L'essentiel de l'actualité militaire


Exposé guerre moderne


L'essentiel des livres







L'essentiel des liens militaires


Documents militaires


Toutes les dates des ER


Cliquez ici pour soutenir CheckPoint!


Toutes les unités actuellement en action


Le Swiss Army Theme pour Windows 95


Webring Armée suisse

Capacité, volonté et légitimité: vers une nouvelle appréciation des possibilités d'action

12 octobre 2003

Violence et médias, Cancun, 11.9.03C

omment planifier une action sécuritaire face à l'adversité multiple, changeante et graduée de notre époque? La doctrine militaire développée au fil des conflits conventionnels porte en elle une binarité contre-productive, et les acteurs non étatiques n'ont pas une appréhension globale des conflits. Cet article tente de montrer comment les capacités, les volontés et les morales fondent le contexte de l'action moderne.

Lorsque le futur général Verdy du Vernois s'aperçut que les précédents historiques ne parvenaient pas à le guider, sur le champ de bataille de Nachod en 1866, il résolut de faire table rase et de s'interroger avec une logique telle que sa méthode d'appréhension du problème - "Après tout, de quoi s'agit-il?" - reste aujourd'hui encore la première activité de toute planification. Pourtant, ses dilemmes seraient aujourd'hui familiers à tous les officiers d'état-major et à tous les commandants, qu'il s'agisse d'évaluer la puissance des troupes adverses, de penser la manœuvre qui donnera la supériorité ou, dans cette optique, d'exploiter au mieux le terrain. De Foch à Warden en passant par Fuller, Douhet et de Gaulle, les penseurs militaires du siècle dernier ont brillamment théorisé la guerre conventionnelle de l'ère industrielle et jeté les bases des doctrines appliquées de nos jours par les forces armées occidentales.


«... La particularité des conflits contemporains reste cette soumission quasi permanente des actions armées au jugement éthique d'autrui par le biais de l'information audio-visuelle de masse. »


Depuis cinquante ans, celles-ci accumulent pourtant les succès sans lendemain ou les échecs cuisants face à des adversaires nettement inférieurs. En 1960, l'armée française avait gagné la guerre d'Algérie déclenchée par le FLN, mais au prix de méthodes aliénant l'opinion publique nationale et précipitant l'échec stratégique. En 1968, les militaires américains et sud-vietnamiens ont remporté une éclatante victoire dans la bataille du Têt, mais leur optimisme déplacé et l'antagonisme des médias l'ont transformée en défaite. Dans le Liban de 1983, il a suffi de deux attentats particulièrement meurtriers pour épuiser la volonté des gouvernements américain et français et déclencher le retrait de leurs contingents. En 1991, les divisions lourdes américaines étaient sur le point d'écraser la Garde républicaine irakienne, lorsque les images de "l'autoroute de la Mort" ont amené le président Bush à déclarer un cessez-le-feu unilatéral et à amputer une victoire écrasante. En 2002, les soldats de Tsahal ont gagné la bataille de Jénine avec un minimum de pertes civiles, mais les frustrations et les préjugés des médias ont annulé ce succès. On pourrait multiplier les exemples au Kosovo, en Bosnie, en Somalie ou au Sud-Liban.

Un tel nombre de déconvenues, qui n'est pas le fruit du hasard, ne doit rien à l'éloignement des forces et n'indique aucun affaiblissement de l'Occident dont, au contraire, l'expansion commerciale et culturelle se poursuit sans relâche. Les échecs de l'Union soviétique en Afghanistan, de l'Inde au Cachemire, de l'Indonésie au Timor, de la Russie en Tchétchénie ou du Mexique au Chiapas montrent au demeurant que nous n'en avons pas le monopole exclusif. Ces déconvenues trahissent simplement les lacunes béantes d'une doctrine dépassée. Construites, équipées et entraînées pour faire face à un adversaire comparable et clairement défini, les formations militaires peinent à intégrer la diversité des acteurs et la fluctuation des menaces qui caractérisent désormais leur environnement opérationnel. Les principes implicites de la guerre totale, comme la dichotomie ami/ennemi, la légitimité incontestée de l'action militaire ou la maximisation de la violence armée sont aujourd'hui les prémices d'un désastre. Nous sommes tout aussi empruntés que Verdy du Vernois, mais notre champ de bataille est formé de sociétés entières, composites et mutantes. Toute la question de l'adversité doit être repensée.



