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Avec la publication de son plan directeur, l'armée XXI promet des réformes en profondeur qui suscitent l'enthousiasme, mais aussi certaines interrogations

3 mars 2001


Plan directeur de l'armée XXI

Enfin ! Après des mois d'attente, de spéculations et d'incertitude, le projet armée XXI est rendu public, grâce à la diffusion mardi 27 février de l'avant-projet du plan directeur. Ce document de 69 pages, présenté par le conseiller fédéral Samuel Schmid afin de susciter le dialogue et la concertation, confirme nombre d'éléments déjà annoncés et infirme certaines " révélations " et autres bruits de couloir.

Toutefois, une lecture détaillée et approfondie est nécessaire pour aller au-delà des grandes lignes et mesurer l'ampleur de la réforme et l'impact qu'elle aura sur l'organisation, le fonctionnement et les principes d'engagement de nos forces armées. Et si la plupart des innovations suscitent l'enthousiasme, doutes et interrogations parfois demeurent.

 

Un processus logique depuis 1996

Le plan directeur de l'armée XXI (PDA), rédigé sous la responsabilité du divisionnaire Zwygart, relève bien entendu d'un processus logique et transparent ; le rapport de la commission d'étude pour les questions stratégiques (Rapport Brunner), la création du groupe de coordination Armée 200X, le lancement du projet Armée suisse XXI, la rédaction du Rapport sur la politique de sécurité 2000 (RAPOLSEC 2000), l'acceptation par le peuple de la nouvelle constitution, la révision de la Loi sur l'armée et l'administration militaire, puis la rédaction des Directives politiques pour le plan directeur de l'armée XXI, suite aux travaux d'études effectués pendant près de 6 mois à la Maison XXI : en 5 ans, les fondations de la nouvelle armée ont été patiemment érigées, en privilégiant réalisme et concertation.

Véritable " livre blanc de la défense ", le PDA est donc la conséquence pour l'armée de la stratégie du Conseil fédéral en matière de politique de sécurité, c'est-à-dire la sécurité par la coopération. Il n'est cependant pas étranger au projet USIS, le réexamen du système de sûreté intérieur de la Suisse, tout en étant naturellement coordonné avec la réforme de la Protection de la population. Sur le plan de sa génération politique, le projet armée XXI dénote donc la cohérence. Reste à savoir s'il répond également à la logique militaire.

 

But : organiser l'armée jusqu'à l'horizon 2010

Le PDA a pour but d'exposer la manière dont l'armée doit accomplir sa mission durant les quelques 10 années à venir. Les 3 composantes de cette mission, ainsi que le contexte général dans lesquelles elles s'inscrivent, ont été clairement définies dans le RAPOLSEC 2000 et il est inutile d'y revenir. Le PDA fournit néanmoins un aperçu pertinent de l'évolution de la chose militaire, auquel la documentation " Le combat moderne en Europe " n'est certes pas étrangère, en particulier sur les " progrès foudroyants des techniques d'information " et l'importance nettement accrue de la protection des forces armées. Il définit également 5 principes clés pour les engagements militaires au XXIe siècle : la priorité à l'être humain (minimisation des pertes), l'anticipation (valeur du renseignement), la proportionnalité (maîtrise de la violence, réduction des dommages collatéraux), la focalisation (concentration des moyens dans l'espace et dans le temps grâce à l'information) et la modularité (composition des formations selon l'engagement).

Les conséquences de la constitution fédérale sur l'organisation de l'armée sont par ailleurs dignes d'attention. En effet, pour les missions exigeant un degré élevé de préparation et haut niveau d'instruction, la création de formations d'action rapide (FARA), composées de professionnels, de militaires contractuels et de militaires en service long (recrues effectuant 300 jours de service en un bloc), est compatible avec le principe de l'armée de milice. En revanche, priver par principe des cadres de milice de commander des bataillons ou unités exigerait une révision de la constitution, c'est qui est exclu.

