La Révolution de la chose militaire, conjuguée à l'avènement de l'âge de l'information, promet de considérablement influencer la guerre future. Le projet de l'Army Force XXI correspond déjà à ce nouveau milieu. Pendant ce temps, l'Army se concentre sur un horizon plus lointain - l'Army After Next (AAN), qui examine l'art de la guerre en 2025. Des perfectionnements anticipés dans la connaissance de l'espace de combat aideront les chefs à exploiter les progrès en mobilité, assurant une vitesse largement accrue. Ces deux concepts - connaissance et vitesse - sont les mots de passe de l'AAN.
Combattre des forces AAN complètement modernisées sera une tâche effrayante. Même la confrontation avec des unités de l'Armée XXI, qui peupleront le champ de bataille de 2025, sera extrêmement délicat. Cet article décrit les impressions d'adversaires que nous pourrons rencontrer en 2025. A ce jour, le projet AAN s'est concentré sur l'opposition à deux types d'adversaires: Rouge, un ennemi modernisé au niveau technologique légèrement inférieur à celui de l'US Army; et Orange, une organisation commerciale transnationale menant des activités légales comme illégales et menant actuellement une insurrection. Cet article va examiner les impressions de Rouge et d'Orange au sujet de l'AAN.
Rouge (Point de vue d'un commandant de division)
J'ai rencontré pour la première fois l'AAN dans le sud-ouest asiatique. Alors que je poursuivais le projet national visant à étendre notre influence dans la région du golfe Persique, mes supérieurs ordonnèrent à ma division de prendre un secteur d'attente et d'être prête à renforcer les opérations de première ligne. Occuper un secteur d'attente statique était une erreur. Les forces bleues, très similaires aux forces AAN américaines, ont un incroyable de degré de connaissance de la zone de combat. De sorte que tout ce qui est à l'air libre peut être découvert et potentiellement détruit.
La supériorité de l'information donna à Bleu une conscience de la zone de combat sans précédent, et entraîna la destruction de ma division en à peine plus de 30 minutes. La mort rapide d'une unité aussi grande m'a surpris. Par conséquent, mon état-major et moi-même avons immédiatement commencé à inventer de nouvelles tactiques. Certaines ont fonctionné, d'autres pas. Sans tenir compte du résultat, j'ai appris à constamment varier mes tactiques pour compliquer la phase ennemie de l'acquisition des buts, et à utiliser le terrain pour dissimuler notre emplacement.
Mes premières tentatives pour rendre plus difficile la localisation de mes forces n'ont guère apporté de bénéfice. Des changements aléatoires dans le sens de marche des forces mécanisées, même lorsqu'elles se déplacent à plus de 100 km/h par de soudaines accélérations, n'ont pas réussi à empêcher les attaques bleues. Sa conscience de la zone de combat, liée à son robuste appareil de prise de décision, a facilité un rapide ajustement des frappes, qu'elles soient le fait d'avions, de munitions guidées à longue portée ou d'embuscades menées par des systèmes terrestres hautement meurtriers. Mes appareils à signatures électroniques fantômes ont un peu aidé, mais au bout du compte ont échoué dès lors qu'un senseur était à portée pour dénombrer les systèmes.
La capacité de Bleu à déconnecter mon réseau DCA était particulièrement frustrante. Ses senseurs et contre-mesures ont détecté et aveuglé mes senseurs et armes, en faisant des cibles faciles à détruire. Mon incapacité à protéger mes forces de la détection ou de l'attaque aérienne, sans tenir compte de l'assistance militaire impliquée, m'a contraint à chercher ailleurs une voie menant à la survie et au succès.
Ma rencontre suivante avec l'AAN a eu lieu lors d'une série d'engagements en Europe. Mettre à couvert et dissimuler mes forces est rapidement devenue une préoccupation majeure. Les secteurs boisés ont quelque peu aidé. J'ai également dit à mes subordonnés d'user de mesures technologiquement limitées, comme l'emploi de filets de camouflage pour détourner les sous-munitions juste avant l'impact. L'idée était d'utiliser tout moyen disponible pour bloquer ou détourner une munition ainsi que pour se cacher.