Une méthode obsolète

L'évaluation des possibilités d'actions adverses est un élément central de toute planification. Traditionnellement, le renseignement militaire se concentre sur les moyens disponibles en personnel et en matériel pour en déduire les capacités des forces opposées; l'intention de leurs chefs est prudemment délaissée, en vertu du principe qu'il est plus simple - donc bien plus probable - de changer d'intention qu'obtenir des capacités différentes. Face à des formations armées régulières, organisées en fonction d'une mission, unifiées par une doctrine homogène, cherchant à atteindre les buts stratégiques fixés par l'échelon supérieur et astreintes aux lois de la guerre, cette méthode a fait ses preuves. Le nombre d'actions susceptibles d'être entreprises par une brigade mécanisée, une escadrille de chasseurs-bombardiers ou une frégate lance-missiles reste limité. Les performances de leurs équipements peuvent être quantifiées dans l'espace et dans le temps, numérisées avec précision et utilisées dans une simulation informatique. Sans le fracas et les plaies du combat, la guerre conventionnelle serait un idéal arithmétique.

Pourtant, de tels adversaires sont aujourd'hui l'exception. Les conflits contemporains sont avant tout le fait de forces irrégulières, d'unités paramilitaires, de bandes armées ou de groupes terroristes. Ils sont principalement provoqués par la démagogie de leaders ambitieux, par la haine ethnique, idéologique ou religieuse, par la rareté relative des ressources. Incapables de défier frontalement des formations gouvernementales, les combattants irréguliers diversifient leurs modes opératoires au-delà de toute règle d'engagement; ils utilisent l'attaque des populations civiles, la destruction de biens publics ou privés et le spectacle de la violence comme des pratiques usuelles. Et nos sociétés post-industrielles regorgent de vecteurs permettant de frapper les chairs, les cœurs et les esprits. Un avion de ligne, une salle de théâtre, un haut lieu touristique ou un superpétrolier peuvent devenir des outils stratégiques au même titre qu'un missile balistique, un satellite de reconnaissance ou un traité international. La quantification des moyens ne parvient plus à cerner les actions possibles.

L'environnement dans lequel s'inscrivent les conflits possède une interactivité et une diversité qui rendent caduque toute vision symétrique. Quel que soit l'endroit où des forces étatiques sont engagées, un nombre incalculable de structures et de personnes sont concernées ou touchées par leur action, aussi bien sur place que dans le pays d'origine si ce dernier diffère. De l'organisation non gouvernementale à l'activiste individuel en passant par l'entreprise multinationale, le média audio-visuel ou le réseau criminel, tous peuvent influer sur les effets recherchés par les forces et mettre ainsi en péril ou favoriser leur mission. A cet éventail d'acteurs se conjugue celui de leurs positions, qui oscillent entre l'opposition, la neutralité et l'amitié, et dont les nuances peuvent être aussi fines qu'instables. Avec le développement technologique, n'importe quel individu est aujourd'hui en mesure d'influencer le déroulement d'un conflit ou la résolution d'une crise. Désigner un adversaire précis et écarter tous les autres protagonistes d'une action n'est plus concevable.

Enfin, le tempo et l'intensité des conflits modernes sont à l'opposé des guerres conventionnelles. De nos jours, les forces gouvernementales ne doivent pas réagir à des engagements tactiques s'enchaînant à grande vitesse, mais prévenir des actions d'ampleur stratégique largement espacées dans le temps. La portée et la précision des armements modernes ont raréfié et raccourci les conflits symétriques, en donnant aux armées digitalisées un avantage déterminant, dès lors qu'elles peuvent déployer toute leur puissance. En contrepartie, l'évolution des technologies, en particulier des communications, a permis aux formations irrégulières de projeter et de coordonner leurs effets au niveau mondial et d'élargir la palette des actions asymétriques. Un nouveau type d'adversaire, multiforme et transnational, est né au cours du XXe siècle. Il est devenu possible d'infiltrer une société puis de frapper, n'importe où et n'importe quand, des objectifs érigés en symboles. Devenus secondaires, les moyens ne fournissent plus d'indication décisive. La complexité de l'esprit humain doit être prise en compte.