La pondération des missions de l'armée, enfin, résout l'antagonisme entre le temps de paix, de crise et de guerre. Alors que la mission " engagements de sûreté sectoriels et défense " reste la plus importante, notamment parce que seule l'armée peut la remplir, celle-ci doit cependant être prioritairement en mesure, en situation normale, de fournir ses contributions au soutien à la paix et à la gestion de crises, ainsi que d'assurer des engagements subsidiaires dans la maîtrise et la prévention des dangers existentiels. L'urgence dicte la priorité.

 

Les conséquences de la mission

La nouvelle pondération de ces composantes a pour l'armée des conséquences claires et exigeantes. Si l'armée doit toujours être – dans son ensemble – multifonctionnelle, elle doit adopter pour ses formations et leur personnel une disponibilité échelonnée afin d'accomplir des missions sans délai (engagements subsidiaires, actions d'aide humanitaire), avec un délai de quelques mois (soutien à la paix et gestion de crises, engagements de sûreté sectoriels) ou de quelques années (défense).

L'aptitude à la collaboration suppose par ailleurs l'interopérabilité de nos formations, avec des organismes civils en Suisse ou des Forces armées étrangères, ce qui nécessite l'amélioration d'une instruction davantage axée sur l'aptitude à l'engagement, et le lancement d'un processus de modernisation permanente. Le projet armée XXI devrait donc être la dernière réforme de l'armée – celle-ci devant par la suite être constamment adaptée à la situation, aux besoins comme aux enseignements de ses engagements (" learning organisation ").

 

Vers une nouvelle doctrine militaire stratégique

Naturellement, la stratégie nationale en matière de politique de sécurité et l'environnement aussi bien stratégique, politique que technologique nécessitent l'adoption d'une nouvelle doctrine militaire stratégique. Le PDA définit ainsi des engagements statiques, les missions de protection (de la population, du territoire, de l'espace aérien ou des intérêts nationaux), et des engagements dynamiques, les interventions (prévention et maîtrise des dangers existentiels ou opération militaire de défense) ; mais toutes deux peuvent être accomplies à titre préventif ou en réaction à un événement, de manière autonome ou en collaboration avec des Forces armées étrangères.

Ces engagements peuvent être effectués dans deux contextes : l'environnement stratégique – l'Europe –, où l'armée contribue au maintien de la paix et apporte une aide en cas de catastrophe ; et le territoire suisse, où l'armée accomplit des engagements de sûreté sectoriels et mène le combat, au besoin en collaboration avec d'autres Etats dans la perspective d'une défense commune, tout en contribuant à prévenir et à maîtriser les dangers existentiels.

On notera donc l'abandon de la notion d'avant-terrain opératif, pourtant introduite par les Directives politiques pour le PDA, et dans lequel le Conseil fédéral voulait engager dès que possible, en cas d'agression contre le pays et donc de non-respect de notre neutralité, des troupes suisses en collaboration avec d'autres forces. Du point de vue militaire, une telle suppression n'a pas de sens : mener le combat terrestre à partir de la frontière, c'est exposer le territoire national aux destructions du feu opératif terrestre adverse – et donc la quasi-totalité de la Suisse et de sa population. Nous verrons cependant que la capacité à mener des opérations dans la profondeur relativise cet abandon, que les polémiques politiciennes de certains partis gouvernementaux expliquent peut-être.

 

Nouvelles capacités de l'armée

A l'adoption d'une nouvelle doctrine répond naturellement la définition de nouvelles capacités. La protection des intérêts suisses nécessite ainsi la capacité d'évacuer des citoyens suisses menacés à l'étranger, alors que l'encadrement de missions de soutien à la paix suppose une capacité de déminage humanitaire, de contrôle des forces armées, de désarmement et d'instruction de militaires étrangers. L'analyse des menaces symétriques et asymétriques entraîne par ailleurs une emphase particulière sur la guerre de l'information, et notamment l'utilisation de l'environnement global de l'information et la protection de l'infrastructure informatique.