Le pas suivant, pour moi, a été d'occuper un milieu urbain comme couvert d'aguet, pour ensuite en sortir et frapper. Les bâtiments m'ont fourni une double protection. Premièrement, les senseurs bleus avaient de la difficulté à voir à travers parois et toitures. Quoique que certains senseurs passant à travers la maçonnerie ou volant à travers les fenêtres puissent exister, il est difficile d'imaginer qu'ils soient disponibles en nombre suffisant pour des forces de la taille d'un régiment, d'une division ou d'un corps d'armée. Mener une libération d'otages dans une pièce ou deux n'a rien à voir avec attaquer des centaines, peut-être des milliers, de systèmes d'armes défendus par des milliers de soldats.
Les zones urbaines m'ont également protégé en me procurant un bouclier civil. Comme ma conduite politique m'a amené à conclure qu'envahir un autre pays était dans notre intérêt, je me suis logiquement trouvé au sein d'une population hostile. Gagner leur soutien s'est avéré impossible. Par conséquent, je n'étais pas particulièrement préoccupé par des dommages collatéraux ou des pertes civiles. Je n'avais pas spécialement le désir d'en tuer beaucoup, mais je n'étais pas concerné par les morts et blessés résultant de mes opérations. Heureusement pour moi, Bleu en était très préoccupé.
L'occupation intentionnelle d'une zone urbaine a ralenti le rythme des opérations. Bleu répugnait à tuer des civils, même par mégarde, trouvant moralement inacceptable de faire délibérément du tort à des non-combattants. De même, Bleu ne voulait pas tuer les citoyens de ses alliés. Sa mission était de protéger les habitants de l'occupant; les tuer n'aurait pas fonctionné.
Ces points de vue très différents sur les conséquences acceptables du combat en milieu urbain ont entraîné un immense changement dans la nature du combat. Mes soldats et mes armes étaient plus difficiles à trouver et à détruire, parce que les structures bâties fournissaient protection physique et couvert. De plus, la peur de dommages collatéraux força Bleu a être très prudent et méthodique dans ses attaques pour empêcher ou au moins diminuer les victimes civiles. Dans certaines situations, Bleu a simplement choisi d'essayer de m'encercler et m'affamer. C'était acceptable. Le manque de patience des citoyens bleus jouait en ma faveur.
Une autre tactique qui s'est avérée utile consistait à séparer mes systèmes terrestres, plus lents, de mes hélicoptères de combat. Comme Bleu était parvenu à un incroyable degré de mobilité sur le champ de bataille, avec son concept air-mécanisé mariant une plate-forme aérienne à un véhicule blindé, j'ai choisi de chercher des niveaux de mobilité similaires en utilisant mes voilures tournantes.
Plusieurs fois, j'ai été capable de surprendre les forces bleues en séparant mes hélicoptères d'attaque et de transport de troupe de mes éléments terrestres plus lourds, afin de frapper une zone moins protégée, de prendre un terrain clé ou de bloquer une unité AAN. Lorsque les conditions météo le permettaient, les hélicoptères ont fourni un remarquable degré de mobilité. Coordonner des telles attaques avec des munitions guidées à longue portée a encore accru leur utilité.
Malheureusement, je ne suis pas parvenu à monter une attaque efficace combinant voilures fixes et tournantes contre Bleu. Tout au long de l'engagement, Bleu a maintenu sa supériorité aérienne. Toutefois, quelques combats air-air accidentels entre les hélicoptères rouges et l'encadrement aérien bleu se sont produits et ont abouti à un taux d'échange d'environ un à un. J'ai de même été capable de rassembler en grand nombre des systèmes, sans pilotes ou non, pour transpercer les défenses bleues et détruire un objectif particulièrement important, mais mes pertes étaient sévères.
Ma tactique finale a été de cacher mes intentions. Un moyen d'exploiter la vitesse de mes hélicoptères étaient d'orienter mes forces lourdes vers un objectif rentable, puis soudain de lancer mes forces héliportées vers l'objectif véritable. Les commandants ont toujours fait ainsi. Les systèmes de renseignement, ceux de Bleu ou de toute autre nation, peuvent contrôler les capacités ainsi que les positions et activités actuelles, mais personne n'a de boule de cristal. Les plans et les capacités de réserve doivent être flexibles et avoir du ressort afin qu'un commandant puisse rapidement réagir à l'inattendu.
