalem.

Certes, il inscrit son action dans le cadre banal d'une "punition" face aux décisions américaines concernant l'Irak et le conflit israélo-palestinien : "je jure par Dieu tout-puissant qui a élevé le ciel sans colonnes que l'Amérique ne connaîtra plus jamais la sécurité avant que la Palestine ne la connaisse et que toutes les armées occidentales athées ne quittent les terres saintes de l'islam".

«... La mondialisation guerrière est effective dans l'affirmation d'un refus global de toute mondialisation souveraine. Aucune action militaire ne pourra mettre fin à cette haine. »
«... La mondialisation guerrière est effective dans l'affirmation d'un refus global de toute mondialisation souveraine. Aucune action militaire ne pourra mettre fin à cette haine. »

Mais il s'agit en réalité de s'inscrire dans un défi radical aux Etats-Unis (et moins au monde occidental), tant dans sa dimension militaire (contestation brutale de sa puissance, de sa technologie, de son "triomphe" militaire) que dans sa prétention à l'universalité. Ben Laden n'est qu'un "actant" qui a donné une forme (et force) concrète et médiatique au mécontentement des punis, faibles, frustrés et démunis de tous pays, ceux que Eric Hobsbawm nomme "les fils de la mondialisation", dont il n'est pour autant pas le porte-parole ; et qui tous haïssent d'autant plus les symboles de richesse américaine qu'ils les fascinent (dans une relation paradoxale de défiance / attirance). Ben Laden n'est pas le "moteur", il est le symbole d'un honneur retrouvé (voire d'une nouvelle "virilité" arabe). Même en se débarrassant de lui, d'autres prendront la relève, en restant sourd à tout discours modérateur. Il ne s'agit pas de nier en bloc une fascination, mais plus concrètement de définir une identité particulière au sein d'une mondialisation, voire de s'en approprier certains points. L'action est donc détachée de tout champ de bataille, le monde entier pouvant devenir demain son terrain d'application, globalisant cette violence terroriste. La mondialisation guerrière est effective dans l'affirmation d'un refus global de toute mondialisation souveraine. Aucune action militaire ne pourra mettre fin à cette haine.

Les réseaux de Ben Laden sont une partie de l'émergence d'une nouvelle conscience islamiste, internationale, et surtout transfrontalière, s'adossant sur les vétérans d'Afghanistan, les fameux "Afghans". Surtout, Ben Laden aurait réussi à fédérer autour de son mouvement Al-Qaeda (créé en 1988), le Djihad égyptien de Ayman Al-Zawahri, le groupe bengali d'Abdu Salem Muhammad, et le mouvement pakistanais de Fadi Errahmanne Khalil. Les connexions sont tout autant multiples avec des groupuscules singapouriens (groupe de la Jamaah Islamiyah), malais, mais aussi philippins (groupe Abu Sayyaf), et plus préoccupant encore, indonésien (milices Laskar Jihad).

Ces forces sont d'abord constituées de jeunes déracinés qui, tous, se radicalisent en Occident, dans une trajectoire de rupture avec leur pays, leur famille et leur pays d'accueil. La conversion à l'islam de ces jeunes se fait non pas vis-à-vis de Dieu mais se réalise dans une perspective de radicalisation violente et médiatique (ce quart d'heure de célébrité tant aspiré). Le problème est donc essentiellement pour nous ! Et ces bataillons, produits de la mondialisation et de la déterritorialisation, rejoignent sa vision sectariste quasi-millénariste, qui, pour autant, n'est qu'une vision "tiers-mondiste" contestataire somme toute classique.