D'autre part, la coopération avec l'étranger dans le cadre de l'instruction doit permettre, non seulement de suivre un entraînement dans de meilleures conditions que dans les limites de nos frontières (entraînement au combat, instruction en formation à partir de l'échelon bataillon/groupe, collaboration au sein d'états-majors internationaux), mais également de comparer le niveau d'instruction de nos formations avec leurs homologues étrangères. Or cette comparaison implique la conduite d'exercices en commun, où les formations en question sont opposées (exercices " force on force ") dans le cadre de leurs missions prioritaires.

 

Soutien à la paix : un bataillon dès 2010

Prioritaire en situation normale au même titre que les engagements subsidiaires liés aux dangers existentiels, le soutien à la paix doit faire l'objet d'un développement. Même si la participation à des actions d'imposition de la paix reste exclue, l'objectif fixé par le PDA en ce domaine est clair : notre armée doit continuer à s'associer à des opérations de soutien à la paix avec une unité renforcée dans le cadre d'une Grande unité multinationale (comme c'est le cas au Kosovo), mais aussi être capable à moyen terme de participer pour une durée indéterminée à de telles opérations avec un bataillon d'infanterie renforcé, responsable de son propre secteur d'engagement. L'engagement de 2 unités renforcées dans 2 missions différentes est également prévu.

La mise en oeuvre de cet objectif comprend deux volets. D'une part, dès 2003, l'armée pourra garantir une participation sans restrictions à des opérations de soutien à la paix en cours, ce qui implique la poursuite du recrutement de personnel ; d'autre part, dès 2010, elle pourra disposer de suffisamment de soldats volontaires (militaires contractuels, éventuellement en service long) et de cadres professionnels pour assurer la disponibilité en personnel qualifié pour ce type d'engagement.

 

Opérations de combat dans la profondeur

Les engagements de sûreté sectoriels permettent de maîtriser une situation de crise aiguë et d'empêcher une escalade de la violence ; l'armée devra être en mesure de faire face à plusieurs engagements parallèles, qui se résument pour l'essentiel à la protection de secteurs-clés et de l'espace aérien, avec 2 à 3 brigades et les moyens des Forces aériennes. Pour la défense, elle engagera de 6 à 8 brigades de combat et les formations d'appui et logistiques nécessaires. Dans les deux cas, les opérations peuvent être menées en collaboration avec des Forces armées étrangères, si l'ampleur de la menace justifient une telle décision du Conseil fédéral et si la neutralité de notre pays devient caduque.

L'armée devra par ailleurs être capable de mener le combat à la fois dans la zone arrière (protéger des objectifs importants et la population civile), dans la zone de contact (intercepter et anéantir l'adversaire) et dans la profondeur (combattre les moyens de conduite, de combat, d'appui et de logistique adverses). Ceci est naturellement conforme à la doctrine de l'OTAN, qu'il s'agisse de la distinction deep / close / rear operations, ou de la séparation des forces entre combat, combat support (appui) et combat service support (logistique).

La capacité de mener le combat dans la profondeur nécessite cependant un important développement, puisque le feu et l'exploration dont notre armée dispose actuellement n'en sont que marginalement capables. Pour les Forces terrestres, il s'agit donc de donner à l'artillerie les moyens de frapper à une plus longue distance, ce qui impliquera probablement l'acquisition de lance-roquettes multiples, de radars de contre-batterie et de drones intégrés à un système de commandement et de contrôle ; pour les Forces aériennes, il s'agit de combattre des objectifs au sol tout en s'affranchissant des défenses antiaériennes adverses, ce qui nécessitera probablement l'acquisition de chasseurs-bombardiers F/A-18 supplémentaires et de munitions intelligentes (missiles ou bombes guidées).