Même avec une énorme amélioration dans la capacité de "voir" le champ de bataille, il restera possible de "montrer" une action en cours et ensuite faire autre chose. Les facteurs temps, distance et vitesse détermineront alors si la cible de la déception peut réagir assez vite pour contrer la vraie intention.
Mon discours a principalement porté sur les événements du champ de bataille, qui sont généralement de nature tactique ou opérative. Toutefois, certaines caractéristiques des forces bleues m'ont conduit à prendre ou à argumenter pour (si un effet stratégique était inclus) des décisions que certains considéreraient comme étant inhabituelles. Ces décisions avaient trait à l'espace et à la patrie bleue, à la fois sanctuaire et source de dissuasion.
Mes engagements initiaux avec les forces complètement modernisées de Bleu ont révélé leur capacité d'information sans précédent. Une grande part de cette capacité a semblé dépendre de systèmes spatiaux. Par conséquent, lorsque j'ai été confronté à une attaque bleue probable, j'ai demandé une frappe dans l'espace pour réduire, sinon éliminer, cet avantage bleu. Après maints débats, mon président a été d'accord.
Les forces bleues et rouges avaient une très solide architecture spatiale, comprenant plusieurs systèmes d'armes. Etant donné la capacité bleue de frapper un satellite avec un laser terrestre, prouvée depuis octobre 1997, la capacité d'attaquer des satellites est une option tentante.
Lorsque le combat spatial s'est achevé, virtuellement aucun système autre que les alarmes stratégiques n'était opérationnel. Les deux parties avaient employé prudemment leurs armes afin de minimiser le danger impliqué par le fait qu'un échange stratégique nucléaire soit sur le point d'avoir lieu.
Même lorsque nous avons utilisé des armes nucléaires pour détruire des satellites, les trajectoires limitaient à l'évidence l'attaque à l'espace. Toutefois, Bleu avait un point de vue très différent sur notre souveraineté nationale et nos systèmes spatiaux.
Nous considérions l'espace comme une zone internationale. Les attaques des systèmes spatiaux accroissant les capacités militaires bleues signifiaient la destruction de matériel pouvant interférer avec ma mission. Pour nous, la "souveraineté nationale" bleue n'était pas impliquée. Lorsque Bleu montra les premiers indices d'un mouvement de forces vers la région menacée, éliminer ces systèmes spatiaux inhabités était pour nous une mesure de protection obligatoire. Bleu ne l'a pas vu de même.
Bleu considérait l'attaque de ses systèmes spatiaux comme une attaque contre sa souveraineté nationale et a promptement répliqué, tout d'abord dans l'espace uniquement. Les deux parties ont été surprises par l'escalade effrayante des offensives qui ont suivi. Bleu prit la décision de détruire notre laser terrestre. Cela nous a surpris, car nous n'avions intentionnellement rien attaqué sur leur territoire. Mais Bleu considérait apparemment l'attaque d'un système physiquement inclus dans les frontières nationales rouges - mais engagé dans le combat spatial - comme une simple extension de celui-ci. Nous avons changé d'avis.
L'attaque de notre laser terrestre nous a contraint à une décision critique. Pour nous, Bleu avait violé notre sol national. Par conséquent, le sol national bleu s'ouvrait à notre offensive. Même avec cette provocation injustifiée, nous avons d'abord attaqué un laser terrestre bleu. Malheureusement, la vitesse et la portée des opérations a poursuivi son escalade et nous avons finalement lancé des missiles de croisière mer-sol contre les complexes logistiques spatiaux et les sites de déploiement stratégique sur le territoire bleu.
De toute évidence, les combats spatiaux peuvent dégénérer en attaques terrestres. Si les systèmes terrestres tels que plates-formes de lancement, armes ou installations de commandement et contrôle (C2) influencent les opérations spatiales, les chefs militaires se sentiront contraints de les attaquer. Les conséquences involontaires de telles actions peuvent conduite à une escalade. Les belligérants peuvent ne pas comprendre leurs points de vue respectifs sur les actions en cours.
Alors même que les deux parties se sont abstenues de toute offensive à grande échelle sur le sol ennemi, de peur d'un échange nucléaire stratégique, les territoires nationaux ont tous deux été violés. Les forces rouges et bleues ont fait preuve d'une remarquable retenue, mais n'ont pas nécessairement considéré des attaques sélectives comme étant la fin du monde. En fait, les chefs militaires rouges ont argumenté pour de telles offensives contre les forces AAN avant qu'elles ne s'opèrent depuis le territoire bleu. Le président rouge négligea ces demandes jusqu'à ce que Bleu attaque notre laser. Les diverses perspectives et incompréhensions entre Rouge et Bleu ont constitué une dynamique intéressante.