La guerre de punis, d'humiliés, de ceux que nous nommions plus avant dans notre ouvrage, guerre de frustrés, de gueux, est une réalité. Et dans ce type de conflit, il n'y a pas d'innocents. Le terrorisme se nourrit du désespoir des frustrés, des laissés-pour-compte de la mondialisation, de la peur de la modernité, et de ses conséquences lorsqu'elle engendre pour part inégalité, exclusion et pauvreté. Djihad versus Mc World pour reprendre l'expression de Benjamin Barber. D'autant plus que le "spectacle" terroriste vise, non seulement à susciter l'effroi chez l'adversaire, mais aussi permettre l'adhésion émotive d'une part des foules. Or, Ben Laden n'est pas un politique, ce n'est pas un révolutionnaire (dans le sens propre du terme), il ne possède pas en propre de véritable stratégie, c'est un activiste. En ce sens, nous sommes condamnés à une escalade dans la terreur.

De plus, nous étions dans une phase où l'opinion publique continuait à demander les dividendes de la paix, puisqu'elle avait l'impression qu'il n'y avait plus de menace. Or, selon une belle formule, "la paix n'est pas l'absence de guerre". Plusieurs des aspects de cette crise vont engendrer une demande nouvelle de sécurité liée à la prise de conscience qu'un petit groupe d'individus déterminés peut utiliser la technologie de la société qui la produit pour la frapper. Cette demande se portera moins sur les avions qui servent à bombarder l'Afghanistan que sur une politique sécuritaire globale reposant notamment sur le contrôle des individus (le voisin parfait peut dissimuler un terroriste), de leurs communications (cryptographie, Internet, …) et de leurs agissements pour repérer les intentions d'actes criminels. Pour autant, la simplicité devrait être, tout autant que l'utilisation de la haute technicité, la source du recours à des armes inédites.

Nous sommes véritablement entrés dans une guerre asymétrique où les gueux du monde, dans l'impossibilité d'affronter les puissances guerrières riches sur un champ de bataille classique, devront "déformer" la guerre dans une série d'actions brutales, fugaces, répétitives, sans limites. La dépréciation stratégique de la guerre aboutit bel et bien, non au marasme des actes guerriers comme nombre d'experts le prévoyaient, mais au contraire à leur explosion en nombre et en horreur, en "brillance", car "la terreur, c'est du théâtre".

Des guerres terroristes existeront demain. Usant de sa faculté de décolonisation et de son caractère "épidémique" et "épidermique", le terrorisme utilise à la fois tout ce que les hommes, les arts et les sciences mettent à sa disposition. Il ne connaît alors aucune limite dans son action, car la force utilisée n'est pas le moyen de son expression mais son agent catalyseur propre. Il apparaît donc illusoire de croire à un principe de modération humanitaire en son sein. Nous pouvons, dès à présent, prévoir de nouvelles "scènes d'enfer" selon les mots du romancier japonais Kenzaburo Oè. Le guerrier terroriste recherche dans cette frénésie de la violence déployée, l'intensité et le soutien qu'il sent perdus. Cette violence terroriste, cette "monstrueuse affirmation de la certitude qui rend fou" selon les mots de Nietzsche, se développe d'elle-même par la suite, s'auto-reproduit et s'autogère.

Dès lors, les guerres terroristes de demain ne peuvent être perçues de façon isolées, mais comprises comme éléments d'une stratégie globale. Les modèles du XIXème siècle et du XXème siècle, dans lesquels le terrorisme était cloisonné, sont balayés. Le plan horizontal disparaît au profit d'une nouvelle dimension, celle du relief, de l'instantanéité, de l'ubiquité, de la profondeur. Le passage de la stratégie des échecs, frontale, pyramidale, hiérarchique, à celle du jeu de go, induisant une large volatilité dans l'espace, renforce le caractère déstabilisant de ce phénomène.

La mondialisation, c'est aussi le constat (désormais évident pour tous !) que nous ne possédons plus de frontières protectrices. Notre monde est interdépendant. Le guerrier est un protagoniste qui se généralise, se propageant dans tous les lieux, clos ou ouverts, protégés, lisses, civilisés ou barbares. La guerre, présente sourdement dans toutes nos sociétés, n'est plus imaginaire. La démence guerrière devient réalité.




Ludovic Woets    

woets.ludovic@wanadoo.fr    







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