 

Nouvelle défense : active et mobile

Mais la manière dont la nouvelle armée entend mener le combat en défense va également évoluer de manière drastique. Le conflit entre " mobiles " et " statiques " des années 50, la défense statique tous azimuts de l'armée 61 et le concept bancal de défense dynamique introduit avec l'armée 95 trouvent ici leur épilogue : conduite de manière " active et mobile " par les Forces terrestres et aériennes, la défense de l'armée XXI combinera des opérations d'attaque, de retardement et de défense, exécutées par des formations sur mesure, disposant de moyens de feu à longue portée et de moyens de combat mobiles. En d'autres termes, le but de la défense ne sera plus de tenir le terrain, mais bien de s'appuyer sur celui-ci pour anéantir l'adversaire. Ce qui explique la valeur militaire d'un avant-terrain opératif – permettant l'interception les forces adverses le plus tôt possible.

L'articulation concrète de la défense, bien entendu, est elle aussi nouvelle. A l'avant du dispositif, des formations de sûreté permettront de déceler l'intention de l'adversaire, de le tromper et de l'user, créant ainsi les conditions favorables pour l'action des forces principales ; celles-ci comprendront des brigades d'infanterie, qui devront ralentir et canaliser l'adversaire vers des secteurs favorables à l'engagement des brigades blindées, lesquelles devront emporter la décision. L'ensemble du combat sera appuyé par l'artillerie, qui devra également détruire les moyens de feu adverses.

 

Appui mutuel des grandes unités

L'innovation fondamentale, dans la manière de mener le combat défensif, réside en fait dans l'appui mutuel des grandes unités entre elles, c'est-à-dire dans leur action commune au sein d'un plan d'opérations. Rien de commun donc avec la défense dite dynamique de l'armée 95, où le régiment d'infanterie attend que ses bataillons de fusiliers enterrés soient presque enfoncés pour déclencher son bataillon de fusiliers mécanisés derrière leurs positions, où la division de campagne attend que ses régiments d'infanterie soient presque enfoncés pour déclencher ses bataillons de chars (dont un a depuis été dissous) derrière leurs positions, et où le corps d'armée attend que ses divisions de campagne soient enfoncées pour déclencher sa brigade blindée derrière leurs positions.

En fait, seule une défense mobile permet la concentration de moyens et de feu à même d'obtenir la décision. Ce qui aura naturellement des conséquences profondes sur le commandement ou encore la conduite des mouvements, et donc sur les formations capables d'être mobiles sur le champ de bataille, au niveau tactique et opératif. Rien d'étonnant donc si certaines armes traditionnelles, comme les cyclistes ou le train, sont appelées à disparaître : le combat moderne ne leur laisse aucune place.

 

Engagements subsidiaires : nouvelles prestations

Dans le domaine des engagements subsidiaires, l'armée fournira également aux autorités civiles de nouvelles prestations, davantage en rapport avec les dangers actuels. En cas de sinistre, l'armée pourra ainsi engager une compagnie d'aide en cas de catastrophe (une unité d'intervention composée de militaires de métier et en service long), au maximum deux compagnie d'infanterie (militaires en service long) ainsi que des moyens des Forces aériennes. Si ces moyens se révèlent insuffisants, d'autres troupes en service d'instruction pourront également être engagées.

En cas de menace, l'armée pourra également procéder simultanément à plusieurs engagements de sûreté :


Dans un délai de quelques jours, protéger des personnalités (par des militaires de métier de la police militaire) et évacuer des citoyens suisses à l'étranger (pour lequel sera notamment créé un détachement dit d'exploration de l'armée, composé de militaires de métier), avec l'appui des Forces aériennes ;


Dans un délai de quelques semaines, appuyer le Corps des garde-frontières avec jusqu'à 3 bataillons de police militaire (militaire de métier et militaires de milice en cours de répétition) et 2 compagnies d'infanterie (militaires en service long), effectuer des missions de défense en cas de menace grave à la sécurité intérieure avec jusqu'à 2 bataillons de police militaire (militaires de métier uniquement), ou protéger des ouvrages ou des personnes, en Suisse comme à l'étranger, avec des détachements de la police militaire. Selon les cas, les Forces aériennes appuieront également ces formations.