La dissuasion fut également un concept intéressant que nous avons exploré. En raison de la proximité de la nation promise à notre attaque, pour ses persécutions d'ethnies rouges, nous n'avons pas été dissuadés par la présence des forces armées terrestres, aériennes, navales ou marines bleues sur le théâtre d'opérations. Nous nous attendions à vaincre rapidement notre ennemi, avant que Bleu puisse nous arrêter. Toutefois, dans au moins un scénario, des forces AAN complètement modernisées ont été déployées avant le début des hostilités. Ce qui eut un impact significatif.
Dans cette situation, nous savions ne pas pouvoir nous emparer du pays cible. Capturer des centres urbains clés était notre seul espoir, considérant un accord négocié réduisant les tensions ethniques et territoriales comme un moyen d'être victorieux. Nous avons usé d'une manœuvre vers un pays différent comme diversion pendant que nos forces d'assaut aériennes attaquaient des objectifs-clés sélectionnés, lesquels restaient tous à portée des unités DCA positionnées en territoire rouge. Le conflit s'est rapidement enlisé, en raison de la difficulté à remporter rapidement un combat en milieu urbain et de la DCA rouge, abattant les avions bleus de ses positions relativement sûres derrière nos frontières. Cependant, toute attaque bleue sur le territoire rouge signifierait une escalade du conflit - un pas à ne pas prendre à la légère.
D'un point de vue militaire rouge, ce phénomène particulièrement intéressant a été le prétexte pour le début des opérations de combat bleues - tout d'abord une opération d'évacuation des non-belligérants (OEN). Un grand nombre de citoyens bleus, y compris des instructeurs militaires, se trouvaient dans le pays envahi. Naturellement, Bleu voulait les évacuer.
Nos propres tentatives pour effectuer une OEN ne furent pas soutenues par Bleu. Ses alliés de l'OTAN étaient tous préoccupés par le conflit, mais répugnaient à y être impliqués. Bleu prit alors la décision unilatérale de lancer une OEN, sans tenir compte de nos mises en garde répétées. Nous craignions que nos forces tuent des soldats bleus sans réaliser qu'ils effectuaient une OEN, et nous redoutions que Bleu utilise ces victimes accidentelles comme justification pour nous attaquer et étendre le conflit.
Convaincu de l'invasion bleue, j'ai alors préparé deux embuscades afin d'infliger des dégâts lors de l'assaut aérien et mécanisé attendu comme l'effort principal de l'attaque. Malheureusement, cette force air-mécanisée effectua une OEN avant de tomber dans un de mes secteurs d'embuscade. Mes soldats engagèrent les forces bleues, car elles apparaissaient comme menant une invasion, transformant l'évacuation en une confrontation sanglante.
Bleu finit par l'emporter, mais l'essentiel ici est que notre manque de confiance quant aux intentions d'évacuation bleues apparut justifié à nos yeux. Bleu mena son OEN comme une opération d'emblée intolérante. Ils en vinrent à ouvrir le feu. De ce fait, lorsque les forces bleues entrèrent dans la zone d'embuscade en tirant sur mes unités, mes soldats ont résisté. Si un pays commence à utiliser une OEN comme une tactique destinée à dissimuler une plus grande opération, ou perçue comme telle, cette évacuation peut automatiquement être considérée comme une invasion.
Les avantages technologiques bleus en termes d'information et de vitesse, appuyés par un armement amélioré, se sont révélés virtuellement impossibles à surmonter. L'incapacité à soutenir un face-à-face avec Bleu contraint l'ennemi à chercher une approche asymétrique. Le milieu urbain, les opérations spatiales et les attaques du sol national sont des sujets qui méritent une recherche supplémentaire. Nous les avons considérés comme des méthodes pour contrecarrer la domination bleue du champ de bataille.
Orange (Point de vue d'un technoterroriste de système d'information)
Orange était vraiment un adversaire du 21e siècle. Nous étions une entreprise, avec des éléments légaux, illégaux et rebelles. Nous avions un système C2 global avec des bureaux financiers, d'information et de coordination médiatique, nous permettant d'exploiter l'explosion de la technologie de l'information.