Une doctrine inexistante

De manière instinctive ou empirique, le lien entre les opérations armées et la psychologie de l'homme a toujours été établi: les hurlements cadencés des légionnaires romains lançant le pilum, les roulements de tambours Taiko des armées nippones, la répugnance de l'infanterie suisse à faire des prisonniers, les interminables barrages d'artillerie sur les tranchées, les sirènes actionnées par les Stuka allemands et les tracts largués par les Alliés dans le désert irakien ont tous eu pour effet d'impressionner et d'affaiblir l'adversaire. De même, certaines manières de combattre visent explicitement à saper la volonté du camp adverse, comme le sus au roi ennemi de la cavalerie macédonienne, le ciblage des officiers anglais durant la guerre d'indépendance américaine ou les raids opératifs sur les arrières caractérisant le Blitzkrieg. La constitution même des formations a été dictée autant par l'efficacité physique que par l'impact psychologique. C'est pourquoi les concentrations de soldats épaule contre épaule ont joué un tel rôle dans l'histoire de la guerre terrestre.

Il n'existe pourtant pas de théorie militaire générale prenant en compte les facteurs immatériels au même titre que les facteurs matériels; c'est aux grands capitaines et aux esprits inventifs que nous devons nos connaissances de base en ce domaine. Napoléon avait coutume de dire que les facteurs moraux sont aux facteurs physiques ce que trois est à un, mais aussi qu'à la guerre, le moral et l'opinion sont plus de la moitié de la réalité. Une appréhension similaire de l'adversaire et de son propre camp se retrouve chez maints chefs de guerre célèbres, de Xénophon à Dayan en passant par César et MacArthur, dont les actions et les écrits restent riches d'enseignements actuels. Par ailleurs, les études d'Ardant du Picq sur le combat ont inauguré les recherches sur le comportement et la psychologie du combattant, poursuivies notamment aux Etats-Unis sous l'égide de l'historien S. L. A. Marshall. Elles ont permis de mieux comprendre des éléments comme le stress post-traumatique ou la cohésion tactique. Plus récemment, les réflexions du général Francart sur l'action dans les champs psychologiques ont largement consolidé les bases d'une doctrine encore à venir.

Les adversaires asymétriques de notre époque, pour leur part, emploient spontanément des effets immatériels pour compenser leur infériorité matérielle. Le terrorisme, la guérilla et l'activisme, violent ou non, s'appuient sur des moyens restreints pour obtenir un impact disproportionné: les 500000 dollars investis dans la préparation des attentats du 11 septembre ont infligé 200 milliards de dollars de pertes aux Etats-Unis en une année, alors qu'une campagne éthique ciblant les gouvernements occidentaux a permis la signature de la Convention d'Ottawa, interdisant les mines antipersonnel pour les seules formations militaires. De plus, la charge émotionnelle des médias audio-visuels modernes peut être tellement puissante que "l'infosphère" est devenue une dimension prioritaire de chaque conflit, et plusieurs organisations activistes ou terroristes ont établi des principes d'emploi tenant compte des besoins et des capacités propres aux médias, au point que la mise en scène tend parfois à supplanter l'information. Ce qui entraîne parfois des retours brutaux à la réalité, dans les urnes ou sous les bombes.

En effet, les acteurs non étatiques n'ont pas une meilleure compréhension des conflits modernes: des connaissances périssables et relatives, issues de l'expérience, ne constituent pas, à elles seules, une doctrine digne de ce nom. Malgré toute la rhétorique sur la guerre révolutionnaire en vogue dans les années 50 et 60, les guérillas atteignent rarement leurs objectifs stratégiques; aujourd'hui, elles sont des organisations plus criminelles que politiques. Furieusement à la mode dans les années 70 et 80, le terrorisme n'est pas davantage couronné de succès dès lors que ses buts ne sont pas strictement limités. De plus, les convictions irrationnelles qui ont fait massacrer des armées entières, comme "l'esprit offensif" du colonel de Grandmaison ou le "souffle divin" des soldats de Tojo, ont aujourd'hui ressurgi en d'autres lieux sous la forme du martyre islamiste et du fanatisme idéologique. L'appréciation de la situation ne s'accommode pas plus des préjugés que du conformisme, et le rôle des facteurs humains doit être clarifié.