Structures : un chef de l'armée

Le principe du maintien d'une structure identique entre temps de paix, de crise ou de guerre, inscrit dans les Directives politiques pour le PDA, aboutit à une conséquence logique : l'armée XXI aura un chef militaire unique, avec le grade de commandant de corps, qui sera responsable du développement et du commandement de l'armée. Il conduira les Forces terrestres et aériennes, le commandement de l'instruction supérieure des cadres et disposera de l'Etat-major général, qui fera office aussi bien d'état-major de conduite de l'armée que d'état-major personnel.

Toujours en matière de structures, le principe de la séparation entre engagement et instruction a été pleinement appliqué, dans la mesure où, pour les Forces terrestres, un Chef de l'engagement aura le commandement des brigades d'engagement (engagements militaires) et des zones territoriales (engagements subsidiaires), alors qu'un Chef de l'instruction commandera les formations d'application (FOAP). Les états-majors des brigades et des zones, constitués majoritairement de cadres de milice, seront responsables de la conduite des engagements, mais aussi de l'instruction des formations à partir de l'échelon bataillon/groupe attribuées en vue de ces engagements. Les formations d'application, comprenant pour l'essentiel des cadres de métier et contractuels, seront pour leur part responsables de l'instruction individuelle, spécifique et en formation jusqu'au niveau de la compagnie renforcée, mais également du développement de la doctrine, de la formation des cadres et de l'introduction de nouveaux systèmes d'armes.

 

Répartition des formations d'application

Au sein des deux Forces, la répartition exacte des formations d'application suscite bien entendu un grand intérêt, dans la mesure où elle touche aux armes, avec tout leur contenu subjectif et émotionnel. L'organisation de l'instruction dans les Forces terrestres sera la suivante :


Une formation d'application de l'aide au commandement, instruisant les bataillons du quartier général, d'aide au commandement, de transmissions, d'ondes dirigées et de reconnaissance électronique ;


Deux formations d'application d'infanterie (est et ouest), instruisant les bataillons d'infanterie et d'exploration, sous la conduite d'un divisionnaire auxquels sont également subordonnés un régiment de grenadiers, le Centre d'instruction de l'infanterie et le Centre d'instruction pour le combat en montagne ;


Une formation d'application de chars, instruisant les bataillons de chars et d'exploration ;


Une formation d'application de l'artillerie, instruisant les groupes d'artillerie et l'artillerie de forteresse ;


Une formation d'application du génie et de sauvetage, instruisant les bataillons de sapeurs de chars, du génie, des pontonniers et d'aide en cas de catastrophe, les spécialistes AC, les compagnies d'aviation et les états-majors d'ingénieurs ;


Une formation d'application de la logistique ainsi qu'une brigade logistique, instruisant et engageant les bataillons stationnaires et mobiles de la logistique en général ;


Une formation d'application de la police militaire, instruisant les formations territoriales, mobiles et spéciales de la police militaire, dont les bataillons professionnels comprendront les membres de l'actuel Corps des garde-fortifications.


Pour les Forces aériennes, dont la séparation entre instruction et engagement est appliquée de manière comparable, trois formations d'applications sont créées : une pour les troupes d'aviation (comprenant également les groupes de drones et la compagnie d'éclaireurs parachutistes), une pour la défense aérienne et une pour l'aide au commandement.

 

Les armes qui passent à la trappe

Un certain nombre d'armes et de formations spécifiques seront donc supprimées avec l'armée XXI. Dans les armes de combat, les troupes cyclistes, du train et de chars équipés du modèle 68/88 seront complètement dissoutes, alors que les bataillons mécanisés actuels seront démantelés. L'infanterie spécifiquement territoriale et l'infanterie non motorisée, de campagne comme de montagne, seront également supprimées, mais leurs compétences existeront toujours dans une infanterie unique, sur la base de l'infanterie mécanisée actuelle. Dans les armes d'appui, enfin, les groupes d'obusiers blindés non revalorisés et des parties de l'artillerie de forteresse seront également supprimés.