Nos intérêts commerciaux fournissaient l'argent pour soutenir et étendre nos opérations. Nous possédions des affaires allant des forces de sécurité privées à l'expédition (sur terre, par air ou mer), en passant par le piratage, la drogue ou la vente d'armes. Nous considérions toutes ces transactions comme un moyen de faire du fric. Notre objectif ultime: prendre le contrôle de notre pays.
Nous étions très différents de Rouge. Nous étions bien plus complexes et difficiles à analyser. En fait, les forces bleues se sont demandé si les termes de leur doctrine standard, tels que "centre de gravité", étaient toujours utilisables. Notre structure diffuse, type toile d'araignée, réduisait toute attaque à enfoncer un doigt dans de la gélatine: lorsque vous retirez le doigt, le trou se referme. Nous avions aussi plus de flexibilité dans le développement des actions en cours. Notre structure était non conventionnelle, et en tant que révolution nommée Nouveau Mouvement Nationaliste, nous pouvions utiliser le temps comme avantage. Le contrôle de la population, et non la lutte militaire, était le moyen d'atteindre la victoire.
Nous nous sommes grandement efforcés de ne pas provoquer militairement les forces bleues. Toute confrontation entraînait notre retraite. Si nous étions attaqués par des forces air-mécanisées modernisées ou conventionnelles, nous employions de petites embuscades et des snipers. Nous nous sommes dispersés en zone urbaine pour nous dissimuler et pour obliger Bleu et notre ennemi juré, le gouvernement national vert, à risquer victimes civiles et dommages à la propriété pour nous détruire. Des manifestations et des émeutes organisées nous ont aidés à masquer nos mouvements de troupes et ont procuré davantage d'occasions pour provoquer les forces bleues ou vertes et faire tuer des civils. Chaque civil blessé ou tué était un événement médiatique, y compris lorsque Bleu immobilisait des enfants avec de la mousse collante non létale pendant une manifestation. Nous nous sommes assurés que la couverture télévisuelle soit complète.
Le but de notre campagne était de décrire le gouvernement vert comme une grossière marionnette des puissances occidentales. Nous avons utilisé chaque incident impliquant un membre des forces bleues ou d'un autre pays occidental, entrant au pays ou discourant en public à notre sujet, comme preuve supplémentaire que notre message était vrai. Les désertions militaires vertes pour notre camp ont également raffermi nos revendications. Les tentatives d'assassinat contre les leaders verts montraient que Vert était incapable de contrôler sa propre population.
Dès lors qu'une opération militaire directe contre Bleu menait à une défaite assurée, nous avons également essayé plusieurs approches asymétriques. Nous avons fait voler des avions civils sur des navires bleus pour tenter, soit de les endommager, soit de les forcer à abattre notre avion. Les décombres flottantes apportaient plus d'opportunités photographiques pour les médias internationaux. Nous avons même vidé une morgue, déposé les cadavres à bord d'un 757 télécommandé - un charter d'un groupe commercial - et fait piquer l'avion sur un groupe de combat aéronaval. Lorsque la DCA navale l'a abattu, nous avons eu le grand frisson. Les médecins bleus examinant les cadavres ont immédiatement su qu'ils étaient décédés longtemps avant le naufrage; mais les premières photos des corps sans vie "tués" par la marine bleue s'ancrèrent dans de nombreux esprits, dans notre pays intrinsèquement méfiant envers les Occidentaux. Nous avons cherché à gérer leur sensibilité, pas nécessairement de dévoiler la vérité.
Des navires cargo télécommandés étaient également des armes dans les canaux maritimes encombrés. Nous en avons utilisé un pour faire sauter un pont, et nous avons intentionnellement coulé un pétrolier pour entraîner une marée noire et la reprocher aux gouvernements bleu et vert. Nous avons armé des chalutiers avec des tubes lanceurs de torpilles autoguidées. La leçon de base que nous avons appris à Bleu était celle-ci: lorsque l'on fait face à un ennemi manquant de puissance militaire, il faut s'attendre à ce que l'ennemi use de tous les moyens a priori innocents, car nul ne peut abattre, détruire ou couler tout véhicule ou objet suspect sans donner l'image d'un étranger haineux et meurtrier.
