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Le rôle de l'armée dans la sécurité nationale
remis en cause à l'occasion du G8

11 mai 2003


Protection des ambassades en 1999A

vec 5600 soldats engagés en appui des autorités civiles, l'armée jouera un rôle considérable à l'occasion du sommet du G8 à Evian. Pourtant, l'institution militaire est simultanément accusée d'en faire trop et trop peu. Comment en est-on arrivé là ?

Le chef de l'état-major général, le commandant de corps Christophe Keckeis, a lancé aujourd'hui un pavé dans la mare : en soulignant lors d'une interview accordée à la Sonntagszeitung le manque critique de moyens dont souffrent toutes les forces de sécurité nationales, il a eu le courage d'affirmer que l'interdiction de certaines manifestations devait être considérée. Selon le plus haut militaire du pays, l'image de la Suisse risque ainsi d'être durablement dégradée au cas où les casseurs peuvent donner libre cours à leurs ambitions violentes.


«... A l'été 1997, le Parlement a décidé d'interdire à toute formation non professionnelle de pratiquer le service d'ordre, réduisant du même coup l'utilité de l'armée. »


On peut sans peine supposer que ces propos seront condamnés sans aménité, car le franc-parler des officiers a le don d'irriter aussi bien la classe politique que les éditorialistes. Pourtant, les déclarations du chef de l'armée désigné ont valeur d'avertissement : même les militaires n'ont pas la capacité de remédier à toutes les lacunes des forces civiles. A l'heure où certains activistes dénoncent mécaniquement une prétendue militarisation de la sécurité intérieure, mais aussi où plusieurs commentateurs estiment ouvertement que l'armée reste incapable d'appuyer efficacement les autorités cantonales, c'est donc son rôle qui est remis en cause.



L'aveuglement des années 90

Le soussigné ayant eu accès à plusieurs informations détaillées et classifiées sur l'engagement de l'armée dans le cadre du G8, ce thème ne sera pas abordé. Au demeurant, il n'y a guère de mystère à rappeler que le principe des engagements subsidiaires de sûreté stipule que l'armée fournit des prestations en faveur des autorités civiles qui en ont fait la demande, celles-ci assurant la conduite des formations mises sur pied. C'est donc dire si les accusations des antimilitaires sont sans objet : non seulement les insuffisances des forces civiles expliquent le recours plus fréquent à l'armée, mais le Conseil fédéral lui-même a reconnu que le manque de moyens au niveau national nécessite au moins provisoirement un tel recours de manière usuelle. Tirant les conséquences de cette décision politique essentielle, le chef de l'état-major général a d'ailleurs ordonné en début d'année et à toute l'armée que les engagements priment désormais l'instruction en toute circonstance.

Il est en revanche nouveau que l'on reproche à l'armée de ne pas pouvoir participer directement au maintien de l'ordre. L'insistance des autorités à réaffirmer que les militaires engagés au G8 ne seront pas en contact avec les manifestants ne peut pas s'expliquer par la fusillade de 1932, malgré la mythologie qui entoure désormais cet événement d'un autre âge. En fait, le principal intérêt des cantons et des villes concernées par les manifestations prévues à l'occasion du sommet est d'utiliser l'armée comme une réserve de main d'œuvre peu coûteuse et de matériel à profusion pouvant pallier ponctuellement les lacunes de leurs propres services. Le savoir-faire éventuel des militaires en matière de sécurité intérieure ne les intéresse pas. La crainte ancienne des forces civiles d'être concurrencées par l'armée dans ce domaine n'est d'ailleurs pas étrangère à cela.

Les militaires suisses ont en effet prévu au début des années 90 que l'armée serait davantage engagée dans la sécurité intérieure. La création de l'infanterie de protection sous le nom de fusiliers territoriaux a été l'une des meilleures décisions de l'Armée 95 ; elle avait pour but de fournir aux autorités cantonales des formations spécifiquement formées à lutter contre les menaces infraguerrières par la garde d'ouvrages, la surveillance de secteurs, mais également le contrôle, la fouille et l'arrestation de personnes. Mieux, l'armée avait décidé de créer dans chaque bataillon de fusiliers territoriaux une à deux sections de grenadiers territoriaux, des soldats d'élite censés être capables de mener des engagements spéciaux comprenant la prise d'ouvrages d'importance nationale et la libération d'otages. L'intention initiale était clairement de donner au pays la capacité de contrer des menaces de type terroriste ou des formes aggravées de violence organisée.

Dans les faits, l'armée ne pouvait pas développer davantage qu'une capacité initiale : la durée raccourcie à 15 semaines des écoles de recrues, le rythme bisannuel des cours de répétition et l'ampleur des effectifs à former – soit 42 bataillons – étaient des entraves irrémédiables à toute capacité opérationnelle, même si on l'ignorait encore en 1995. Malgré cela, cette intention des militaires a suscité une levée de boucliers généralisée de la part des polices, et notamment de leurs unités d'intervention à l'époque rarement professionnelles, qui ont redouté une concurrence de l'armée et ont fait pression pour que celle-ci renonce à ses intentions. En même temps, les polices contemplaient avec une envie légitime les investissements matériels importants menés par l'armée en matière d'équipements individuels et collectifs – gilets pare-éclats, casques en kevlar ou encore matériel de signalisation – ainsi que l'acquisition de véhicules blindés à roues parfaitement adaptés aux engagements en-dessous du seuil de la guerre.

La discorde a duré pendant des mois, alors qu'en parallèle les premières lacunes de l'Armée 95 – largement axée sur ses 5 brigades blindées – avaient amené le Conseil fédéral à former la Commission d'études sur les questions stratégiques sous l'égide de l'ancien ambassadeur Edouard Brunner. L'affaire a finalement été tranchée à l'été 1997 par le Parlement, lorsque ce dernier a décidé d'interdire à toute formation militaire non professionnelle - à l'exception de la police militaire - de pratiquer le service d'ordre, en réduisant du même coup l'utilité de l'armée dans le cadre de la sécurité collective. Avec le recul, il serait aisé de blâmer sans réserve cet aveuglement caractérisé de la classe politique suisse ; mais il faut également rappeler que cette année-là, les militaires ont demandé aux Chambres la revalorisation complète et à prix d'or de toute leur flotte d'obusiers blindés – dont la moitié est aujourd'hui surnuméraire. Le refus des parlementaires d'accepter une option pour la troisième et dernière tranche d'obusiers était en effet une décision fondée. Autant dire que la cécité était pour le moins partagée.

A l'heure où des commentateurs blâment l'incapacité de l'armée à fournir des troupes de milice pleinement adaptées aux risques contemporains, il vaut la peine de noter que la création de l'infanterie de protection a permis à un noyau d'officiers et de sous-officiers de carrière de créer un savoir-faire en matière d'armes légères et de techniques d'intervention qui est reconnu sur le plan international. Les médias l'ignorent largement, mais l'armée suisse donne en fait depuis des années des cours notamment de technique de tir aux polices cantonales, au corps des garde-frontières et même à des membres de forces armées étrangères. Il va de soi que ce savoir-faire sera transmis à l'infanterie de l'Armée XXI, qui sera toute entière préparée aux missions de protection, et dont les compagnies en service long pourront intervenir avec un délai de quelques heures à partir du dernier trimestre de 2004. Et si cela ne sera pas suffisant pour faire face à des situations analogues au prochain G8, les autorités politiques auront au moins dans quelques années une option valable : la mise sur pied de troupes en service actif pour une mission de sûreté sectorielle.



Maj EMG Ludovic Monnerat    







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