La mobilité sur le champ de bataille et les exigences en matière de protection, qui nécessitent des véhicules blindés, sont bien entendu la cause principale de ces dissolutions, qui néanmoins suscitent et susciteront des récriminations compréhensibles à défaut d'être légitimes. Mais les lacunes de notre doctrine actuelle en matière de défense et l'objectif de l'interopérabilité sont des arguments incontournables.

 

Organisation de l'instruction

L'évolution de l'instruction, au même titre que les effectifs de l'armée, a déjà fait l'objet de plusieurs communications ; rappelons brièvement ses principaux éléments : une instruction de base prolongée à 24 semaines dirigée par des militaires de métier, une instruction des cadres orientée sur la planification d'engagement et la conduite des formations, des cours de répétition annuels orientés sur l'instruction en formation et le combat interarmes. Le concept des militaires en service long, effectuant 10 mois de service en un bloc et donc disponibles pour des engagements pendant leurs 4 derniers mois, est lui aussi connu. Un point mérite d'être souligné : dans l'armée XXI, les 2 premiers mois d'instruction de base seront identiques pour toutes les recrues – au lieu donc de 3 semaines.

L'instruction des cadres mérite quelques remarques. Les futurs cadres seront sortis du rang après les 2 premiers mois d'instruction de base ; les sous-officiers et sous-officiers supérieurs effectueront ensuite 6 mois de formation de cadres intégrant un service pratique, puis 2 mois d'instruction en formation, alors que les officiers subalternes effectueront 4 mois supplémentaires de formation de cadres. Pour les officiers de grade supérieur, il faut noter le retour du service pratique (2 mois) pour les futurs commandants de bataillon, les âges approximatifs de promotion tournant autour de 28 ans pour un commandant d'unité, 36 ans pour un commandant de bataillon et 45 ans pour un commandant de Grande unité. Il convient enfin de noter que l'âge de libération des obligations militaires s'élèvera dans un cas normal à 30 ans pour un soldat, à 36 ans pour un sous-officier et un officier subalterne, et au plus à 45 ans pour un capitaine ou un officier supérieur.

Fondamentalement différente de l'armée 95, l'armée XXI promet ainsi d'être une véritable révolution, et pas seulement dans le domaine de l'instruction. Sa transformation progressive est donc capitale et s'effectue en trois phases : préparation de 2000 à 2002, réalisation de 2003 à 2004, et consolidation dès 2005. Concrètement, l'instruction des cadres à l'armée XXI commencera dans le dernier trimestre de 2002 et l'instruction de base dès le début de 2003, alors que les cours de répétition dans les Forces terrestres s'effectueront encore sous le régime de l'armée 95 en 2003.

 

Points critiques et doutes sur l'armée XXI

Toutes ces innovations promettent encore d'innombrables contestations et arguties, même si elle suscitent également l'enthousiasme chez tous les cadres au fait des insuffisances de l'armée 95. Cependant, un certain nombre de points critiques, de faiblesses et d'inquiétudes apparaissent à la lecture du PDA. Mentionnons notamment les éléments suivants :


L'accroissement en effectifs de militaires professionnels, en particulier d'officiers et de sous-officiers de carrière, constitue l'un des facteurs décisifs du succès de l'armée XXI. Pour les officiers, les exigences de l'interopérabilité font ainsi évoluer le profil de recrutement et le rapprochent très clairement de celui des cadres intermédiaires et supérieurs des entreprises multinationales. L'armée a-t-elle pleinement conscience de la difficulté de recrutement de tels cadres ? L'absence d'une véritable campagne de recrutement, à moins de 2 ans du lancement de l'armée XXI, ne permet pas de le penser.