Bleu a également conduit une opération d'évacuation des non-belligérants dans ce contexte. Au début, l'opération était tolérée et s'était adjoint les services de la police de sécurité commerciale orange. Lorsque des émeutes imprévues menacèrent ses citoyens, Bleu supposa que l'opération se déroulait dans un environnement intolérant. La collaboration cessa des deux côtés.
Alors que nous délibérions sur la signification de la présence bleue, le temps commença à jouer un rôle majeur. Plus longtemps Bleu resterait, plus grande était notre crainte d'une invasion et nous avons lutté contre ce scénario. Vert utilisait la présence bleue pour dissimuler l'entrée de ses propres forces loyalistes dans la région. Nous avons donc considéré l'OEN comme une mesure de déception car elle apparaissait comme une simulation de l'invasion. Si les OEN sont perçues comme des tactiques pour couvrir des opérations de combat létales, toutes peuvent devenir intolérables. Cela peut encourager les belligérants à retenir des citoyens bleus en otage ou comme boucliers, pour diminuer l'aptitude bleue d'agir ouvertement.
La nature globale de notre système d'information a contraint Bleu à conduire des opérations partout dans le monde pour essayer de nous "décapiter". Nous avons perdu de nombreux dirigeants, mais notre structure en toile d'araignée a survécu avec suffisamment de force pour poursuivre les opérations. Comme nos avoirs étaient globalement répartis, Bleu s'est révélé incapable d'endommager suffisamment nos intérêts commerciaux, par des sanctions économiques ou des embargos, pour pouvoir nous stopper. Lorsque Bleu captura quantité de notre personnel affecté à nos satellites de communication ou à l'information, nous avons intenté un procès à leur gouvernement, proclamant que leur arrestation illégale n'était qu'une simple tentative d'enfermer nos gens en raison de leurs opinions politiques. Après tout, ce n'étaient que des hommes d'affaires, comme le reste d'Orange.
Dans le seul exemple où Bleu échafauda une frappe d'envergure sur nos forces militaires, l'opération eut pour conséquence inattendue d'entraîner plus d'attaques terroristes en guise de représailles sur le territoire bleu. Les offensives bleues coupèrent temporairement nos communications avec nos équipes d'action directe prépositionnées. Cette perte de liaison déclencha des représailles automatiques dans lesquelles de nombreux citoyens bleus périrent.
Le temps était notre allié, et quand Bleu et Vert commencèrent à tuer ou à emprisonner nos membres, nous avons fait retraite dans les bras d'une population amie et avons décidé d'attendre. Nous vaincre n'était pas une action à court terme. La complexité et l'élasticité d'une telle organisation signifiaient que les forces bleues devaient être prêtes à une opération de longue haleine.
L'avantage technologique bleu va probablement subsister dans le futur prévisible. Cela signifie que les forces militaires bleues seront imbattables en combat face-à-face. Par conséquent, une nation ou quelque groupe essayant d'entreprendre des actions auxquelles Bleu pourrait militairement s'opposer le feront prudemment; ils tenteront de parvenir à leurs fins avant que les dirigeants bleus puissent agir militairement.
En cas d'échec, ces adversaires chercheront alors des voies asymétriques pour attaquer Bleu sans être confrontés à ses capacités militaires supérieures. Ces actions peuvent aller de l'attaque de satellite, pour réduire la domination bleue dans le domaine de l'information, à l'occupation de zones urbaines en espérant que la crainte de victimes civiles et de dommages collatéraux dissuade ou retienne Bleu d'agir. Le territoire bleu n'est plus un sanctuaire et peut faire face à des offensives médiatiques, terroristes ou conventionnelles. La déception et sa crainte continueront à façonner la dynamique du champ de bataille.
Les Etats-Unis doivent maintenir leur avantage technologique actuel, tout en examinant prudemment les faiblesses potentielles à travers lesquelles des adversaires pourraient contourner les mesures de sécurité US. Les forces militaires doivent être préparées à défaire une variété de menaces, parce que leurs avantages militaires obligeront leurs adversaires à chercher des axes d'attaque inattendus et non conventionnels. Il est crucial de voir le monde à travers les yeux d'adversaires potentiels; leur perception peut apporter d'utiles aperçus en vue d'employer au mieux les capacités qui seront développées pour l'avenir.
Traduction: Lt Ludovic Monnerat
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