Capacité, volonté et légitimité

En fait, la doctrine militaire évolue de manière à intégrer la complexité des conflits contemporains. Nouvelles dans notre armée et issues de l'OTAN, les notions de centre de gravité, de point décisif et de point névralgique permettent l'élaboration de lignes d'opérations distinctes et parallèles, recherchant des effets matériels ou immatériels, en vue d'atteindre un état final clairement défini. Dans la Conduite opérative XXI, on distingue ainsi les opérations terrestres, aériennes, spéciales et informationnelles. Mais ce découpage constitue avant tout un outil structurel rationalisant la planification et facilitant l'attribution des missions. Même avec une compréhension avérée de la situation, il reste étroitement dépendant de l'appréciation, et celle-ci doit tenir compte des facteurs politiques, économiques et sociétaux qui forment le cadre de la stratégie militaire. C'est par conséquent la nature même des conflits et de leurs acteurs qui doit être comprise.

En premier lieu, les capacités de destruction et de protection restent au centre de tout affrontement. Malgré les discours horrifiés des beaux esprits et la "judiciarisation" rampante de la guerre, la coercition et la violence déterminent toujours la vie des nations et de leurs citoyens. Elles apparaissent d'ailleurs trop rentables pour être dissuadées par les bons sentiments ou les aumônes. Les attentats terroristes de l'IRA à la City de Londres, au milieu des années 1990, ont infligé plus de 3 milliards de livres sterling de pertes; le pillage des ressources reste le principal motif d'instabilité en Afrique occidentale, alors que le chantage à l'arme nucléaire a fourni à la Corée du Nord 500000 tonnes de pétrole par an entre 1994 et 2002. Les sanctions économiques, les pourparlers diplomatiques et les condamnations pénales ne peuvent remplacer le déploiement d'une force armée crédible pour mettre fin à un conflit, empêcher son éclatement ou emprisonner ses fauteurs. Il s'agit donc, encore et toujours, d'identifier les moyens d'action disponibles, leurs emplacements potentiels et les délais inhérents à leur emploi.

Cependant, les capacités physiques demeurent vaines sans la volonté de les mettre à contribution. A tous les niveaux d'une structure impliquée dans un conflit, les individus doivent avoir les ressources psychologiques nécessaires pour agir, sous peine de subir en permanence les actions de leurs adversaires ou les événements de leur environnement. Un soldat terrifié par le feu adverse, un chef de corps hanté par les pertes subies, un général obnubilé par l'avis des médias ou un homme politique focalisé sur les sondages d'opinion perd, temporairement au moins, la volonté de prendre et de garder l'initiative. L'épuisement psychologique est un concept relativement récent dans son acception commune, mais le nombre d'acteurs impliqués dans les conflits armés rend son rôle plus important que jamais. Evaluer le comportement des individus nécessite de connaître leurs intentions, fondées par les inclinations et l'intellect, leurs besoins aussi bien physiques que psychoaffectifs, ainsi que l'influence de leur entourage ou de l'organisation qui les engage.

La volonté n'en est pas moins assujettie au devoir. Même le fanatisme suicidaire ne peut faire abstraction de certaines règles, le libre arbitre des individus est entravé et influencé par les valeurs morales qu'ils portent en eux et par celles des spectateurs qui observent leur comportement. La particularité des conflits contemporains reste en effet cette soumission quasi permanente des actions armées au jugement éthique d'autrui, en particulier de ses propres concitoyens, par le biais de l'information audio-visuelle de masse. Cette visibilité sans précédent est pourtant autant un facteur modérateur que déclencheur: le respect de valeurs données peut inhiber une résistance et leur violation la renforcer, alors que ces valeurs changent parfois diamétralement d'une culture à l'autre. Si la coercition armée est par exemple décriée par les élites européennes, elle suscite respect et obéissance sur d'autres continents ou dans d'autres sous-cultures. Pour prévoir les actions et les réactions d'une personne ou d'une entité, il faut donc connaître ses valeurs et sa culture, son histoire et ses précédents, ainsi que sa mission ou ce qui en tient lieu.