Le rythme de l'instruction de base en trois départs par année, permettant d'assurer des missions de longue durée avec la rotation des contingents de militaires en service long, impose un strict contingentement des effectifs. Avec 3000 militaires en service long par année et une répartition précise en certaines troupes clés (infanterie, génie/sauvetage, logistique), la liberté de choix des recrues sera très réduite. Dans la mesure où les cantons continueront d'organiser le recrutement, quelle autorité aura la vision d'ensemble et la compétence de décision en matière d'effectifs, avec les convocations, les dispenses et les fractionnements de service prévus pour les étudiants ?


Les dissolutions de formations surnuméraires ou obsolètes amèneront la mise au rebut de matériel ancien, mais pas d'équipements achetés ou modernisés récemment. Cela laisse penser que les structures des bataillons et groupes seront dictées au moins autant par la volonté d'utiliser tout le matériel existant que par des considérations tactiques. Peut-on par exemple vraiment justifier le maintien de 300 chasseurs de chars et de 320 véhicules d'exploration, par rapport à 370 chars de combat, à 186 chars de grenadiers chenillés modernes et à 500 chars de grenadiers à roues ? Il reste à souhaiter que les structures définitives des modules bataillonnaires fassent l'objet d'études pratiques avant d'être adoptées, avec une véritable unité de doctrine.


L'unité de la doctrine opérative et surtout tactique ne paraît cependant pas assurée. En effet, comment imaginer un développement efficace de la doctrine d'engagement de formations constituées sur mesure alors que chaque formation d'application est précisément responsable non seulement d'un tel développement, mais aussi des essais et acquisitions ? Avouons qu'une séparation entre chars et infanterie, à l'heure où justement toute l'infanterie devient mobile, reviendrait par exemple à perpétuer une tradition détestable allant à l'encontre de toute logique militaire. Il faut regretter que la génération d'une nouvelle armée n'a pas permis la création d'un centre de compétence en matière de doctrine, sur le modèle du TRADOC américain ou du CDES français. Nous devrons tôt ou tard y venir.


La véritable transfiguration de notre doctrine en matière de défense, les modifications dues à l'interopérabilité et dans une moindre mesure l'importance accrue donnée aux engagements subsidiaires, vont par ailleurs nécessiter une reconversion de taille pour la totalité des cadres actuels de l'armée. Toutefois, comme l'entraînement en formation à partir du niveau bataillon sera placé sous la responsabilité d'états-majors d'engagement (brigades ou zone territoriales) constitués majoritairement de miliciens, n'est-ce pas là un objectif trop ambitieux ? Les officiers non professionnels ont-ils vraiment la disponibilité requise pour être capables, dans l'armée XXI, de conduire et d'instruire des engagements parfois complètement différents – notamment pour l'infanterie –, dans des structures, selon des méthodes et avec un vocabulaire nouveaux ?


Enfin, s'il convient de souligner l'importance considérable apportée par le PDA à la guerre de l'information, il faut regretter la claire renonciation de l'armée à toute maîtrise en matière de contenu de l'information – le PDA précisant que cela doit être réglé au niveau des autorités civiles. Non seulement cette décision va à l'encontre de toutes les expériences en matière de coopération civilo-militaires et d'opérations d'information faites par les Forces armées occidentales durant les années 90, mais elle ne correspond pas à l'augmentation d'activités sensibles (missions et instruction à l'étranger, engagements subsidiaires de sûreté, etc.) qu'entraînera le passage à l'armée XXI, et donc à son besoin en matière de communication.



Conclusion : en avant !

Naturellement, le PDA en est au stade d'avant-projet et de toute manière la consolidation de l'armée XXI amènera déjà certaines modifications dans de nombreux domaines. Néanmoins, sur l'ensemble des éléments de la nouvelle armée, l'écrasante majorité de points positifs fait que ce projet mérite notre appui, notamment lors de la votation sur le référendum à la révision de la LAAM, le 10 juin prochain.


Cap Ludovic Monnerat   






Source

"Plan directeur de l'armée XXI", projet du 21.2.2001



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