Les domaines d'action

Cette distinction entre les facteurs physiques, psychologiques et éthiques est essentielle à la compréhension de la guerre moderne, car elle définit les domaines d'action, les modes opératoires et les rapports de forces relatifs au centre de gravité visé. Ainsi, détruire prioritairement les capacités adverses correspond à une lutte du fort au fort et prend la forme de l'attrition, en privilégiant une élimination progressive des moyens en personnel et en matériel. Les grandes offensives à Verdun ou sur la Somme l'ont tristement illustré. En revanche, s'attaquer à la volonté de l'adversaire relève de la manœuvre et exige une action du fort au faible, en ciblant les composantes fragiles du camp opposé. Les armées régulières pratiquant des opérations dans la profondeur, mais également les guérillas visant les liens entre populations et gouvernements y recourent régulièrement. Enfin, épuiser les ressources morales de l'adversaire en l'amenant à contredire ses propres valeurs prend, face aux forces occidentales, la forme de l'inégalité, avec un affrontement du faible du fort ; les lanceurs de pierres de la première Intifada en sont l'un des meilleurs exemples, mais ces mêmes forces peuvent préserver leurs ressources en agissant avec proportionnalité, afin précisément de rompre l'inégalité.

Cette précision quant à la force affrontée est de première importance: la place de la morale dans un conflit est liée à la nature démocratique des Etats impliqués et à l'attention de leurs citoyens. Les nombreuses tyrannies plus ou moins marquées qui parsèment la planète contrôlent suffisamment l'information et leur population pour que le caractère éthique de leurs actions ne fasse pas l'objet d'un débat. Les démocraties libérales sont les seules à restreindre leurs capacités en fonction de critères moraux, et c'est pourquoi les stratagèmes visant à les y contraindre se multiplient: l'utilisation de boucliers humains, le positionnement de moyens militaires dans des lieux protégés ou leur mixité avec les non-combattants sont aujourd'hui des méthodes éprouvées pour compenser l'infériorité matérielle. Le fait qu'il s'agisse de violations flagrantes des Conventions de Genève rappelle avant tout que celles-ci ne s'appliquent dans les faits qu'aux forces régulières et que les conflits modernes ne connaissent pas l'égalité devant la loi.

Ce découpage, qui s'ajoute à l'articulation classique distinguant les niveaux stratégique, opératif et tactique, donne une palette complète des domaines d'action existants. Ainsi, dans le cadre d'un conflit régional, il est possible d'affaiblir simultanément la volonté d'un adversaire à l'échelon stratégique en ciblant ses dirigeants politiques et militaires dans leurs postes de commandement, de limiter ses capacités opératives en détruisant ses lignes de communication et ses dépôts logistiques, et de préserver sa propre stature morale en fournissant de l'aide humanitaire aux populations déplacées. De même, un adversaire asymétrique peut combattre une force armée démocratique sur son propre sol en l'amenant à commettre des actions disproportionnées sous l'œil des médias, ce qui va réduire son intégrité éthique, tout en dissuadant ses principaux chefs d'agir par l'émission de menaces sur leurs proches, et en menant constamment des actions tactiques limitées de blocage et de sabotage sur ses petites unités.

Au final, il apparaît que des actions utilisant la coercition armée et la maîtrise de la violence ne peuvent être pleinement couronnées de succès que si elles démontrent une supériorité matérielle, mentale et morale. Il est donc nécessaire de savoir ce que chaque entité présente dans un secteur d'engagement peut, veut et doit faire, c'est-à-dire connaître aussi bien ses moyens, son intention que ses règles. Une méthode simple et applicable sous pression de temps doit encore être élaborée. Face à l'enchevêtrement des acteurs caractérisant les environnements contemporains, l'énumération des possibilités d'action respectives ne peut cependant plus suffire, et c'est en élaborant des scénarios complets et en systématisant le wargaming itératif que les planifications d'emploi retrouveront une base solide pour la segmentation des actions parallèles.



Maj EMG Ludovic Monnerat    




Cet article a été publié initialement dans la Revue Militaire Suisse en septembre 2003, et l'auteur remercie son rédacteur en chef, le colonel Hervé de Weck, de l'avoir autorisé à le republier.








Haut de page

Première page





© 1998-2003 CheckPoint
Reproduction d'extraits avec mention de la provenance et de l'auteur